La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

15/03/2019 | FRANCE | N°18NT01022

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 4ème chambre, 15 mars 2019, 18NT01022


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B...D...C...a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler pour excès de pouvoir les arrêtés du 27 octobre 2017 par lesquels la préfète de la Loire-Atlantique a décidé sa remise aux autorités italiennes et l'a assigné à résidence.

Par un jugement n° 1709527 du 31 octobre 2017, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 6 mars 2018, M. D...C..., représen

té par Me E..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nantes du...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B...D...C...a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler pour excès de pouvoir les arrêtés du 27 octobre 2017 par lesquels la préfète de la Loire-Atlantique a décidé sa remise aux autorités italiennes et l'a assigné à résidence.

Par un jugement n° 1709527 du 31 octobre 2017, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 6 mars 2018, M. D...C..., représenté par Me E..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nantes du 31 octobre 2017 ;

2°) d'annuler les arrêtés du 27 octobre 2017 de la préfète de la Loire-Atlantique ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Loire-Atlantique de lui délivrer une attestation de demande d'asile en procédure normale ou, subsidiairement, de réexaminer sa demande dans les meilleurs délais ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil d'une somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

s'agissant de la décision de remise aux autorités italiennes :

- la décision est intervenue à l'issue d'une procédure irrégulière, en méconnaissance des dispositions du paragraphe 1 de l'article 29 du règlement (UE) n° 603/2013 du 26 juin 2013 et de celles du paragraphe 1 de l'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013, de celles de l'article 5 de ce même règlement, et de celles des articles 26 de ce règlement et L. 111-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la décision ne mentionne pas le critère de détermination du pays responsable de sa demande d'asile dont il a été fait application ;

s'agissant de la décision d'assignation à résidence :

- la décision est illégale en conséquence de l'illégalité de la décision de remise aux autorités italiennes.

Par un courrier, enregistré le 24 mai 2018, la préfète de la Loire-Atlantique a informé la cour de ce que M. D...C...a quitté la France pour l'Italie le 25 mai 2018.

Un mémoire présenté pour le préfet de la Loire-Atlantique a été enregistré le 25 février 2019, mais non communiqué.

M. D...C...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 1er février 2018.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- le règlement (UE) n° 603/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;

- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Besse a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. D...C..., ressortissant soudanais né le 20 février 1992 et déclarant être entré en France le 10 janvier 2017, a présenté une demande d'asile auprès de la préfecture des Yvelines le 8 mars 2017. Les recherches effectuées sur le fichier Eurodac ont révélé que ses empreintes avaient déjà été relevées en Italie, dont il a franchi irrégulièrement les frontières le 21 juillet 2016, et en Suisse où il a sollicité l'asile le 15 août 2016. La préfète de la Loire-Atlantique a alors saisi les autorités italiennes le 28 mars 2017 d'une demande de reprise en charge de l'intéressé sur le fondement du 1 de l'article 13 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013. Les autorités italiennes ont implicitement accepté cette reprise en charge. Par des arrêtés du 27 octobre 2017, la préfète de la Loire-Atlantique a décidé de remettre M. D...C...aux autorités italiennes en vue de l'examen de sa demande d'asile et l'a assigné à résidence. M. D... C...relève appel du jugement du 31 octobre 2017 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces arrêtés.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

2. En premier lieu, aux termes de l'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013 susvisé du 26 juin 2013 : " 1. Dès qu'une demande de protection internationale est introduite au sens de l'article 20, paragraphe 2, dans un État membre, ses autorités compétentes informent le demandeur de l'application du présent règlement,(...) 2. Les informations visées au paragraphe 1 sont données par écrit, dans une langue que le demandeur comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'il la comprend. Les États membres utilisent la brochure commune rédigée à cet effet en vertu du paragraphe 3. / Si c'est nécessaire à la bonne compréhension du demandeur, les informations lui sont également communiquées oralement, par exemple lors de1'entretien individuel visé à l'article 5. / (...) ". Il résulte de ces dispositions que le demandeur d'asile auquel l'administration entend faire application du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 doit se voir remettre, dès le moment où le préfet est informé de ce qu'il est susceptible d'entrer dans le champ d'application de ce règlement, et, en tout cas, avant la décision par laquelle l'autorité administrative décide de ne pas instruire la demande de l'intéressé au motif que la France n'est pas responsable de sa demande d'asile, une information complète sur ses droits, par écrit ou, si nécessaire pour la bonne compréhension du demandeur, oralement, et dans une langue qu'il comprend. Cette information doit comprendre l'ensemble des éléments prévus au paragraphe 1 de l'article 4 du règlement. Eu égard à la nature de ces informations, leur délivrance complète par l'autorité administrative, notamment par la remise de la brochure prévue par les dispositions précitées, constitue pour le demandeur d'asile une garantie.

3. Il ressort des pièces du dossier, notamment des mentions figurant sur le formulaire qu'il a signé à l'issue de l'entretien individuel dont il a bénéficié le 8 mars 2017, que M. D... C...a reçu le même jour communication du guide du demandeur d'asile et des brochures d'information qui comportent l'ensemble des informations requises par les dispositions de l'article 4 du règlement (UE) n°604/2013 du 26 juin 2013, rédigés en arabe, langue que l'intéressé a déclaré comprendre. M. D... C...n'est dès lors pas fondé à soutenir qu'il n'aurait pas reçu, dès le début de la procédure, une information complète sur ses droits en qualité de demandeur d'asile, en méconnaissance des dispositions précitées de l'article 4 du règlement du 26 juin 2013. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de ces dispositions doit être écarté.

4. En deuxième lieu, M. D...C...ne peut utilement invoquer à l'encontre de la décision portant remise aux autorités italiennes le moyen tiré de la méconnaissance de l'obligation d'information prévue par les dispositions du 1 de l'article 29 du règlement n°603/2013 du 26 juin 2013, qui a uniquement pour objet et pour effet de permettre d'assurer la protection effective des données personnelles des demandeurs d'asile concernés.

5. En troisième lieu, aux termes de l'article 5 du règlement (UE) n°604/2013 du 26 juin 2013 : " Entretien individuel : 1. Afin de faciliter le processus de détermination de l'État membre responsable, l'Etat membre procédant à cette détermination mène un entretien individuel avec le demandeur. Cet entretien permet également de veiller à ce que le demandeur comprenne correctement les informations qui lui sont fournies conformément à l'article 4. / 2. (...) / 3. L'entretien individuel a lieu en temps utile et, en tout cas, avant qu'une décision de transfert du demandeur vers l'État membre responsable soit prise conformément à l'article 26, paragraphe 1. / 4. L'entretien individuel est mené dans une langue que le demandeur comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'il la comprend et dans laquelle il est capable de communiquer. Si nécessaire, les États membres ont recours à un interprète capable d'assurer une bonne communication entre le demandeur et la personne qui mène l'entretien individuel. / 5. L'entretien individuel a lieu dans des conditions garantissant dûment la confidentialité. Il est mené par une personne qualifiée en vertu du droit national. / 6. L'État membre qui mène l'entretien individuel rédige un résumé qui contient au moins les principales informations fournies par le demandeur lors de l'entretien. Ce résumé peut prendre la forme d'un rapport ou d'un formulaire type. L'État membre veille à ce que le demandeur et/ou le conseil juridique ou un autre conseiller qui représente le demandeur ait accès en temps utile au résumé ". Par ailleurs, l'article L. 111-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dispose : " Lorsqu'il est prévu aux livres II, V et VI et à l'article L. 742-3 du présent code qu'une décision ou qu'une information doit être communiquée à un étranger dans une langue qu'il comprend, cette information peut se faire soit au moyen de formulaires écrits, soit par l'intermédiaire d'un interprète. L'assistance de l'interprète est obligatoire si l'étranger ne parle pas le français et qu'il ne sait pas lire ".

6. Ainsi qu'il a été dit au point 3, il ressort des mentions figurant sur le formulaire signé par M. D...C...le 8 mars 2017 qu'il a bénéficié le même jour, soit avant l'intervention de la décision contestée, de l'entretien individuel prévu par l'article 5 précité du règlement n 604/2013. Si le requérant soutient qu'il n'a pu bénéficier de toutes les garanties prévues par la loi lors de son entretien, dès lors qu'il n'est pas établi qu'il aurait été assisté d'un interprète, le résumé de l'entretien, qui indique qu'il s'est tenu en langue arabe, que l'intéressé comprend, et qui reprend les déclarations que M. D...C...a formulées au cours de cet entretien, permettent de tenir pour établi que M. D...C...a été mis en mesure de comprendre les informations qui lui ont été délivrées et de faire valoir toutes les observations utiles relatives à sa situation. En outre, l'absence d'indication de l'identité et de la qualité de l'agent ayant conduit l'entretien individuel n'a pas privé M. D...C...de la garantie que constitue le bénéfice de cet entretien. Aucun élément du dossier ne permet par ailleurs de tenir pour établi que ce même entretien individuel n'aurait pas été mené par une personne qualifiée en vertu du droit national et dans des conditions qui n'en auraient pas garanti la confidentialité et le respect des exigences de l'article 5 précité. Dès lors, le moyen tiré de la violation des dispositions précitées de l'article 5 du règlement du 26 juin 2013 et de celles de l'article L. 111-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.

En ce qui concerne la décision portant assignation à résidence :

7. Aux termes de l'article L. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction applicable à la date de l'arrêté contesté : " I. - L'autorité administrative peut prendre une décision d'assignation à résidence à l'égard de l'étranger qui ne peut quitter immédiatement le territoire français mais dont l'éloignement demeure une perspective raisonnable, lorsque cet étranger : 1° Doit être remis aux autorités compétentes d'un Etat membre de l'Union européenne en application des articles L. 531-1 ou L. 531-2 ou fait l'objet d'une décision de transfert en application de l'article L. 742-3 (...) ". Il résulte de ces dispositions que le préfet peut prendre une mesure d'assignation à résidence à l'encontre d'un étranger qui fait l'objet d'une décision de transfert vers l'Etat responsable de l'examen de sa demande d'asile et qui présente des garanties propres à prévenir le risque de soustraction à l'exécution de la mesure d'éloignement.

8. Il résulte des points 2 à 6 du présent arrêt que M. D...C...n'est pas fondé à se prévaloir, à l'encontre de la décision prononçant son assignation à résidence, de l'illégalité de la décision ordonnant sa remise aux autorités italiennes.

9. Il résulte de tout ce qui précède que M. D...C...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation des arrêtés du 27 octobre 2017 par lesquels la préfète de la Loire-Atlantique a décidé sa remise aux autorités italiennes et son assignation à résidence. Ses conclusions à fin d'injonction et tendant au bénéfice des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, doivent, par voie de conséquence, être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. B...D...C...est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B...D...C...et au ministre de l'intérieur.

Une copie en sera transmise au préfet de la Loire-Atlantique.

Délibéré après l'audience du 26 février 2019, à laquelle siégeaient :

- Mme Tiger-Winterhalter, présidente,

- Mme Allio-Rousseau, premier conseiller,

- M. Besse, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 15 mars 2019.

Le rapporteur,

P. BesseLa présidente,

N. Tiger-Winterhalter

Le greffier,

M. A...

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 18NT01022


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 18NT01022
Date de la décision : 15/03/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme TIGER-WINTERHALTER
Rapporteur ?: M. Pierre BESSE
Rapporteur public ?: M. BRECHOT
Avocat(s) : RODRIGUES-DEVESAS

Origine de la décision
Date de l'import : 19/03/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2019-03-15;18nt01022 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award