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11/01/2019 | FRANCE | N°17NT00678

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 5ème chambre, 11 janvier 2019, 17NT00678


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Parc éolien de Guern a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler l'arrêté en date du 28 novembre 2013 par lequel le préfet du Morbihan a refusé de lui délivrer un permis de construire de régularisation portant sur un parc éolien composé de trois aérogénérateurs et d'un poste de livraison électrique situé au lieu-dit Nizio, sur le territoire de la commune de Guern (Morbihan) et la décision implicite par laquelle le préfet a rejeté le recours administratif qu'elle avait form

é contre ce refus.

Par un jugement n° 1402734 du 23 décembre 2016, le tribunal ad...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Parc éolien de Guern a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler l'arrêté en date du 28 novembre 2013 par lequel le préfet du Morbihan a refusé de lui délivrer un permis de construire de régularisation portant sur un parc éolien composé de trois aérogénérateurs et d'un poste de livraison électrique situé au lieu-dit Nizio, sur le territoire de la commune de Guern (Morbihan) et la décision implicite par laquelle le préfet a rejeté le recours administratif qu'elle avait formé contre ce refus.

Par un jugement n° 1402734 du 23 décembre 2016, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 23 février et le 24 novembre 2017, la société Parc éolien de Guern, représentée par MeD..., demande à la cour, dans le dernier état de ses écritures :

1°) d'annuler ce jugement du 23 décembre 2016 ;

2°) d'annuler l'arrêté préfectoral du 28 novembre 2013 et la décision implicite portant rejet du recours administratif formé contre cet arrêté ;

3°) d'enjoindre au préfet, à titre principal, de lui délivrer le permis de construire demandé dans un délai de trente jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir , sous astreinte de 2 500 euros par jour de retard ;

4°) de dire et juger, à titre subsidiaire, qu'elle est dispensée de permis de construire en application de l'ordonnance du 26 janvier 2017 et des décrets n° 2017-81 et 2017-82 ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 5 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

La société Parc éolien de Guern soutient que :

- aucun obstacle ne s'oppose à ce que le parc éolien désormais implanté puisse faire l'objet d'un permis de construire de régularisation ;

- la circonstance que l'autorisation de construire précédemment délivrée ait fait l'objet d'une annulation contentieuse ne fait pas obstacle à la délivrance d'un nouveau permis en cas de changement dans les circonstances de fait ou de droit intervenu depuis la constatation de l'illégalité du permis initial ;

- les éoliennes sont désormais soumises au statut des ICPE depuis l'entrée en vigueur de la loi du 12 juillet 2010 ;

- les parcs éoliens sont ainsi désormais surveillés en permanence et peuvent faire l'objet en cas de danger, sous forme de prescription de mesures permettant d'y remédier ;

- le parc éolien fonctionne sous bénéfice du régime de l'antériorité en étant placé sous la surveillance de l'administration au titre de la police des ICPE ;

- aucun obstacle particulier ne s'opposait à ce qu'un permis de construire de régularisation soit délivré ;

- l'autorité de la chose jugée qui s'attache à l'arrêt du Conseil d'Etat du 28 septembre 2012 doit s'effacer devant le changement des circonstances de droit intervenu ;

- l'instruction de la demande devait se faire au vu du nouveau droit applicable ;

- le préfet devait également tenir compte des nouvelles circonstances de fait, notamment la meilleure connaissance du risque de bris de pales ; il est désormais admis par la jurisprudence que le risque d'occurrence d'un tel évènement est extrêmement réduit ;

- le préfet a insuffisamment motivé sa décision en ne fournissant aucune explication précise sur le risque de projection de pales ;

- le préfet a outrepassé sa compétence ;

- la procédure suivie a été irrégulière ;

- le préfet a entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation en estimant qu'il existait un risque de projection de pales ;

- l'exposition du secteur considéré à de fortes rafales de vent est faible ;

- le préfet a commis une erreur en justifiant son refus au motif erroné que la société ne bénéficiait pas de l'antériorité ;

- les parcs éoliens relèvent depuis l'ordonnance du 26 janvier 2017 du nouveau dispositif juridique de l'autorisation environnementale regroupant l'ensemble des autorisations requises pour le fonctionnement d'une ICPE ;

- l'autorisation d'exploiter dont elle bénéficie doit la faire regarder comme bénéficiant d'une autorisation environnementale et cette autorisation la dispense de permis de construire.

Par un mémoire en défense, enregistrés le 30 octobre 2017, le ministre de la cohésion des territoires conclut au rejet de la requête.

Le ministre fait valoir que :

- le préfet n'a pas entaché sa décision de refus d'une erreur manifeste d'appréciation quant au motif sur lequel il s'est fondé;

- le tribunal administratif ne s'est pas mépris dans son appréciation des motifs de la décision du préfet.

Par un mémoire en défense, enregistré le 27 décembre 2017, l'association contre le projet éolien de Guern, représentée par MeB..., conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 2 500 euros soit mise à la charge de la requérante au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

L'association fait valoir qu'aucun des moyens d'annulation soulevés par la requérante n'est fondé.

La cour a informé les parties le 6 février 2018 de ce qu'elle était susceptible de soulever d'office le moyen d'ordre public tiré du non lieu à statuer sur les conclusions à fins d'annulation, en raison de l'intervention de la loi, qu'elle pourrait prononcer.

Par un mémoire enregistré le 16 février 2018, le ministre de la cohésion des territoires a répondu à ce moyen d'ordre public en faisant valoir qu'il n'était pas fondé.

Par un mémoire enregistré le 22 février 2018, l'association contre le projet éolien de Guern a répondu à ce moyen d'ordre public en faisant valoir qu'il n'était pas fondé.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de l'urbanisme ;

- le code de l'environnement ;

- l'ordonnance n° 2017-80 du 26 janvier 2017 ;

- le décret n° 2017-81 du 26 janvier 2017 ;

- le décret n° 2017-82 du 26 janvier 2017 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Mony,

- les conclusions de M. Sacher, rapporteur public,

- et les observations de MeA..., représentant la société Parc éolien de Guern, et de MeC..., représentant l'association contre le projet éolien de Guern.

Considérant ce qui suit :

1. Par arrêté du 8 avril 2005, le préfet du Morbihan a délivré à la société Zjn Grundstucks-Verwaltungs Gmbh, un permis de construire quatre éoliennes et un poste de livraison électrique sur un terrain sis au lieudit "Nizio", sur le territoire de la commune de Guern. Ce permis de construire a été transféré, par arrêté préfectoral du 3 décembre 2007, à la SNC Parc éolien de Guern. A la suite d'une demande de permis de construire modificatif présentée, le 22 janvier 2009, par cette société tendant, notamment, à la "suppression de l'éolienne E3", dont il est constant qu'elle n'avait pas été édifiée, le préfet du Morbihan a délivré, par arrêté du 30 janvier 2009, à ladite société un permis de construire modificatif autorisant la construction des trois éoliennes E1, E2 et E4. L'arrêté préfectoral du 8 avril 2005 a été annulé, en tant qu'il autorise la construction des éoliennes E1, E2 et E4, par un arrêt du 7 avril 2010 de la Cour, confirmé par décision du 28 septembre 2012 du Conseil d'Etat. Les trois aérogénérateurs prévus avaient toutefois été antérieurement mis en place sur le site au cours du premier semestre 2008. La société du Parc éolien de Guern s'est fait connaître du préfet du Morbihan le 14 août 2012 afin de bénéficier du régime d'antériorité selon la possibilité ouverte par l'entrée en vigueur de la loi n° 2010-788 du 12 juillet 2010 portant engagement national pour l'environnement. La société a déposé, le 17 décembre 2012, une demande de permis de construire de régularisation. Le préfet du Morbihan a, par un arrêté en date du 28 novembre 2013, refusé de faire droit à cette demande. La société du Parc éolien de Guern a alors formé un recours administratif contre cette décision, implicitement rejeté par le préfet. Le recours contentieux formé par la société du Parc éolien de Guern contre ces deux décisions a été rejeté par un jugement du tribunal administratif de Rennes en date du 23 décembre 2016, dont la société relève appel.

Sur l'intervention en défense de l'association contre le projet éolien de Guern :

2. L'association contre le projet éolien de Guern a intérêt au maintien des décisions attaquées. Son intervention est dès lors recevable.

Sur les conclusions en annulation :

3. Il résulte de l'instruction qu'au 17 décembre 2012, date à laquelle la société Parc éolien de Guern a déposé une demande de permis de construire en vue de tenter de régulariser la situation née de l'annulation par la cour le 7 avril 2010 du permis qui lui avait été initialement délivré le 8 avril 2005 et modifié le 30 janvier 2009, les éoliennes terrestres dont la hauteur du mât et de la nacelle au-dessus du sol excède douze mètres relevaient toujours de la formalité du permis de construire, sans qu'y fasse obstacle la circonstance que le pétitionnaire ait par ailleurs procédé le 14 août 2012 à une déclaration d'antériorité en application des dispositions de l'article L. 513-1 du code de l'environnement en vue de pouvoir poursuivre l'exploitation de son parc. Il en va de même, en application du principe d'indépendance des législations, de la circonstance que le préfet du Morbihan ne s'est pas opposé à cette déclaration d'antériorité, laquelle ne concernait que l'autorisation d'exploiter et non l'autorisation de construire. Il ne résulte pas davantage de l'instruction que la société Parc éolien de Guern, ait, par ailleurs, à cette même date du 17 décembre 2012, date du dépôt de sa demande de permis de construire de régularisation, apporté à ses machines mises en exploitation le 23 décembre 2008 des modifications de nature à éviter, de manière certaine, tout risque d'atteinte à la sécurité publique. La société Parc éolien de Guern n'est ainsi pas fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif lui a opposé, en l'absence de tout changement des circonstances de droit et de fait, l'autorité de chose jugée attachée à l'arrêt précité. Par suite, elle n'est pas davantage fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa requête.

Sur les conclusions de la société Parc éolien de Guern tendant à ce qu'elle soit regardée comme dispensée de permis de construire :

4. Ainsi qu'il a été dit au point 1, le préfet du Morbihan a délivré le 8 avril 2005 à la société Zyn Grundstucks-Verwaltungs GmbH un permis de construire en vue de l'implantation d'un parc éolien composé de quatre aéro-générateurs et d'un poste de livraison électrique. Ce permis a ensuite été transféré à la société du Parc éolien de Guern, qui en a obtenu la prolongation. Cette société a obtenu le 26 janvier 2006 une autorisation de produire de l'électricité pour ce parc éolien, lequel a été mis en exploitation le 23 décembre 2008. Toutefois, alors que trois des quatre éoliennes prévues avaient déjà été installées et mises en fonctionnement, le permis de construire précité a été annulé le 7 avril 2010 par la cour, le Conseil d'Etat rejetant le pourvoi formé contre cet arrêt le 28 septembre 2012. A la suite de l'assujettissement des éoliennes au régime des installations classées pour l'environnement (ICPE) à compter du 14 juillet 2011 par la loi du 12 juillet 2010, et dès lors que le parc éolien mis régulièrement en service en 2008 n'avait jamais cessé son activité et ses conditions d'exploitation étant demeurées inchangées, la société a procédé le 14 août 2012, dans le délai fixé, à une déclaration d'antériorité en application des dispositions de l'article L. 513-1 du code de l'environnement en vue de pouvoir poursuivre cette exploitation sous régime ICPE. Le préfet du Morbihan ne s'est pas opposé à cette déclaration d'antériorité, demandant au contraire à l'exploitant de constituer des garanties financières, conformes à celles exigées des installations devant fonctionner sous régime ICPE, et ce dans le délai fixé par le législateur pour les installations de production d'électricité utilisant l'énergie mécanique du vent. Ces garanties ont été constituées et consignées le 19 août 2015. La société Parc éolien de Guern soutient qu'elle doit être regardée comme dispensée de permis de construire dès lors que l'autorisation d'exploiter dont elle bénéficie doit la faire regarder comme bénéficiant d'une autorisation environnementale et que cette autorisation la dispense de permis de construire.

5. Aux termes de l'article R. 425-29-2 du code de l'environnement issu du décret n° 2017-81 du 26 janvier 2017 : " Lorsqu'un projet d'éoliennes terrestres est soumis à autorisation environnementale en application du chapitre unique du titre VIII du livre Ier du code de l'environnement, cette autorisation dispense du permis de construire. ". Aux termes de l'article L. 513-1 figurant au chapitre III du Titre Ier du Livre V du même code, : " Les installations qui, après avoir été régulièrement mises en service, sont soumises, en vertu d'un décret relatif à la nomenclature des installations classées, à autorisation, à enregistrement ou à déclaration peuvent continuer à fonctionner sans cette autorisation, cet enregistrement ou cette déclaration, à la seule condition que l'exploitant se soit déjà fait connaître du préfet ou se fasse connaître de lui dans l'année suivant l'entrée en vigueur du décret. (...) ". Aux termes de l'article 15 de l'ordonnance n° 2017-80 du 26 janvier 2017 : " Les dispositions de la présente ordonnance entrent en vigueur le 1er mars 2017, sous réserve des dispositions suivantes : 1° les autorisations délivrées au titre du chapitre IV du titre Ier du livre II ou du chapitre II du titre Ier du livre V du code de l'environnement dans leur rédaction antérieure à la présente ordonnance (...) sont considérées comme des autorisations environnementales relevant du chapitre unique du titre VIII du livre Ier de ce code, avec les autorisations, enregistrements, déclarations, absences d'opposition, approbations et agréments énumérés par le I de l'article L. 181-2 du même code que les projets ainsi autorisés ont le cas échéant nécessités ; les dispositions de ce chapitre leur sont dès lors applicables, notamment lorsque ces autorisations sont contrôlées, modifiées, abrogées, retirées, renouvelées, transférées, contestées ou le lorsque le projet est définitivement arrêté et nécessite une remise en état (...) " ;

6. Considérant qu'il ressort de la combinaison des dispositions précitées que les installations fonctionnant au bénéfice des droits acquis n'entrent pas, selon l'énumération figurant à l'article 15 de l'ordonnance du 26 janvier 2017, parmi celles devant être regardées comme bénéficiant d'une autorisation environnementale à défaut pour les dispositions ayant créé ce nouveau régime d'autorisation d'y avoir intégré ce régime particulier.

7. Il résulte de ce qui précède qu'alors même qu'elle a été admise à poursuivre l'exploitation de son parc éolien au bénéfice du régime dite de l'antériorité, la société du Parc éolien de Guern ne peut être regardée comme étant titulaire, depuis le 1er mars 2017, d'une autorisation environnementale. La société ne peut donc utilement soutenir être dispensée de permis de construire.

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

8. Les dispositions de l'article L. 761-1 font obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas la partie perdante en la présente affaire, verse à la société du Parc éolien de Guern la somme que celle-ci réclame au titre des frais exposés par elle non compris dans les dépens. Il n'y a pas davantage lieu de faire droit aux conclusions présentées au même titre par l'association contre le projet éolien de Guern, cette dernière n'étant qu'intervenante en l'espèce.

D E C I D E :

Article 1er : L'intervention de l'association contre le projet éolien de Guern est admise.

Article 2 : La requête de la société Parc éolien de Guern est rejetée.

Article 3 : Les conclusions en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative de l'association contre le projet éolien de Guern sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la Société Parc éolien de Guern, au ministre de la transition écologique et solidaire, au ministre de la cohésion des territoires, au préfet du Morbihan et à l'association contre le projet éolien de Guern.

Délibéré après l'audience du 21 décembre 2018, à laquelle siégeaient :

- M. Dussuet, président,

- M. Degommier, président assesseur,

- M. Mony, premier conseiller,

Lu en audience publique le 11 janvier 2019.

Le rapporteur,

A. MONY

Le président,

J-P. DUSSUETLe greffier,

C. POPSE

La République mande et ordonne au ministre de la transition écologique et solidaire en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 17NT00678


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 17NT00678
Date de la décision : 11/01/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme la Pdte. PHEMOLANT
Rapporteur ?: M. Arnaud MONY
Rapporteur public ?: M. SACHER
Avocat(s) : AARPI VIA AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 22/01/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2019-01-11;17nt00678 ?
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