Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A...B...a demandé au tribunal administratif de Caen d'annuler l'arrêté du 13 mars 2018 par lequel le préfet du Calvados a refusé de lui délivrer un titre de séjour et lui a fait obligation de quitter le territoire dans un délai de trente jours en fixant le pays de destination.
Par un jugement n° 1801207 du 13 juillet 2018, le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 6 août 2018, M.B..., représenté par Me C..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Caen du 13 juillet 2018 et d'annuler l'arrêté préfectoral du 13 mars 2018 ;
2°) d'enjoindre au préfet du Calvados de réexaminer sa situation dans un délai de quinze jours, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 200 euros, à verser à MeC..., en application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
Sur le refus de titre de séjour :
- les articles R. 313-22 et R. 313-23 du CESEDA ont été méconnus dès lors qu'il n'est pas établi que l'interdiction faite au médecin rapporteur de ne pas siéger dans le collège pour donner un avis aurait été respectée et qu'il n'existe aucun moyen de s'assurer que le médecin rapporteur a statué sur la bonne nationalité de M.B... ;
- le préfet a entaché sa décision d'une erreur de droit en s'estimant en compétence liée par l'avis du collège des médecins de l'OFII ;
- il n'est pas établi que le médecin rapporteur ou même les médecins du collège de l'OFII ont effectivement statué sur la bonne nationalité ;
- la décision attaquée est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation et a été prise en méconnaissance de l'article L.313-11-11° du CESEDA ;
Sur l'obligation de quitter le territoire français :
- cette décision a été prise en méconnaissance de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
Sur la décision fixant le pays de destination :
- elle a été prise en méconnaissance de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Par un mémoire en défense enregistré le 13 septembre 2018, le préfet du Calvados conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que :
- les moyens de la requête ne sont pas fondés ;
- il renvoie à ses écritures de première instance qu'il reprend subsidiairement.
M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 5 octobre 2018.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991, modifiée, relative à l'aide juridique ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Picquet a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M.B..., ressortissant ukrainien, est entré sur le territoire français en août 2014 de manière irrégulière. Après le rejet de sa demande d'asile par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides et la Cour nationale du droit d'asile, il a sollicité la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement des dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 13 mars 2018, le préfet du Calvados a refusé de lui délivrer le titre de séjour demandé, lui a fait obligation de quitter le territoire dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être éloigné une fois ce délai expiré. La demande de M. B...à fin d'annulation de cet arrêté a été rejetée par le tribunal administratif de Caen dans un jugement du 13 avril 2018. M. B...fait appel de ce jugement.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
En ce qui concerne la décision de refus de titre de séjour :
2. Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 11° A l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. La condition prévue à l'article L. 313-2 n'est pas exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. Les médecins de l'office accomplissent cette mission dans le respect des orientations générales fixées par le ministre chargé de la santé. (...) ".
3. Aux termes de l'article R. 313-22 du même code : " Pour l'application du 11° de l'article L. 313-11, le préfet délivre la carte de séjour au vu d'un avis émis par un collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. L'avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration et, d'autre part, des informations disponibles sur les possibilités de bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans le pays d'origine de l'intéressé. (...) ". Aux termes de l'article R. 313-23 de ce même code : " Le rapport médical visé à l'article R. 313-22 est établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration à partir d'un certificat médical établi par le médecin qui le suit habituellement ou par un médecin praticien hospitalier inscrits au tableau de l'ordre, dans les conditions prévues par l'arrêté mentionné au deuxième alinéa de l'article R. 313-22. (...) / Le collège à compétence nationale, composé de trois médecins, émet un avis dans les conditions de l'arrêté mentionné au premier alinéa du présent article. La composition du collège et, le cas échéant, de ses formations est fixée par décision du directeur général de l'office. Le médecin ayant établi le rapport médical ne siège pas au sein du collège (...) ".
4. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier, en particulier des informations fournies par le préfet du Calvados en appel, que l'avis du 31 octobre 2017 concernant la situation médicale de M. B...a été rendu par trois médecins faisant partie du collège de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII), dont le nom est indiqué. Le préfet du Calvados produit en outre au dossier une attestation de l'OFII du 12 septembre 2018 indiquant, au vu d'une capture d'écran, le nom du médecin qui a établi le rapport médical sur la situation du requérant, dont il ressort qu'il ne s'agissait pas d'un des trois membres du collège de l'OFII.
5. En deuxième lieu, il ressort des pièces du dossier et notamment d'une capture d'écran du logiciel de traitement informatique de l'OFII, que la nationalité ukrainienne de l'intéressé ayant été indiquée à l'OFII était exacte, la mention, dans l'arrêté attaqué, de ce qu'il pourrait voyager sans risque en Arménie n'étant qu'une erreur matérielle, ce même arrêté mentionnant à plusieurs reprises une nationalité ukrainienne.
6. Par suite, l'avis du 31 octobre 2017 n'a pas été rendu en méconnaissance des dispositions de l'article R. 313-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile rappelées au point 3.
7. En troisième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet du Calvados se serait senti lié par l'avis émis par le collège des médecins de l'OFII et qu'il n'aurait pas exercé son pouvoir d'appréciation, alors que l'arrêté mentionne au contraire que le préfet s'est fondé sur l'ensemble du dossier. Dès lors, la décision de refus de titre de séjour n'est pas entachée d'erreur de droit.
8. En quatrième et dernier lieu, sous réserve des cas où la loi attribue la charge de la preuve à l'une des parties, il appartient au juge administratif, au vu des pièces du dossier, et compte tenu, le cas échéant, de l'abstention d'une des parties à produire les éléments qu'elle est seule en mesure d'apporter et qui ne sauraient être réclamés qu'à elle-même, d'apprécier si l'état de santé d'un étranger nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi. La partie qui justifie d'un avis du médecin de l'agence régionale de santé venant au soutien de ses dires doit être regardée comme apportant des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence ou l'absence d'un état de santé de nature à justifier la délivrance ou le refus d'un titre de séjour ; dans ce cas, il appartient à l'autre partie, dans le respect des règles relatives au secret médical, de produire tous éléments permettant d'apprécier l'état de santé de l'étranger et, le cas échéant, l'existence ou l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si l'état de santé d'un étranger justifie la délivrance d'un titre de séjour dans les conditions ci-dessus rappelées, se détermine au vu de ces échanges contradictoires. En cas de doute, il lui appartient de compléter ces échanges en ordonnant toute mesure d'instruction utile.
9. Le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration a estimé, le 31 octobre 2017, que si l'état de santé de l'intéressé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut peut entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, il peut bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans son pays d'origine, vers lequel il peut voyager sans risque. S'il est constant que M. B...souffre de plusieurs maladies graves, aucune des attestations médicales produites n'établit l'impossibilité du requérant de bénéficier effectivement du traitement médical adapté à son état de santé en Ukraine. De même, les rapports sur le système de soins médicaux en Ukraine, notamment de par leur généralité, ne permettent pas d'infirmer l'avis donné par le collège de médecins de l'OFII. Si le requérant produit une ordonnance datée du 22 mars 2018, lui prescrivant de l'Omeprazole, au demeurant sur une durée de 4 semaines seulement, le préfet établit, en produisant une fiche émanant de la base de données Medcoi, que ce médicament est disponible en Ukraine. Dès lors, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et de l'erreur d'appréciation doit être écarté.
En ce qui concerne l a décision portant obligation de quitter le territoire français :
10. Aux termes de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français : (...) 10° L'étranger résidant habituellement en France si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays de renvoi, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié ; (...) ". Pour les mêmes motifs que ceux énoncés au point 9, le moyen tiré de la méconnaissance de ces dispositions doit être écarté.
En ce qui concerne l a décision fixant le pays de destination :
11. M. B...soutient être exposé à un risque de traitement inhumain et dégradant en cas de retour en Ukraine du fait de son origine yézide et indique avoir été racketté, son commerce ayant ensuite été incendié. Toutefois, et alors que sa demande d'asile a été rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides et la Cour nationale du droit d'asile, devant lesquels il faisait valoir les mêmes circonstances, le requérant n'apporte aucun élément à l'appui de ses allégations de nature à établir les risques personnels encourus en Ukraine. Dès lors, le moyen tiré de la violation des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.
12. Il résulte de tout ce qui précède que M. B...n'est pas fondé à se plaindre que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction sous astreinte, ainsi que celles tendant à l'application des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 doivent également être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. B...est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A...B...et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée, pour information, au préfet du Calvados.
Délibéré après l'audience du 18 janvier 2019, à laquelle siégeaient :
- M. Dussuet, président de chambre,
- M. Degommier, président assesseur,
- Mme Picquet, premier conseiller.
Lu en audience publique le 5 février 2019.
Le rapporteur,
P. PICQUET
Le président,
J-P. DUSSUET
Le greffier,
C. GOY
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
2
N°18NT03038