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15/03/2019 | FRANCE | N°18NT02321

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 4ème chambre, 15 mars 2019, 18NT02321


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme F...C...a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 27 avril 2018 par lequel le préfet de Maine-et-Loire a décidé sa remise aux autorités allemandes en vue de l'examen de sa demande d'asile et l'a assignée à résidence.

Par une ordonnance n° 1804490 du 25 mai 2018, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 14 juin 201

8, MmeC..., représentée par Me D..., demande à la cour :

1°) d'annuler cette ordonnance du magistr...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme F...C...a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 27 avril 2018 par lequel le préfet de Maine-et-Loire a décidé sa remise aux autorités allemandes en vue de l'examen de sa demande d'asile et l'a assignée à résidence.

Par une ordonnance n° 1804490 du 25 mai 2018, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 14 juin 2018, MmeC..., représentée par Me D..., demande à la cour :

1°) d'annuler cette ordonnance du magistrat désigné du tribunal administratif de Nantes du 25 mai 2018 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 27 avril 2018 du préfet de Maine-et-Loire portant remise aux autorités allemandes ;

3°) d'enjoindre au préfet de Maine-et-Loire de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour d'une durée minimale d'un mois et de transmettre sa demande d'asile à l'office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) dans un délai de 8 jour à compter du prononcé du présent arrêt ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil d'une somme de 1 800 euros sur le fondement des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991.

Elle soutient que :

sur la régularité de l'ordonnance attaquée : l'ordonnance est entachée d'irrégularité dès lors que sa demande n'était pas tardive et par suite irrecevable ;

sur le bien fondé de l'ordonnance attaquée :

- la décision de remise aux autorités allemandes est entachée d'incompétence de son auteur ;

- la décision est insuffisamment motivée et révèle que le préfet n'a pas procédé à un examen particulier de sa situation personnelle ;

- la décision est intervenue à l'issue d'une procédure irrégulière, en méconnaissance des dispositions du paragraphe 1 de l'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 et de l'article 5 de ce même règlement ;

- la décision est entachée d'une erreur de fait ainsi que d'une erreur de droit, en ce que le préfet s'est cru à tort lié par les critères de détermination prévus par le règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 ;

- la décision est entachée d'erreurs manifestes d'appréciation de sa situation au regard des articles 3-2 et 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013, des articles 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et 4 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant du 26 janvier 1990.

Par un mémoire en défense, enregistré le 28 août 2018, le préfet de Maine-et-Loire conclut au rejet de la requête.

Il soutient que si la demande de première instance de Mme C...ne présentait pas un caractère tardif, aucun des moyens soulevés par Mme C...contre la décision litigieuse n'est fondé.

Mme C...a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 13 août 2018.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant du 26 janvier 1990 ;

- le règlement (UE) n° 603/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;

- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Besse a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. MmeC..., ressortissante russe d'origine tchéchène née le 22 janvier 1981, déclare être entrée pour la dernière fois en France, de manière irrégulière, le 18 novembre 2017, accompagnée de son époux et de leurs sept enfants. Elle a présenté une demande d'asile auprès de la préfecture de Maine-et-Loire le 29 décembre 2017. Les recherches effectuées sur le fichier Eurodac ont révélé que ses empreintes avaient été précédemment relevées en Pologne le 4 mai 2012, puis en France le 11 septembre 2012 ainsi qu'en Allemagne le 14 octobre 2016, dans le cadre de précédentes demandes d'asile, sa demande déposée en France ayant fait l'objet d'une décision de rejet par l'OFPRA le 29 avril 2015 confirmée par la Cour nationale du droit d'asile le 24 mars 2016. Le 2 janvier 2018, le préfet de Maine-et-Loire a saisi les autorités allemandes d'une demande de reprise en charge de l'intéressée sur le fondement du paragraphe 1 de l'article 18 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013, que ces mêmes autorités ont expressément acceptée le 5 janvier 2018. Par un arrêté du 27 avril 2018, le préfet de Maine-et-Loire a décidé de remettre Mme C...aux autorités allemandes. Mme C...relève appel de l'ordonnance du 25 mai 2018 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nantes a rejeté comme irrecevable sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur la régularité de l'ordonnance attaquée :

2. D'une part, aux termes de l'article L. 742-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans sa rédaction issue de la loi n° 2018-187 du 20 mars 2018, entrée en vigueur le 22 mars 2018 : " 1. - L'étranger qui a fait l'objet d'une décision de transfert mentionnée à l'article L. 742-3 peut, dans le délai de sept jours à compter de la notification de cette décision, en demander l'annulation au président du tribunal administratif ".

3. D'autre part, aux termes de l'article R. 421-5 du code de justice administrative : " Les délais de recours contre une décision administrative ne sont opposables qu'à la condition d'avoir été mentionnés, ainsi que les voies de recours, dans la notification de la décision ". Il résulte de ces dispositions que, lorsque les mentions relatives aux délais de recours contre une décision administrative figurant dans la notification de cette décision sont erronées, elles doivent être regardées comme seules opposables au destinataire de la décision lorsqu'elles conduisent à indiquer un délai plus long que celui qui résulterait des dispositions normalement applicables.

4. Il ressort des pièces du dossier que l'arrêté du préfet de Maine-et-Loire de remise de Mme C...aux autorités allemandes a été notifié à l'intéressée le 7 mai 2018 à 10h40. Cette notification comportait cependant la mention erronée d'un délai de recours de quinze jours au lieu du délai de sept jours prévu par l'article L. 742-4 alors applicable du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Ainsi, seul le délai de quinze jours était opposable à MmeC.... Dans ces conditions, la demande de cette dernière, enregistrée le 18 mai 2018 au greffe du tribunal administratif de Nantes, ne pouvait être regardée comme ayant été présentée tardivement, après l'expiration du délai de recours ouvert à la requérante. Par suite, ainsi d'ailleurs que le reconnaît le préfet de Maine-et-Loire, Mme C...est fondée à soutenir que c'est à tort que le magistrat désigné du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa requête comme irrecevable.

5. °Par voie de conséquence, il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par Mme C... devant le tribunal administratif de Nantes.

Sur la légalité de la décision de remise aux autorités allemandes :

6. En premier lieu, il ressort de la consultation du recueil des actes administratifs de la préfecture de Maine-et-Loire accessible sur le site internet de la préfecture que, par un arrêté du 26 février 2018 régulièrement publié le même jour, le préfet de Maine-et-Loire a accordé à Mme E...A..., directrice de l'immigration et des relations avec les usagers, une délégation à l'effet de signer notamment les décisions de transfert prises en application du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence du signataire de l'arrêté du 27 avril 2018 portant remise de Mme C...aux autorités allemandes doit être écarté comme manquant en fait.

7. En deuxième lieu, en application de l'article L. 742-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, la décision de transfert dont fait l'objet un ressortissant de pays tiers ou un apatride qui a déposé auprès des autorités françaises une demande d'asile dont l'examen relève d'un autre Etat membre ayant accepté de le prendre ou de le reprendre en charge doit être motivée, c'est-à-dire qu'elle doit comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement. Pour l'application de ces dispositions, est suffisamment motivée une décision de transfert qui mentionne le règlement du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 et comprend l'indication des éléments de fait sur lesquels l'autorité administrative se fonde pour estimer que l'examen de la demande présentée devant elle relève de la responsabilité d'un autre Etat membre, une telle motivation permettant d'identifier le critère du règlement communautaire dont il est fait application.

8. La décision prononçant le transfert de Mme C...aux autorités allemandes vise notamment le règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 ainsi que le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dont son article L. 742-3. Elle relève en outre le caractère irrégulier de l'entrée en France de Mme C...et rappelle le déroulement de la procédure suivie lorsque celle-ci s'est présentée devant les services de la préfecture de Maine-et-Loire, en précisant que la consultation du système Eurodac a fait apparaître que l'intéressée était connue des autorités polonaises, françaises et allemandes auprès desquelles elle a successivement sollicité l'asile le 4 mai 2012, le 18 juin 2013 et le 14 octobre 2016. La décision rappelle en outre qu'à la suite de sa demande d'asile en France, Mme C...a fait l'objet d'un arrêté de transfert vers la Pologne le 8 septembre 2012, mais que cette mesure de transfert n'ayant pas été exécutée dans les délais requis la France est devenue responsable de l'examen de sa demande d'asile, et que cette demande a fait l'objet d'une décision de rejet par l'OFPRA le 29 avril 2015, confirmée par la cour nationale du droit d'asile le 24 mars 2016. La décision indique également qu'à la suite de ce rejet, la requérante a déposé une demande d'asile le 14 octobre 2016 auprès des autorités allemandes, qui ont alors saisi les autorités françaises d'une demande de reprise en charge le 28 décembre 2016, lesquelles ont rejeté cette demande de reprise en charge en application de l'article 23-3 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013. La décision indique enfin que Mme C...est revenue en France le 18 novembre 2017 pour y présenter une nouvelle demande d'asile auprès de la préfecture de Maine-et-Loire le 29 décembre 2017, et que les autorités allemandes, saisies par le préfet le 2 janvier 2018 d'une demande de reprise en charge de l'intéressée en application du b) du paragraphe 1 de l'article 18 du règlement du 26 juin 2013, ont expressément accepté cette reprise en charge le 5 janvier 2018. Il en résulte que cette décision, qui comporte l'énoncé détaillé des considérations de droit et de fait qui la fondent et révèle que le préfet a procédé à un examen complet de la situation personnelle de la requérante, est suffisamment motivée dès lors notamment qu'elle permet d'identifier le critère du règlement communautaire dont l'autorité préfectorale a fait application. Par ailleurs, le préfet n'était pas tenu de motiver son refus de faire application des dispositions de l'article 17 du même règlement qui permettent à chaque Etat membre de l'Union de décider d'examiner une demande de protection internationale. Par suite, les moyens tirés de l'insuffisance de motivation de la décision et du défaut d'examen particulier et complet de la situation de Mme C...doivent être écartés.

9. En troisième lieu, Mme C...ne peut utilement invoquer à l'encontre de la décision prononçant sa remise aux autorités allemandes le moyen tiré de la méconnaissance de l'obligation d'information prévue par les dispositions du 1 de l'article 29 du règlement n 603/2013 du 26 juin 2013, qui a uniquement pour objet et pour effet de permettre d'assurer la protection effective des données personnelles des demandeurs d'asile concernés.

10. En quatrième lieu, aux termes de l'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013 susvisé du 26 juin 2013 : " 1. Dès qu'une demande de protection internationale est introduite au sens de l'article 20, paragraphe 2, dans un État membre, ses autorités compétentes informent le demandeur de l'application du présent règlement,(...) 2. Les informations visées au paragraphe 1 sont données par écrit, dans une langue que le demandeur comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'il la comprend. Les États membres utilisent la brochure commune rédigée à cet effet en vertu du paragraphe 3. / Si c'est nécessaire à la bonne compréhension du demandeur, les informations lui sont également communiquées oralement, par exemple lors de1'entretien individuel visé à l'article 5. / (...) ". Il résulte de ces dispositions que le demandeur d'asile auquel l'administration entend faire application du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 doit se voir remettre, dès le moment où le préfet est informé de ce qu'il est susceptible d'entrer dans le champ d'application de ce règlement, et, en tout cas, avant la décision par laquelle l'autorité administrative décide de ne pas instruire la demande de l'intéressé au motif que la France n'est pas responsable de sa demande d'asile, une information complète sur ses droits, par écrit ou, si nécessaire pour la bonne compréhension du demandeur, oralement, et dans une langue qu'il comprend. Cette information doit comprendre l'ensemble des éléments prévus au paragraphe 1 de l'article 4 du règlement. Eu égard à la nature de ces informations, leur délivrance complète par l'autorité administrative, notamment par la remise de la brochure prévue par les dispositions précitées, constitue pour le demandeur d'asile une garantie.

11. Il ressort des pièces du dossier, notamment des mentions figurant sur le formulaire qu'elle a signé à l'issue de l'entretien individuel dont elle a bénéficié le 29 décembre 2017, avec le concours, par téléphone, d'un interprète assermenté en langue tchéchène qu'elle a déclaré comprendre, que Mme C...a reçu communication du guide du demandeur d'asile et des brochures d'information, qui comportent l'ensemble des informations requises par les dispositions de l'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013. Il ressort par ailleurs des mentions du compte-rendu de l'entretien que ces informations lui ont été délivrées oralement par l'interprète. Par suite, la requérante n'est pas fondée à soutenir qu'elle n'a pas reçu, dès le début de la procédure, une information complète sur ses droits en méconnaissance des dispositions de l'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de ces dispositions doit être écarté.

12. En cinquième lieu, aux termes de l'article 5 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " Entretien individuel : 1. Afin de faciliter le processus de détermination de l'État membre responsable, l'Etat membre procédant à cette détermination mène un entretien individuel avec le demandeur. Cet entretien permet également de veiller à ce que le demandeur comprenne correctement les informations qui lui sont fournies conformément à l'article 4. / 2. (...) / 3. L'entretien individuel a lieu en temps utile et, en tout cas, avant qu'une décision de transfert du demandeur vers l'État membre responsable soit prise conformément à l'article 26, paragraphe 1. / 4. L'entretien individuel est mené dans une langue que le demandeur comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'il la comprend et dans laquelle il est capable de communiquer. Si nécessaire, les États membres ont recours à un interprète capable d'assurer une bonne communication entre le demandeur et la personne qui mène l'entretien individuel. / 5. L'entretien individuel a lieu dans des conditions garantissant dûment la confidentialité. Il est mené par une personne qualifiée en vertu du droit national. / 6. L'État membre qui mène l'entretien individuel rédige un résumé qui contient au moins les principales informations fournies par le demandeur lors de l'entretien. Ce résumé peut prendre la forme d'un rapport ou d'un formulaire type. L'État membre veille à ce que le demandeur et/ou le conseil juridique ou un autre conseiller qui représente le demandeur ait accès en temps utile au résumé ".

13. Ainsi qu'il a été dit au point 11, il ressort des mentions figurant sur le formulaire signé par Mme C...le 29 décembre 2017 qu'elle a bénéficié le jour même, soit avant l'intervention de la décision contestée, de l'entretien individuel prévu par l'article 5 précité du règlement n°604/2013. Cet entretien s'est tenu en langue tchéchène, que l'intéressée a déclaré comprendre, avec le concours par téléphone d'un interprète assermenté. Il n'est à cet égard pas démontré que la requérante n'aurait pas été en capacité de comprendre les informations qui lui ont été délivrées et de faire valoir toutes observations utiles au cours de l'entretien, ainsi que cela ressort du compte-rendu qui en a été établi. En outre, l'absence d'indication de l'identité et de la qualité de l'agent ayant conduit l'entretien individuel n'a pas privé Mme C...de la garantie que constitue le bénéfice de cet entretien. Aucun élément du dossier ne permet par ailleurs de tenir pour établi que ce même entretien individuel n'aurait pas été mené par une personne qualifiée en vertu du droit national et dans des conditions qui n'en auraient pas garanti la confidentialité. Dès lors, le moyen tiré de la violation des dispositions précitées de l'article 5 du règlement du 26 juin 2013 doit être écarté.

14. En sixième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet de Maine-et-Loire n'aurait pas procédé à un examen particulier et complet de la situation personnelle de Mme C... et se serait fondé sur des faits matériellement inexacts pour estimer que l'Allemagne était l'Etat membre responsable de l'examen de la demande d'asile de l'intéressée.

15. En septième lieu, aux termes de l'article 3 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " 1. Les Etats membres examinent toute demande de protection internationale présentée par un ressortissant de pays tiers ou par un apatride sur le territoire de l'un quelconque d'entre eux. La demande est examinée par un seul État membre, qui est celui que les critères énoncés au chapitre III désignent comme responsable. / 2. (...) Lorsqu'il est impossible de transférer un demandeur vers l'Etat membre initialement désigné comme responsable parce qu'il y a de sérieuses raisons de croire qu'il existe dans cet Etat membre des défaillances systémiques dans la procédure d'asile et les conditions d'accueil des demandeurs, qui entrainent un risque de traitement inhumain ou dégradant au sens de l'article 4 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, l'Etat membre procédant à la détermination de l'Etat membre responsable poursuit l'examen des critères énoncés au chapitre III afin d'établir si un autre Etat membre peut être désigné comme responsable ". Par ailleurs, aux termes de l'article 17 du même règlement : " 1. Par dérogation à l'article 3, paragraphe 1, chaque État membre peut décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement. / L'État membre qui décide d'examiner une demande de protection internationale en vertu du présent paragraphe devient l'État membre responsable et assume les obligations qui sont liées à cette responsabilité. (...) ". Il résulte de ces dispositions que si une demande d'asile est examinée par un seul Etat membre et qu'en principe, cet Etat est déterminé par application des critères d'examen des demandes d'asile fixés par son chapitre III, dans l'ordre énoncé par ce chapitre, l'application de ces critères est toutefois écartée en cas de mise en oeuvre de la clause dérogatoire énoncée au paragraphe 1 de l'article 17 du règlement, qui procède d'une décision prise unilatéralement par un Etat membre. Cette faculté laissée à chaque Etat membre est discrétionnaire et ne constitue nullement un droit pour les demandeurs d'asile.

16. D'une part, il ne ressort pas des pièces du dossier que, pour refuser d'instruire en France la demande d'asile de MmeC..., le préfet de Maine-et-Loire, qui n'était pas tenu de motiver son refus de faire application des dispositions de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil, se serait estimé lié par les critères de détermination de l'Etat responsable de l'examen d'une demande d'asile prévus par ce même règlement.

17. D'autre part, si Mme C...soutient qu'elle séjourne en France avec ses sept enfants, dont les cinq premiers sont scolarisés, et que leur père, qui réside en région parisienne, a également sollicité l'asile en France, ces circonstances ne suffisent pas à établir, compte tenu notamment du caractère récent de la présence en France des intéressés après un séjour en Allemagne et en l'absence de circonstance avérée qui ferait obstacle à la reconstitution de la cellule familiale en Allemagne ainsi qu'à la prise en charge sociale et à la scolarisation des enfants en cas de transfert vers ce pays, que le préfet aurait entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions de l'article 17 du règlement (UE) n°604/2013 et des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, et n'aurait pas suffisamment pris en compte l'intérêt supérieur des enfants protégé par les stipulations du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.

18. Il résulte de tout ce qui précède que les conclusions à fin d'annulation de l'arrêté du 27 avril 2018 du préfet de Maine-et-Loire présentées par Mme C...doivent être rejetées. Ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles tendant au bénéfice des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, doivent, par voie de conséquence, être également rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : L'ordonnance du 25 mai 2018 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nantes est annulée.

Article 2 : La demande présentée par Mme F...C...devant le tribunal administratif de Nantes et le surplus des conclusions de sa requête sont rejetés.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme F...C...et au ministre de l'intérieur.

Une copie en sera transmise au préfet de Maine-et-Loire.

Délibéré après l'audience du 26 février 2019, à laquelle siégeaient :

- Mme Tiger-Winterhalter, présidente,

- Mme Allio-Rousseau, premier conseiller,

- M. Besse, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 15 mars 2019.

Le rapporteur,

P. BesseLa présidente,

N. Tiger-Winterhalter

Le greffier,

M. B...

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 18NT02321


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 18NT02321
Date de la décision : 15/03/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme TIGER-WINTERHALTER
Rapporteur ?: M. Pierre BESSE
Rapporteur public ?: M. BRECHOT
Avocat(s) : CABINET MAXIME GOUACHE

Origine de la décision
Date de l'import : 19/03/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2019-03-15;18nt02321 ?
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