Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... C...a demandé au tribunal administratif de Nantes l'annulation des arrêtés du 1er décembre 2017 par lesquels la préfète de la Loire-Atlantique, d'une part, a prononcé sa remise aux autorités allemandes, d'autre part, l'a assigné à résidence.
Par un jugement 1710694 du 4 décembre 2017, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 30 janvier 2018, M. B... C..., représenté par MeD..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nantes du 4 décembre 2017 ;
2°) d'annuler les arrêtés du 1er décembre 2017 de la préfète de la Loire-Atlantique ;
3°) d'enjoindre à la préfète de la Loire-Atlantique, à titre principal, de lui délivrer une attestation de demande d'asile en procédure normale, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- le jugement est entaché d'une omission à statuer sur le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 5 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 et sur le moyen tiré du défaut de base légale de l'arrêt portant remise aux autorités allemandes ;
en ce qui concerne la décision de réadmission en Allemagne :
- la décision est insuffisamment motivée ;
- les dispositions de l'article 5 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 ont été méconnues ; il n'est pas démontré que l'entretien a été conduit par une personne qualifiée en droit national ;
- cette décision est entachée d'un défaut de base légale dès lors qu'elle n'indique pas le critère de détermination de l'Etat responsable ; le préfet s'est estimé lié par l'acceptation des autorités allemandes ;
- le préfet de la Loire-Atlantique n'a pas procédé à un examen particulier de sa situation ;
- en cas de renvoi en Allemagne il y a un risque de traitement inhumain ou dégradant au sens de l'article 4 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne et de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; sa demande d'asile a été rejetée en Allemagne de sorte qu'il a fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire allemand à destination de la Somalie ; or les craintes qui l'ont poussé à fuir son pays sont toujours actuelles ;
- les dispositions de l'article 17-1 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 ont été méconnues ;
en ce qui concerne la décision d'assignation à résidence :
- la décision n'est pas suffisamment motivée ;
- elle est illégale du fait de l'illégalité de la décision portant réadmission en Allemagne ;
- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle le prive d'un droit au recours effectif.
Par un mémoire en défense et un courrier, enregistrés le 26 avril 2018 et le 13 novembre 2018, la préfète de la Loire-Atlantique conclut au rejet de la requête et indique que M. B... C...doit être regardé comme étant en fuite.
Un mémoire présenté pour M. B... C...a été enregistré le 19 novembre 2018.
M. B... C...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision en date du 19 février 2018.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;
- le règlement (UE) n° 603/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Allio-Rousseau ;
- les observations de MeD..., représentant M. B... C....
Considérant ce qui suit :
1. M. B... C..., né le 1er janvier 1993 à Mogadiscio, de nationalité somalienne, est entré irrégulièrement sur le territoire français le 3 mars 2017 et y a sollicité l'asile, le 27 octobre 2017, auprès des services de la préfecture de la Loire-Atlantique. La consultation du fichier Eurodac a révélé que ses empreintes digitales avaient été enregistrées le 14 août 2014 en Allemagne, où il a déposé une demande d'asile. Par deux arrêtés du 1er décembre 2017, la préfète de la Loire-Atlantique a ordonné sa remise aux autorités allemandes, qui ont explicitement accepté sa reprise en charge le 7 novembre 2017, et son assignation à résidence. M. B... C...relève appel du jugement du 4 décembre 2017 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces deux décisions.
Sur l'arrêté de transfert aux autorités allemandes :
2. En premier lieu, l'arrêté décidant la remise de M. B... C...aux autorités allemandes comporte, avec suffisamment de précisions, les motifs de droit et de fait qui le fondent. Le moyen tiré de son défaut de motivation manque ainsi en fait.
3. En deuxième lieu, aux termes de l'article 5 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " 1. Afin de faciliter le processus de détermination de l'État membre responsable, l'État membre procédant à cette détermination mène un entretien individuel avec le demandeur. Cet entretien permet également de veiller à ce que le demandeur comprenne correctement les informations qui lui sont fournies conformément à l'article 4. (...) 4. L'entretien individuel est mené dans une langue que le demandeur comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'il la comprend et dans laquelle il est capable de communiquer. Si nécessaire, les États membres ont recours à un interprète capable d'assurer une bonne communication entre le demandeur et la personne qui mène l'entretien individuel. 5. L'entretien individuel a lieu dans des conditions garantissant dûment la confidentialité. Il est mené par une personne qualifiée en vertu du droit national. ( ...) ".
4. Il ressort des pièces du dossier que l'absence d'indication de l'identité de l'agent ayant conduit l'entretien individuel dont il a bénéficié n'a pas privé M. B... C...de la garantie tenant au bénéfice d'un entretien individuel et de la possibilité de faire valoir toutes observations utiles, comme il ressort d'ailleurs des termes du compte-rendu réalisé à l'issue de cet entretien mené le 27 octobre 2017. Par ailleurs, aucun élément du dossier n'établit que cet entretien n'aurait pas été mené par une personne qualifiée en vertu du droit national et dans des conditions qui n'en auraient pas garanti la confidentialité. Il s'ensuit que le moyen tiré de la violation de l'article 5 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 ne peut qu'être écarté.
5. En troisième lieu, contrairement à ce que soutient le requérant, il ressort de l'arrêté du 1er décembre 2017 que le préfet de la Loire-Atlantique a fait application des articles 3 et 7 et 18 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 pour déterminer que l'Allemagne était le pays responsable de l'examen de sa demande d'asile. Il ne ressort pas des pièces du dossier et des termes mêmes de la décision de remise aux autorités allemandes que le préfet de la Loire-Atlantique se serait estimé lié par l'accord de reprise en charge du 7 novembre 2017 des autorités allemandes.
6. En quatrième lieu, aux termes de l'article 3 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 susvisé : " 1. Les Etats membres examinent toute demande de protection internationale présentée par un ressortissant de pays tiers ou par un apatride sur le territoire de l'un quelconque d'entre eux (...). La demande est examinée par un seul État membre, qui est celui que les critères énoncés au chapitre III désignent comme responsable. / 2. (...) / Lorsqu'il est impossible de transférer un demandeur vers l'Etat membre initialement désigné comme responsable parce qu'il y a de sérieuses raisons de croire qu'il existe dans cet Etat membre des défaillances systémiques dans la procédure d'asile et les conditions d'accueil des demandeurs, qui entraînent un risque de traitement inhumain ou dégradant au sens de l'article 4 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, l'Etat membre procédant à la détermination de l'Etat membre responsable poursuit l'examen des critères énoncés au chapitre III afin d'établir si un autre Etat membre peut être désigné comme responsable (...) ". L'application de ces critères peut toutefois être écartée en vertu de l'article 17 du même règlement, aux termes duquel : " 1. Par dérogation à l'article 3, paragraphe 1, chaque État membre peut décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement. / L'État membre qui décide d'examiner une demande de protection internationale en vertu du présent paragraphe devient l'État membre responsable et assume les obligations qui sont liées à cette responsabilité. (...) ". Il résulte de ces dispositions que si le règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 pose en principe dans le 1 de son article 3 qu'une demande d'asile est examinée par un seul Etat membre et que cet Etat est déterminé par application des critères fixés par son chapitre III, dans l'ordre énoncé par ce chapitre, l'application des critères d'examen des demandes d'asile est toutefois écartée en cas de mise en oeuvre de la clause dérogatoire énoncée au 1 de l'article 17 du règlement, qui procède d'une décision prise unilatéralement par un Etat membre.
7. D'une part, il ne ressort pas des pièces du dossier que la préfète de la Loire-Atlantique n'aurait pas procédé à un examen complet et rigoureux de la situation de M. B... C...et des conséquences de sa réadmission en Allemagne au regard notamment des garanties exigées par le respect du droit d'asile. A cet égard, il n'est pas établi que le courrier du 30 novembre 2017 par lequel il a demandé au préfet de la Loire-Atlantique de faire application de la clause dérogatoire énoncée au 1 de l'article 17 du règlement n° 604/2013 serait parvenu à la préfecture avant le 1er décembre 2017, date d'édiction de l'arrêté de remise aux autorités allemandes. Dans ces conditions, le requérant n'est pas fondé à soutenir que l'arrêté du 1er décembre 2017 du préfet de la Loire-Atlantique, qui n'était pas tenu d'expliciter les motifs pour lesquels il a décidé, dans le cadre de son pouvoir discrétionnaire, de ne pas conserver l'examen de la demande d'asile de M. B... C..., serait entaché d'un défaut d'examen sérieux.
8. D'autre part, M. B... C...soutient que son transfert aux autorités allemandes l'exposerait à un retour en Somalie où il encourt des risques. Toutefois, l'arrêté attaqué a seulement pour objet de renvoyer l'intéressé en Allemagne et il ne ressort d'aucune pièce du dossier que les autorités allemandes n'évalueront pas d'office les risques réels de mauvais traitements qui naîtraient pour le requérant de son éventuel retour en Somalie. Au surplus, si la demande d'asile de M. B... C...a été rejetée par les autorités allemandes et si ce rejet est devenu définitif, il ressort des propres déclarations de l'intéressé que ces autorités ont précisé qu'eu égard à la situation en Somalie il n'était pas envisageable de le renvoyer dans son pays d'origine. Enfin, il ne ressort d'aucune des pièces du dossier qu'il ne serait pas en mesure de faire valoir devant ces dernières, responsables de sa demande d'asile, tout élément nouveau relatif à l'évolution de sa situation personnelle. Ainsi, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté. Pour les mêmes motifs, M. B... C...n'est pas fondé à soutenir que la préfète de la Loire-Atlantique aurait commis une erreur manifeste d'appréciation en ne faisant pas usage de la clause discrétionnaire de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013.
Sur l'arrêté d'assignation à résidence :
9. En premier lieu, l'arrêté assignant M. B... C...à résidence comporte, avec des précisions suffisantes, les motifs de droit et de fait qui le fondent. Le moyen tiré de son défaut de motivation manque ainsi en fait.
10. En deuxième lieu, il résulte des points 2 à 7 du présent arrêt que M. B... C...n'est pas fondé à se prévaloir de l'illégalité de la décision ordonnant sa remise aux autorités allemandes.
11. En troisième lieu, M. B... C...fait valoir que la préfète de la Loire-Atlantique n'a pas suffisamment caractérisé le risque qu'il puisse prendre la fuite, alors justement que la mesure d'assignation à résidence est justifiée par le fait qu'il présente des garanties propres à prévenir ce risque. Toutefois, dès lors qu'une exécution de la décision d'éloignement restait, à la date de la décision en litige, une perspective raisonnable, la préfète n'a pas méconnu les dispositions de l'article L. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
12. En quatrième lieu, M. B... C...a formé, dans le délai de recours applicable, un recours contentieux contre les décisions de remise et d'assignation devant le tribunal administratif de Nantes, puis a relevé appel du jugement rendu devant la présente cour. Il a pu, au cours de ces procédures, faire valoir l'ensemble des éléments nécessaires à l'appréciation de sa situation. Dans ces conditions il n'est pas fondé à soutenir que la décision d'assignation à résidence porterait atteinte à son droit au recours effectif.
13. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... C...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué qui est suffisamment motivé, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions de la préfète de la Loire-Atlantique du 1er décembre 2017. Ses conclusions à fin d'annulation ainsi que, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et d'application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ne peuvent qu'être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. B... C...est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... C...et au ministre de l'intérieur.
Une copie en sera transmise pour information au préfet de la Loire-Atlantique.
Délibéré après l'audience du 20 novembre 2018, à laquelle siégeaient :
- M. Lainé, président de chambre,
- Mme Tiger-Winterhalter, présidente assesseure,
- Mme Allio-Rousseau, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 7 décembre 2018.
Le rapporteur,
M-P. Allio-RousseauLe président,
L. Lainé
Le greffier,
M. A...
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 18NT00398