Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société Dock Services a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision du 11 avril 2014 par laquelle le maire des Sables d'Olonne a décidé de résilier le contrat de concession conclu le 12 août 2013 pour le financement, la conception, la réalisation, l'exploitation et la maintenance d'un port à sec automatisé sur le site de la Cabaude, d'enjoindre à la commune des Sables d'Olonne de reprendre les relations contractuelles, subsidiairement, de condamner la commune à lui verser les sommes de 500 000 euros au titre de la perte subie, de 5 140 000 euros au titre de la perte de profit et de 1 000 000 euros au titre du préjudice commercial, avec intérêts légaux à compter du 4 octobre 2014 et capitalisation des intérêts, en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis du fait de la résiliation du contrat.
Par un jugement n° 1410678 du 19 avril 2017, le tribunal administratif de Nantes a rejeté la demande de la société Dock Services.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 22 juin 2017, la société Dock Services, M. B...et la société SOFID, représentés par Me F..., demandent à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nantes du 19 avril 2017 ;
2°) de constater l'inexistence et l'illégalité de la décision du 11 avril 2014 par laquelle le maire des Sables d'Olonne a décidé de résilier le contrat de concession conclu le 12 août 2013 ;
3°) d'enjoindre à la commune des Sables d'Olonne de reprendre les relations contractuelles ;
4°) subsidiairement, de condamner la commune à verser à la société Dock Services en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis du fait de la résiliation du contrat, les sommes de 566 731 euros au titre de la perte en industrie et de 5 140 000 euros au titre du manque à gagner ;
5°) de mettre à la charge de la commune des Sables d'Olonne le versement à la société Dock Services d'une somme de 10 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
sur la régularité du jugement :
- les premiers juges, d'une part ont rejeté au fond les demandes de M. B...et de la société SOFID qui avaient limité leur intervention au soutien des demandes formées par la société Dock Services , d'autre part, ont omis de statuer sur le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de la décision du 11 avril 2014 ;
sur le bien fondé du jugement :
- la décision de résiliation du contrat de concession a été prise par une autorité incompétente, et elle est de ce fait inexistante ;
- la décision est intervenue à l'issue d'une procédure irrégulière faute d'avoir été précédée d'une procédure contradictoire ;
- l'article 4 du contrat ne prévoit pas la résolution du contrat, qui ne peut intervenir de plein droit que dans le cas d'une clause non équivoque sur ce point et sans mise en demeure préalable du cocontractant, mais seulement sa résiliation sans indemnité, qui ne peut avoir d'effet que pour l'avenir et qu'après mise en demeure du cocontractant restée infructueuse, laquelle n'a pas été mise en oeuvre en l'espèce ;
- la condition permettant la résolution du contrat n'était en toute hypothèse pas réalisée ;
- la société Dock Services est fondée à obtenir une indemnisation de la perte de chance sérieuse et du manque à gagner imputables à la faute de la commune des Sables d'Olonne.
Par un mémoire en défense, enregistré le 14 novembre 2017, la commune des Sables d'Olonne, représentée par MeE..., conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de la société Dock Services une somme de 5 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- les conclusions de la requête à fin de reprise des relations contractuelles sont irrecevables en tant qu'elles sont tardives ;
- aucun des moyens soulevés par la société Dock Services n'est fondé.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Besse, rapporteur ;
- les conclusions de M. Bréchot, rapporteur public,
- et les observations de Me A... pour la commune des Sables d'Olonne.
Considérant ce qui suit :
1. Par un contrat de concession conclu le 12 août 2013, la commune des Sables d'Olonne a confié à la société Dock Services le financement, la conception, la réalisation, l'exploitation et la maintenance d'un port à sec automatisé sur le site de la Cabaude, permettant le stockage, la mise à l'eau et la mise hors de l'eau d'environ 600 bateaux de plaisance. Par un courrier du 11 avril 2014, le maire de la commune a informé la société Dock Services de ce que, en application de l'article 4 du contrat de concession, le contrat était résilié au motif que plus de sept mois et demi après sa signature, cette société ne disposait pas de la totalité du financement de l'opération faute d'avoir trouvé l'apport en fonds propres nécessaire. Par un courrier du 3 octobre 2014, la société Dock Services a demandé à la commune, à titre principal de rapporter la décision de résiliation du contrat, et subsidiairement de lui verser une indemnité de 9 486 000 euros au titre du manque à gagner qu'elle estimait avoir subi du fait de cette décision de résiliation. Par un courrier du 15 octobre 2014, le maire des Sables d'Olonne a refusé de faire droit à ces demandes. La société Dock Services a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision du 11 avril 2014, d'enjoindre à la commune des Sables d'Olonne de reprendre les relations contractuelles, et subsidiairement, de condamner la commune à réparer les préjudices résultant pour elle de la résiliation du contrat, à hauteur de 500 000 euros au titre de la perte subie, de 5 140 000 euros au titre de la perte de profit et de 1 000 000 euros au titre du préjudice commercial. La société Dock Services, ainsi que M. B...et la société Sofid, intervenants en première instance, relèvent appel du jugement n° 1410678 du 19 avril 2017 par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté la requête et demandent à la cour de constater l'inexistence et l'illégalité de la décision du 11 avril 2014 par laquelle le maire des Sables d'Olonne a décidé de résilier le contrat de concession conclu le 12 août 2013, d'enjoindre à la commune des Sables d'Olonne de reprendre les relations contractuelles et, subsidiairement, de condamner la commune à lui verser les sommes de 566 731 euros au titre de la perte en industrie et de 5 140 000 euros au titre du manque à gagner résultant pour elle de la résiliation du contrat.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Il résulte des motifs mêmes du jugement attaqué que, contrairement à ce que soutient la société Dock Services, d'une part, le tribunal administratif de Nantes, qui n'était pas tenu de répondre à tous les arguments avancés par les parties, après avoir requalifié les conclusions à fin d'annulation de la décision de résiliation du contrat en conclusions tendant à la reprise des relations contractuelles et rejeté ces dernières comme tardives, a expressément indiqué, s'agissant des conclusions indemnitaires, que la résiliation du contrat étant justifiée sur le fond, la société requérante ne peut prétendre à être indemnisée des préjudices qu'elle allègue en l'absence de lien de causalité entre ces préjudices et les vices invoqués, tirés de l'incompétence de l'auteur de la décision de résiliation et de l'irrégularité de procédure dont elle serait entachée. D'autre part, le tribunal, en jugeant que les interventions de M. B... et de la société SOFID ne pouvaient être admises, n'a pas rejeté ces interventions sur le fond. Par suite, la requérante n'est pas fondée à soutenir que le jugement attaqué serait entaché d'irrégularités en ce que les premiers juges auraient omis de répondre à un moyen et auraient méconnu le caractère accessoire de l'intervention de M. B...et de la société SOFID en y répondant au fond.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
Sans qu'il soit besoin de statuer sur la recevabilité des conclusions présentées par M. B... et la société SOFID :
3. Le juge du contrat, saisi par une partie d'un litige relatif à une mesure d'exécution d'un contrat, peut seulement, en principe, rechercher si cette mesure est intervenue dans des conditions de nature à ouvrir droit à indemnité. Toutefois, une partie à un contrat administratif peut, eu égard à la portée d'une telle mesure d'exécution, former devant le juge du contrat un recours de plein contentieux contestant la validité de la résiliation de ce contrat et tendant à la reprise des relations contractuelles. Elle doit exercer ce recours, y compris si le contrat en cause est relatif à des travaux publics, dans un délai de deux mois à compter de la date à laquelle elle a été informée de la mesure de résiliation.
4. Il résulte de ce qui a été dit au point 4 que les conclusions présentées en appel par la société Docks Services doivent être regardées comme tendant, outre à l'annulation du jugement du 19 avril 2017, seulement, à titre principal à la reprise des relations contractuelles avec la commune des Sables d'Olonne et, à titre subsidiaire, à l'indemnisation du préjudice que la société estime avoir subi du fait de la résiliation du contrat de concession.
En ce qui concerne la fin de non recevoir opposée par la commune tirée de la tardiveté des conclusions principales tendant à la reprise des relations contractuelles :
5. Il résulte de l'instruction que le courrier du 11 avril 2014 par lequel le maire des Sables d'Olonne a informé la société Docks Services de la résiliation du contrat de concession signé le 12 août 2013 a été reçu par cette société le 14 avril suivant. La société Docks Services a ainsi été dument informée de la mesure de résiliation du contrat à cette date, à compter de laquelle a commencé à courir le délai de deux mois dont elle disposait pour en contester la validité et demander la reprise des relations contractuelles. Or, il est constant, ainsi que l'admet d'ailleurs la requérante, que sa demande auprès du tribunal administratif de Nantes tendant à la reprise des relations contractuelles n'a été enregistrée que le 15 décembre 2014, au-delà du délai de deux mois précité qui avait expiré le 15 juin 2014. En outre, la circonstance, à la supposer avérée, selon laquelle la décision de résiliation serait inexistante en raison des vices particulièrement graves qui l'affecteraient, notamment celui tiré de l'incompétence du maire pour prendre cette décision, est en tout état de cause sans incidence sur l'information reçue par la société Docks Services et par conséquent sur le point de départ du délai de recours de deux mois, seul applicable. Par suite, comme l'a jugé à bon droit le tribunal administratif, les conclusions tendant à la reprise des relations contractuelles étaient tardives et ne pouvaient, pour ce motif, qu'être rejetées.
En ce qui concerne les conclusions indemnitaires présentées à titre subsidiaire :
6. En premier lieu, aux termes de l'article 4 de la convention conclue le 12 août 2013 par la commune des Sables d'Olonne et la société Docks Services : " Durée et conditions résolutoires : (...) La présente convention est consentie sous les conditions résolutoires suivantes : - l'introduction d'un recours dirigé contre la présente convention, ou tout acte s'y rattachant, - la non délivrance dans un délai de dix huit (18) mois, à compter de la notification de la présente convention, du permis de construire définitif, et de toute autre autorisation ou déclaration administrative (loi sur l'eau etc) nécessaire à la construction et l'exploitation de l'ensemble des ouvrages des deux phases visés à l'annexe n° 4, c'est-à-dire purgés de tous recours ainsi que de retrait administratif. / Pour l'une ou l'autre de ces hypothèses, la partie concernée en informe sans délai l'autre partie et lui communique l'ensemble des éléments faisant obstacle à la levée de la condition résolutoire. Les parties se réuniront dans les meilleurs délais afin de déterminer les conséquences juridiques et financières de l'événement sur la poursuite de leurs relations contractuelles. / A défaut d'accord sur la poursuite des relations contractuelles dans un délai de trois mois à compter de la survenance de l'un de ces évènements, la Ville disposera seule de la faculté de procéder unilatéralement à la résiliation de la présente convention. Elle en avisera le Concessionnaire par courrier recommandé avec accusé de réception, dans le délai de trois mois précité. / A défaut de résiliation, la Ville supportera seule les conséquences directes et indirectes de sa décision de poursuivre le présent Contrat. / En cas de mise en oeuvre de la faculté de résiliation, le Concessionnaire sera indemnisé par la Ville dans les conditions suivantes, dans la mesure où l'événement en cause ne trouve pas son origine dans une erreur, faute ou négligence du Concessionnaire. Si tel était le cas, il sera fait application des dispositions de l'article 41 (déchéance) (...). / D'autre part, le Concessionnaire a sollicité pour la première phase de construction un financement bancaire dont les conditions essentielles sont les suivantes : - Montant = 5,9 million d'euros (80% de 7,4 M€ HT pour la première phase de deux halls), - Durée = 15 ou 16 années, - Taux = 4,5% avec assurance, - 20 % du montant de l'investissement total soit 1,5 M€ HT sous la forme d'apport du Concessionnaire, - Garantie de la Ville à hauteur de 50% du prêt (soit 2,95 M€) assortie d'une précommercialisation à hauteur de 146 places de bateaux de 7,50 mètres de moyenne avant le démarrage des travaux. Si le Concessionnaire n'a pas trouvé l'apport nécessaire dans les 6 mois à compter de la signature du présent contrat, celui-ci sera résilié sans qu'aucune indemnisation ne puisse être demandée à la Ville par le Concessionnaire. ". Il résulte du dernier alinéa de ces stipulations qu'à défaut pour le concessionnaire de justifier, dans les six mois à compter de la signature de la convention de concession, soit au plus tard le 12 février 2014, disposer d'un apport propre correspondant à 20 % du montant total du financement nécessaire à l'opération, soit 1,5 million d'euros HT, la convention est résiliée de plein droit, sans que cette résiliation n'ouvre droit à indemnisation.
7. Il résulte de l'instruction que ni la note technique n° 1 intitulée " Analyse du mécanisme de financement mis en place par la SAS Dock Service. Degré de fiabilité " réalisée par M. G..., expert-comptable, ni la lettre d'intention d'investissement de la société PME Invest, filiale de la société Private Equity, datée du 12 mars 2013, ni la " lettre d'intention préalable à une augmentation de capital de la société Docks Services " émanant de la société Private Equity, datée du 17 mai 2013, ni le courrier émanant de M. C...D..., présenté comme l'un des partenaires financiers de la société Dock Services, en date du 30 septembre 2014, c'est-à-dire postérieurement à la date du 12 février 2014 d'expiration du délai de six mois suivant la signature du contrat de concession en cause, ne permettent d'établir que la société Docks Services disposait, le 12 février 2014, de l'apport propre exigé pour le financement de 20 % du montant de l'investissement nécessaire à la réalisation du projet. En effet, il ne résulte d'aucun de ces documents que la SAS Docks Services disposait ainsi, dans ses comptes ou de manière immédiatement mobilisable et avant l'expiration du délai de six mois stipulé, de la somme devant constituer cet " apport nécessaire ". Dès lors, la requérante n'est pas fondée à soutenir que la décision de résiliation du contrat procèderait d'une application erronée des stipulations précitées de l'article 4 de la convention de concession.
8. En deuxième lieu, alors même que la résiliation du contrat serait irrégulière en la forme, dès lors qu'elle est justifiée au fond, comme il a été dit au point précédent, la société Docks Services ne peut prétendre à être indemnisée du préjudice résultant de cette rupture anticipée du contrat alors que l'article 4 précité au point 6 stipule expressément que, dans l'hypothèse du défaut de respect dans le délai requis de l'exigence d'un apport propre de 1,5 million d'euros correspondant à 20 % du financement nécessaire, le contrat sera résilié sans que le concessionnaire ne puisse demander aucune indemnisation à la commune concédante. Par suite, en l'absence de lien de causalité avec les préjudices allégués, les vices invoqués tirés de l'incompétence de l'auteur de la décision de résiliation et de l'irrégularité de procédure dont serait prétendument entachée cette décision ne peuvent ouvrir à la société un droit à indemnisation.
9. Il résulte de tout ce qui précède que la société Docks Services n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué du 19 avril 2017, le tribunal administratif a rejeté sa demande.
Sur les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
10. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune des Sables d'Olonne, qui n'a pas la qualité de partie perdante dans la présente instance, la somme que demande la société Docks Services au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. En revanche, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la société Docks Services, sur ce même fondement, la somme de 1 500 euros à verser à la commune des Sables d'Olonne.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de la société Dock Services et les conclusions de M. B...et de la société SOFID sont rejetées.
Article 2 : La société Dock Services versera à la commune des Sables d'Olonne la somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société Dock Services, aux ayants droit de M.B..., à la société Sofid et à la commune des Sables d'Olonne.
Délibéré après l'audience du 8 janvier 2019, à laquelle siégeaient :
- M. Lainé, président de chambre,
- Mme Tiger-Winterhalter, présidente assesseure,
- M. Besse, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 25 janvier 2019.
Le rapporteur,
P. BesseLe président,
L. Lainé
Le greffier,
V. Desbouillons
La République mande et ordonne au préfet de la Vendée en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 17NT01906