Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme B...a demandé au tribunal administratif de Caen d'annuler l'arrêté du 30 juin 2017 par lequel le préfet du Calvados a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.
Par un jugement n° 1701769 du 30 janvier 2018, le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 1er mars 2018, MmeB..., représenté par MeA..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 30 janvier 2018 ;
2°) d'annuler l'arrêté préfectoral du 30 juin 2017 ;
3°) d'enjoindre au préfet du Calvados de réexaminer sa demande de titre de séjour dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 200 euros, à verser à MeA..., en application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la décision d'aide juridictionnelle devant le tribunal administratif, en date du 31 août 2017, est devenue définitive seulement le 15 septembre 2017 ; la demande présentée devant le tribunal administratif n'était donc pas tardive, contrairement à ce qu'a jugé le tribunal ;
- l'arrêté du préfet est insuffisamment motivé, faute de reprendre les termes de l'avis du médecin de l'ARS ;
- elle souffre d'un asthme sévère qui nécessite un suivi médical en France ; le préfet n'établit pas que le traitement nécessaire serait disponible en Mongolie ; il existe en outre une importante pollution dans la capitale de ce pays ; il peut donc prétendre à un titre de séjour au titre de l'article L. 313-11, 7° du CESEDA ;
- la décision d'éloignement méconnaît les dispositions de l'article L. 511-4 du CESEDA et est contraire aux stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Par un mémoire en défense, enregistré le 22 août 2018, le préfet du Calvados conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par Mme B...ne sont pas fondés et s'en rapporte à ses écritures produites en première instance.
Mme B...a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 24 mai 2018.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Degommier a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme D...B...interjette appel du jugement du 30 janvier 2018 du tribunal administratif de Caen qui a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 30 juin 2017 par lequel le préfet du Calvados a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.
Sur la recevabilité de la demande de première instance :
2. Aux termes de l'article 38 du décret du 19 décembre 1991 portant application de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique : " Lorsqu'une action en justice doit être intentée avant l'expiration d'un délai devant la juridiction du premier degré, [...] l'action est réputée avoir été intentée dans le délai si la demande d'aide juridictionnelle s'y rapportant est adressée au bureau d'aide juridictionnelle avant l'expiration dudit délai et si la demande en justice est introduite dans un nouveau délai de même durée à compter : / a) De la notification de la décision d'admission provisoire ; / b) De la notification de la décision constatant la caducité de la demande ; / c) De la date à laquelle la décision d'admission ou de rejet de la demande est devenue définitive ; / d) Ou, en cas d'admission, de la date, si elle est plus tardive, à laquelle un auxiliaire de justice a été désigné ". En vertu des articles 23 de la loi du 10 juillet 1991 et 56 du décret du 19 décembre 1991, le ministère public ou le bâtonnier peuvent former un recours contre une décision du bureau d'aide juridictionnelle dans un délai " de deux mois à compter du jour de la décision ".
3. Lorsque le demandeur de première instance a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale, seuls le ministère public ou le bâtonnier ont vocation à contester, le cas échéant, cette décision, qui devient ainsi définitive, en l'absence de recours de leur part, à l'issue d'un délai de deux mois. Toutefois, en raison de l'objet même de l'aide juridictionnelle, qui est de faciliter l'exercice du droit à un recours juridictionnel effectif, les dispositions précitées de l'article 38 du décret du 19 décembre 1991 selon lesquelles le délai de recours contentieux recommence à courir soit à compter du jour où la décision du bureau d'aide juridictionnelle devient définitive, soit, si elle est plus tardive, à compter de la date de désignation de l'auxiliaire de justice, ne sauraient avoir pour effet de rendre ce délai opposable au demandeur tant que cette décision ne lui a pas été notifiée.
4. Il ressort des pièces du dossier que Mme B...a déposé une demande d'aide juridictionnelle le 25 juillet 2017, soit dans le délai de recours contentieux à compter de la notification de l'arrêté contesté en date du 30 juin 2017. L'intéressée a obtenu l'aide juridictionnelle totale par décision du 31 août 2017. La date de notification de cette décision ne peut toutefois être déterminée avec certitude. Le délai de recours contentieux n'était dès lors pas opposable à Mme B...de sorte que sa demande, enregistrée au greffe du tribunal administratif de Caen le 4 octobre 2017, n'était pas tardive.
5. Il résulte de ce qui précède que le tribunal administratif de Caen a commis une irrégularité en rejetant comme tardive la demande de l'intéressée. Son jugement doit, par suite, être annulé.
6. Il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par Mme B...devant le tribunal administratif de Caen.
Sur la légalité de l'arrêté préfectoral du 30 juin 2017 :
En ce qui concerne le refus de titre de séjour :
7. En premier lieu, la décision contestée comporte la mention des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement et les principaux éléments relatifs à la situation personnelle, professionnelle et familiale de MmeB.... Le préfet du Calvados, qui a notamment visé les dispositions de l'article L. 313-11-11° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, a fait état de façon détaillée du parcours de l'intéressée, de ses conditions d'existence, de ses attaches familiales, et de son état de santé. Elle indique en particulier les motifs ayant fondé l'avis rendu le 11 juillet 2016 par le médecin de l'agence régionale de santé. Le préfet n'était pas tenu, à cet égard, de reprendre les termes de cet avis dans son arrêté. Cette décision est par suite suffisamment motivée.
8. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction alors applicable : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit : (...) 11° A l'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays dont il est originaire, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle appréciée par l'autorité administrative après avis du directeur général de l'agence régionale de santé, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative, après avis du médecin de l'agence régionale de santé de la région de résidence de l'intéressé, désigné par le directeur général de l'agence, ou, à Paris, du médecin, chef du service médical de la préfecture de police. (...) ".
9. Sous réserve des cas où la loi attribue la charge de la preuve à l'une des parties, il appartient au juge administratif, au vu des pièces du dossier, et compte tenu, le cas échéant, de l'abstention d'une des parties à produire les éléments qu'elle est seule en mesure d'apporter et qui ne sauraient être réclamés qu'à elle-même, d'apprécier si l'état de santé d'un étranger nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle. La partie qui justifie d'un avis du médecin de l'agence régionale de santé venant au soutien de ses dires doit être regardée comme apportant des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence ou l'absence d'un état de santé de nature à justifier la délivrance ou le refus d'un titre de séjour. Dans ce cas, il appartient à l'autre partie, dans le respect des règles relatives au secret médical, de produire tous éléments permettant d'apprécier l'état de santé de l'étranger et, le cas échéant, l'existence ou l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si l'état de santé d'un étranger justifie la délivrance d'un titre de séjour dans les conditions ci-dessus rappelées, se détermine au vu de ces échanges contradictoires. En cas de doute, il lui appartient de compléter ces échanges en ordonnant toute mesure d'instruction utile.
10. Il n'est pas contesté que Mme B...souffre d'asthme. Par un avis du 11 juillet 2016, le médecin de l'agence régionale de santé a estimé que l'état de santé de l'intéressée nécessite une prise en charge médicale dont le défaut peut entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qu'il n'existe pas de traitement approprié dans son pays d'origine. Toutefois, le préfet du Calvados, qui n'était pas lié par cet avis, a refusé de délivrer le titre sollicité par Mme B...au motif que les soins dont doit bénéficier l'intéressée pour sa pathologie existent dans son pays d'origine. Il ressort des pièces du dossier, en particulier de la liste des médicaments disponibles en Mongolie et du courriel du médecin conseil du ministère de l'intérieur produit par le préfet du Calvados, que l'ensemble des médicaments prescrits à Mme B...pour traiter les crises d'asthme et troubles digestifs dont elle souffre sont disponibles en Mongolie où l'intéressée, ce qu'elle ne conteste pas sérieusement, peut trouver les mêmes molécules ou des molécules équivalentes. Il ressort également du rapport de 2015 relatif à l'offre sanitaire en Mongolie, que ce pays dispose de centre de soins et d'hôpitaux en mesure d'assurer des hospitalisations et les cas d'urgence, l'asthme ne faisant pas partie des cas qui ne peuvent y être soignés. Ces éléments ne sont pas sérieusement contestés par Mme B...qui s'est bornée à produire un certificat médical faisant seulement état de la nécessité d'un " suivi médical spécialisé à effectuer en France " et une ordonnance datée de mars 2017. Dans ces conditions, le préfet du Calvados, en refusant de délivrer un titre de séjour à Mme B...en qualité d'étranger malade en dépit de l'avis émis par le médecin de l'agence régionale de santé, n'a pas méconnu les dispositions précitées du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire :
11. En premier lieu, aux termes de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français : (...) 10° L'étranger résidant habituellement en France si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays de renvoi, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié ".
12. Compte tenu de ce qui a été indiqué au point précédent, à propos de l'état de santé de MmeB..., le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 511-4 précité doit être écarté.
13. En second lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et des libertés ".
14. Mme B...fait valoir la présence en France de son concubin, M.C..., et de leur enfant scolarisé à l'école maternelle. Toutefois, M. C...a fait l'objet, par arrêté du 27 juin 2017, d'un refus de séjour assorti d'une obligation de quitter le territoire. Rien ne s'oppose à ce que la vie familiale de M.C..., de Mme B...et de leur enfant puisse se poursuivre dans leur pays d'origine. La requérante n'établit pas être dépourvue d'attaches dans son pays d'origine. Par ailleurs, elle ne conteste pas qu'elle avait déposé une demande d'asile sous une fausse identité, rejetée le 9 novembre 2012. Dès lors, compte tenu de la durée et des conditions de son séjour en France de l'intéressée, le préfet n'a pas, en lui faisant obligation de quitter le territoire, porté une atteinte disproportionnée à sa vie privée et familiale.
15. Il résulte de ce qui précède que Mme B...n'est pas fondée à demander l'annulation de l'arrêté du 30 juin 2017 du préfet du Calvados. Ses conclusions à fin d'injonction sous astreinte ainsi que celles tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, doivent être rejetées par voie de conséquence.
D E C I D E :
Article 1er : Le jugement du 30 janvier 2018 du tribunal administratif de Caen est annulé.
Article 2 : La demande présentée par Mme B...et le surplus des conclusions de sa requête sont rejetés.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme D...B...et au ministre de l'intérieur.
Une copie sera en outre adressée au préfet du Calvados.
Délibéré après l'audience du 7 décembre 2018, à laquelle siégeaient :
- M. Dussuet, président de chambre,
- M. Degommier, président assesseur,
- M. Mony, premier conseiller.
Lu en audience publique le 21 décembre 2018.
Le rapporteur,
S. DEGOMMIER
Le président,
J-P. DUSSUETLe greffier,
C. GOY
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
2
N° 18NT009314