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11/01/2019 | FRANCE | N°17NT03863

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 5ème chambre, 11 janvier 2019, 17NT03863


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Parc Eolien Nordex LVII SAS a demandé au tribunal administratif d'Orléans d'annuler l'arrêté du préfet de la région Centre-Val de Loire du 19 mai 2016 lui refusant l'autorisation d'exploiter un parc éolien de 20 éoliennes et 5 postes de livraison sur le territoire des communes de Boisville la Saint Père et de Prunay le Gillon.

Par un jugement n° 1602345 du 14 novembre 2017, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requ

ête et un mémoire, enregistrés les 21 décembre 2017 et 2 octobre 2018, la société Parc Eolien N...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Parc Eolien Nordex LVII SAS a demandé au tribunal administratif d'Orléans d'annuler l'arrêté du préfet de la région Centre-Val de Loire du 19 mai 2016 lui refusant l'autorisation d'exploiter un parc éolien de 20 éoliennes et 5 postes de livraison sur le territoire des communes de Boisville la Saint Père et de Prunay le Gillon.

Par un jugement n° 1602345 du 14 novembre 2017, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 21 décembre 2017 et 2 octobre 2018, la société Parc Eolien Nordex LVII SAS, représentée par MeA..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 14 novembre 2017 ;

2°) d'ordonner une visite des lieux ;

3°) d'annuler l'arrêté du 19 mai 2016 ;

4°) de délivrer l'autorisation d'exploiter ;

5°) à titre subsidiaire, d'enjoindre au préfet de délivrer l'autorisation d'exploiter sollicitée ou, à défaut, de statuer à nouveau sur la demande d'autorisation d'exploiter, dans un délai d'un mois à compter de la décision à intervenir, sous astreinte de 500 euros par jour de retard ;

6°) à titre infiniment subsidiaire, d'annuler le jugement et à sa suite l'arrêté du 19 mai 2016 en tant qu'ils ont refusé l'implantation des éoliennes E5 à E8 et E13 à E20 et en conséquence délivrer l'autorisation demandée en ce qui concerne les éoliennes E5 à E8 et E13 à E20 ;

7°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement est irrégulier dès lors qu'il est entaché de contradictions s'agissant de l'avis de la direction de la sécurité aéronautique d'Etat et il n'est pas suffisamment motivé s'agissant des atteintes qui seraient portées à la cathédrale de Chartres ;

- en reprenant l'avis de la direction de la sécurité aéronautique d'Etat sans se l'approprier, le préfet a entaché son arrêté d'une incompétence négative ;

- l'arrêté préfectoral n'est pas suffisamment motivé en fait ;

- le préfet ne pouvait pas opposer l'existence d'un secteur VOLTAC, dépourvu d'existence légale ou réglementaire et non opposable aux exploitants, l'atteinte portée à la capacité des forces à réaliser leurs entrainements n'étant au demeurant pas démontrée ;

- le projet ne porte pas atteinte à la cathédrale de Chartres.

Par un mémoire en défense, enregistré le 21 août 2018, le ministre de la transition écologique et solidaire demande à la cour de rejeter la requête de la société Parc Eolien Nordex LVII SAS.

Le ministre fait valoir que les moyens d'annulation soulevés par la société Parc Eolien Nordex LVII SAS ne sont pas fondés.

La clôture de l'instruction a été prononcée le 22 octobre 2018.

Un mémoire, enregistré le 17 décembre 2018 et produit pour la société Parc Eolien Nordex LVII SAS, n'a pas été communiqué.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'environnement ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Picquet,

- les conclusions de M. Sacher, rapporteur public,

- et les observations de MeB..., représentant la société Parc Eolien Nordex LVII SAS.

Considérant ce qui suit :

1. Par un arrêté du 19 mai 2016, le préfet de la région Centre-Val de Loire a refusé à la société Parc Eolien Nordex LVII SAS l'autorisation d'exploiter un parc éolien de 20 éoliennes et 5 postes de livraison sur le territoire des communes de Boisville la Saint Père et de Prunay le Gillon. La société en cause a demandé au tribunal administratif d'Orléans d'annuler l'arrêté précité du 19 mai 2016. Par un jugement du 14 novembre 2017, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande. La société Parc Eolien Nordex LVII fait appel de ce jugement.

Sur la régularité du jugement :

2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés. ". Le jugement attaqué s'est fondé, pour écarter le moyen tiré de l'absence d'atteinte portée par le projet à la cathédrale de Chartres, sur la circonstance que les photomontages n°s 201, 202, 205, 206, 207 et 210 révèlent une covisibilité certaine avec la cathédrale de Chartres, la présence d'autres éoliennes et les infrastructures existantes ne suffisant pas à atténuer le caractère prégnant de la perception des éoliennes du nouveau projet. Ce jugement, qui caractérise de manière suffisante l'existence d'une atteinte portée par le projet à la cathédrale de Chartres, est, dès lors, conforme aux dispositions précitées de l'article L. 9 du code de justice administrative.

3. En second lieu, le moyen tiré de ce que le jugement attaqué contient des contradictions internes dans ses motifs en indiquant que l'arrêté attaqué cite notamment l'avis défavorable du ministre de la défense, puis en estimant que le moyen tiré de l'exception d'illégalité de cet avis dans le cadre de la procédure d'autorisation des installations classées pour la protection de l'environnement (ICPE) est inopérant relève, non pas de la régularité du jugement mais de son bien fondé.

Sur le bien fondé du jugement :

4. En premier lieu, si le préfet cite notamment l'avis défavorable du ministre de la défense, il résulte des termes de l'arrêté attaqué qu'il ne s'est pas estimé lié par cet avis, dès lors qu'il a effectué un contrôle plus global des atteintes portées aux intérêts visés à l'article L. 511-1 du code de l'environnement. Par suite, le moyen tiré de ce que le préfet se serait à tort cru en situation de compétence liée et aurait ainsi entaché sa décision d'incompétence négative ne peut qu'être écarté.

5. En deuxième lieu, l'arrêté attaqué a indiqué que le projet se situe dans un espace permanent (VOLTAC GIH) dédié à l'entraînement des équipages d'hélicoptères au vol à très basse altitude de jour comme de nuit à une hauteur inférieure à 150 mètres et que les éoliennes se situent partiellement dans des zones de covisibilité et à une distance allant environ de 15,5 km à 19,5 km de la cathédrale de Chartres, le projet portant atteinte aux intérêts visés à l'article L. 511-1 du code de l'environnement. Dès lors, le moyen tiré de ce que l'arrêté attaqué n'était pas suffisamment motivé en fait doit être écarté.

6. En troisième lieu, comme l'ont indiqué les premiers juges, la société requérante ne saurait utilement se prévaloir, à l'encontre du refus litigieux d'autorisation d'exploiter une installation classée pour la protection de l'environnement, de l'exception d'illégalité de l'avis défavorable du ministre de la défense émis dans le cadre de la procédure de délivrance de permis de construire.

7. En quatrième et dernier lieu, aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'environnement : " Sont soumis aux dispositions du présent titre les usines, ateliers, dépôts, chantiers et, d'une manière générale, les installations exploitées ou détenues par toute personne physique ou morale, publique ou privée, qui peuvent présenter des dangers ou des inconvénients soit pour la commodité du voisinage, soit pour la santé, la sécurité, la salubrité publiques, soit pour l'agriculture, soit pour la protection de la nature, de l'environnement et des paysages, soit pour l'utilisation rationnelle de l'énergie, soit pour la conservation des sites et des monuments ainsi que des éléments du patrimoine archéologique. ".

8. D'une part, il ressort de l'arrêté en cause du préfet que ce dernier s'est opposé au projet notamment au motif qu'il se situe dans un secteur de vol tactique (VOLTAC) dédié à l'entraînement des équipages d'hélicoptères au vol à très basse altitude de jour comme de nuit, à une hauteur inférieure à 150 mètres. Il n'est pas établi, par la seule production de deux attestations des maires des communes de Prunay le Gillon et de Boisville-la-Saint-Père indiquant qu'ils n'ont jamais assisté, dans les dix dernières années, à un entraînement à très basse altitude d'hélicoptères sur le site d'implantation du projet, que l'activité des hélicoptères du groupement interarmées serait inexistante, alors même qu'il s'agit d'un secteur non permanent. La requérante ne saurait utilement soutenir que, dès lors qu'un obstacle d'une hauteur inférieure ou égale à 150 mètres se présente aux pilotes, au vu de la réglementation de la circulation aérienne militaire, ils ont l'obligation de l'éviter en volant à une altitude supérieure ou en passant à côté, un vol à plus de 150 mètres d'altitude pouvant entraîner, outre l'interruption de la mission d'entraînement, une situation accidentogène. De même, la société Parc Eolien Nordex LVII ne saurait soutenir que si le groupement interarmées d'hélicoptères veut s'entraîner dans une zone réservée, il dispose de la " zone dangereuse " voisine du secteur VOLTAC, le ministre faisant valoir sans être contredit que la zone dangereuse n'est utilisée que pour des manoeuvres très spécifiques et ne présente pas une surface d'entraînement suffisante. La circonstance que les éoliennes, qui font l'objet d'un balisage, soient mentionnées sur les cartographies aéronautiques ne saurait suffire à prévenir les risques de collision. Si l'emprise au sol du projet représente seulement 0,1 % du secteur VOLTAC, il ressort des pièces du dossier que le projet occupe un espace alors dégagé entre deux parcs éoliens autorisés, condamnant les transits Nord-Sud et Est-Ouest, en obligeant les hélicoptères à parcourir de grandes distances de contournement, rendant une grande partie du secteur impraticable, de nature à dégrader la capacité des forces armées à réaliser les exercices militaires des hélicoptères de combat. La société Parc Eolien Nordex LVII produit des cartes indiquant que la réduction du parc éolien aux éoliennes E5 à E8 et E13 à E20 préserve des interdistances de plus de 3 600 mètres entre les parcs éoliens, permettant les manoeuvres et le transit latéral des formations d'hélicoptères, sans que cela soit contredit par la défense. Toutefois, ce seul élément, qui ne porte que sur les distances latérales et pas, notamment, sur les distances verticales, ne suffit pas à établir que ces éoliennes ne portaient pas atteinte à la sécurité publique au sens des dispositions précitées de l'article L. 511-1 du code de l'environnement.

9. D'autre part, la cathédrale de Chartres, classée au patrimoine mondial de l'Humanité par l'UNESCO, occupe une position remarquable dans la plaine de la Beauce. Sa silhouette, observable à plus de 25 km aux alentours, constitue un signal particulièrement marquant dans le paysage. Il résulte de l'instruction, au vu notamment de la pièce intitulée " co-visibilité avec la cathédrale de Chartres avec le projet de parc éolien " Honville-Prunay-Nordex-", que les éoliennes E1 à E20, dont la plus proche est à 16 km de la cathédrale de Chartres, seront dans un angle de 25° de part et d'autre de l'axe de vue de la cathédrale, en étant ainsi en situation de covisibilité avec celle-ci. La société requérante ne saurait utilement soutenir, à cet égard, qu'un autre parc éolien déjà autorisé va s'intercaler entre la cathédrale et le projet, ce dernier pouvant constituer une atteinte supplémentaire. Par conséquent, la société requérante n'est pas fondée à soutenir que les éoliennes projetées ne portaient pas atteinte à la conservation des perspectives offertes sur la cathédrale de Chartres au sens des dispositions précitées de l'article L. 511-1 du code de l'environnement.

10. Il résulte de tout ce qui précède et sans qu'il soit besoin de faire droit à la mesure d'instruction sollicitée, que la société Parc Eolien Nordex LVII SAS n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction sous astreinte doivent également être rejetées.

Sur les frais liés au litige :

11. L'Etat n'étant pas, dans la présente instance, la partie perdante, il n'y a pas lieu de mettre à sa charge le versement de la somme demandée par la société Parc Eolien Nordex LVII SAS au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la société Parc Eolien Nordex LVII SAS est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société Parc éolien Nordex LVII SAS et au ministre de la transition écologique et solidaire.

Copie en sera adressée, pour information, au préfet de la région Centre-Val de Loire.

Délibéré après l'audience du 21 décembre 2018, à laquelle siégeaient :

- M. Dussuet, président de chambre,

- M. Degommier, président assesseur,

- Mme Picquet, premier conseiller.

Lu en audience publique le 11 janvier 2019.

Le rapporteur,

P. PICQUET

Le président,

J-P. DUSSUET

Le greffier,

C. POPSE

La République mande et ordonne au ministre de la transition écologique et solidaire en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N°17NT03863


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 17NT03863
Date de la décision : 11/01/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. DUSSUET
Rapporteur ?: Mme Pénélope PICQUET
Rapporteur public ?: M. SACHER
Avocat(s) : LPA CGR

Origine de la décision
Date de l'import : 22/01/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2019-01-11;17nt03863 ?
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