Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme B... A...et Mme C...A...ont demandé au Tribunal Administratif de Nantes d'annuler la décision du 22 octobre 2015 par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France (CRRV) a rejeté les demandes de visas de long séjour présentées pour ses enfants Mariame, Aminata et LancinéA....
Par un jugement n° 1509195 du 10 novembre 2017, le Tribunal Administratif de Nantes a considéré n'avoir pas lieu de statuer sur les conclusions de la demande relatives aux demandes de visa d'Aminata et Lanciné A...et a rejeté le surplus des conclusions de leur demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés le 4 janvier 2018 et le 5 mars 2018, Mme B... A...et Mme C...A..., représentées par MeD..., demandent à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 10 novembre 2017 en tant qu'il a rejeté leurs conclusions dirigées contre la décision de la Commission de recours contre les refus de visa d'entrée en France rejetant la demande de visa présentée pour Mariame A...;
2°) d'annuler la décision du 22 octobre 2015 de la Commission de recours contre les refus de visa d'entrée en France ;
3°) d'enjoindre au ministre de l'intérieur de délivrer le visa demandé pour Mme C...A..., à défaut de réexaminer cette demande de visa, dans un délai de trente jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 800 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elles soutiennent que :
- elles n'ont pas demandé l'annulation de la décision de l'ambassadeur de France en Guinée et en Sierra Leone ; elles n'ont pas soulevé la méconnaissance de l'article 22-1 de la loi du 12 avril 2000, ni de l'article 19 de la convention de Genève sur les réfugiés ; sur ces différents points, le jugement attaqué est irrégulier ;
- le tribunal n'a pas répondu à leurs arguments tirés de l'absence de fiabilité du registre des actes d'état civil produit ni à leur moyen tiré des déclarations constantes de Mme A...; il n'a pas répondu à leurs différents arguments relatifs à la régularité du jugement supplétif établi ; il est insuffisamment motivé ;
- les termes de la décision de la Commission de recours contre les refus de visa d'entrée en France ne permettent pas de déterminer exactement son fondement juridique ; la décision est insuffisamment motivée en droit ; le tribunal a insuffisamment répondu à ce moyen ;
- le lien de filiation entre Mme B...A...et Mme C...A...est établi ; le caractère non authentique des documents d'état civil n'est pas démontré ; ls informations relatives à l'état civil et à la filiation des enfants de Mme A...sont concordantes et constantes ;
- eu égard à la qualité de réfugiée de Mme B...A..., la décision contestée méconnaît les stipulations de l'article 25 de la convention de Genève ;
- Le caractère non authentique de l'acte de décès du père de Mariame A...n'est aucunement démontré ;
- Mme B...A...établit l'existence de sa possession d'état ;
- le refus de visa est entaché d'erreur manifeste d'appréciation et méconnaît les stipulations de l'article 8 de la CESDH.
Par un mémoire en défense, enregistré le 18 janvier 2018, le ministre d'Etat, ministre de l'intérieur conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par les requérantes ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Degommier a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme B...A...et Mme C...A...ont demandé au Tribunal Administratif de Nantes d'annuler la décision du 22 octobre 2015 par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France (CRRV) a rejeté les demandes de visas de long séjour présentées pour les enfants Mariame, Aminata et LancinéA.... Par un jugement du 10 novembre 2017, le Tribunal Administratif de Nantes a constaté le non-lieu à statuer sur les conclusions de la demande relatives aux demandes de visa présentées pour Aminata et Lanciné A...et rejeté le surplus des conclusions de leur demande. Mmes A... relèvent appel de ce jugement en tant qu'il rejette le surplus de leurs conclusions.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
2. Dans le cadre d'une procédure de rapprochement familial d'un réfugié statutaire, l'autorité consulaire n'est en droit de rejeter les demandes de visas dont elle est saisie à cette fin par des membres de la famille de ce réfugié que pour un motif d'ordre public. Constitue un tel motif l'absence de caractère probant des actes d'état civil étrangers produits.
3. Aux termes de l'article L. 111-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile " (...) La vérification de tout acte d'état civil étranger est effectuée dans les conditions définies par l'article 47 du code civil ". Aux termes de l'article 47 du code civil " Tout acte de l'état civil des Français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité ". Il résulte de ces dispositions que la force probante d'un acte d'état civil établi à l'étranger peut être combattue par tout moyen susceptible d'établir que l'acte en cause est irrégulier, falsifié ou inexact. En cas de contestation par l'administration de la valeur probante d'un acte d'état civil établi à l'étranger, il appartient au juge administratif de former sa conviction au vu de l'ensemble des éléments produits par les parties.
4. Pour rejeter la demande de visa présentée pour Mme C...A..., la commission a fondé sa décision sur le fait que l'acte de naissance de l'intéressée a été établi suivant jugement supplétif rendu le jour même du dépôt de la requête, sans enquête préalable, sur les seules déclarations de deux témoins, sans explications circonstanciées, plus de dix ans après sa naissance, postérieurement à l'obtention du statut de réfugié par Madame A...et sans respect des délais d'appel, ce qui leur ôterait tout caractère authentique. Toutefois, il n'appartient pas aux autorités administratives françaises de mettre en doute le bien-fondé d'une décision rendue par une autorité juridictionnelle étrangère, hormis le cas où le document produit aurait un caractère frauduleux. Les seules circonstances invoquées par la commission ne suffisent pas à établir le caractère frauduleux de l'acte de naissance de MariameA.... Si le ministre produit un courrier des autorités guinéennes en date du 12 novembre 2015 indiquant que l'acte de Mariame n'existe pas dans le registre de l'état civil de Matoto, l'image de la page du registre de transcription produite est illisible. Mme A...produit de son côté une copie de la page du registre, certifiée conforme par l'officier d'état civil, document sur lequel figure la naissance de MariameA.... En outre, Mme A...a mentionné l'existence de ses trois enfants, dont Mariame, et leurs dates de naissance respectives dès le dépôt de sa demande d'admission au statut de réfugié auprès de l'OFPRA, n'a pas varié dans ses déclarations, et l'administration a délivré le visa demandé pour les deux autres enfants allégués de MmeA..., Aminata et Lanciné, dont les actes de naissance ont été déclarés authentiques par l'administration guinéenne. Dans ces conditions, le lien de filiation allégué entre Mme A...et Mariame A...doit être regardé comme établi.
5. Par ailleurs, si la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a également fondé le rejet de la demande de visa par le fait que l'acte de décès, du père ne serait pas conforme à la loi locale en raison d'incohérences qui lui ôtent tout caractère probant, il ne résulte pas de l'instruction que la Commission de recours contre les refus de visa d'entrée en France aurait pris la même décision en se fondant sur ce seul motif, alors qu'ainsi qu'il a été dit au point précédent, des visas ont été accordés pour les deux autres enfants de MmeA....
6. Il résulte de ce qui précède que, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête et l'intérêt à agir de Mme B...A..., Mme C... A...est fondée à soutenir que c'est à tort que, par ce jugement, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
7. L'exécution du présent arrêt implique nécessairement qu'un visa de long séjour soit délivré à Mme C...A.... Il y a lieu d'enjoindre au ministre de l'intérieur de délivrer un tel visa à l'intéressée dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt.
Sur les frais liés au litige :
8. Il y a lieu dans les circonstances de l'espèce, en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par Mariame A...et non compris dans les dépens.
D E C I D E :
Article 1er : Le jugement du 10 novembre 2017 du tribunal administratif de Nantes et la décision du 22 octobre 2015 de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France, en tant qu'ils se prononcent sur la demande de visa de Mme C...A..., sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au ministre de l'intérieur de délivrer un visa de long séjour à Mme C...A...dans un délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 3 : L'Etat versera à Mme C...A...une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B...A..., à Mme C...A...et au ministre de l'intérieur.
Délibéré après l'audience du 18 janvier 2019, à laquelle siégeaient :
- M. Dussuet, président de chambre,
- M. Degommier, président assesseur,
- M. Mony, premier conseiller.
Lu en audience publique le 5 février 2019.
Le rapporteur,
S. DEGOMMIER
Le président,
J-P. DUSSUET Le greffier,
C. GOY
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 18NT00018