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21/12/2018 | FRANCE | N°18NT02184

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 5ème chambre, 21 décembre 2018, 18NT02184


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A...C...a demandé au tribunal administratif de Caen d'annuler l'arrêté du préfet du Calvados du 6 octobre 2017 portant refus de titre de séjour et obligation de quitter le territoire dans un délai de trente jours et fixant le pays de destination.

Par un jugement n° 1701953 du 8 février 2018, le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande d'annulation.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 1er juin 2018, M.C..., représenté par Me B..., demande à la co

ur :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Caen du 8 février 2018 et d'annule...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A...C...a demandé au tribunal administratif de Caen d'annuler l'arrêté du préfet du Calvados du 6 octobre 2017 portant refus de titre de séjour et obligation de quitter le territoire dans un délai de trente jours et fixant le pays de destination.

Par un jugement n° 1701953 du 8 février 2018, le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande d'annulation.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 1er juin 2018, M.C..., représenté par Me B..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Caen du 8 février 2018 et d'annuler l'arrêté préfectoral du 6 octobre 2017 ;

2°) d'enjoindre au préfet du Calvados de lui délivrer un titre de séjour dans un délai de 15 jours ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros, à verser à MeB..., en application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- sa requête est recevable ;

Sur le refus de titre de séjour :

- le préfet n'a pas procédé à un examen sérieux de sa situation ;

- le préfet a méconnu le principe du respect du secret médical ;

- le préfet s'est estimé lié par les observations du conseiller santé auprès du directeur général de la direction générale des étrangers en France et a ainsi méconnu sa propre compétence ;

- les dispositions de l'article L. 313-11 11° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ont été méconnues, dès lors notamment qu'il lui est reproché de ne pas avoir produit l'ensemble des informations sur son état de santé ;

- la commission du titre de séjour devait être consultée avant l'édiction de l'arrêté litigieux ;

Sur l'obligation de quitter le territoire français et la décision fixant le pays de destination :

- ces décisions ont été prises en méconnaissance de l'article R. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elles ont été prises en méconnaissance des articles 3-1 et 23 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.

Par un mémoire en défense enregistré le 7 août 2018, le préfet du Calvados conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que :

- les moyens de la requête ne sont pas fondés ;

- il renvoie à ses écritures de première instance qu'il reprend subsidiairement.

M. C... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 2 mai 2018.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991, modifiée, relative à l'aide juridique ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Picquet a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M.C..., né le 14 janvier 1976 en Mongolie, est entré irrégulièrement en France le 25 janvier 2010 avec son épouse. Sa demande d'asile a été rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides le 25 juin 2010 puis par la Cour nationale du droit d'asile les 22 juin 2011. Il a déposé le 26 août 2016 une demande de titre de séjour auprès de la préfecture du Calvados sur le fondement des dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Le médecin de l'agence régionale de santé s'est prononcé par un avis du 29 novembre 2016 favorable au requérant. Le préfet du Calvados a toutefois opposé à celui-ci un refus de titre de séjour et lui a fait obligation de quitter le territoire français par un arrêté du 6 octobre 2017. La demande de M. C...a été rejetée par le tribunal administratif de Caen dans un jugement du 8 février 2018. Ce dernier relève appel de ce jugement.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

En ce qui concerne la décision de refus de séjour :

2. Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans sa rédaction alors applicable : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit : (...) / 11° A l'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays dont il est originaire, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle appréciée par l'autorité administrative après avis du directeur général de l'agence régionale de santé, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. (...) ".

3. Sous réserve des cas où la loi attribue la charge de la preuve à l'une des parties, il appartient au juge administratif, au vu des pièces du dossier, et compte tenu, le cas échéant, de l'abstention d'une des parties à produire les éléments qu'elle est seule en mesure d'apporter et qui ne sauraient être réclamés qu'à elle-même, d'apprécier si l'état de santé d'un étranger nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi. La partie qui justifie d'un avis du médecin de l'agence régionale de santé venant au soutien de ses dires doit être regardée comme apportant des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence ou l'absence d'un état de santé de nature à justifier la délivrance ou le refus d'un titre de séjour ; dans ce cas, il appartient à l'autre partie, dans le respect des règles relatives au secret médical, de produire tous éléments permettant d'apprécier l'état de santé de l'étranger et, le cas échéant, l'existence ou l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si l'état de santé d'un étranger justifie la délivrance d'un titre de séjour dans les conditions ci-dessus rappelées, se détermine au vu de ces échanges contradictoires. En cas de doute, il lui appartient de compléter ces échanges en ordonnant toute mesure d'instruction utile.

4. En premier lieu, le moyen tiré du défaut d'examen particulier de sa situation par le préfet du Calvados, qui s'est fondé dans la décision attaquée sur une autre pathologie que celle retenue par le médecin de l'agence régionale de santé, ne peut être accueilli dès lors qu'il ne pouvait être reproché au préfet d'ignorer la pathologie du foie sur laquelle le requérant avait choisi de ne pas lever le secret médical.

5. En deuxième lieu, aux termes de l'article 2 de l'arrêté du 5 janvier 2017 fixant les orientations générales pour l'exercice par les médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, de leurs missions, prévues à l'article L. 313-11 (11°) du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) [Les agents préfectoraux] ne peuvent faire état d'informations médicales concernant un étranger que celui-ci a, de lui-même, communiquées, que dans le cadre d'une procédure contentieuse. " Il est constant que le préfet a transmis au conseiller santé auprès de la direction générale des étrangers en France, afin de recueillir son avis sur l'état de santé de M. et MmeC..., des ordonnances médicales communiquées par ces derniers de manière non confidentielle. Le conseiller santé, qui est lui-même un médecin soumis au respect du secret médical et qui intervient en tant que membre de l'administration, ne saurait être considéré comme un tiers vis-à-vis des agents préfectoraux. Dès lors, il n'est pas établi que le préfet aurait méconnu le principe du respect du secret médical.

6. En troisième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier et notamment des termes de la décision attaquée, que le préfet se serait estimé lié par l'avis donné par le conseiller santé auprès de la direction générale des étrangers en France.

7. En quatrième et dernier lieu, il ressort des pièces du dossier que M. C...présente une pathologie du foie. Le préfet, au vu d'un rapport et de documents émanant de l'organisation mondiale de la santé, établit que l'Entécavir, le Ribavirine, l'Adéfovir, la Lamivudine et le Boceprevir, permettant de soigner les hépatites B et C, sont disponibles en Mongolie, que le traitement des hépatites y est pris en charge par le système d'assurance santé et que ce pays dispose de nombreuses infrastructures médicales aptes à prendre en charge et à traiter de nombreuses pathologies. Le requérant ne saurait utilement contredire ces éléments en se bornant à soutenir que ces molécules ne soignent que les hépatites B et C, dès lors qu'il ne démontre pas que la pathologie dont il souffre ne pourrait pas être soignée. Il en est de même de la seule circonstance que l'Organisation mondiale de la santé préconiserait également le Ténofovir, alors que d'une part, il n'est pas établi que M. C...suivrait déjà un traitement basé sur cette molécule et que d'autre part il ressort des pièces du dossier que cette molécule est disponible en Mongolie. Si M. C...soutient que l'Helikit n'est pas disponible en Mongolie, il ne ressort pas des pièces du dossier que ce médicament serait en lien avec l'affection au foie prise en compte par le médecin de l'agence régionale de santé, le préfet faisant en outre valoir en 1ère instance, sans être ensuite contredit, qu'il s'agit d'un médicament ne permettant que de diagnostiquer une infection et ne constituant donc pas un traitement. Enfin, la circonstance que les patients en zone rurale pourraient avoir besoin de services d'hospitalisation avant de parcourir de longues distances pour obtenir des soins secondaires ne saurait suffire à établir l'absence des soins nécessaires au traitement de l'intéressé en Mongolie. Dès lors, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté. Par voie de conséquence, le requérant n'est pas fondé à soutenir que, dès lors qu'il devait bénéficier d'un titre de séjour de plein droit, la commission du titre de séjour aurait dû être saisie.

En ce qui concerne l a décision portant obligation de quitter le territoire français et la décision fixant le pays de destination :

8. En premier lieu, aux termes de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français : (...) 10° L'étranger résidant habituellement en France si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays de renvoi, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié ; (...) ". Il résulte de ce qui a été dit au point 7 que le moyen tiré de la méconnaissance de ces dispositions doit être écarté.

9. En second lieu, selon l'article 3-1 de la convention internationale relative aux doits de l'enfant : " Dans toutes les décisions concernant les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ". Aux termes de l'article 23 la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " 1. Les Etats parties reconnaissent que les enfants mentalement ou physiquement handicapés doivent mener une vie pleine et décente, dans des conditions qui garantissent leur dignité, favorisent leur autonomie et facilitent leur participation active à la vie de la collectivité. 2. Les Etats parties reconnaissent le droit à des enfants handicapés de bénéficier de soins spéciaux et encouragent et assurent, dans la mesure des ressources disponibles, l'octroi, sur demande, aux enfants handicapés remplissant les conditions requises et à ceux qui en ont la charge, d'une aide adaptée à l'état de l'enfant et à la situation de ses parents ou de ceux à qui il est confié. 3. Eu égard aux besoins particuliers des enfants handicapés, l'aide fournie conformément au paragraphe 2 du présent article est gratuite chaque fois qu'il est possible, compte tenu des ressources financières de leurs parents ou de ceux à qui l'enfant est confié, et elle est conçue de telle sorte que les enfants handicapés aient effectivement accès à l 'éducation, à la formation, aux soins de santé, à la rééducation, à la préparation à l'emploi et aux activités récréatives, et bénéficient de ces services de façon propre à assurer une intégration sociale aussi complète que possible et leur épanouissement personnel, y compris dans le domaine culturel et spirituel. (...). ".

10. Il ressort des pièces du dossier que M. et Mme C...ont un enfant né le 23 septembre 2011, présentant un retard mental, un taux d'incapacité supérieur ou égal à 50 % et inférieur à 80 % lui ayant été reconnu, avec la perception de l'allocation d'éducation de l'enfant handicapé, par une décision du 18 avril 2017, qui lui ouvre des droits jusqu'au 30 novembre 2021. Toutefois, le requérant se borne à produire un article internet émanant d'une agence de voyage ainsi qu'un rapport du comité des droits des personnes handicapées de 2015 qui, s'il reconnaît que les difficultés à surmonter sont nombreuses, en particulier dans les zones rurales, mentionne des mesures prises pour faciliter l'intégration des enfants handicapés dans les écoles ordinaires du système d'éducation général en se fondant sur le principe de l'aménagement raisonnable, sept écoles spécialisées à Oulan-Bator proposant des formations aménagées. Il ne ressort pas des pièces du dossier que l'enfant ne pourrait pas bénéficier en Mongolie de structures adaptées à sa situation de handicap. Ainsi, le préfet du Calvados n'a pas méconnu les stipulations de l'article 3-1 ni, en tout état de cause, celles de l'article 23 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.

11. Il résulte de tout ce qui précède que M. C...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort, que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction, ainsi que celles tendant à l'application des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 doivent également être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. C...est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A...C...et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée, pour information, au préfet du Calvados.

Délibéré après l'audience du 7 décembre 2018, à laquelle siégeaient :

- M. Dussuet, président de chambre,

- M. Degommier, président assesseur,

- Mme Picquet, premier conseiller.

Lu en audience publique le 21 décembre 2018.

Le rapporteur,

P. PICQUET

Le président,

J-P. DUSSUET

Le greffier,

C. GOY

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N°18NT02184


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 18NT02184
Date de la décision : 21/12/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. DUSSUET
Rapporteur ?: Mme Pénélope PICQUET
Rapporteur public ?: M. SACHER
Avocat(s) : HOURMANT

Origine de la décision
Date de l'import : 15/01/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2018-12-21;18nt02184 ?
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