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08/02/2019 | FRANCE | N°18NT01250

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 4ème chambre, 08 février 2019, 18NT01250


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... D...a demandé au tribunal administratif de Nantes l'annulation des arrêtés du 4 décembre 2017 par lesquels le préfet de la Vendée, d'une part, a prononcé sa remise aux autorités italiennes, d'autre part, l'a assigné à résidence.

Par un jugement 1710792 du 7 décembre 2017, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 22 mars 2018, M. D..., représenté par MeC..

., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nantes du 7 décembre 2...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... D...a demandé au tribunal administratif de Nantes l'annulation des arrêtés du 4 décembre 2017 par lesquels le préfet de la Vendée, d'une part, a prononcé sa remise aux autorités italiennes, d'autre part, l'a assigné à résidence.

Par un jugement 1710792 du 7 décembre 2017, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 22 mars 2018, M. D..., représenté par MeC..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nantes du 7 décembre 2017 ;

2°) d'annuler les arrêtés du 4 décembre 2017 du préfet de la Vendée ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Vendée de transmettre sa demande d'asile à l'OFPRA et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour d'un durée minimale d'un mois dans les huit jours suivants l'arrêt à intervenir ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 800 euros en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

en ce qui concerne la décision de réadmission en Italie :

- les dispositions de l'article 5 du règlement du 26 juin 2013 ont été méconnues ;

- le préfet de la Vendée s'est cru à tort lié par les critères de détermination prévu par le règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 ; il n'a pas explicité les raisons qui le conduisaient à refuser de prendre en charge sa demande d'asile en dehors du cadre des critères hiérarchiques définis par ce règlement et ce alors même que le requérant exprime des craintes d'être exposé à des mauvais traitements en cas de réadmission vers l'Italie ;

- en cas de renvoi en Italie il y a un risque de traitement inhumain ou dégradant au sens de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; les dispositions des articles 3-2 et 17-1 et du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 ont été méconnues ;

en ce qui concerne la décision d'assignation à résidence :

- elle est illégale du fait de l'illégalité de la décision portant réadmission en Italie.

Par des mémoires en défense, enregistrés le 4 mai 2018 et le 3 décembre 2018, le préfet de la Vendée conclut au rejet de la requête.

Il soutient qu'aucun des moyens soulevés par M. D... n'est fondé.

M. D... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision en date du 22 février 2018.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le règlement (UE) n° 603/2013 du Parlement européen et du Conseil en date du 26 juin 2013 ;

- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil en date du 26 juin 2013 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Allio-Rousseau a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. A... D..., né le 1er janvier 1998, de nationalité soudanaise, est entré irrégulièrement sur le territoire français le 10 janvier 2017 et y a sollicité l'asile, le 10 août 2017. La consultation du fichier Eurodac a révélé que ses empreintes digitales avaient été enregistrées en Italie le 12 mai 2017. Par deux arrêtés du 4 décembre 2017, le préfet de la Vendée a ordonné sa remise aux autorités italiennes, qui avaient accepté implicitement sa reprise en charge le 13 octobre 2017, et son assignation à résidence. M. D..., dont le transfert a été exécuté le 20 février 2018, relève appel du jugement du 7 décembre 2017 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces deux décisions.

Sur l'arrêté de transfert aux autorités italiennes :

2. En premier lieu, aux termes de l'article 5 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " 1. Afin de faciliter le processus de détermination de l'État membre responsable, l'État membre procédant à cette détermination mène un entretien individuel avec le demandeur. Cet entretien permet également de veiller à ce que le demandeur comprenne correctement les informations qui lui sont fournies conformément à l'article 4. (...) 4. L'entretien individuel est mené dans une langue que le demandeur comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'il la comprend et dans laquelle il est capable de communiquer. Si nécessaire, les États membres ont recours à un interprète capable d'assurer une bonne communication entre le demandeur et la personne qui mène l'entretien individuel. 5. L'entretien individuel a lieu dans des conditions garantissant dûment la confidentialité. Il est mené par une personne qualifiée en vertu du droit national. ( ...) ".

3. Il ressort des pièces du dossier que l'entretien réalisé le 10 août 2017 a été assuré au guichet unique de la préfecture de la Loire-Atlantique avec l'assistance d'un traducteur assermenté en langue arabe, appartenant à la société ISM interprétariat, qui est agréée par le ministère de l'intérieur et présente donc toutes les garanties de sérieux et de qualité. M. D...n'a fait remarquer à aucun moment de l'entretien qu'il ne comprenait pas ce que lui traduisait l'interprète et a signé le procès-verbal d'entretien sans mentionner d'observations à ce sujet. Il ressort d'ailleurs des termes du compte-rendu réalisé à l'issue de cet entretien que M. D...a bénéficié de de la possibilité de faire valoir toutes observations utiles, notamment au regard de son séjour en Italie. Il s'ensuit que le moyen tiré de la violation de l'article 5 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 ne peut qu'être écarté.

4. En deuxième lieu, aux termes de l'article 3 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 susvisé : " 1. Les Etats membres examinent toute demande de protection internationale présentée par un ressortissant de pays tiers ou par un apatride sur le territoire de l'un quelconque d'entre eux (...). La demande est examinée par un seul État membre, qui est celui que les critères énoncés au chapitre III désignent comme responsable. / 2. (...) / Lorsqu'il est impossible de transférer un demandeur vers l'Etat membre initialement désigné comme responsable parce qu'il y a de sérieuses raisons de croire qu'il existe dans cet Etat membre des défaillances systémiques dans la procédure d'asile et les conditions d'accueil des demandeurs, qui entraînent un risque de traitement inhumain ou dégradant au sens de l'article 4 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, l'Etat membre procédant à la détermination de l'Etat membre responsable poursuit l'examen des critères énoncés au chapitre III afin d'établir si un autre Etat membre peut être désigné comme responsable (...) ". L'application de ces critères peut toutefois être écartée en vertu de l'article 17 du même règlement, aux termes duquel : " 1. Par dérogation à l'article 3, paragraphe 1, chaque État membre peut décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement. / L'État membre qui décide d'examiner une demande de protection internationale en vertu du présent paragraphe devient l'État membre responsable et assume les obligations qui sont liées à cette responsabilité. (...) ". Il résulte de ces dispositions que si le règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 pose en principe dans le 1 de son article 3 qu'une demande d'asile est examinée par un seul Etat membre et que cet Etat est déterminé par application des critères fixés par son chapitre III, dans l'ordre énoncé par ce chapitre, l'application des critères d'examen des demandes d'asile est toutefois écartée en cas de mise en oeuvre de la clause dérogatoire énoncée au 1 de l'article 17 du règlement, qui procède d'une décision prise unilatéralement par un Etat membre.

5. D'une part, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet de la Vendée n'aurait pas procédé à un examen complet et rigoureux de la situation de M. D... et des conséquences de sa réadmission en Italie, au regard notamment des garanties exigées par le respect du droit d'asile. Il ne ressort pas davantage du dossier que le préfet se serait abstenu d'examiner la possibilité de mettre en oeuvre la clause de souveraineté prévue à l'article 17 du règlement susvisé et se serait estimé en situation de compétence liée pour prononcer la réadmission de M. D...vers l'Italie. Dans ces conditions, le requérant n'est pas fondé à soutenir que l'arrêté qu'il conteste serait entaché d'un défaut d'examen sérieux et d'une erreur de droit, le préfet de la Vendée n'étant pas par ailleurs tenu d'expliciter les motifs pour lesquels il a décidé, dans le cadre de son pouvoir discrétionnaire, de ne pas conserver l'examen de la demande d'asile de M. D... sur le fondement de l'article 17 du règlement n° 604/2013.

6. D'autre part, il n'est pas établi que la demande d'asile de M. D...serait exposée à un risque sérieux de ne pas être traitée par les autorités italiennes dans des conditions conformes à l'ensemble des garanties exigées par le respect du droit d'asile. Si M. D...fait état de l'existence de défaillances affectant les conditions d'accueil et de prise en charge des demandeurs d'asile en Italie, confrontée à un afflux massif et sans précédent de migrants, les documents qu'il produit à l'appui de ces allégations ne permettent pas d'établir que sa demande d'asile serait exposée à un risque sérieux de ne pas être traitée par les autorités italiennes dans des conditions conformes à l'ensemble des garanties exigées par le respect du droit d'asile, alors que l'Italie est un Etat membre de l'Union européenne, partie tant à la convention de Genève du 28 juillet 1951 sur le statut des réfugiés, complétée par le protocole de New-York, qu'à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Par suite, les moyens tirés de l'erreur de droit et de l'erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions précitées de l'article 3 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013, en ne faisant pas usage de la faculté d'instruire en France la demande d'asile de M. D...doivent être écartés. Dès lors, doit être écarté le moyen tiré de ce qu'en ne dérogeant pas aux critères de détermination de l'Etat responsable de sa demande d'asile, la décision contestée aurait été prise en méconnaissance des dispositions des articles 3 et 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 et de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Sur l'arrêté d'assignation à résidence :

7. Il résulte des points 2 à 6 du présent arrêt que M. D... n'est pas fondé à se prévaloir de l'illégalité de la décision ordonnant sa remise aux autorités italiennes.

8. Il résulte de tout ce qui précède que M. D... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions du préfet de la Vendée du 4 décembre 2017. Ses conclusions à fin d'annulation ainsi que, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et d'application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ne peuvent qu'être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. D... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... et au ministre de l'intérieur.

Une copie en sera transmise pour information au préfet de la Vendée.

Délibéré après l'audience du 22 janvier 2019, à laquelle siégeaient :

- M. Lainé, président de chambre,

- Mme Tiger-Winterhalter, présidente assesseure,

- Mme Allio-Rousseau, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 8 février 2019.

Le rapporteur,

M-P. Allio-RousseauLe président,

L. Lainé

Le greffier,

M. B...

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 18NT01250


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 18NT01250
Date de la décision : 08/02/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. LAINE
Rapporteur ?: Mme Marie-Paule ALLIO-ROUSSEAU
Rapporteur public ?: M. BRECHOT
Avocat(s) : CABINET MAXIME GOUACHE

Origine de la décision
Date de l'import : 19/02/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2019-02-08;18nt01250 ?
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