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10/12/2018 | FRANCE | N°18NT01118

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 5ème chambre, 10 décembre 2018, 18NT01118


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A...épouse D...a demandé au tribunal administratif de Caen d'annuler l'arrêté du 9 novembre 2017 par lequel le préfet du Calvados a refusé de lui délivrer un titre de séjour et lui a fait obligation de quitter le territoire français.

Par un jugement n° 1702188 du 23 février 2018, le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrées le 13 mars 2018, Mme D..., représentée par MeC..., demande à la cour :

1°) d

'annuler ce jugement du 23 février 2018 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 9 novembre 2017 du préfet du Calvado...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A...épouse D...a demandé au tribunal administratif de Caen d'annuler l'arrêté du 9 novembre 2017 par lequel le préfet du Calvados a refusé de lui délivrer un titre de séjour et lui a fait obligation de quitter le territoire français.

Par un jugement n° 1702188 du 23 février 2018, le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrées le 13 mars 2018, Mme D..., représentée par MeC..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 23 février 2018 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 9 novembre 2017 du préfet du Calvados ;

3°) d'enjoindre au préfet de lui délivrer un titre de séjour " membre de la famille d'un citoyen de l'Union " dans un délai de quinze jours à compter de la notification de la décision à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, subsidiairement de lui délivrer un titre de séjour " vie privée et familiale ", dans le même délai et sous la même astreinte ou, à titre infiniment subsidiaire, de procéder à un réexamen de sa demande, dans le même délai et sous la même astreinte ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat au profit de Me C...une somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Mme D...soutient que :

En ce qui concerne le refus de titre de séjour

- l'arrêté litigieux est insuffisamment motivé ;

- il appartenait au préfet de faire usage des dispositions de droit national plus favorables ;

- la décision litigieuse méconnaît les dispositions des articles L. 121-1 et L. 121-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la décision litigieuse méconnaît les dispositions de l'article L. 313-4-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la décision litigieuse méconnaît les dispositions de l'article L. 313-11-7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la décision litigieuse méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la décision litigieuse est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation quant aux conséquences qu'elle emporte sur sa situation personnelle ;

En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français

- l'arrêté litigieux est insuffisamment motivé ;

- la décision litigieuse méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la décision litigieuse méconnaît les stipulations des articles 3-1 et 9 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- la décision litigieuse est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation quant aux conséquences qu'elle emporte sur sa situation personnelles.

Par un mémoire en défense, enregistré le 20 août 2018, le préfet du Calvados conclut au rejet de la requête.

Le préfet fait valoir qu'aucun des moyens d'annulation soulevés par la requérante n'est fondé.

Mme D...a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 4 mai 2018.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Le rapport de M. Mony a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme A...épouseD..., ressortissante marocaine, a sollicité en octobre 2014 la délivrance d'un titre de séjour que le préfet du Calvados, par un arrêté du 9 novembre 2017, a refusé de lui délivrer, en assortissant cette décision d'une obligation de quitter le territoire. Mme A...relève appel du jugement du 23 février 2018 par lequel le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande d'annulation de ces décisions.

Sur les conclusions en annulation

En ce qui concerne le refus de titre de séjour

2. En premier lieu, il ressort des termes mêmes de l'arrêté litigieux que celui-ci comporte un énoncé suffisamment précis des circonstances de fait et de droit qui le fondent. Il se trouve ainsi suffisamment motivé. La circonstance que la date à laquelle Mme D...a déposé sa demande de titre de séjour serait erronée, faute de toute indication de la part de l'intéressée quant aux effets s'attachant à une telle erreur, n'est pas de nature à remettre en cause cette motivation.

3. En deuxième lieu, Mme A...n'établit pas avoir saisi le préfet du Calvados d'une demande de titre de séjour sur le fondement de dispositions de droit national plus favorables que les dispositions combinées des articles L.121-1 et L. 121-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par suite le préfet n'était pas tenu de se prononcer sur l'application à l'intéressée de ces dispositions.

4. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 121-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, tout citoyen de l'Union européenne, tout ressortissant d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse a le droit de séjourner en France pour une durée supérieure à trois mois s'il satisfait à l'une des conditions suivantes : 1° S'il exerce une activité professionnelle en France ; 2° S'il dispose pour lui et pour les membres de sa famille tels que visés au 4° de ressources suffisantes afin de ne pas devenir une charge pour le système d'assistance sociale, ainsi que d'une assurance maladie ; 3° S'il est inscrit dans un établissement fonctionnant conformément aux dispositions législatives et réglementaires en vigueur pour y suivre à titre principal des études ou, dans ce cadre, une formation professionnelle, et garantit disposer d'une assurance maladie ainsi que de ressources suffisantes pour lui et pour les membres de sa famille tels que visés au 5° afin de ne pas devenir une charge pour le système d'assistance sociale ; 4° S'il est un descendant direct âgé de moins de vingt et un ans ou à charge, ascendant direct à charge, conjoint, ascendant ou descendant direct à charge du conjoint, accompagnant ou rejoignant un ressortissant qui satisfait aux conditions énoncées aux 1° ou 2° ; 5° S'il est le conjoint ou un enfant à charge accompagnant ou rejoignant un ressortissant qui satisfait aux conditions énoncées au 3°. ". Aux termes de l'article L. 121-3 du même code : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, le membre de famille visé aux 4° ou 5° de l'article L. 121-1 selon la situation de la personne qu'il accompagne ou rejoint, ressortissant d'un Etat tiers, a le droit de séjourner sur l'ensemble du territoire français pour une durée supérieure à trois mois. (...) ".

5. C'est au terme d'une exacte motivation, qu'il y a par suite lieu d'adopter, que le tribunal administratif a écarté, au point 5 de son jugement, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions des articles L. 121-1 et L. 121-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. S'agissant de l'appréciation du niveau de ressources de l'intéressée et de son conjoint, la circonstance que Mme A...produise à hauteur d'appel de nouveaux bulletins de salaire attestant de sa reprise d'une activité salariée début 2018, qui ne démontre en outre aucunement la pérennité de cet emploi, est sans incidence sur la légalité de l'arrêté litigieux, laquelle s'apprécie à la date où cette mesure a été prise. Il en va de même de la production des bulletins de salaire de M.D..., lesquels ne font d'ailleurs que confirmer le caractère temporaire des emplois successivement occupés par ce dernier.

6. En quatrième lieu, aux termes de l'article L. 313-4-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger titulaire de la carte de résident de longue durée-UE définie par les dispositions communautaires applicables en cette matière et accordée dans un autre Etat membre de l'Union européenne qui justifie de ressources stables et suffisantes pour subvenir à ses besoins et, le cas échéant, à ceux de sa famille ainsi que d'une assurance maladie obtient, sous réserve qu'il en fasse la demande dans les trois mois qui suivent son entrée en France et sans que la condition prévue à l'article L. 313-2 soit exigée : (...)5° Une carte de séjour temporaire portant la mention de l'activité professionnelle pour laquelle il a obtenu l'autorisation préalable requise, dans les conditions définies, selon le cas, aux 1°, 2° ou 3° de l'article L. 313-10. Pour l'application du présent article, sont prises en compte toutes les ressources propres du demandeur et, le cas échéant, de son conjoint, indépendamment des prestations familiales et des allocations prévues à l'article L. 262-1 du code de l'action sociale et des familles, à l'article L. 815-1 du code de la sécurité sociale et aux articles L. 5423-1, L. 5423-2 et L. 5423-3 du code du travail. Ces ressources doivent atteindre un montant au moins égal au salaire minimum de croissance et sont appréciées au regard des conditions de logement. ".

7. Mme A...ne peut utilement se prévaloir de la méconnaissance des dispositions précitées de l'article L. 313-4-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile qui n'ont pas fondé sa demande. Il ressort au surplus des pièces du dossier que Mme D...et son conjoint ne disposaient pas en 2017 d'un niveau de revenus tirés de leur activité professionnelle d'un montant au moins égal au montant forfaitaire du revenu de solidarité active perçu par un couple avec quatre enfants.

8. MmeA..., en cinquième lieu, ne peut utilement se prévaloir de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 313-11-7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors qu'elle n'a pas sollicité la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement de ces dispositions.

9. MmeA..., en sixième lieu n'établit pas, par les éléments qu'elle apporte, en quoi la décision de lui refuser le séjour en France, pays où elle ne réside que depuis le 1er septembre 2014, emporterait une atteinte manifestement disproportionnée au respect de sa vie privée et familiale, s'abstenant en particulier de fournir toute démonstration de ce qu'elle aurait tissé dans ce pays des attaches privées ou familiales présentant à la fois un caractère stable et d'une particulière intensité. La seule circonstance que ses jeunes enfants, dont l'aîné avait 13 ans à la date de la décision attaquée et le plus jeune un an, sont soit scolarisés soit accueillis en crèche depuis l'automne 2014 ne saurait constituer une telle attache, aucun obstacle ne s'opposant à la poursuite de leur scolarité hors de France. Elle ne fournit, par ailleurs, aucune explication des raisons faisant que, comme elle l'allègue, son conjoint, ressortissant italien, ne pourrait pas rentrer en Italie.

10. MmeA..., qui dispose d'un titre de séjour italien d'une durée illimitée en sa qualité de conjoint d'un ressortissant italien, n'apporte en dernier lieu aucun élément de nature à établir que le refus de délivrer le titre sollicité emporterait nécessairement sur sa situation personnelle des conséquences d'une gravité excessive. Le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation dont le préfet aurait entaché sa décision ne peut ainsi qu'être écarté.

En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire

11. En premier lieu, comme indiqué au point 2, l'arrêté litigieux comporte un exposé suffisamment précis des circonstances de fait et de droit constituant le fondement des différentes décisions prises à l'encontre de MmeA.... Le moyen tiré de l'insuffisante motivation de cette décision ne peut ainsi qu'être écarté, la motivation de l'obligation de quitter le territoire prononcée à l'encontre de Mme A...se confondant avec celle du refus de titre de séjour, dont elle découle nécessairement, et qui, comme indiqué est elle-même suffisamment motivée.

12. En deuxième lieu, l'obligation de quitter le territoire français prononcée à l'encontre de Mme A...n'implique par elle même aucun éclatement de la cellule familiale de l'intéressée, cette dernière disposant par ailleurs d'un titre de séjour italien d'une durée illimitée lui permettant de séjourner régulièrement aux côtés de son époux dans ce pays. Cette mesure n'est donc pas de nature à porter une atteinte disproportionnée au respect de sa vie privée et familiale, dont Mme A...n'explique en rien pourquoi elle devrait nécessairement se poursuivre en France, pays où elle ne réside que depuis quatre ans, alors même qu'elle déclare avoir vécu 15 ans en Italie, pays où elle a épousé son conjoint et où sont nés ses trois premiers enfants. Comme déjà indiqué, elle ne fournit pas davantage d'explications sur les raisons faisant obstacle à un retour de son époux, qui a la nationalité italienne, dans son pays.

13. En dernier lieu, les stipulations de l'article 9 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant créent seulement des obligations entre Etats sans ouvrir de droits aux intéressés, et Mme A...ne peut ainsi utilement se prévaloir de ces stipulations pour demander l'annulation de la décision portant obligation de quitter le territoire français. S'agissant de la prise en compte de l'intérêt supérieur de ces enfants, l'obligation de quitter le territoire français prononcée à l'encontre de Mme A...n'implique pas, comme indiqué au point 10, que cette dernière doive se séparer de ses enfants, lesquels peuvent la suivre, avec leur père, dans tout pays où elle serait légalement admissible. Eu égard à la faible durée de leur séjour en France, le fait que la scolarité des enfants de Mme A...puisse être interrompue et doive le cas échéant se poursuivre dans un autre pays ne permet pas d'établir que le préfet, en prenant la décision attaquée, n'aurait pas pris en compte l'intérêt des enfants de la requérante. Le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ne peut ainsi qu'être écarté.

14. il ressort de tout ce qui précède que Mme A...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande.

Sur les conclusions en injonction sous astreinte :

15. Le présent arrêt, qui rejette les conclusions en annulation présentées par MmeA..., n'appelle aucune mesure particulière en vue de son exécution. Les conclusions en injonction sous astreinte présentées par la requérante ne peuvent, par suite, qu'être rejetées.

Sur les frais liés au litige :

16. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans le présent litige, verse à Mme A...la somme que celle-ci réclame au titre des frais exposés par elle non compris dans les dépens.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de Mme A...est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A...épouse D...et au ministre de l'intérieur.

Copie pour information sera adressée au préfet du Calvados

Délibéré après l'audience du 23 novembre 2018, à laquelle siégeaient :

- M. Dussuet, président,

- M. Degommier, président assesseur,

- M. Mony, premier conseiller,

Lu en audience publique le 10 décembre 2018.

Le rapporteur,

A. MONY

Le président,

J-P. DUSSUETLe greffier,

C. POPSE

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 18NT01118


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 18NT01118
Date de la décision : 10/12/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. DUSSUET
Rapporteur ?: M. Arnaud MONY
Rapporteur public ?: M. SACHER
Avocat(s) : BLACHE

Origine de la décision
Date de l'import : 18/12/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2018-12-10;18nt01118 ?
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