Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. F...E...a demandé au tribunal administratif de Caen de condamner la commune de Le Bô à lui verser une somme de 50 000 euros, assortie des intérêts au taux légal, capitalisés à compter du 26 août 2016, en réparation des préjudices qu'il estime avoir subis en raison de l'illégalité du permis de construire délivré par le maire de cette commune à M. et Mme C....
Par un jugement n° 1602443 du 16 novembre 2017, le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 18 janvier 2018, M.E..., représenté par MeG..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Caen du 16 novembre 2017 ;
2°) de condamner la commune de Le Bô à lui verser une somme de 50 000 euros, assortie des intérêts au taux légal, capitalisés à compter du 26 août 2016 ;
3°) de mettre à la charge de la commune de Le Bô une somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- la délivrance d'un permis de construire illégal est constitutive d'une faute de la commune ;
- la seule circonstance qu'une construction illégale ait été édifiée dans son voisinage constitue un préjudice indemnisable ;
- la construction irrégulière de M. et Mme C...implique une perte de valeur de sa propriété de l'ordre de 40 000 euros ;
- cette construction lui cause également des difficultés d'accès à sa parcelle ;
- compte tenu de l'illégalité de l'autorisation délivrée, aucun système d'assainissement n'a été mis en place de sorte que les eaux usées de M. et Mme C...sont rejetées sur sa parcelle ;
- M. et Mme C...ont une vue directe sur sa propriété ;
- il subit les nuisances sonores dues à la présence de trois chiens, dont l'un l'a mordu, appartenant à M. et MmeC... ;
- il a été contraint d'engager de longues procédures pour faire valoir ses droits devant les juridictions administratives, ce qui lui a causé un trouble dans les conditions d'existence et un préjudice moral qu'il convient d'indemniser à hauteur de 10 000 euros.
Par un mémoire en défense, enregistré le 14 novembre 2018, la commune de Le Bô, représentée par MeD..., conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge de M. E...d'une somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir que :
- la seule illégalité du permis de construire délivré à M. et Mme C...ne suffit pas à engager sa responsabilité ;
- le projet de M. et Mme C...aurait pu être autorisé sur le fondement du 4° de l'article L. 111-3 du code rural et les travaux entrepris par ces derniers seraient régularisés s'ils en faisaient la demande ;
- les préjudices invoqués ne sont pas démontrés ni ne présentent un lien de causalité direct avec la faute alléguée ;
- subsidiairement, l'écart entre le montant des prétentions indemnitaires présentées par le requérant dans sa demande préalable et celui de ses conclusions devant le juge témoigne de leur caractère non fondé ; la perte de valeur de son bien estimée par le cabinet Hebert ne peut donner lieu à indemnisation dès lors que ce bien n'est pas en vente et que l'estimation, qui de surcroît ne prend nullement en compte la situation juridique et administrative de l'exploitation, postule que l'habitation de M. et Mme C...constituerait le seul voisinage du requérant.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code rural et de la pêche maritime ;
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Bougrine,
- les conclusions de M. Derlange, rapporteur public,
- les observations de MeB..., substituant Me G..., représentant M. E... et les observations de Me A..., substituant MeD..., représentant la commune de Le Bô.
Une note en délibéré présentée par M. E...a été enregistrée le 1er février 2019.
Considérant ce qui suit :
1. Par un arrêté du 13 avril 2007, le maire de la commune de Le Bô (Calvados) a autorisé M. et Mme C... à démolir un bâtiment ancien, d'une part, et à transformer un bâtiment agricole en une maison d'habitation, d'autre part. A la demande de M.E..., lequel exploite une ferme sur des parcelles voisines, le permis de construire délivré à M. et Mme C...a été annulé, par un arrêt de la présente cour du 25 janvier 2013, au motif que le projet d'habitation se situait à une distance inférieure à 50 mètres d'un bâtiment à usage de stabulation utilisé par M. E...et méconnaissait, par suite, les dispositions de l'article 153.4 du règlement sanitaire départemental du Calvados exigeant une distance minimale de 50 mètres entre les bâtiments agricoles accueillant une activité d'élevage, autre que les élevages porcins, les élevages de volailles ou de lapins et les élevages de type familial, et les constructions habitées ou occupées par des tiers. M. E... relève appel du jugement du 16 novembre 2017 par lequel le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande tendant à la condamnation de la commune de Le Bô au versement de la somme de 50 000 euros en réparation des préjudices qu'il estime avoir subis en raison de l'illégalité du permis de construire du 13 avril 2007.
Sur les conclusions à fin d'indemnisation :
2. L'illégalité entachant le permis de construire délivré le 13 avril 2007 à M. et Mme C... constitue une faute de nature à engager la responsabilité de la commune, pour autant qu'elle ait été à l'origine d'un préjudice direct et certain.
3. En premier lieu, il résulte de l'instruction et notamment du rapport d'expert foncier du 1er juin 2017, produit par le requérant, que l'ensemble immobilier à usage d'habitation et d'exploitation agricole lui appartenant subit une dépréciation de valeur, évaluée à 40 000 euros, du fait de " la contrainte d'un voisinage trop proche ". Il résulte, toutefois, de la note d'expertise réalisée par le cabinet Equad ainsi que des mentions portées par la commune de Le Bô sur l'extrait de plan cadastral et non contredites que plusieurs habitations, autres que celle de M. et MmeC..., sont implantées dans un rayon de moins de 50 mètres de l'étable de M. E.... Si le rapport susmentionné fait état de la faible distance, séparant la maison de M. et Mme C...de certains des bâtiments d'exploitation de M. E..., notamment la stabulation, il expose également que le site d'exploitation considéré a la particularité de se situer dans le bourg de la commune et indique qu'un " repreneur serait sensible à la proximité d'habitations ". M. E...ne saurait sérieusement soutenir que les " habitations " auxquelles il est fait référence correspondent au seul bâtiment appartenant à M. C... et que ce dernier a été irrégulièrement autorisé à transformer en une habitation. Il ne résulte ainsi ni de ce document ni d'aucun autre élément de l'instruction que le permis de construire illégalement accordé à M. et Mme C...aurait généré une perte supplémentaire de valeur vénale.
4. En deuxième lieu, si M. E...soutient que, du fait de la présence de M. et Mme C... sur la parcelle voisine, il rencontre des difficultés d'accès à son exploitation, subit diverses nuisances générées par leurs chiens ainsi que par le rejet de leurs eaux usées sur sa parcelle, ces préjudices, dont la réalité n'est de surcroît pas établie, ne trouvent pas leur origine dans l'illégalité dont est entaché le permis de construire accordé à M. et MmeC....
5. En troisième et dernier lieu, la réalité du préjudice moral et des troubles dans les conditions d'existence que M. E... soutient avoir subis à raison des procédures qu'il a dû engager devant les juridictions administratives afin d'obtenir l'annulation du permis de construire délivré à ses voisins n'est pas démontrée.
6. Il résulte de tout ce qui précède que M. E...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande.
Sur les frais liés au litige :
7. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de la commune de Le Bô, laquelle n'est pas, dans la présente instance la partie perdante, une somme au titre des frais exposés par M. E...et non compris dans les dépens. En revanche, il y a lieu de mettre à la charge du requérant le versement à la commune de Le Bô de la somme de 2 000 euros au titre des frais de même nature qu'elle a supportés.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de M. E...est rejetée.
Article 2 : M. E...versera à la commune de Le Bô la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. F...E...et à la commune de Le Bô.
Délibéré après l'audience du 29 janvier 2019, à laquelle siégeaient :
M. Pérez, président de chambre,
Mme Brisson, président assesseur,
Mme Bougrine, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 15 février 2019.
Le rapporteur,
K. BOUGRINE
Le président,
A. PEREZLe greffier,
A. BRISSET
La République mande et ordonne au préfet du Calvados en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 18NT00212