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10/12/2018 | FRANCE | N°18NT00848

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 5ème chambre, 10 décembre 2018, 18NT00848


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B...a demandé au tribunal administratif de Caen d'annuler l'arrêté du 3 octobre 2017 par lequel le préfet du Calvados a refusé de lui délivrer un titre de séjour et lui a fait obligation de quitter le territoire français.

Par un jugement n° 1701954 du 8 février 2018, le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 24 février 2018, M. B..., représenté par MeC..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce ju

gement du 8 février 2018 ;

2°) d'annuler l'arrêté du préfet du Calvados ;

3°) d'enjoindre au préfet de ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B...a demandé au tribunal administratif de Caen d'annuler l'arrêté du 3 octobre 2017 par lequel le préfet du Calvados a refusé de lui délivrer un titre de séjour et lui a fait obligation de quitter le territoire français.

Par un jugement n° 1701954 du 8 février 2018, le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 24 février 2018, M. B..., représenté par MeC..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 8 février 2018 ;

2°) d'annuler l'arrêté du préfet du Calvados ;

3°) d'enjoindre au préfet de lui délivrer un titre de séjour dans un délai de quinze jours à compter de la notification de la décision à intervenir, à défaut de procéder à un nouvel examen de son dossier, sous le même délai ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

M. B...soutient que :

En ce qui concerne le refus de titre de séjour

- la décision attaquée emporte une atteinte disproportionnée à sa vie privée et familiale dans la mesure où le refus de lui délivrer une autorisation de séjour va l'empêcher d'occuper l'emploi que lui propose l'entreprise auprès de laquelle il a effectué son apprentissage ;

- il n'a conservé en Guinée aucune attache familiale et n'a jamais eu aucun contact avec son père ;

- il produit plusieurs attestations démontrant son intégration à la communauté française et sa capacité à avoir tissé des liens relationnels ;

- sa situation personnelle n'a pas été correctement appréciée par le tribunal administratif ;

- il dispose d'une autonomie financière grâce aux revenus qu'il tire de son activité professionnelle ;

- la décision attaquée méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français

- il excipe, par voie d'exception, de l'illégalité de la décision refusant de lui délivrer un titre de séjour ;

- la décision attaquée méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la décision attaquée est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.

Par un mémoire en défense, enregistré le 27 avril 2018, le préfet du Calvados conclut au rejet de la requête.

Il soutient qu'aucun des moyens du requérant n'est fondé.

Un mémoire présenté pour M.B... a été enregistré le 21 novembre 2018.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Le rapport de M. Mony a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M.B..., ressortissant guinéen, relève appel du jugement du 8 février 2018 du tribunal administratif de Caen rejetant sa demande d'annulation de l'arrêté en date du 3 octobre 2017 par lequel le préfet du Calvados a refusé de lui délivrer un titre de séjour et lui a fait obligation de quitter le territoire français.

Sur les conclusions en annulation :

2. Il ressort des pièces du dossier que M. B...est entré en France en juillet 2013, alors qu'il était âgé de 17 ans. Pris en charge dans le cadre du dispositif d'assistance aux mineurs isolés, puis dans le cadre d'un contrat d'aide aux jeunes majeurs, il a commencé à préparer lors de l'année scolaire 2015-2016 un CAP en maçonnerie, dans le cadre d'un contrat d'apprentissage. Il a alors déposé, le 20 novembre 2015, auprès des services de la préfecture du Calvados une demande de titre de séjour en qualité d'élève sur le fondement des dispositions de l'article L. 313-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. En l'absence de réponse du préfet du Calvados il a poursuivi son apprentissage lors de l'année scolaire 2016-2017, à l'issue de laquelle il a obtenu son CAP, son contrat d'aide aux jeunes majeurs ayant été renouvelé en 2016, M. B...démontrant avoir pleinement adhéré à ce dispositif ainsi qu'en atteste notamment un courrier du président du conseil départemental de l'Orne. Il a par la suite bénéficié d'un contrat à durée déterminée de trois mois auprès de l'entreprise qui l'avait accueilli en apprentissage et travaillé en intérim avant que cette société lui propose un contrat à durée indéterminée, que M. B...a d'ailleurs signé le 20 octobre 2017.

3. Ce n'est que le 3 octobre 2017 que le préfet du Calvados a rejeté la demande de titre de séjour de l'intéressé, déposée près de deux ans auparavant, au motif que " (...) lors du dépôt de sa demande, M. B...n'a pas mentionné de projet d'études suite à l'obtention de son certificat d'aptitude professionnel ", " (...) M. B...n'a présenté aucun document justifiant de la poursuite de ses études à l'issue de sa deuxième année de CAP ", " (...) sans inscription dans un établissement d'enseignement l'intéressé ne saurait faire l'objet d'une admission exceptionnelle au séjour en qualité d'étudiant ", " (...) M. B...ne remplit pas les conditions pour se voir délivrer un titre de séjour en qualité d'étudiant ",

" (...) ses études terminées, M. B...n'a pas vocation à rester sur le territoire français ". Le préfet s'est également fondé sur la circonstance que M. B..." exerce habituellement son activité professionnelle dans le cadre de contrats d'intérim ", que " la situation professionnelle de M. B...ne présente pas la stabilité permettant d'affirmer que ce dernier disposera de moyens d'existence suffisants " et que " Monsieur ne justifie pas d'un projet professionnel stable et durable ".

4. Pour rejeter la demande de titre de M.B..., le préfet s'est ainsi fondé sur des circonstances tenant à sa qualité d'élève qui n'étaient plus d'actualité à la date à laquelle il a statué, M. B...ayant obtenu son CAP en juin 2016. Ces circonstances ne correspondaient pas au projet personnel de M. B..., ainsi qu'en atteste la mention sur son contrat de jeune majeur de son projet de commencer à travailler son diplôme obtenu. Il ne ressort pas, par ailleurs, des pièces du dossier que M. B...aurait été reçu en préfecture préalablement à la décision attaquée pour expliquer son projet personnel et professionnel, l'intéressé ayant pourtant constamment manifesté sa volonté de s'intégrer par le travail ce qu'attestent également plusieurs témoignages produits.

5. M. B...produit plusieurs attestations de proches faisant état de ses efforts d'intégration à la société française et de sa volonté de parvenir à l'autonomie financière. Il soutient également, sans être sérieusement contredit sur ce point, qu'il ne dispose plus d'aucune attache familiale dans son pays d'origine dès lors que sa mère est décédée et qu'il n'a jamais entretenu de contacts avec son père dont il avait pourtant indiqué l'existence dans le formulaire de demande de titre de séjour qu'il avait rempli.

6. Eu égard à l'ensemble de ce qui précède, et compte tenu de sa situation particulière, M. B...doit être regardé comme disposant à la fois d'un projet professionnel sérieux et d'un début d'insertion dans la société française. Dans ces conditions, et eu égard à l'absence d'attaches familiales hors de France, le requérant est fondé à soutenir qu'en rejetant sa demande de titre de séjour, le préfet du Calvados a entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle.

7. Ce refus doit être, par suite, annulé ainsi que, par voie de conséquence, la décision faisant à M. B...obligation de quitter le territoire français qui se trouve privée de base légale.

8. Il résulte de ce qui précède que M B...est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande d'annulation de l'arrêté du 3 octobre 2017 du préfet du Calvados.

Sur les conclusions en injonction :

9. Eu égard au motif qui fonde le présent arrêt, et dès lors que le préfet ne fait valoir aucune évolution de la situation de fait ou de droit de l'intéressé, il y a lieu d'enjoindre au préfet du Calvados de délivrer à M. B...un titre de séjour vie privée et familiale dans un délai d'un mois à compter de sa notification.

Sur les frais liés au litige :

10. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement n° 1701954 du tribunal administratif de Caen et l'arrêté du 3 octobre 2017 du préfet du Calvados sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint au préfet du Calvados de délivrer à M. B...une carte de séjour vie privée et familiale dans un délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 3 : L'Etat versera une somme de 1 500 euros à M. B...en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B...et au ministre de l'intérieur.

Copie pour information sera adressée au préfet du Calvados.

Délibéré après l'audience du 23 novembre 2018, à laquelle siégeaient :

- M. Dussuet, président,

- M. Degommier, président assesseur,

- M. Mony, premier conseiller,

Lu en audience publique le 10 décembre 2018.

Le rapporteur,

A. MONY

Le président,

J-P. DUSSUETLe greffier,

C. POPSE

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 18NT00848


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 18NT00848
Date de la décision : 10/12/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. DUSSUET
Rapporteur ?: M. Arnaud MONY
Rapporteur public ?: M. SACHER
Avocat(s) : TAFOREL

Origine de la décision
Date de l'import : 18/12/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2018-12-10;18nt00848 ?
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