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25/01/2019 | FRANCE | N°17NT01898

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 4ème chambre, 25 janvier 2019, 17NT01898


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société centrale d'approvisionnement de l'Armorique (SCARMOR) a demandé au tribunal administratif de Rennes de condamner l'Etat à lui verser à la somme de 55 716,27 euros, assortie des intérêts, en application du premier alinéa de l'article L. 2216-3 du code général des collectivités territoriales, alors applicable et désormais repris à l'article L. 211-10 du code de la sécurité intérieure.

Par un jugement n° 1506031 du 20 avril 2017 le tribunal administratif de Rennes a rejeté cette dem

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Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 19 juin 2017, la so...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société centrale d'approvisionnement de l'Armorique (SCARMOR) a demandé au tribunal administratif de Rennes de condamner l'Etat à lui verser à la somme de 55 716,27 euros, assortie des intérêts, en application du premier alinéa de l'article L. 2216-3 du code général des collectivités territoriales, alors applicable et désormais repris à l'article L. 211-10 du code de la sécurité intérieure.

Par un jugement n° 1506031 du 20 avril 2017 le tribunal administratif de Rennes a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 19 juin 2017, la société centrale d'approvisionnement de l'Armorique (SCARMOR), représentée par Me A..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Rennes du 20 avril 2017 ;

2°) de condamner l'Etat à lui verser à la somme de 55 716,27 euros à titre d'indemnisation du coût de réparation des dégradations commises sur les sites de Landerneau et du Relecq-Kerhuon par les agriculteurs durant les périodes allant du 26 au 28 novembre 2008 et du 7 au 13 juin 2009 ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 5 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement attaqué est irrégulier ; les mentions portées sur l'application Sagace ne sont pas suffisantes pour satisfaire les dispositions de l'article R. 711-3 du code de justice administrative ;

- des agriculteurs ont commis des dégradations sur ses sites de Landerneau et du Relecq-Kerhuon entre les 26 et 28 novembre 2008 et bloqué ces mêmes sites ;

- son site du Relecq-Kerhuon a également été bloqué par des agriculteurs entre les 7 et 13 juin 2009 : des agriculteurs ont bloqué les accès routiers du centre commercial dépendant de l'hypermarché Leclerc à Vannes ; ces faits engagent la responsabilité de l'Etat sur le fondement de l'article L. 2216-3 du code général des collectivités territoriales.

Par un mémoire en défense, enregistré le 9 novembre 2018, le préfet du Finistère conclut au rejet de la requête.

Le préfet soutient que le jugement attaqué est régulier et qu'aucun moyen de fond n'est fondé.

Par une ordonnance n° 17NT01898 QPC du 22 août 2017, le président de la 4ème chambre de la cour a jugé qu'il n'y avait pas lieu de transmettre au Conseil d'État la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par la SCAMOR tirée de l'inconstitutionnalité de l'article L. 2216-3 du code général des collectivités territoriales devenu l'article L. 211-10 du code de la sécurité intérieure.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code de la sécurité intérieure ;

- le code de justice administrative.

Par ordonnance du 19 novembre 2018, prise en application des articles R. 611-11-1 et R. 613-1 du code de justice administrative, la clôture d'instruction a été fixée avec effet immédiat.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Tiger-Winterhalter,

- et les conclusions de M. Bréchot, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. La société centrale d'approvisionnement de l'Armorique (SCARMOR) a demandé au tribunal administratif de Rennes de condamner l'Etat à l'indemniser des préjudices qu'elle estime avoir subis du fait des dégradations commises lors du blocage de ses entrepôts situés sur les territoires des communes de Landerneau et du Relecq-Kerhuon, dans le Finistère, par des agriculteurs durant les périodes allant du 26 au 28 novembre 2008 et du 7 au 13 juin 2009. Par un jugement du 20 avril 2017 le tribunal administratif de Rennes a rejeté cette demande. La SCARMOR relève appel de ce jugement.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Il ressort du relevé de l'application Sagace que, préalablement à l'audience qui s'est tenue le 23 mars 2017, le sens des conclusions du rapporteur public a été porté à la connaissance des parties avec la mention " rejet au fond ; pas de mouvement spontané, pas de préjudice anormal et spécial ". Ainsi, la SCARMOR n'est pas fondée à soutenir que cette information n'aurait pas été suffisante et que les dispositions de l'article R. 711-3 du code de justice administrative auraient été méconnues, le rapporteur public n'étant pas tenu, à peine d'irrégularité du jugement, d'indiquer les motifs qui le conduisaient à proposer cette solution de rejet.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

3. Selon le premier alinéa de l'article L. 2216-3 du code général des collectivités territoriales, alors en vigueur et désormais repris à l'article L. 211-10 du code de la sécurité intérieure : " L'Etat est civilement responsable des dégâts et dommages résultant des crimes et délits commis, à force ouverte ou par violence, par des attroupements ou rassemblements armés ou non armés, soit contre les personnes, soit contre les biens ". L'application de ces dispositions est subordonnée à la condition que les dommages dont l'indemnisation est demandée résultent de manière directe et certaine de crimes ou de délits déterminés commis par des rassemblements ou des attroupements précisément identifiés.

En ce qui concerne les événements du mois de novembre 2008 :

4. Il résulte de l'instruction que le 26 novembre 2008, à l'appel de la fédération départementale des syndicats d'exploitants agricoles (FDSEA) et du syndicat des Jeunes agriculteurs (JA), plusieurs centaines de producteurs agricoles se sont réunis à Saint-Ségal dans des locaux appartenant à la chambre d'agriculture. Une centaine d'agriculteurs se sont ensuite rendus sur le site de la SCARMOR situé à Landerneau, commune distante de quelque 35 km de Saint-Ségal. Les grilles de l'entrée du site ont été soudées, les portails d'accès, un rideau métallique, des fenêtres de la maison d'accueil ont été dégradés, cinq caméras de surveillance détruites, les portes d'accès à la cafétéria fracturées, des bouteilles d'alcool volées et un camion et un cabanon incendiés. Un groupe s'est ensuite rendu sur le site du Relecq-Kerhuon où la chaussée devant l'entrée du site a été incendiée, les grilles d'accès, le grillage et les barrières automatiques, l'abri du gardien dégradés. Parallèlement, des relais ont été mis en place pour maintenir le blocage du site de Landerneau et des tracteurs ont déversé des déchets, tels que carcasses de pneus, terre, etc..., pour empêcher l'accès au site. Ces dégradations, bien que survenues après la tenue d'une réunion organisée à l'initiative de la FDSEA et du syndicat des jeunes agriculteurs, ont été commises par un groupe constitué et organisé à seule fin de commettre un délit de destruction, de dégradation ou de détérioration volontaire d'un bien appartenant à autrui, en un lieu distant de plusieurs dizaines de kilomètres du lieu où s'est tenue la réunion, ces faits délictueux s'étant en outre poursuivis durant plusieurs journées. Dans ces conditions, ainsi que l'a retenu le tribunal administratif de Rennes, ces agissements ne sont pas de nature à engager la responsabilité de l'Etat sur le fondement des dispositions de l'article L. 211-10 du code de la sécurité intérieure.

En ce qui concerne les événements du mois de juin 2009 :

5. Il résulte de l'instruction que, le 7 juin 2009, une cinquantaine de producteurs agricoles ont bloqué l'accès au site de la SCARMOR à Relecq-Kerhuon. Des barrages composés de pneus, rounballs et détritus divers, acheminés par un tracteur tirant une remorque ont été dressés sur la voie publique et embrasés pour interdire tout accès. Le blocus a été réinstallé le 10 juin 2009, après que les manifestants ont levé le blocage le 8 juin suite à une ordonnance d'expulsion prononcée par le tribunal de grande instance de Brest. La circonstance que ces faits se sont déroulés dans un contexte de revendications nationales des agriculteurs ne suffit pas à établir que les agissements à l'origine du blocage auraient été commis par un attroupement ou un rassemblement au sens des dispositions de l'article L. 211-10 du code de la sécurité intérieure. Ainsi, ces agissements ne sont pas de nature à engager la responsabilité de l'Etat sur le fondement de ces dispositions.

6. Il résulte de tout ce qui précède que la SCARMOR n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande.

Sur les conclusions présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

7. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que la société requérante demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la société centrale d'approvisionnement de l'Armorique (SCARMOR) est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société centrale d'approvisionnement de l'Armorique (SCARMOR) et au ministre de l'intérieur.

Une copie en sera transmise au préfet du Finistère.

Délibéré après l'audience du 8 janvier 2019, à laquelle siégeaient :

- M. Lainé, président de chambre,

- Mme Tiger-Winterhalter, présidente assesseure,

- M. Besse, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 25 janvier 2019.

La rapporteure,

N. Tiger-WinterhalterLe président,

L. Lainé

Le greffier,

V. Desbouillons

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

17NT01898


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 17NT01898
Date de la décision : 25/01/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. LAINE
Rapporteur ?: Mme Nathalie TIGER-WINTERHALTER
Rapporteur public ?: M. BRECHOT
Avocat(s) : SELARL CHEVALLIER ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 05/02/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2019-01-25;17nt01898 ?
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