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04/01/2019 | FRANCE | N°18NT01125

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 4ème chambre, 04 janvier 2019, 18NT01125


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... a demandé au tribunal administratif de Nantes l'annulation des arrêtés du 27 novembre 2017 par lesquels le préfet de la Mayenne, d'une part, a prononcé sa remise aux autorités bulgares, d'autre part, l'a assigné à résidence.

Par un jugement 1710516 du 29 novembre 2017, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 13 mars 2018, M. C..., représenté par MeA..., dem

ande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nantes du 29 novembre 201...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... a demandé au tribunal administratif de Nantes l'annulation des arrêtés du 27 novembre 2017 par lesquels le préfet de la Mayenne, d'une part, a prononcé sa remise aux autorités bulgares, d'autre part, l'a assigné à résidence.

Par un jugement 1710516 du 29 novembre 2017, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 13 mars 2018, M. C..., représenté par MeA..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nantes du 29 novembre 2017 ;

2°) d'annuler les arrêtés du 27 novembre 2017 du préfet de la Mayenne ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 800 euros en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

en ce qui concerne la décision de réadmission en Bulgarie :

- la décision est entachée d'un vice de procédure ; le relevé d'empreintes qui a été effectué le 9 août 2017 alors qu'il a manifesté sa volonté de déposer une demande d'asile ne pouvait être fondé sur les dispositions du b du 1 de l'article 17 du règlement (UE) n° 603/2013 du 26 juin 2013 ;

- les dispositions de l'article 29 du règlement (UE) n° 603/2013 du 26 juin 2013 ont été méconnues ;

- les dispositions de l'article 4 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 ont été méconnues ; il n'est pas démontré que l'entretien a été conduit par une personne qualifiée en droit national ;

- le préfet a entaché sa décision d'une erreur de fait en indiquant qu'il n'avait pas d'enfant ;

- en cas de renvoi en Bulgarie il y a un risque de traitement inhumain ou dégradant au sens de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

en ce qui concerne la décision d'assignation à résidence :

- elle est illégale du fait de l'illégalité de la décision portant réadmission en Bulgarie.

Par un mémoire en défense, enregistré le 20 avril 2018, le préfet de la Mayenne conclut au rejet de la requête.

Il soutient qu'aucun des moyens soulevés par M. C... n'est fondé.

M. C... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision en date du 15 février 2018.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil en date du 26 juin 2013 ;

- le règlement (UE) n° 603/2013 du Parlement européen et du Conseil en date du 26 juin 2013 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Allio-Rousseau a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. D... C..., ressortissant afghan né le 21 avril 1995, est entré irrégulièrement sur le territoire français le 10 juillet 2017 et y a sollicité l'asile le 31 août 2017. La consultation du fichier Eurodac a révélé que ses empreintes digitales avaient été enregistrées en Bulgarie le 31 janvier 2017. Par deux arrêtés du 27 novembre 2017, le préfet de la Mayenne a ordonné sa remise aux autorités bulgares, qui ont accepté explicitement sa reprise en charge le 17 août 2017, et son assignation à résidence. M. C... relève appel du jugement du 29 novembre 2017 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces deux décisions.

Sur l'arrêté de transfert aux autorités bulgares :

2. En premier lieu, selon l'article 17 du règlement n° 603/2013 : " 1. En vue de vérifier si un ressortissant de pays tiers ou un apatride séjournant illégalement sur son territoire n'a pas auparavant introduit une demande de protection internationale dans un autre État membre, un État membre peut transmettre au système central les données dactyloscopiques relatives aux empreintes digitales qu'il peut avoir relevées sur un tel ressortissant de pays tiers ou apatride, âgé de 14 ans au moins, ainsi que le numéro de référence attribué par cet État membre. En règle générale, il y a lieu de vérifier si un ressortissant de pays tiers ou un apatride n'a pas auparavant introduit une demande de protection internationale dans un autre État membre lorsque: (...) b. le ressortissant de pays tiers ou l'apatride ne demande pas de protection internationale mais s'oppose à son renvoi dans son pays d'origine en faisant valoir qu'il s'y trouverait en danger(...) ".

3. Dans son arrêté du 27 novembre 2017, le préfet de la Mayenne a mentionné que M. C... s'est présenté volontairement au centre d'examen de situation administrative de la préfecture de police à Paris le 9 août 2017, où il a été établi qu'il ne disposait pas d'un droit au séjour en France et n'y avait pas déposé une demande d'asile mais qu'il s'opposait à un retour aidé dans son pays d'origine. M. C... en déduit que le préfet de la Mayenne ne pouvait se fonder sur le relevé d'empreintes effectué sur la base des dispositions de l'article 17-1-b) du règlement n° 603/2013 dès lors qu'il n'est pas établi qu'il s'est opposé à son renvoi dans son pays d'origine lors de cet entretien réalisé à la préfecture de police à Paris. D'une part, il ne ressort pas des pièces du dossier que M. C... a déposé une demande de protection internationale en France avant le 31 août 2017, date à laquelle il s'est présenté en préfecture de Seine-Saint-Denis pour y déposer sa demande. D'autre part, et alors même que le préfet de la Mayenne ne justifie pas de ce que M. C... s'opposait alors à son renvoi dans son pays d'origine, il était loisible aux autorités françaises de transmettre au système central les données dactyloscopiques relatives à ses empreintes digitales en vue de vérifier s'il n'avait pas auparavant introduit une demande de protection internationale dans un autre État membre. Ainsi, les moyens tirés du vice de procédure et de ce que le préfet ne pouvait se fonder sur les dispositions de l'article 17-1-b) du règlement n° 603/2013 pour relever ses empreintes digitales doivent être écarté.

4. En deuxième lieu, selon l'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " 1. Dès qu'une demande de protection internationale est introduite au sens de l'article 20, paragraphe 2, dans un État membre, ses autorités compétentes informent le demandeur de l'application du présent règlement,(...) 2. Les informations visées au paragraphe 1 sont données par écrit, dans une langue que le demandeur comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'il la comprend.(...). ".

5. Il ressort des pièces du dossier que M. C... s'est vu remettre dès le 31 août 2017, lors de l'entretien individuel organisé à la préfecture de Seine-Saint-Denis, une brochure d'information pour les demandeurs d'asile dans le cadre de la procédure " Dublin " rédigée par la Commission (guide B) et une brochure d'information sur le règlement " Dublin " contenant une information générale sur la demande d'asile et le relevé d'empreintes, rédigée par la Commission (guide A). Cette information lui a été délivrée avec l'aide d'un traducteur en langue pachtoune, langue que M. C... a déclaré comprendre. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 4 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 doit être écarté.

6. En troisième lieu, à la différence de l'obligation d'information instituée par le règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013, qui prévoit un document d'information sur les droits et obligations des demandeurs d'asile, dont la remise doit intervenir au début de la procédure d'examen des demandes d'asile pour permettre aux intéressés de présenter utilement leur demande aux autorités compétentes, l'obligation d'information prévue par les dispositions de l'article 29, paragraphe 1, du règlement (UE) n° 603/2013 du 26 juin 2013 a uniquement pour objet et pour effet de permettre d'assurer la protection effective des données personnelles des demandeurs d'asile concernés, laquelle est garantie par l'ensemble des Etats membres relevant du régime européen d'asile commun. Ce droit d'information des demandeurs d'asile contribue, au même titre que le droit de communication, le droit de rectification et le droit d'effacement de ces données, à cette protection. La méconnaissance de cette obligation d'information dans une langue comprise par l'intéressé ne peut être utilement invoquée à l'encontre des décisions par lesquelles l'Etat français remet un demandeur d'asile aux autorités compétentes pour examiner sa demande.

7. En quatrième lieu, M. C... fait état de la circonstance qu'il aurait été arrêté en Bulgarie et emprisonné de force pendant plusieurs jours dans des conditions déplorables, dès lors qu'il n'a pas voulu déposer sa demande d'asile dans ce pays, sans assortir ses allégations du moindre élément probant de nature à établir les risques qu'il encourt en Bulgarie. Le certificat d'admission aux urgences du 23 novembre 2017, ainsi que la prescription médicale établie le même jour, ne démontrent pas qu'il bénéficie en France d'un suivi médical régulier pour un état de santé qu'il allègue particulièrement dégradé. Il ne ressort pas des pièces du dossier que la Bulgarie aurait été, à la date de l'arrêté contesté, dans l'incapacité systémique d'accueillir les demandeurs d'asile et d'instruire leur demande. Il n'est pas davantage établi que sa vie ou sa sécurité serait menacée en cas de retour en Bulgarie, qui est membre de l'Union européenne et partie tant à la convention de Genève du 28 juillet 1951 sur le statut des réfugiés, complétée par le protocole de New York, qu'à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne peut qu'être écarté.

8. En cinquième lieu, M. C...n'a pas porté à la connaissance du préfet de la Mayenne qu'il serait père de deux enfants nés en 2014 et en 2017. Cette paternité ne ressort d'aucune pièce du dossier. Par suite, il n'est pas fondé à soutenir que l'arrêté du préfet de la Mayenne en ce qu'il mentionne " qu'il est marié, sans enfant " serait entaché d'une erreur de fait.

Sur l'arrêté d'assignation à résidence :

9. Il résulte des points 2 à 8 du présent arrêt que M. C...n'est pas fondé à se prévaloir de l'illégalité de la décision ordonnant sa remise aux autorités bulgares.

10. Il résulte de tout ce qui précède que M. C...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions du préfet de la Mayenne du 27 novembre 2017. Ses conclusions à fin d'annulation ainsi que, par voie de conséquence, ses conclusions tendant à l'application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ne peuvent qu'être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. C... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... et au ministre de l'intérieur.

Une copie en sera transmise pour information au préfet de la Mayenne.

Délibéré après l'audience du 18 décembre 2018, à laquelle siégeaient :

- M. Lainé, président de chambre,

- Mme Allio-Rousseau, premier conseiller,

- M. Besse, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 4 janvier 2019.

Le rapporteur,

M-P. Allio-RousseauLe président,

L. Lainé

Le greffier,

M. B... La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 18NT01125


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 18NT01125
Date de la décision : 04/01/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. LAINE
Rapporteur ?: Mme Marie-Paule ALLIO-ROUSSEAU
Rapporteur public ?: M. BRECHOT
Avocat(s) : CABINET GOUEDO

Origine de la décision
Date de l'import : 15/01/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2019-01-04;18nt01125 ?
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