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21/12/2018 | FRANCE | N°17NT01515

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 5ème chambre, 21 décembre 2018, 17NT01515


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A...C..., M.K..., M.H..., M. E...et M. M...ont demandé au tribunal administratif de Rennes, par cinq requêtes distinctes, d'annuler l'arrêté du 18 avril 2014 par lequel le préfet des Côtes d'Armor a autorisé l'association " Equipage de La Hardouinais " à exploiter un chenil à Saint Launeuc.

Par un jugement n° 1403548-1403549-1403551-1403552-1403554 du 17 mars 2017, le tribunal administratif de Rennes, après avoir joint les différentes requêtes, a fait droit à leurs demandes en annulant l'arr

êté litigieux.

Procédure devant la cour :

I- Par une requête, enregistrée le 16 ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A...C..., M.K..., M.H..., M. E...et M. M...ont demandé au tribunal administratif de Rennes, par cinq requêtes distinctes, d'annuler l'arrêté du 18 avril 2014 par lequel le préfet des Côtes d'Armor a autorisé l'association " Equipage de La Hardouinais " à exploiter un chenil à Saint Launeuc.

Par un jugement n° 1403548-1403549-1403551-1403552-1403554 du 17 mars 2017, le tribunal administratif de Rennes, après avoir joint les différentes requêtes, a fait droit à leurs demandes en annulant l'arrêté litigieux.

Procédure devant la cour :

I- Par une requête, enregistrée le 16 mai 2017 sous le n° 1701515, l'association " Equipage de La Hardouinais ", représentée par MeF..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 17 mars 2017 ;

2°) de mettre conjointement et solidairement à la charge de l'ensemble des requérants une somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

L'association soutient que :

- c'est à tort que le tribunal administratif n'a pas accueilli la fin de non recevoir opposée par le préfet, les requérants de première instance ne disposant pas d'un intérêt à agir suffisant, leurs lieux d'habitation étant situés à plusieurs centaines de mètres du chenil ;

- le fonctionnement du chenil ne génère aucune gêne excessive vis-à-vis de son voisinage en matière sonore, olfactive et visuelle, ces contraintes particulières ayant été prises en compte ;

- le motif d'annulation retenu par le tribunal tiré de ce que le pétitionnaire ne justifiait pas de ses capacités techniques et financières est erroné, dès lors que ces capacités doivent être appréciées à la date où le juge administratif statue ;

- il est justifié à hauteur d'appel de ces capacités ;

- le motif d'annulation retenu par le tribunal administratif tiré de ce que la modification du plan d'épandage intervenue après l'enquête publique a bouleversé l'économie générale du projet et a privé la population d'une garantie est également erroné ;

- le système finalement retenu a été choisi pour tenir compte des craintes exprimées lors de l'enquête publique, en accord avec les services de l'Etat, et ses caractéristiques techniques procurent un résultat supérieur en termes d'odeurs et de performances opératoires ;

- un tel changement ne modifiait pas substantiellement la physionomie du projet.

Par un mémoire enregistré le 13 juillet 2017, M. A...C...a informé la cour de son désistement de la procédure d'appel.

Par un mémoire enregistré le 29 septembre 2017, M. M... a informé la cour de son désistement de la procédure d'appel.

Par un mémoire en défense, enregistré le 18 octobre 2017, M. H...et M.E..., représentés par MeD..., concluent au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 4 500 euros soit mise à la charge de l'association au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

M. H...et M. E...font valoir que c'est à juste titre que le tribunal administratif a écarté la fin de non recevoir opposée par le préfet et qu'aucun des moyens d'annulation soulevés par la requérante n'est fondé.

Vu les autres pièces du dossier.

II - Par une requête et un mémoire, enregistrés les 18 mai et 22 juin 2017 sous le n° 1701540, le ministre d'Etat, ministre de la transition écologique et solidaire, demande à la cour d'annuler ce jugement du 17 mars 2017.

Le ministre soutient que :

- le jugement attaqué a été rendu au terme d'une procédure irrégulière, le rapporteur public n'ayant pas été régulièrement désigné, et le président du tribunal administratif n'ayant pas fait usage de son pouvoir subsidiaire de désignation ;

- c'est à tort que le tribunal administratif n'a pas accueilli la fin de non recevoir soulevée par le préfet ;

- les requérants de première instance n'ont apporté aucune justification précise et concrète des inconvénients auxquels le projet les auraient exposés ;

- le pétitionnaire disposait, contrairement à ce qu'a jugé le tribunal, de capacités techniques suffisantes ;

- la modification du plan d épandage postérieurement à l'enquête publique n' pas porté atteinte à l'économie générale du projet ;

- cette modification n'a pas eu pour effet de restreindre le niveau de protection attendu contre les effets négatifs des effluents ;

- la quantité d'azote à épandre n'a pas été modifiée et aucun impact supplémentaire n'est à craindre.

Par un mémoire enregistré le 13 juillet 2017, M. A...C...a informé la cour de son désistement de la procédure d'appel.

Par un mémoire enregistré le 17 octobre 2017, l'association " Equipage de La Hardouinais ", représentée par MeF..., reprend ses conclusions présentées dans sa requête en appel.

Par des mémoires en défense, enregistrés le 29 octobre 2017 et le 1er novembre 2017, M. H...et M.E..., représentés par MeD..., concluent au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 4 500 euros soit mise à la charge de l'association au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

M. H...et M. E...font valoir que c'est à juste titre que le tribunal administratif a écarté la fin de non recevoir opposée par le préfet, que le jugement attaqué n'est pas entaché d'irrégularité et qu'aucun des moyens d'annulation soulevés par la requérante n'est fondé.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'environnement ;

- l'arrêté du 8 décembre 2006 fixant les règles techniques auxquelles doivent satisfaire les installations renfermant des chiens soumises à autorisation au titre du livre V du code de l'environnement ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Mony,

- les conclusions de M. Sacher, rapporteur public,

- et les observations de MeL..., substituant MeF..., représentant l'association " Equipage de la Hardouinais ", et de MeD..., représentant M. H...et M.E....

Une note en délibéré présentée pour M. H...et M. E...a été enregistrée le 10 décembre 2018 dans chacun des deux dossiers.

Considérant ce qui suit :

1. L'association " Equipage de La Hardouinais " a sollicité l'autorisation d'exploiter sur le territoire de la commune de Saint Launeuc, au lieu-dit le Foeil, un chenil de cent quatre vingt chiens de meute de plus de quatre mois. Après avis favorable de l'autorité environnementale du 20 février 2013, et avis favorable des conseils municipaux de Saint Launec, de Merdrignac et de Mérillac, le préfet des Côtes d'Armor faisait droit à cette demande par un arrêté du 18 avril 2014. MM. A...C..., E..., M..., H...et K...ont, chacun, contesté la légalité de cette autorisation devant le tribunal administratif de Rennes, lequel, par jugement du 17 mars 2017, a fait droit à leurs demandes en annulant l'arrêté précité. L'association " Equipage de La Hardouinais " et le ministre d'Etat, ministre de la transition écologique et solidaire relèvent chacun appel de ce jugement.

Sur les désistements :

2. M. A...C...et M.M..., demandeurs en première instance ont déclaré, suite aux appels formés par l'association " Equipage de La Hardouinais " et le ministre chargé de l'environnement contre le jugement ayant annulé la décision dont ils avaient contesté la légalité devant le tribunal administratif, qu'ils entendaient se " désister en défense " de la procédure d'appel ainsi engagée. Toutefois une telle déclaration ne saurait avoir pour effet d'exclure les intéressés de la procédure d'appel formé contre le jugement leur ayant donné satisfaction en première instance, cet appel faisant en particulier obstacle à ce que la Cour puisse être regardée comme dessaisie de l'affaire et à ce que les autres demandeurs de première instance soient seuls exposés aux conséquences potentielles de l'arrêt à intervenir. Il ne peut donc être donné acte à M. A...C...et M. M... de leur désistement.

Sur la jonction :

3. Les requêtes d'appel de l'association et du ministre chargé de l'environnement étant dirigées contre un même jugement et soulevant des questions de droit identiques, il y a lieu de les joindre pour y statuer par une unique décision.

Sur les conclusions en annulation :

En ce qui concerne les fins de non recevoir opposées par le préfet des Côtes d'Armor

4. Aux termes de l'article L. 511-1 alors applicable du code de l'environnement : " Sont soumis aux dispositions du présent titre les usines, ateliers, dépôts, chantiers et, d'une manière générale, les installations exploitées ou détenues par toute personne physique ou morale, publique ou privée, qui peuvent présenter des dangers ou des inconvénients soit pour la commodité du voisinage, soit pour la santé, la sécurité, la salubrité publiques, soit pour l'agriculture, soit pour la protection de la nature, de l'environnement et des paysages, soit pour l'utilisation rationnelle de l'énergie, soit pour la conservation des sites et des monuments ainsi que des éléments du patrimoine archéologique (...)". Aux termes du I de l'article L. 514-6 alors applicable du même code : " Les décisions prises en application des articles L. 171-7, L. 171-8 et L. 171-10, L. 512-1, L. 512-3, L. 512-7-3 à L. 512-7-5, L. 512-8, L. 512-12, L. 512-13, L. 512-20, L. 513-1, L. 514-4, du I de l'article L. 515-13 et de l'article L. 516-1 sont soumises à un contentieux de pleine juridiction (...) ".

5. Il appartient au juge administratif, en application de ces dispositions, d'apprécier si les tiers personnes physiques qui contestent une décision prise au titre de la police des installations classées justifient d'un intérêt suffisamment direct leur donnant qualité pour en demander l'annulation, compte tenu des inconvénients et dangers que présente pour eux l'installation en cause, appréciés notamment en fonction de la situation des intéressés et de la configuration des lieux.

6. M.M..., M. E...et M. A...C..., ont déclaré devant le tribunal administratif résider au sein du lotissement dit " l'orée de la Hardouinais " et se sont uniquement prévalus, pour justifier de leur intérêt à demander chacun l'annulation de l'arrêté préfectoral du 18 avril 2014, de leur qualité de propriétaire d'une maison d'habitation " voisine " ou " proche " du chenil. Il résulte également de l'instruction que M. H...a, pour sa part, déclaré résider dans le hameau de la Gaudinais, " voisin du futur chenil ", de même que M.K....

7. Alors même que leur intérêt à agir était contesté, les différents requérants se sont abstenus de fournir une indication précise de la localisation des différentes parcelles sur lesquelles étaient implantées leurs habitations. Les différents requérants n'ont pas justifié, par les pièces produites à l'appui de leur recours contentieux ou en appel, de la distance exacte existant entre leur habitation et l'installation litigieuse, alors que les pièces produites par l'association " Equipage de la Hardouinais " en première instance établissent que l'habitation de M. H...se situe à 722 mètres du chenil, ce que M. H...ne conteste pas sérieusement. L'association produit également des photographies démontrant que, de la limite la plus proche du lotissement dit " l'orée de la Hardouinais ", qui se situe à plus de 600 mètres du chenil et où résident M. M..., M. E... et M. A...C...aucune vue directe n'est possible, en raison tant du profil du terrain que de la présence d'espaces boisés, les habitations de M. H... et de M. K... étant encore plus éloignées. Ces pièces établissent que le chenil est également bordé, sur son côté Est, par une haie de glycines et par une haie bocagère au Nord. L'association produit également une attestation établie en février 2017 par le maire de la commune de Saint Launeuc indiquant que la mairie n'a reçu, depuis l'arrivée des chiens sur le site en août 2014, aucune plainte relative aux nuisances sonores ou olfactives dont faisaient état les requérants. M. H...et E...n'établissent pas de manière tangible la réalité de celles-ci, les témoignages dont ils font état étant contredits par le constat d'huissier et l'étude acoustique produits par le pétitionnaire. L'avis émis par le conseil départemental de l'environnement et des risques sanitaires et technologiques a, par ailleurs, été favorable à l'autorisation litigieuse. Eu égard à ce qui précède, les requérants de première instance ne peuvent être regardés comme justifiant d'un intérêt suffisamment direct leur donnant qualité pour en demander l'annulation. C'est ainsi à tort que le tribunal administratif a écarté la fin de non recevoir opposée par le préfet en raison de l'absence de démonstration d'un intérêt direct et personnel des requérants à contester la décision litigieuse, les différents recours contentieux formés par eux étant, de ce fait, irrecevables.

8. Il résulte de ce qui précède et sans qu'il soit besoin de statuer sur la régularité du jugement attaqué, que l'association " Equipage de la Hardouinais " et le ministre de la transition écologique et solidaire sont fondés à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Rennes a annulé l'arrêté du 18 avril 2014 du préfet des Côtes d'Armor autorisant l'association à exploiter un chenil à Saint Launeuc.

Sur les frais liés au litige :

9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat et l'association " Equipage de la Hardouinais ", qui ne sont pas les parties perdantes dans la présente instance, versent à MM. H...et E...la somme que ceux-ci réclament au titre des frais exposés par eux non compris dans les dépens. Il y a lieu, en revanche, de mettre au même titre à la charge solidaire de M.H..., de M.E..., de M. M..., de M. A...C...et de M. K...une somme de 1 500 euros au profit de l'association " Equipage de la Hardouinais ".

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement n° 1403548, 1403549, 143551, 143552 et 1403554 du tribunal administratif de Rennes est annulé.

Article 2 : Les demandes de M.H..., de M.E..., de M.M..., de M. A...C...et de M. K...présentées devant le tribunal administratif de Rennes et leurs conclusions présentées en appel sont rejetées.

Article 3 : M.H..., M.E..., M.M..., M. A...C...et M. K...verseront solidairement à l'association " Equipage de la Hardouinais " une somme de 1 500 euros eau titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à l'association " Equipage de la Hardouinais ", à M. N... H..., à M. B... A...C..., à M. I... E..., à M. J... M..., à M. G... K..., au ministre d'Etat, ministre de la transition écologique et solidaire.

Copie en sera adressée, pour information, et au préfet des Côtes d'Armor.

Délibéré après l'audience du 7 décembre 2018, à laquelle siégeaient :

- M. Dussuet, président,

- M. Degommier, président assesseur,

- M. Mony, premier conseiller,

Lu en audience publique le 21 décembre 2018.

Le rapporteur,

A. MONYLe président,

J-P. DUSSUET

Le greffier,

C. GOY

La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de la transition écologique et solidaire en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis

en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées,

de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 17NT01515 - 17NT01540


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 17NT01515
Date de la décision : 21/12/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. DUSSUET
Rapporteur ?: M. Arnaud MONY
Rapporteur public ?: M. SACHER
Avocat(s) : TOUMI

Origine de la décision
Date de l'import : 08/10/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2018-12-21;17nt01515 ?
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