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21/12/2018 | FRANCE | N°18NT01313

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 5ème chambre, 21 décembre 2018, 18NT01313


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mmes A...C...et I...D...et M. H...D...ont demandé au tribunal administratif d'Orléans d'annuler l'arrêté du 4 avril 2016 par lequel le maire de la commune de Tours a délivré un permis de construire à la SCCV Vivaldi en vue de la construction, après démolition, de deux immeubles d'habitation de 56 logements au total et d'une maison de ville au 134 avenue de Grammont, ainsi que le rejet, le 21 juin 2016, de leur recours gracieux.

Par un jugement n° 1602741 du 30 janvier 2018 le tribunal administratif

d'Orléans a fait droit partiellement à leur demande, en annulant l'arrêté du ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mmes A...C...et I...D...et M. H...D...ont demandé au tribunal administratif d'Orléans d'annuler l'arrêté du 4 avril 2016 par lequel le maire de la commune de Tours a délivré un permis de construire à la SCCV Vivaldi en vue de la construction, après démolition, de deux immeubles d'habitation de 56 logements au total et d'une maison de ville au 134 avenue de Grammont, ainsi que le rejet, le 21 juin 2016, de leur recours gracieux.

Par un jugement n° 1602741 du 30 janvier 2018 le tribunal administratif d'Orléans a fait droit partiellement à leur demande, en annulant l'arrêté du 4 avril 2016, ainsi que le rejet le 21 juin 2016 du recours gracieux, uniquement en tant que la démolition de l'appentis situé sur la parcelle BX 182 n'est pas autorisée et en tant que les places de stationnement aériennes ne sont pas paysagères.

Procédure devant la cour :

Par une requête et deux mémoires, enregistrés les 28 mars 2018, 3 septembre 2018 et 10 octobre 2018, ce dernier mémoire n'ayant pas été communiqué, Mmes A...C...et I...D...et M. H...D..., représentés par MeE..., demandent à la cour :

1°) de réformer ce jugement du 20 mars 2018 en tant qu'il n'a qu'annulé partiellement l'arrêté du 4 avril 2016 et le rejet de leur recours gracieux ;

2°) d'annuler l'arrêté du 4 avril 2016 et le rejet de leur recours gracieux dans leur totalité ;

3°) de rejeter les appels incidents de la commune de Tours et de la société Vivaldi ;

4°) de mettre à la charge de la commune de Tours et de la société Vivaldi respectivement une somme de 4 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- leur requête est recevable dès lors qu'ils ont intérêt pour agir ;

- l'arrêté de permis de construire ne mentionne pas le sens de l'avis de l'architecte des bâtiments de France du 24 mars 2016, en méconnaissance de l'article A. 424-2 du code de l'urbanisme ;

- le dossier de demande de permis de construire était incomplet dès lors que :

- le plan de masse ne fait pas apparaître les plantations maintenues et surtout les nombreux arbres et plantations qui sont supprimés et aucune pièce ne mentionne l'état initial du terrain s'agissant de la végétation, le plan de localisation des constructions à démolir n'étant pas exhaustif à cet égard et n'ayant pas cet objet ;

- le plan de masse ne fait pas apparaître la mare aux grenouilles présente sur le terrain d'assiette du projet et comporte des emplacements erronés s'agissant du portail des requérants et d'un arbre protégé, ne fait pas apparaître l'existence de jardins privatifs et ne mentionne pas l'existence d'un appentis sur la parcelle cadastrée BX n° 182, la demande de permis de construire ne portant que sur la démolition de deux maisons individuelles ;

- la notice architecturale comporte les mêmes insuffisances que le plan de masse et ne comporte aucune précision sur les constructions situées aux abords du projet et notamment leur style architectural, ce qui n'a pas permis au service instructeur d'apprécier l'insertion du projet dans son environnement, les photographies produites étant également insuffisantes ;

- le dossier ne comporte aucune précision sur la superficie réservée aux espaces libres ;

- la notice architecturale mentionne à tort que la clôture existante entre le terrain d'assiette du projet et la parcelle des requérants serait mitoyenne ;

- aucune des pièces du dossier de demande de permis de construire ne comporte de précision sur la superficie de l'emprise des bâtiments ;

- le permis de construire a été délivré en méconnaissance de l'article UN 3.2. du règlement du PLU et de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme ;

- le permis de construire a été délivré en méconnaissance de l'article UN 6 du règlement du PLU ;

- le permis de construire a été délivré en méconnaissance de l'article UN 7 2.1. du règlement du PLU ;

- le permis de construire a été délivré en méconnaissance de l'article UN 11 1.1. et 1.6. du règlement du PLU ;

- le permis de construire a été délivré en méconnaissance de l'article UN 13.1. et 13.2. du règlement du PLU ;

- aucun des moyens de la commune de Tours et de la société Vivaldi n'est fondé.

Par un mémoire en défense, enregistré le 30 mai 2018, la commune de Tours, représentée par MeJ..., demande à la cour :

1°) par la voie de l'appel incident, d'annuler le jugement du 20 mars 2018 en tant qu'il a annulé partiellement l'arrêté du 4 avril 2016 et le rejet du recours gracieux et de confirmer le surplus ;

2°) de rejeter la requête des consortsD... ;

3°) qu'il soit mis à la charge des requérants solidairement la somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

La commune fait valoir que :

- à titre principal, la requête est irrecevable, les consorts D...n'ayant pas intérêt pour agir ;

- à titre subsidiaire, les moyens d'annulation soulevés par les requérants ne sont pas fondés.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 21 juin 2018 et 20 septembre 2018, la SCCV Vivaldi, représentée par MeB..., demande à la cour :

1°) par la voie de l'appel incident, d'annuler le jugement du 20 mars 2018 en tant qu'il a annulé partiellement l'arrêté du 4 avril 2016 et le rejet du recours gracieux et de confirmer le surplus ;

2°) de rejeter la requête des consortsD... ;

3°) à titre subsidiaire, de surseoir à statuer en application de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme pendant un délai maximum de 6 mois et de lui ordonner de produire un permis modificatif de régularisation ;

4°) qu'il soit mis à la charge in solidum des requérants la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

La société Vivaldi fait valoir que :

- à titre principal, la requête est irrecevable, les consorts D...n'ayant pas intérêt pour agir ;

- à titre subsidiaire, les moyens d'annulation soulevés par les requérants ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Picquet,

- les conclusions de M. Sacher, rapporteur public,

- et les observations de MeF..., substituant MeE..., représentant les requérants et de Me G...représentant la SCCV Vivaldi.

Considérant ce qui suit :

Sur le bien fondé du jugement :

En ce qui concerne l'appel principal des consortsD... :

S'agissant de l'intérêt à agir des demandeurs de 1ère instance :

1. Aux termes de l'article L. 600-1-2 du code de l'urbanisme : " Une personne autre que l'Etat, les collectivités territoriales ou leurs groupements ou une association n'est recevable à former un recours pour excès de pouvoir contre un permis de construire, de démolir ou d'aménager que si la construction, l'aménagement ou les travaux sont de nature à affecter directement les conditions d'occupation, d'utilisation ou de jouissance du bien qu'elle détient ou occupe régulièrement ou pour lequel elle bénéficie d'une promesse de vente, de bail, ou d'un contrat préliminaire mentionné à l'article L. 261-15 du code de la construction et de l'habitation. ".

2. Il résulte de ces dispositions qu'il appartient, en particulier, à tout requérant qui saisit le juge administratif d'un recours pour excès de pouvoir tendant à l'annulation d'un permis de construire, de démolir ou d'aménager, de préciser l'atteinte qu'il invoque pour justifier d'un intérêt lui donnant qualité pour agir, en faisant état de tous éléments suffisamment précis et étayés de nature à établir que cette atteinte est susceptible d'affecter directement les conditions d'occupation, d'utilisation ou de jouissance de son bien. Il appartient au défendeur, s'il entend contester l'intérêt à agir du requérant, d'apporter tous éléments de nature à établir que les atteintes alléguées sont dépourvues de réalité. Le juge de l'excès de pouvoir apprécie la recevabilité de la requête au vu des éléments ainsi versés au dossier par les parties, en écartant le cas échéant les allégations qu'il jugerait insuffisamment étayées mais sans pour autant exiger de l'auteur du recours qu'il apporte la preuve du caractère certain des atteintes qu'il invoque au soutien de la recevabilité de celui-ci. Eu égard à sa situation particulière, le voisin immédiat justifie, en principe, d'un intérêt à agir lorsqu'il fait état devant le juge, qui statue au vu de l'ensemble des pièces du dossier, d'éléments relatifs à la nature, à l'importance ou à la localisation du projet de construction.

3. Il ressort d'une attestation de propriété que Mme I...D...et M. H...D...détiennent la nue-propriété de la parcelle cadastrée BX n°512, immédiatement voisine du projet litigieux, Mme A...C...D...en détenant l'usufruit. Les consorts D...font valoir, sans que la défense n'établisse le contraire, que la construction d'un immeuble d'habitation composé de deux bâtiments comportant 56 logements engendrera une intensification du trafic sur la voie desservant également leur propriété. En outre, il ressort des pièces du dossier que le bâtiment B projeté, d'une hauteur d'environ 10 mètres, est de nature à occasionner une perte d'ensoleillement et, au moins pendant les premières années suivant la réalisation du projet, des vues sur le jardin des consortsD..., tout en longueur et très étroit. Enfin, sera créée le long de la limite entre le projet et la maison des requérants une liaison douce à rétrocéder à la ville de Tours, susceptible d'engendrer des nuisances, notamment sonores. Dès lors, la commune de Tours et la société Vivaldi ne sont pas fondées à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont regardé les consorts D...comme ayant intérêt à agir à l'encontre du permis de construire litigieux.

S'agissant des moyens soulevés par les consortsD... :

4. En premier lieu, l'article A. 424-2 du code de l'urbanisme dispose : " L'arrêté prévu au premier alinéa de l'article A. 424-1 : (...) d) Vise les avis recueillis en cours d'instruction et leur sens. ". Si l'arrêté en litige mentionne qu'un avis de l'architecte des Bâtiments de France a été émis le 24 mars 2016 sans préciser qu'il s'agissait d'un avis favorable, cette omission dans les visas, qui n'a pas eu d'incidence sur le sens de la décision est sans influence sur la légalité de l'acte attaqué.

5. En deuxième lieu, aux termes de l'article R. 431-8 du code de l'urbanisme : " Le projet architectural comprend une notice précisant : / 1° L'état initial du terrain et de ses abords indiquant, s'il y a lieu, les constructions, la végétation et les éléments paysagers existants ; 2° Les partis retenus pour assurer l'insertion du projet dans son environnement et la prise en compte des paysages, faisant apparaître, en fonction des caractéristiques du projet : (...) c) Le traitement des constructions, clôtures, végétations ou aménagements situés en limite de terrain ; (...) e) Le traitement des espaces libres, notamment les plantations à conserver ou à créer ; (...) ". Aux termes de l'article R. 431-9 du même code : " Le projet architectural comprend également un plan de masse des constructions à édifier ou à modifier coté dans les trois dimensions. Ce plan de masse fait apparaître les travaux extérieurs aux constructions, les plantations maintenues, supprimées ou créées et, le cas échéant, les constructions existantes dont le maintien est prévu. (...) ". Enfin, aux termes de l'article R. 431-10 du même code : " Le projet architectural comprend également : c) Un document graphique permettant d'apprécier l'insertion du projet de construction par rapport aux constructions avoisinantes et aux paysages, son impact visuel ainsi que le traitement des accès et du terrain ; d) Deux documents photographiques permettant de situer le terrain respectivement dans l'environnement proche et, sauf si le demandeur justifie qu'aucune photographie de loin n'est possible, dans le paysage lointain. Les points et les angles des prises de vue sont reportés sur le plan de situation et le plan de masse. ".

6. La circonstance que le dossier de demande de permis de construire ne comporterait pas l'ensemble des documents exigés par les dispositions du code de l'urbanisme ou que les documents produits seraient insuffisants, imprécis ou comporteraient des inexactitudes, n'est susceptible d'entacher d'illégalité le permis de construire qui a été accordé que dans le cas où les omissions, inexactitudes ou insuffisances entachant le dossier ont été de nature à fausser l'appréciation portée par l'autorité administrative sur la conformité du projet à la réglementation applicable.

7. Il ressort des pièces du dossier que le plan de localisation des constructions à démolir fait figurer les plantations existantes en différenciant les arbres de haute tige et les différents arbustes, variant selon leurs tailles. Le plan de masse indique les plantations faisant partie du projet, en précisant leurs essences et précise qu'un arbre existant sera conservé. La notice architecturale mentionne " un arbre remarquable " et il n'est pas établi, par la simple production d'un constat d'huissier de justice et de photographies, que d'autres plantations existantes auraient dû être mentionnées en tant que " plantations de qualité " au sens de l'article UN 13 du règlement du plan local d'urbanisme. Si l'arbre à conserver a été qualifié dans la notice de " remarquable " alors qu'il ne figure pas dans les éléments paysagers identifiés par le PLU, ce qualificatif avait pour seul objet d'indiquer au service instructeur que cet arbre était " de qualité " au sens de l'article UN 13. L'existence d'une mare figure sur le plan de localisation des constructions à démolir et si la présence de grenouilles dans la mare n'est pas mentionnée, les consorts D...n'indiquent pas en quoi cela aurait pu avoir une incidence sur le respect des règles applicables à un permis de construire. Il en est de même des circonstances que le plan de masse inverse la position de l'arbre à conserver et d'un portail et que la demande aurait dû inclure le chemin privatif sur lequel déboucherait la voie douce créée par le projet. Si la superficie réservée aux espaces libres n'est pas mentionnée, le plan de masse permet de connaître leurs proportions par rapport au bâti et aux espaces non bâtis. La circonstance que la notice architecturale mentionne, à tort, que la clôture existante entre le terrain d'assiette du projet et la parcelle des requérants est mitoyenne n'entraînait pas pour le projet en litige l'obligation de comporter également une clôture à cet endroit. Si le caractère privatif de jardins n'a pas été souligné, cette circonstance est sans influence sur le respect des dispositions de l'article UN 13 du règlement du PLU. Les plans cotés sont suffisants pour pouvoir calculer l'emprise au sol des constructions.

8. En outre, le dossier de demande de permis de construire comprenait la notice architecturale, dans laquelle figurait une vue aérienne du projet, une description du quartier, des photographies des constructions voisines et des montages d'insertion graphique. Ainsi, alors même qu'aucune vue prise depuis l'arrière de la maison qui sera conservée n'était jointe et que les montages, de par les dimensions importantes des constructions, ne font pas état d'un recul important, les pièces du dossier étaient suffisantes pour permettre à l'administration d'apprécier l'insertion du projet dans son environnement.

9. Il résulte de ce qui précède que les requérants ne sont pas fondés à soutenir que le dossier de demande de permis de construire était insuffisant.

10. En troisième lieu, aux termes de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme : " Le projet peut être refusé ou n'être accepté que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales s'il est de nature à porter atteinte à la salubrité ou à la sécurité publique du fait de sa situation, de ses caractéristiques, de son importance ou de son implantation à proximité d'autres installations. ". Aux termes de l'article UN 3.2. du règlement du plan local d'urbanisme (PLU), intitulé " conditions de desserte et d'accès des terrains " : " Les accès doivent être aménagés de façon à ne présenter aucun risque pour la sécurité des usagers des voies publiques ou pour celles des personnes utilisant ces accès ". " Voirie Les voies à créer ou à aménager doivent être adaptées aux usages qu'elles supportent, aux opérations qu'elles doivent desservir. Elles doivent s'intégrer correctement au schéma général de la circulation. Les nouvelles voies en impasse ne seront autorisées qu'en l'absence de solution permettant le maillage viaire. Dans ce cas, la partie terminale sera aménagée de telle sorte que tout véhicule (excepté les véhicules de services occasionnels) puisse faire aisément demi-tour, notamment par l'aménagement d'une placette de retournement (...) ".

11. Les arguments des requérants relatifs à la dangerosité de la voie d'accès interne au projet sont inopérants, les dispositions de l'article UN3 n'étant applicables, comme l'indique l'intitulé lui-même de cet article, qu'aux voies d'accès au terrain. Il en est de même de la méconnaissance alléguée des dispositions de l'article 4 B de l'arrêté du 31 janvier 1986 relatif à la protection contre l'incendie des bâtiments d'habitation, ces dispositions n'étant applicables qu'aux établissements recevant du public et aux immeubles de grande hauteur, ce qui n'est pas le cas du projet en cause. Dès lors, le moyen tiré des risques pour la sécurité doit être écarté.

12. En quatrième lieu, aux termes de l'article UN 6.2 du règlement du PLU : " (...) Compte-tenu du contexte urbain, de la nature de l'emprise publique ou de dispositions particulières figurant aux documents graphiques (espaces boisés classés ou éléments paysagers identifiés au titre de L. 123-1-5-7 du Code de l'Urbanisme en bordure des voies...), les constructions pourront être en retrait des implantations indiquées ci-avant ou au § 6-1 du présent article, sous réserve d'une bonne insertion dans l'environnement. (...) ". Il ressort des pièces du dossier que l'implantation du projet en retrait épouse le tracé de la voie et présente un caractère intermédiaire par rapport à l'implantation au nord très en recul et l'implantation au sud, après le rond-point, à l'alignement. La façade du projet donnant sur la rue permet d'atténuer un effet massif, avec deux toitures distinctes. Dès lors, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que l'implantation retenue ne permet pas une bonne insertion du projet dans son environnement.

13. En cinquième lieu, aux termes de l'article UN 7.2 du règlement du PLU : " (...) Au-delà de la bande de 15 mètres prises à compter de l'alignement : (...) b- Les nouvelles constructions ou extensions d'une hauteur supérieure à 3,50 mètres doivent être implantées éloignées des limites séparatives à une distance égale aux 2/3 de la hauteur de la construction envisagée, sans être inférieure à 4 mètres dans les conditions définies à l'article UN 10.3.2.1. (...) ". Est prévue la création, le long de la limite entre le projet et la maison des requérants, d'une liaison douce. Cette voie douce, située au sein du tènement du projet, ne peut être regardée comme une limite séparative au sens de l'article UN 7 précité. Sa potentielle rétrocession à la ville ne peut être prise en compte pour apprécier la légalité de l'arrêté attaqué, en l'absence d'engagement formalisé de la part de la commune. Dès lors, le moyen tiré de ce que la distance entre le bâtiment A et la liaison douce méconnait les dispositions de l'article UN 7 est inopérant et doit donc être écarté.

14. En sixième lieu, aux termes de l'article UN 11.1 du règlement du PLU : " Les constructions, par leur situation, leur implantation, leur architecture, leurs dimensions ou leur aspect extérieur ne doivent pas porter atteinte au caractère ou à l'intérêt des lieux environnants ainsi qu'aux sites et aux paysages naturels ou urbains. (...) ". Aux termes de l'article UN 11.6 du même règlement : " (...) La composition des façades doit, le cas échéant, traduire le parcellaire existant. (...) ".

15. Il ressort des pièces du dossier que le projet en litige est d'un style résolument moderne et de dimensions plus importantes que la plupart des constructions voisines. Toutefois, le jeu de volumes avec plusieurs toitures permet d'atténuer un effet trop massif et l'environnement du projet comporte également des immeubles collectifs aux dimensions importantes. En outre, une des maisons existantes est conservée et le choix des coloris est sobre. Par conséquent, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article UN 11 doit être écarté.

16. En septième et dernier lieu, aux termes de l'article UN 13.1 du règlement du PLU : " (...) L'espace libre doit représenter au moins un tiers de l'espace non bâti et doit recevoir un traitement végétal de qualité et être le moins morcelé possible. (...) ". Aux termes de l'article 13.2 du même règlement : " Les plantations existantes de qualité doivent être maintenues ou le cas échéant restituées. Les toitures-terrasses doivent être de préférence végétalisées. (...) Les plantations doivent être choisies de préférence dans des essences locales (cf. liste indicative en annexe au présent règlement ".

17. Contrairement à ce que soutiennent les requérants, la définition citée au point 16 des espaces libres n'exclut pas la comptabilisation à ce titre des jardins privatifs. La circonstance que les occupants de ces jardins pourraient décider ensuite de ne pas respecter ces dispositions relève de l'exécution du permis de construire et est sans influence sur sa légalité. Dès lors, les consorts D...ne démontrent pas que l'espace libre du projet représenterait moins d'un tiers de l'espace non bâti. Les requérants se bornent à faire état de photographies et d'un constat d'huissier qui mentionne des arbres fruitiers et des arbres dépassant les 10 mètres, sans préciser leur état. Ainsi, il ne ressort pas des pièces du dossier que les plantations supprimées auraient été de qualité. Dès lors que les essences locales ne sont que privilégiées et non pas imposées, les consorts D...ne sauraient reprocher au projet de n'avoir choisi qu'une seule essence locale parmi les trois retenues. Il en est de même de la circonstance que ne soit prévue qu'une seule toiture-terrasse végétalisée et trois grandes toitures-terrasses gravillonnées, " les toitures-terrasses végétalisées " n'étant qu'une préférence aux termes du règlement. Si les plantations prévues par le projet ne figurent pas, pour la plupart, dans la liste annexée au PLU, cette liste n'est qu'indicative. Par conséquent, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article UN 13 doit être écarté.

18. Il résulte de tout ce qui précède que les consorts D...ne sont pas fondés à soutenir que les premiers juges auraient dû accueillir d'autres moyens pour annuler le permis de construire en litige dans sa totalité.

En ce qui concerne les conclusions d'appel incident de la commune de Tours et de la société Vivaldi :

19. En premier lieu, aux termes de l'article L. 421-3 du code de l'urbanisme : " Les démolitions de constructions existantes doivent être précédées de la délivrance d'un permis de démolir lorsque la construction relève d'une protection particulière définie par décret en Conseil d'Etat ou est située dans une commune ou partie de commune où le conseil municipal a décidé d'instaurer le permis de démolir. ". Aux termes de l'article L. 451-1 du code de l'urbanisme : " Lorsque la démolition est nécessaire à une opération de construction ou d'aménagement, la demande de permis de construire ou d'aménager peut porter à la fois sur la démolition et sur la construction ou l'aménagement. Dans ce cas, le permis de construire ou le permis d'aménager autorise la démolition. ". L'article R. 421-28 du même code dispose, dans sa rédaction alors applicable : " Doivent en outre être précédés d'un permis de démolir les travaux ayant pour objet de démolir ou de rendre inutilisable tout ou partie d'une construction : (...) c) Située dans le champ de visibilité d'un immeuble classé ou inscrit au titre des monuments historiques mentionné à l'article L. 621-30 du code du patrimoine ". Enfin, l'article R. 431-21 du code de l'urbanisme dispose : " Lorsque les travaux projetés nécessitent la démolition de bâtiments soumis au régime du permis de démolir, la demande de permis de construire ou d'aménager doit : a) Soit être accompagnée de la justification du dépôt de la demande de permis de démolir ; b) Soit porter à la fois sur la démolition et sur la construction ou l'aménagement. ".

20. Il ressort de l'avis de l'architecte des bâtiments de France du 24 mars 2016 que les parcelles objet du permis de construire contesté sont situées en dehors du champ de visibilité du château du Pilorget, monument historique. Il n'est pas établi ni même allégué que ces parcelles étaient situées dans une partie de la commune de Tours où cette dernière avait décidé d'instaurer le permis de démolir. Dès lors, aucun permis de démolir n'était nécessaire en l'espèce. Ainsi, alors même que le projet entraînait notamment la démolition d'un appentis en parpaings d'environ 13 m² et que cette démolition n'avait pas été demandée et donc n'a pas été autorisée, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions précitées des articles L. 421-3, L. 451-1, R. 421-28 et R. 431-21 du code de l'urbanisme est sans influence sur la légalité de l'arrêté attaqué. Dès lors, la commune de Tours et la société Vivaldi sont fondées à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont accueilli ce moyen pour annuler partiellement l'autorisation en tant que la démolition de l'appentis n'était pas autorisée.

21. En second lieu, l'article UN 13.2 du règlement du PLU dispose : " les espaces dédiés au stationnement doivent être paysagés, soit par des plantations à raison d'un arbre pour 4 places de stationnement, soit par d'autres dispositifs (pergolas végétalisées...). Le cas échéant, les deux possibilités d'aménagement peuvent être mises en oeuvre simultanément. (...) ". Il est constant que le projet comporte seize places en aérien. Huit de ces places, situées au nord, comportent deux arbres de haute tige et respectent donc les dispositions précitées de l'article UN 13.2. Par contre, les groupements d'arbres au sud de la parcelle ne peuvent être regardés comme un aménagement paysager des huit places de stationnement restantes, en raison de la distance trop importante les séparant de celles-ci. Si le pétitionnaire fait valoir qu'une haie sera plantée en limite séparative sud au niveau de la clôture existante, à proximité immédiate de quatre places de stationnement, cette haie ne figure ni sur le plan de masse, ni sur les vues d'ambiance. La seule circonstance que cette haie figure sur une des vues d'insertion graphique ne suffit pas à établir son existence, l'objet de ce document n'étant pas de définir les caractéristiques d'un projet. La notice architecturale mentionne : " un écran végétal sera créé en limites parcellaires latérales intimisant les avoisinants. Les clôtures mitoyennes seront conservées ou renforcées par des haies végétales à arbustes variés ". Les termes imprécis de la notice, qui prévoient une simple alternative entre un renforcement ou une conservation des clôtures existantes et ne définissent pas les caractéristiques de l'écran végétal et son emplacement exact, ne permettaient pas au service instructeur de s'assurer du respect des dispositions précitées de l'article UN 13. Ainsi, c'est à bon droit que les premiers juges ont accueilli ce moyen. En revanche, dès lors qu'il ressort des pièces du dossier que seules huit places de stationnement en aérien sur les seize prévues ne respectent pas les dispositions de l'article UN 13.2, il y a lieu de réformer le jugement en ce sens.

22. Il résulte de tout ce qui précède, que la commune de Tours et la société Vivaldi sont seulement fondées à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif a annulé partiellement le permis de construire en tant que la démolition de l'appentis n'était pas autorisée et en tant que les places de stationnement aériennes ne sont pas paysagères alors que seules huit d'entre elles étaient concernées.

Sur l'application des dispositions de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme :

23. Aux termes de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme : " Le juge administratif qui, saisi de conclusions dirigées contre un permis de construire, de démolir ou d'aménager, estime, après avoir constaté que les autres moyens ne sont pas fondés, qu'un vice entraînant l'illégalité de cet acte est susceptible d'être régularisé par un permis modificatif peut, après avoir invité les parties à présenter leurs observations, surseoir à statuer jusqu'à l'expiration du délai qu'il fixe pour cette régularisation. Si un tel permis modificatif est notifié dans ce délai au juge, celui-ci statue après avoir invité les parties à présenter leurs observations. ".

24. Ces dispositions ont pour objet de permettre au juge administratif de surseoir à statuer sur une demande d'annulation d'un permis de construire lorsque le vice entraînant l'illégalité de ce permis est susceptible d'être régularisé. Elles ne subordonnent pas, par principe, cette faculté de régularisation à la condition que les travaux autorisés par le permis de construire initial n'aient pas été achevés. Il appartient au juge administratif, pour faire usage des pouvoirs qui lui sont ainsi dévolus, d'apprécier si, eu égard à la nature et à la portée du vice entraînant son illégalité, cette régularisation est possible.

25. Il résulte de ce qui précède que l'illégalité mentionnée au point 21 peut être régularisée par un permis modificatif. Dans ces conditions, il y a lieu de surseoir à statuer jusqu'à l'expiration d'un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt afin que, dans ce délai, la commune de Tours procède à une régularisation et notifie à la cour le permis de construire modificatif obtenu.

DÉCIDE :

Article 1er : Il est sursis à statuer sur la requête présentée par les consorts D...et sur les conclusions incidentes de la commune de Tours et de la société Vivaldi jusqu'à l'expiration d'un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt, pour permettre à la commune de Tours de notifier à la cour un permis de construire modificatif régularisant le vice tiré de ce que huit places de stationnement aériennes situées au sud du projet ne sont pas paysagères.

Article 2 : Tous droits et moyens des parties sur lesquels il n'est pas expressément statué par le présent arrêt sont réservés jusqu'en fin d'instance.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A...C...D..., Mme I...D..., M. H...D..., la commune de Tours et la SCCV Vivaldi.

Délibéré après l'audience du 7 décembre 2018, à laquelle siégeaient :

- M. Dussuet, président de chambre,

- M. Degommier, président assesseur,

- Mme Picquet, premier conseiller.

Lu en audience publique le 21 décembre 2018.

Le rapporteur,

P. PICQUET

Le président,

J-P. DUSSUET

Le greffier,

C. GOY

La République mande et ordonne au ministre de la cohésion des territoires en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N°18NT01313


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 18NT01313
Date de la décision : 21/12/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. DUSSUET
Rapporteur ?: Mme Pénélope PICQUET
Rapporteur public ?: M. SACHER
Avocat(s) : CABINET PALMIER et ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 15/01/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2018-12-21;18nt01313 ?
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