Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme B... C...néeE..., a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision du 6 juillet 2015 par laquelle le ministre de l'intérieur a ajourné à deux ans sa demande de naturalisation.
Par un jugement n° 1507488 du 22 juin 2017, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 22 décembre 2017, MmeE..., représentée par MeA..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 22 juin 2017 ;
2°) d'annuler la décision du 6 juillet 2015 du ministre de l'intérieur ;
3°) d'enjoindre au ministre de l'intérieur de lui accorder le bénéfice de la nationalité française, sous astreinte de 50 euros par jour de retard à compter de la décision à intervenir ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la décision attaquée est insuffisamment motivée ;
- elle est mariée à M.C..., ressortissant ivoirien en situation irrégulière, depuis 2014 ; l'aide au séjour irrégulier de son époux ne peut lui être reproché dès lors que l'article L. 622-1 du CESEDA est inapplicable au conjoint de l'étranger ;
- la décision méconnaît le droit au mariage qui constitue une liberté constitutionnelle, ainsi que le droit au respect de sa vie privée et familiale ;
- le ministre lui reproche des faits imputables à son conjoint et non à elle ;
- elle est mariée depuis trois ans ; son mari et elle sont parents d'une fille âgée de trois ans ; la décision est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- elle est entrée en France en 2000, y réside sans interruption depuis lors, a suivi des études et travaille régulièrement ; sa résidence en France est stable ; son frère et sa soeur ont été naturalisés.
Par un mémoire en défense, enregistré le 15 janvier 2018, le ministre d'Etat, ministre de l'intérieur conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par Mme C...ne sont pas fondés.
Mme E...a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 22 novembre 2017.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code civil ;
- le décret n° 93-1362 du 30 décembre 1993 modifié ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Degommier a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme E...interjette appel du jugement du 22 juin 2017 du tribunal administratif de Nantes, qui a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 6 juillet 2015 par laquelle le ministre de l'intérieur a ajourné à deux ans sa demande de naturalisation.
Sur la légalité de la décision du 6 juillet 2015 du ministre de l'intérieur :
En ce qui concerne la légalité externe :
2. Il y a lieu d'écarter par adoption des motifs retenus par les premiers juges, le moyen tiré de l'insuffisante motivation de la décision du ministre de l'intérieur.
En ce qui concerne la légalité interne :
3. Pour établir que sa décision contestée était légale, le ministre de l'intérieur a invoqué devant les premiers juges, le motif tiré de ce que l'intéressée a apporté une aide au séjour irrégulier de son conjoint. Le tribunal administratif a fait droit à la substitution de motif demandée.
4. Aux termes de l'article 21-15 du code civil : " L'acquisition de la nationalité française par décision de l'autorité publique résulte d'une naturalisation accordée par décret à la demande de l'étranger ". En vertu de l'article 27 du même code, l'administration a le pouvoir de rejeter ou d'ajourner une demande de naturalisation. Aux termes de l'article 48 du décret du 30 décembre 1993 susvisé : " Si le ministre chargé des naturalisations estime qu'il n'y a pas lieu d'accorder la naturalisation ou la réintégration sollicitée, il prononce le rejet de la demande. Il peut également en prononcer l'ajournement en imposant un délai ou des conditions. Ce délai une fois expiré ou ces conditions réalisées, il appartient à l'intéressé, s'il le juge opportun, de déposer une nouvelle demande ". Il appartient ainsi au ministre de porter une appréciation sur l'intérêt d'accorder la nationalité française à l'étranger qui la sollicite ; que, dans le cadre de cet examen d'opportunité, il peut légalement prendre en compte les renseignements défavorables recueillis sur le comportement du postulant.
5. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier et n'est pas contesté que Mme C...est mariée depuis le 12 septembre 2014 avec M. D...C..., ressortissant ivoirien qui réside irrégulièrement sur le territoire français, et qu'elle lui a apporté une aide à son séjour en France.
6. En deuxième lieu, la circonstance que l'aide au séjour irrégulier d'un étranger ne puisse, en vertu des dispositions de l'article L. 622-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, donner lieu à poursuites pénales lorsqu'elle émane de son conjoint, ne fait pas obstacle à ce que le ministre chargé des naturalisations prenne en compte cette situation à l'occasion de son examen de l'opportunité d'accorder à un étranger la nationalité française. Eu égard au large pouvoir dont il dispose pour apprécier l'opportunité d'accorder ou non la nationalité française à l'étranger qui la sollicite, le ministre de l'intérieur était en droit d'ajourner à deux ans la demande de naturalisation de Mme E...en se fondant sur l'aide ainsi apportée au séjour irrégulier de son époux, alors même que de tels faits ne sont pas constitutifs d'une infraction pénale, Mme E...s'étant néanmoins soustraite aux règles relatives à l'entrée et au séjour des étrangers en France.
7. En troisième lieu, le ministre s'est fondé, non pas sur le séjour irrégulier de l'époux de la requérante, mais sur l'aide apportée au séjour irrégulier de son époux. Mme E...n'est dès lors pas fondée à soutenir que le ministre lui aurait opposé des faits imputables à son conjoint.
8. En quatrième lieu, la décision par laquelle est ajournée une demande de naturalisation n'est pas, par nature, susceptible de porter atteinte au respect de la vie privée et familiale. De même, cette décision d'ajournement n'a ni pour objet ni pour effet de faire obstacle au mariage de la requérante. Celle-ci ne peut dès lors utilement invoquer la méconnaissance, ni du droit au respect de sa vie privée et familiale, ni de son droit au mariage.
9. En dernier lieu, en décidant, pour le motif susmentionné, d'ajourner à deux ans la demande de naturalisation de MmeE..., et alors même que celle-ci ne pouvait faire l'objet d'aucune poursuite pénale en raison de l'aide au séjour irrégulier de son conjoint, qu'elle est entrée en France en 2000, y réside sans interruption depuis lors, a suivi des études, travaille régulièrement, est mariée et a une fille en France, le ministre n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation.
10. Il résulte de ce qui précède que Mme E...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a procédé à la substitution de motifs demandée en première instance et rejeté sa demande.
Sur les conclusions à fin d'injonction et d'astreinte :
11. Le présent arrêt, qui rejette les conclusions à fin d'annulation, n'implique aucune mesure d'exécution. Par suite, les conclusions à fin d'injonction et d'astreinte présentées par Mme E...ne peuvent qu'être rejetées.
Sur les frais liés au litige :
12. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante à la présente instance, la somme que demande Mme E...au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de Mme E...est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... C... née E...et au ministre de l'intérieur.
Délibéré après l'audience du 7 décembre 2018, à laquelle siégeaient :
- M. Dussuet, président de chambre,
- M. Degommier, président assesseur,
- M. Mony, premier conseiller.
Lu en audience publique le 21 décembre 2018.
Le rapporteur,
S. DEGOMMIER
Le président,
J-P. DUSSUET Le greffier,
C. GOY
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 17NT03899