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01/03/2019 | FRANCE | N°18NT01255

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 4ème chambre, 01 mars 2019, 18NT01255


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... a demandé au tribunal administratif de Nantes l'annulation des arrêtés du 4 décembre 2017 par lesquels le préfet de la Vendée, d'une part, a prononcé sa remise aux autorités italiennes, d'autre part, l'a assigné à résidence.

Par un jugement 1710794 du 7 décembre 2017, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 22 mars 2018, M. B..., représenté par MeA..., d

emande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nantes du 7 décembre 2017 ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... a demandé au tribunal administratif de Nantes l'annulation des arrêtés du 4 décembre 2017 par lesquels le préfet de la Vendée, d'une part, a prononcé sa remise aux autorités italiennes, d'autre part, l'a assigné à résidence.

Par un jugement 1710794 du 7 décembre 2017, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 22 mars 2018, M. B..., représenté par MeA..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nantes du 7 décembre 2017 ;

2°) d'annuler les arrêtés du 4 décembre 2017 du préfet de la Vendée ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Vendée de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour valable un mois et de transmettre sa demande d'asile à l'OFPRA dans un délai de 8 jours ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 800 euros en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- le jugement est irrégulier en raison de son insuffisance de motivation ;

en ce qui concerne la décision de réadmission en Italie :

- les dispositions de l'article 5 du règlement du 26 juin 2013 ont été méconnues ;

- le préfet s'est estimé lié par l'acceptation des autorités italiennes ;

- en cas de renvoi en Italie il y a un risque de traitement inhumain ou dégradant au sens de l'article 4 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne et de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- les dispositions des articles 3 et 17 § 1 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 ont été méconnues ;

en ce qui concerne la décision d'assignation à résidence :

- elle est illégale du fait de l'illégalité de la décision portant réadmission en Italie.

Par un mémoire en défense, enregistré le 4 mai 2018, le préfet de la Vendée conclut au rejet de la requête.

Il soutient qu'aucun des moyens soulevés par M. B... n'est fondé.

M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision en date du 22 février 2018.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil en date du 26 juin 2013 ;

- le règlement (UE) n° 603/2013 du Parlement européen et du Conseil en date du 26 juin 2013 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Allio-Rousseau a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M.B..., ressortissant soudanais né le 1er janvier 1992, est entré irrégulièrement en France, le 23 mai 2017, et a déposé une demande d'asile auprès de la préfecture de la Loire-Atlantique, le 10 août 2017. La consultation du système Eurodac a révélé que ses empreintes digitales avaient été enregistrées en Italie le 16 avril 2017. Par deux arrêtés du 4 décembre 2017, le préfet de la Vendée a ordonné sa remise aux autorités italiennes, qui avaient implicitement accepté de le prendre en charge le 13 octobre 2017, et son assignation à résidence. M. B...relève appel du jugement du 7 décembre 2017 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces deux décisions.

Sur l'arrêté de transfert aux autorités italiennes :

2. En premier lieu, aux termes de l'article 5 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " 1. Afin de faciliter le processus de détermination de l'État membre responsable, l'État membre procédant à cette détermination mène un entretien individuel avec le demandeur. Cet entretien permet également de veiller à ce que le demandeur comprenne correctement les informations qui lui sont fournies conformément à l'article 4. (...) 4. L'entretien individuel est mené dans une langue que le demandeur comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'il la comprend et dans laquelle il est capable de communiquer. Si nécessaire, les États membres ont recours à un interprète capable d'assurer une bonne communication entre le demandeur et la personne qui mène l'entretien individuel. 5. L'entretien individuel a lieu dans des conditions garantissant dûment la confidentialité. Il est mené par une personne qualifiée en vertu du droit national. ( ...) ".

3. Il ressort des mentions figurant sur le formulaire signé par M. B...le 10 août 2017, qu'il a bénéficié le jour même, soit avant l'intervention de la décision contestée, de l'entretien individuel prévu par l'article 5 précité du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013. Cet entretien s'est tenu en langue arabe, langue que l'intéressé a déclaré comprendre, avec l'assistance, par téléphone, d'un interprète assermenté. Il ne ressort pas des pièces du dossier qu'il n'aurait pas été en capacité de comprendre les informations qui lui ont été délivrées et de communiquer, notamment en faisant valoir des observations utiles sur les conditions de son parcours en Italie. Dès lors, le moyen tiré de la violation des dispositions précitées de l'article 5 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 doit être écarté.

4. En deuxième lieu, contrairement à ce que soutient le requérant, il ressort de l'arrêté du 4 décembre 2017 que le préfet de la Vendée a fait application des articles 3, 7 et 13 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 pour déterminer que l'Italie était le pays responsable de l'examen de sa demande d'asile. Il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet se serait abstenu d'examiner la possibilité de mettre en oeuvre la clause de souveraineté prévue à l'article 17 du règlement susvisé et se serait estimé en situation de compétence liée pour prononcer la réadmission de M. B...vers l'Italie. Dans ces conditions, le requérant n'est pas fondé à soutenir que l'arrêté qu'il conteste serait entaché d'un défaut d'examen sérieux et d'une erreur de droit, le préfet de la Vendée n'étant pas par ailleurs tenu d'expliciter les motifs pour lesquels il a décidé, dans le cadre de son pouvoir discrétionnaire, de ne pas conserver l'examen de la demande d'asile de M. B...sur le fondement de l'article 17 du règlement n° 604/2013.

5. En troisième lieu, aux termes de l'article 3 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 susvisé : " 1. Les Etats membres examinent toute demande de protection internationale présentée par un ressortissant de pays tiers ou par un apatride sur le territoire de l'un quelconque d'entre eux (...). La demande est examinée par un seul État membre, qui est celui que les critères énoncés au chapitre III désignent comme responsable. / 2. (...) / Lorsqu'il est impossible de transférer un demandeur vers l'Etat membre initialement désigné comme responsable parce qu'il y a de sérieuses raisons de croire qu'il existe dans cet Etat membre des défaillances systémiques dans la procédure d'asile et les conditions d'accueil des demandeurs, qui entraînent un risque de traitement inhumain ou dégradant au sens de l'article 4 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, l'Etat membre procédant à la détermination de l'Etat membre responsable poursuit l'examen des critères énoncés au chapitre III afin d'établir si un autre Etat membre peut être désigné comme responsable (...) ". L'application de ces critères peut toutefois être écartée en vertu de l'article 17 du même règlement, aux termes duquel : " 1. Par dérogation à l'article 3, paragraphe 1, chaque État membre peut décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement. / L'État membre qui décide d'examiner une demande de protection internationale en vertu du présent paragraphe devient l'État membre responsable et assume les obligations qui sont liées à cette responsabilité. (...) ". Il résulte de ces dispositions que si le règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 pose en principe dans le 1 de son article 3 qu'une demande d'asile est examinée par un seul Etat membre et que cet Etat est déterminé par application des critères fixés par son chapitre III, dans l'ordre énoncé par ce chapitre, l'application des critères d'examen des demandes d'asile est toutefois écartée en cas de mise en oeuvre de la clause dérogatoire énoncée au 1 de l'article 17 du règlement, qui procède d'une décision prise unilatéralement par un Etat membre.

6. D'une part, ainsi qu'il a été dit au point 4, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet de la Vendée n'aurait pas procédé à un examen complet et rigoureux de la situation de M. B...et des conséquences de sa réadmission en Italie.

7. D'autre part, l'intéressé fait état de la situation exceptionnelle dans laquelle se trouve l'Italie, confrontée à un afflux sans précédent de réfugiés, et de son état de santé qui ne pourrait pas être dans ces conditions correctement pris en charge dans ce pays. Toutefois, par les pièces produites, il n'est pas établi que cette circonstance exposerait sa demande d'asile à un risque sérieux de ne pas être traitée par les autorités italiennes dans des conditions conformes à l'ensemble des garanties exigées par le respect du droit d'asile, ni qu'il ne pourrait pas bénéficier en Italie d'un suivi médical approprié à son état de santé. Il n'est pas davantage démontré qu'il serait personnellement exposé à des risques de traitements inhumains ou dégradants en Italie, alors que ce pays est un Etat membre de l'Union européenne, partie tant à la convention de Genève du 28 juillet 1951 sur le statut des réfugiés, complétée par le protocole de New-York, qu'à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Dès lors, doit être écarté le moyen tiré de ce qu'en ne dérogeant pas aux critères de détermination de l'Etat responsable de sa demande d'asile, la décision contestée aurait été prise en méconnaissance des dispositions des articles 3 et 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013.

Sur l'arrêté d'assignation à résidence :

8. Il résulte des points 2 à 7 du présent arrêt que M. B...n'est pas fondé à se prévaloir de l'illégalité de la décision ordonnant sa remise aux autorités italiennes.

9. Il résulte de tout ce qui précède que M. B...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué qui est suffisamment motivé, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions du préfet de la Vendée du 4 décembre 2017. Ses conclusions à fin d'annulation ainsi que, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et d'application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ne peuvent qu'être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... et au ministre de l'intérieur.

Une copie en sera transmise pour information au préfet de la Vendée.

Délibéré après l'audience du 5 février 2019, à laquelle siégeaient :

- M. Lainé, président de chambre,

- Mme Allio-Rousseau, premier conseiller,

- M. Besse, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 1er mars 2019.

Le rapporteur,

M-P. Allio-RousseauLe président,

L. Lainé

Le greffier,

V. Desbouillons

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 18NT01255


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 18NT01255
Date de la décision : 01/03/2019
Type d'affaire : Administrative

Composition du Tribunal
Président : M. LAINE
Rapporteur ?: Mme Marie-Paule ALLIO-ROUSSEAU
Rapporteur public ?: M. BRECHOT
Avocat(s) : CABINET MAXIME GOUACHE

Origine de la décision
Date de l'import : 05/03/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2019-03-01;18nt01255 ?
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