Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme A...B...a demandé au tribunal administratif de Caen d'annuler l'arrêté du 17 novembre 2017 par lequel le préfet du Calvados a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.
Par un jugement n°1702300 du 14 février 2018, le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande d'annulation.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 19 mars 2018, MmeB..., représentée par Me C..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Caen du 14 février 2018 et d'annuler l'arrêté préfectoral du 17 novembre 2017 ;
2°) d'enjoindre au préfet du Calvados de lui délivrer un titre de séjour ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation et en toute hypothèse de lui délivrer un récépissé l'autorisant à travailler pendant l'instruction, et ce, à compter de la notification de la décision à intervenir et sous astreinte de 75 euros par jours de retard passé ce délai ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros, à verser à MeC..., en application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la décision portant refus de titre de séjour est entachée d'un défaut d'examen complet de sa situation ;
- elle a été prise au terme d'une procédure irrégulière au regard de l'obligation de consultation de la commission du titre de séjour posée par l'article L. 312-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle méconnaît les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation quant aux conséquences sur sa situation personnelle ;
- la décision portant obligation de quitter le territoire français est dépourvue de base légale en raison de l'illégalité de la décision portant refus de titre de séjour ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la décision fixant le pays de destination est insuffisamment motivée ;
- elle est entachée d'une erreur d'appréciation quant à ses conséquences sur sa situation personnelle.
Par un mémoire en défense enregistré le 28 août 2018, le préfet du Calvados conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que :
- les moyens de la requête ne sont pas fondés ;
- il renvoie à ses écritures de première instance qu'il reprend subsidiairement.
Mme B... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 25 avril 2018.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991, modifiée, relative à l'aide juridique ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
A été entendu au cours de l'audience publique le rapport de Mme Picquet.
Considérant ce qui suit :
1. MmeB..., ressortissante géorgienne née le 5 septembre 1982, est entrée en France avec sa famille le 16 août 2011, selon ses déclarations, en vue d'y solliciter l'asile. Sa demande a été rejetée par une décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides du 31 décembre 2012, confirmée par la Cour nationale du droit d'asile le 29 avril 2014. Parallèlement à sa demande d'asile, elle s'est vu délivrer le 28 janvier 2014 une carte de séjour temporaire pour des raisons de santé, renouvelée une fois et valable jusqu'au 19 août 2016. A la suite d'une nouvelle demande de renouvellement de ce titre, le préfet du Calvados lui a refusé la délivrance de celui-ci par un arrêté du 29 juillet 2016 portant également obligation de quitter le territoire et fixation du pays de destination. Le recours de l'intéressée devant le tribunal administratif de Caen a été rejeté par un jugement du 23 novembre 2016, dont l'appel a été rejeté par un arrêt de la cour du 19 janvier 2018. Le 10 mai 2017 elle a formulé une nouvelle demande de titre sur le fondement des dispositions de l'article L. 313-14 et du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Le préfet a pris, le 17 novembre 2017 un arrêté portant refus de titre de séjour et obligation de quitter le territoire français. Le tribunal administratif de Caen, par un jugement du 14 février 2018, a rejeté le recours de Mme B... à l'encontre de l'arrêté préfectoral du 17 novembre 2017. Cette dernière relève appel de ce jugement.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
En ce qui concerne la décision de refus de titre de séjour :
2. En premier lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet du Calvados n'aurait pas examiné tous les éléments de la situation de Mme B...et en particulier la situation professionnelle de cette dernière, dès lors que l'arrêté mentionne que l'intéressée était sans emploi à la date de sa demande de titre, alors même qu'il n'indique pas les expériences professionnelles de la requérante effectuées du 1er août 2014 au 21 février 2016, pour partie dans le cadre d'un contrat de travail à durée indéterminée à temps complet qui aurait pris fin en raison de l'absence de renouvellement du titre de séjour de MmeB.... Enfin, contrairement à ce qui est allégué, il ressort des termes de l'arrêté litigieux que la scolarisation de ses deux enfants a été prise en compte par le préfet.
3. En deuxième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans sa rédaction applicable au jour de la décision contestée : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit : ... 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 313-2 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République ; ". Aux termes de l'article R. 313-21 de ce code, " Pour l'application du 7º de l'article L. 313-11, l'étranger qui invoque la protection due à son droit au respect de la vie privée et familiale en France doit apporter toute justification permettant d'apprécier la réalité et la stabilité de ses liens personnels et familiaux effectifs en France au regard de ceux qu'il a conservés dans son pays d'origine. ".
4. Il ressort des pièces du dossier qu'à la date de l'arrêté contesté, si Mme B...résidait en France depuis six ans, elle n'est arrivée en France qu'à l'âge de vingt-neuf ans. Il est constant que son époux fait également l'objet d'une obligation de quitter le territoire français dont le recours a été rejeté par la cour par un arrêt du même jour. Il n'est ni établi ni même allégué que les enfants du couple, nés en 2000 et 2003 et scolarisés respectivement au lycée et au collège ne pourraient pas poursuivre leur scolarité dans le pays d'origine de leurs parents. De plus, si son frère, naturalisé français, et sa belle-soeur, qui serait titulaire d'une carte de séjour, ont vocation à rester sur le territoire français, Mme B...n'établit pas ni même n'allègue ne plus avoir d'attaches dans son pays d'origine, où réside encore sa mère. Ainsi, alors même que le contrat de travail à durée indéterminée dont était titulaire l'intéressée n'aurait été rompu qu'en raison de l'irrégularité de la situation de la requérante, l'arrêté contesté n'a pas porté une atteinte disproportionnée à sa vie privée et familiale, au regard des dispositions du 7° de l'article L.313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Le préfet n'a pas davantage commis d'erreur manifeste d'appréciation des conséquences qu'emporte cette décision sur la vie personnelle de l'intéressée.
5. En troisième et dernier lieu, dès lors que, comme il a été dit au point 4, Mme B... ne remplissait pas les conditions pour bénéficier d'un titre de séjour délivré de plein droit sur le fondement du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet n'était pas tenu de saisir pour avis la commission du titre de séjour.
En ce qui concerne la décision d'obligation de quitter le territoire français :
6. En premier lieu, il résulte de ce qui a été dit précédemment que
Mme B...n'est pas fondée à exciper de l'illégalité de la décision lui refusant un titre de séjour. Par suite, le moyen doit être écarté.
7. En second lieu, pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 4, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.
En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :
8. En premier lieu, Mme B...se borne à invoquer devant le juge d'appel, sans plus de précisions ou de justifications que dans sa demande de 1ère instance, le moyen tiré de l'insuffisante motivation de la décision fixant le pays de destination. Il y a lieu d'écarter ce moyen par adoption des motifs retenus par les premiers juges.
9. En second lieu, pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 4, le moyen tiré de ce que la décision litigieuse serait entachée d'une erreur manifeste d'appréciation des conséquences sur la situation personnelle de la requérante doit être écarté.
10. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort, que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction sous astreinte, ainsi que celles tendant à l'application des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 doivent également être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de Mme B...est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A...B...et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée, pour information, au préfet du Calvados.
Délibéré après l'audience du 23 novembre 2018, à laquelle siégeaient :
- M. Dussuet, président de chambre,
- M. Degommier, président assesseur,
- Mme Picquet, premier conseiller.
Lu en audience publique le 10 décembre 2018.
Le rapporteur,
P. PICQUET
Le président,
J-P. DUSSUET
Le greffier,
C. POPSE
La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N°18NT01206