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21/12/2018 | FRANCE | N°17NT03996

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 2ème chambre, 21 décembre 2018, 17NT03996


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme F...A...et M. D...I...ont demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision du 2 février 2016 par laquelle le maire de la commune d'Assérac a refusé d'abroger la délibération du conseil municipal du 15 juin 2015 approuvant le plan local d'urbanisme.

Par un jugement n° 1602655 du 31 octobre 2017, le tribunal a annulé cette décision en tant que la délibération du 15 juin 2015 a classé en zone Ah la parcelle ZN n° 155 appartenant à Mme A...et M. I...et a mis à la charge de

la commune une somme de 1 500 euros en application de l'article L 761-1 du code de j...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme F...A...et M. D...I...ont demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision du 2 février 2016 par laquelle le maire de la commune d'Assérac a refusé d'abroger la délibération du conseil municipal du 15 juin 2015 approuvant le plan local d'urbanisme.

Par un jugement n° 1602655 du 31 octobre 2017, le tribunal a annulé cette décision en tant que la délibération du 15 juin 2015 a classé en zone Ah la parcelle ZN n° 155 appartenant à Mme A...et M. I...et a mis à la charge de la commune une somme de 1 500 euros en application de l'article L 761-1 du code de justice administrative.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 28 décembre 2017 et un mémoire enregistré le 2 octobre 2018, la commune d'Assérac, représentée par MeC..., demande à la cour :

1) - d'annuler dans cette mesure le jugement du 31 octobre 2017 ;

2) -de rejeter la demande de Mme A...et de M.I... ;

3) - de mettre à la charge de Mme A...et de M. I...une somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- sur le moyen d'annulation retenu par le tribunal :

- le tribunal a commis une erreur de fait en estimant que la parcelle ZN 155 est incluse dans une zone urbanisée et constitue une dent creuse alors qu'elle s'insère dans une urbanisation diffuse au sein d'une vaste zone agricole;

- une erreur de droit a été commise dès lors que le classement au titre de l'article R 123-7 du code de l'urbanisme n'est pas subordonné à l'existence d'un potentiel agronomique, biologique ou économique particulier ;

- son classement s'inscrit dans un parti d'aménagement défini au regard de la loi littoral ;

- les autres moyens soulevés par les requérants en 1ère instance doivent être écartés :

- le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L 2121-13 du code général des collectivités territoriales manque en fait ;

- aucune violation de l'article L 300-2 du code de l'urbanisme ne peut être constatée ;

- le maire de la commune était compétent pour refuser d'inscrire à l'ordre du jour du conseil municipal la demande d'abrogation.

Par un mémoire enregistré le 11 mai 2018, Mme A...et M. D...I..., représentés par MeJ..., concluent :

- à titre principal :

- au rejet de la requête ;

- à la confirmation du jugement du tribunal du 31 octobre 2017 ;

- à titre subsidiaire :

- à l'annulation de la décision du maire de la commune d'Asserac du 2 février 2016 rejetant la demande d'abrogation du plan local d'urbanisme

- à ce que le plan local d'urbanisme soit déclaré illégal, soit en totalité, soit au regard du classement de la parcelle ZN 155 ;

- à ce qu'il soit enjoint au maire de la commune, sur le fondement de l'article L 911-1 du code de justice administrative, de saisir le conseil municipal de leur demande d'abrogation et que celui-ci se prononce dans un délai d'un mois suivant la décision à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

- de mettre à la charge de la commune d'Asserac une somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que les moyens soulevés par la commune ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier

Vu :

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative ;

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Brisson

- les conclusions de M Derlange, rapporteur public,

- les observations de MeE..., substituant MeC..., représentant la commune d'Assérac, et les observations de MeG..., substituant MeB..., représentant M.H....

Considérant ce qui suit :

1. Par une délibération du 15 juin 2015, le conseil municipal de la commune d'Assérac a approuvé le plan local d'urbanisme (PLU) de la commune. Mme A...et M.I..., propriétaires indivis de la parcelle cadastrée ZN n° 155 sise au lieu-dit Quescouis, ont, par un courrier reçu par le maire le 2 décembre 2015, demandé l'abrogation de cette délibération. Une décision implicite de rejet est née du silence gardé par le maire pendant deux mois sur cette demande. La commune d'Assérac relève appel du jugement du 31 octobre 2017 par lequel le tribunal administratif de Nantes a annulé cette décision en tant que la délibération du 15 juin 2015 a classé en zone Ah la parcelle ZN 155 leur appartenant.

Sur la légalité de la délibération du 15 juin 2015 :

2. La délibération du 15 juin 2015 approuve le classement de la parcelle ZN n° 155 dans le secteur Ah de la commune correspondant à des secteurs ou des îlots d'habitat existant à la date d'approbation du plan local d'urbanisme, occupés par des tiers non liés aux activités ou aux exploitations agricoles et dans lesquels le règlement précise que seuls sont admis l'extension mesurée de constructions existantes à usage d'habitation ou d'activités compatibles avec l'habitat, la construction ou l'extension d'annexes ou, en raison de leur intérêt architectural ou patrimonial, le changement de destination d'anciens bâtiments agricoles.

3. Il est de la nature de toute réglementation d'urbanisme de distinguer des zones où les possibilités de construire sont différentes, ainsi que des zones inconstructibles. Il appartient aux auteurs d'un PLU de déterminer le parti d'aménagement à retenir pour le territoire concerné par ce plan, en tenant compte de la situation existante et des perspectives d'avenir, et de fixer en conséquence le zonage et les possibilités de construction. Leur appréciation sur ces différents points ne peut être censurée par le juge administratif que si elle est fondée sur des faits matériellement inexacts ou entachée d'une erreur manifeste ou d'un détournement de pouvoir.

4. Aux termes de l'article L 123-1-5 du code de l'urbanisme, alors en vigueur : " I.-Le règlement fixe, en cohérence avec le projet d'aménagement et de développement durables, les règles générales et les servitudes d'utilisation des sols permettant d'atteindre les objectifs mentionnés à l'article L. 121-1, qui peuvent notamment comporter l'interdiction de construire, délimite les zones urbaines ou à urbaniser et les zones naturelles ou agricoles et forestières à protéger et définit, en fonction des circonstances locales, les règles concernant l'implantation des constructions. / II.-Le règlement peut fixer les règles suivantes relatives à l'usage des sols et la destination des constructions : (....) / 6° A titre exceptionnel, délimiter dans les zones naturelles, agricoles ou forestières des secteurs de taille et de capacité d'accueil limitées dans lesquels peuvent être autorisés : /a) Des constructions ; (....) ". Ces dispositions sont aujourd'hui codifiées à l'art L 151-13 du code de l'urbanisme.

5. Les dispositions de l'article R. 123-7 du même code en sa rédaction alors applicable, désormais codifiées à l'article R 151-22 de ce code, disposent que : " Les zones agricoles sont dites " zones A ". Peuvent être classées en zone agricole les secteurs de la commune, équipés ou non, à protéger en raison du potentiel agronomique, biologique ou économique des terres agricoles (...) ".

6. Il ressort des pièces du dossier et notamment du projet d'aménagement et de développement durables que la commune d'Assérac, commune littorale, s'est fixée en particulier comme objectif celui de préserver des espaces agricoles pérennes dans lesquels sont exclus toute forme d'urbanisation et tout mitage de l'espace par des constructions qui ne seraient ni liées ni nécessaires aux activités agricoles. Le rapport de présentation du plan local d'urbanisme et le préambule du titre IV du règlement de ce document précisent que les zones Ah de la commune d'Assérac correspondent à des hameaux, écarts ou lieux-dits préexistants, à dominante d'habitat, occupés par des tiers non liés aux activités ou exploitations agricoles, dont la constructibilité est limitée et qui sont situés en zone agricole. Il est précisé que " Au sein de ces secteurs de capacité et de taille limitées, seules sont admises l'extension des constructions existantes et, de manière exceptionnelle, la réalisation d'annexes. ". Il est, en outre, mentionné que " ces secteurs d'habitat n'ont pas lieu d'admettre de nouvelles constructions de manière, notamment, à préserver les espaces agricoles qui les environnent (...) " et qu'aucune construction nouvelle n'est par conséquent admise à l'intérieur de cette zone à l'exception de l'extension mesurée des constructions d'habitation existantes ou d'annexes ou les changements de destination des anciens bâtiments agricoles présentant un intérêt architectural et patrimonial.

7. Il ressort des pièces du dossier et notamment du plan de zonage ainsi que des photographies aériennes que le secteur de Quescouis, dans lequel s'insère la parcelle des requérants, est séparé du bourg d'Assérac par des zones à vocation agricole ou des zones naturelles dépourvues de constructions. Si ce hameau se situe à proximité d'autres hameaux, il en est séparé par des zones agricoles ou naturelles et si par ailleurs la parcelle litigieuse jouxte au nord et au sud des parcelles bâties, elle s'ouvre à l'ouest sur une vaste étendue agricole.

8. Dans ces conditions, la commune a pu classer la parcelle Z 155 en zone AH sur le fondement des dispositions précitées de l'article L. 123-1-5 du code de l'urbanisme, alors même qu'elle est desservie par les réseaux et avait été antérieurement classée en zone urbaine sans commettre d'erreur de droit ni d'erreur manifeste d'appréciation.

9. Par suite, c'est à tort que le tribunal a jugé que le classement de cette parcelle était entaché d'une erreur manifeste d'appréciation de sorte que le maire de la commune d'Assérac était incompétent pour refuser d'abroger la délibération du 15 juin 2015 approuvant le plan local d'urbanisme en tant qu'elle approuvait le classement de la parcelle ZN n° 155.

10. Il appartient toutefois au juge d'appel, saisi de l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens invoqués par les requérants devant le tribunal administratif et devant la cour.

11. D'une part, le classement en zone Ah de la parcelle ZN n°155 n'étant pas, ainsi qu'il vient d'être dit, illégal, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que le refus du maire de la commune d'Assérac de saisir le conseil municipal en vue d'abroger le classement de cette parcelle, serait par voie de conséquence irrégulier.

12. D'autre part, après l'expiration du délai de recours contentieux, le juge administratif ne peut, à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir dirigé contre la décision refusant d'abroger un acte règlementaire, être utilement saisi de moyens tirés des vices de forme et de procédure dont il serait entaché. Par suite, les moyens tirés de l'illégalité des délibérations du conseil municipal de la commune d'Assérac du 15 juin 2010 prescrivant l'élaboration du plan local d'urbanisme et du 26 mai 2014 approuvant le bilan de la concertation aux motifs qu'elles méconnaîtraient les dispositions des articles L.2121-13 du code général des collectivités territoriales et L.300-2 du code de l'urbanisme, sont inopérants.

13. Il résulte de tout ce qui précède que la commune d'Assérac est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif a annulé la décision de son maire refusant d'abroger la délibération du 15 juin 2015.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

14. Le présent arrêt n'appelle aucune mesure d'exécution. Par suite les conclusions à fin d'injonction présentées par M. I...et Mme A...ne peuvent qu'être rejetées.

Sur les frais liés au litige :

15. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de M. I...et de Mme A...une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par la commune d'Assérac et non compris dans les dépens. En revanche, les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune d'Assérac, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance une somme au même titre.

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Nantes du 31 octobre 2017 est annulé en ce qu'il a annulé le refus opposé par le maire d'Assérac d'abroger la délibération du 15 juin 2015 en tant qu'elle classe en zone Ah la parcelle de M. I...et de MmeA....

Article 2 : La demande présentée par M. I...et Mme A...devant le tribunal administratif de Nantes et les conclusions présentées par ces derniers devant la cour sont rejetées.

Article 3 : M. I...et Mme A...verseront à la commune d'Assérac une somme de 1 500 euros au titre de l'article L 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la commune d'Assérac, à Mme F...A...et à M. D...I....

Délibéré après l'audience du 9 octobre 2018, à laquelle siégeaient :

- M. Pérez, président de chambre,

- Mme Brisson président assesseur,

- M. Giraud, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 21 décembre 2018.

Le rapporteur,

C. BRISSON Le président,

A. PEREZ

Le greffier,

K. BOURON

La République mande et ordonne au ministre de la cohésion des territoires, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 17NT03996

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 17NT03996
Date de la décision : 21/12/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. PEREZ
Rapporteur ?: Mme Christiane BRISSON
Rapporteur public ?: M. DERLANGE
Avocat(s) : SELARL AVOXA NANTES

Origine de la décision
Date de l'import : 01/01/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2018-12-21;17nt03996 ?
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