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07/12/2018 | FRANCE | N°17NT03800

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 4ème chambre, 07 décembre 2018, 17NT03800


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Evancia (Babilou) a demandé au tribunal administratif de Rennes, d'une part, d'annuler le marché conclu entre le centre communal d'action sociale (CCAS) de Saint-Malo et la société La Maison Bleue portant sur la réservation au sein d'une structure à gestion privée, pour une durée de quatre ans maximum, de vingt places en crèche destinées à l'accueil collectif d'enfants âgés de 10 semaines à 6 ans, d'autre part, de condamner le centre communal d'action sociale (CCAS) de la ville de Saint-M

alo à lui verser la somme de 156 835 euros en réparation du préjudice résultan...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Evancia (Babilou) a demandé au tribunal administratif de Rennes, d'une part, d'annuler le marché conclu entre le centre communal d'action sociale (CCAS) de Saint-Malo et la société La Maison Bleue portant sur la réservation au sein d'une structure à gestion privée, pour une durée de quatre ans maximum, de vingt places en crèche destinées à l'accueil collectif d'enfants âgés de 10 semaines à 6 ans, d'autre part, de condamner le centre communal d'action sociale (CCAS) de la ville de Saint-Malo à lui verser la somme de 156 835 euros en réparation du préjudice résultant de la perte de chance de se voir attribuer le marché en cause.

Par un jugement n° 1601033-1602925 du 23 novembre 2017, le tribunal administratif de Rennes a prononcé la résiliation du contrat à compter du 1er juillet 2018 et rejeté la demande indemnitaire de la société Evancia (Babilou).

Procédure devant la cour :

I. Par une requête, enregistrée le 14 décembre 2017 sous le n° 17NT03800, la société La Maison Bleue, représentée par Me A..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Rennes du 23 novembre 2017 en tant qu'il a prononcé la résiliation du contrat à compter du 1er juillet 2018 ;

2°) de rejeter la demande de la société Evancia (Babilou) ;

3°) de mettre à la charge de la société Evancia (Babilou) le versement à son profit d'une somme de 5 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- aucune irrégularité n'a affecté la notation du critère de la valeur technique de son offre au regard du sous-critère 1 relatif à la qualité du projet d'établissement, dès lors que le montant du budget " alimentation " était en rapport avec l'objet du marché et que le CCAS de Saint-Malo s'est aussi fondé sur d'autres caractéristiques des offres pour évaluer le sous-critère en cause, et non sur ce seul élément du budget " alimentation " ;

- l'irrégularité relevée par le tribunal affectant la notation du sous-critère de la qualité du projet d'établissement n'impliquait pas la résiliation du marché et permettait la poursuite de son exécution ;

- les motifs exposés dans les écritures de première instance impliquent le rejet de la demande.

Par un mémoire, enregistré le 13 avril 2018, la société Evancia (Babilou), représentée par MeB..., conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de la société La Maison Bleue une somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient qu'aucun des moyens soulevés par la société La Maison Bleue n'est fondé.

II. Par une requête, enregistrée le 19 décembre 2017 sous le n° 17NT03847, le centre communal d'action sociale (CCAS) de Saint-Malo, représenté par Me F..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Rennes du 23 novembre 2017 en tant qu'il a prononcé la résiliation du contrat à compter du 1er juillet 2018 ;

2°) de rejeter la demande de la société Evancia (Babilou) ;

3°) de mettre à la charge de la société Evancia (Babilou) le versement à son profit d'une somme de 5 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- aucune irrégularité n'a affecté la notation du critère de la valeur technique de son offre au regard du sous-critère 1 relatif à la qualité du projet d'établissement, dès lors que le montant du budget " alimentation " était un élément objectif et intelligible en rapport avec l'objet du marché et que le CCAS de Saint-Malo s'est aussi fondé sur d'autres caractéristiques des offres pour évaluer le sous-critère en cause, et non sur ce seul élément du budget " alimentation " ;

- les premiers juges ont outrepassé leur office, restreint à l'appréciation de la pertinence d'un critère ou sous-critère ;

- la neutralisation de l'élément d'analyse critiqué par la société Evancia ne permettait pas de déduire qu'elle aurait dû se voir attribuer le marché, de sorte que l'irrégularité constatée ne devait pas conduire à la résiliation du marché.

- les motifs exposés dans les écritures de première instance impliquent le rejet de la demande.

Par un mémoire, enregistré le 13 avril 2018, la société Evancia (Babilou), représentée par MeB..., conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge du centre communal d'action sociale (CCAS) de Saint-Malo une somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient qu'aucun des moyens soulevés par le centre communal d'action sociale (CCAS) de Saint-Malo n'est fondé.

III. Par une requête, enregistrée le 18 janvier 2018, la société Evancia (Babilou), représentée par Me B..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Rennes du 23 novembre 2017 en tant qu'il a rejeté sa demande à fin d'indemnisation ;

2°) de condamner le centre communal d'action sociale (CCAS) de la ville de Saint-Malo à lui verser la somme de 156 835 euros en réparation du préjudice résultant de la perte de chance de se voir attribuer le marché en cause ;

3°) de mettre à la charge du centre communal d'action sociale (CCAS) de Saint-Malo le versement à son profit d'une somme de 5 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement attaqué est irrégulier en ce que le tribunal a omis de répondre au moyen tiré de l'erreur manifeste dans l'appréciation par le CCAS des conditions de remplacement du personnel ;

- elle disposait d'une chance sérieuse de remporter le marché dès lors qu'après avoir procédé à l'une des rectifications demandées par elle, le tribunal administratif a constaté l'égalité parfaite entre les offres ;

- l'analyse des offres faite par le CCAS de Saint-Malo est entachée d'erreurs manifestes d'appréciation portant sur le sous sous-critère relatif aux moyens humains et le sous-critère de la configuration des locaux et des espaces extérieurs ;

- la mise en oeuvre des critères et l'appréciation des éléments fournis par les candidats a été faite de manière discrétionnaire, sans méthode et sans objectivité, en méconnaissance des principes d'égalité de traitement des candidats et de transparence des procédures régissant le droit de la commande publique, dès lors qu'il est impossible de déterminer la méthode utilisée pour le calcul des notes attribuées pour chacun des sous-critères.

Par un mémoire, enregistré le 12 juin 2018, le centre communal d'action sociale (CCAS) de Saint-Malo, représenté par MeD..., conclut :

1°) à titre principal, à l'annulation du jugement du tribunal administratif de Rennes du 23 novembre 2017 en tant qu'il reconnaît le caractère irrégulier de l'éviction de la société Evancia et l'existence d'un préjudice subi par cette société en lien avec l'irrégularité retenue ;

2°) à titre subsidiaire, à la confirmation du jugement en ce qu'il reconnait l'absence de chance sérieuse de la société Evancia d'emporter le marché et qu'il rejette la demande d'indemnité présentée par cette dernière ;

3°) à titre très subsidiaire, à ce que l'indemnité accordée soit limitée au manque à gagner relatif à la seule première année d'exécution du marché ;

4°) à ce que soit mise à la charge de la société Evancia une somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- aucun des moyens soulevés par la société Evancia, tirés de l'irrégularité de la procédure de publicité et de mise en concurrence mise en oeuvre par le centre communal d'action sociale (CCAS) de Saint-Malo n'est fondé ;

- il n'existe aucun lien de causalité directe entre l'irrégularité retenue par le tribunal et le préjudice allégué par la société Evancia, laquelle ne disposait d'aucune chance sérieuse d'emporter le marché ;

- subsidiairement, il n'est pas justifié du montant du manque à gagner invoqué par la société Evancia, qui doit au surplus être limité en l'espèce à celui qui résulterait de la seule première année d'exécution du marché.

Vu les autres pièces des dossiers.

Vu :

- le code des marchés publics ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Besse, rapporteur ;

- les conclusions de M. Bréchot, rapporteur public,

- et les observations de Me E...pour la société La Maison Bleue et de Me B... pour la société Evancia (Babilou).

Une note en délibéré présentée pour la société Evancia (Babilou) a été enregistrée le 21 novembre 2018.

Considérant ce qui suit :

1. Par un avis publié le 16 juin 2015, le centre communal d'action sociale (CCAS) de Saint-Malo a engagé une consultation, selon la procédure adaptée prévue aux articles 28 et 30 du code des marchés publics, en vue de la passation d'un marché relatif à la réservation, pendant quatre ans maximum, de vingt places en crèche pour l'accueil collectif d'enfants âgés de dix semaines à six ans. Le 14 décembre 2015, le marché a été attribué à la société La Maison Bleue. À la demande de la société Evancia (Babilou), dont l'offre, classée deuxième, a été rejetée par le CCAS de Saint-Malo, le tribunal administratif de Rennes a, par un jugement du 23 novembre 2017, prononcé la résiliation à compter du 1er juillet 2018 du marché conclu entre le CCAS de Saint-Malo et la société La Maison Bleue et rejeté la demande indemnitaire de la société Evancia (Babilou). La société La Maison Bleue et le CCAS de Saint-Malo relèvent appel de ce jugement, en tant qu'il a prononcé la résiliation du marché à compter du 1er juillet 2018. La société Evancia (Babilou) relève appel de ce même jugement en tant qu'il a rejeté sa demande d'indemnité.

2. Les requêtes n° 17NT03800, 17NT03847 et 18NT00237 sont dirigées contre un même jugement, relatif à un même marché public, et ont fait l'objet d'une instruction commune. Il y a lieu de les joindre pour y statuer par un seul arrêt.

Sur la régularité du jugement attaqué :

3. Il résulte des motifs mêmes du jugement attaqué que, contrairement à ce que soutient la société Evancia (Babilou), le tribunal administratif de Rennes, qui n'était pas tenu de répondre à tous les arguments avancés par les parties, a expressément répondu au moyen tiré de l'erreur manifeste qu'aurait commise le CCAS de Saint-Malo dans l'appréciation, au titre du sous sous-critère des moyens humains mis en oeuvre, des conditions et modalités de remplacement du personnel en cas d'absence ponctuelle. Le tribunal a en effet notamment relevé qu'il résulte du rapport d'analyse des offres que la société La Maison Bleue a proposé, sur ce point, de faire " appel à des pool volants et des heures supplémentaires ", alors que la société Babilou a proposé de faire " appel à des pool de 2 volants sur 10 structures ". Par suite, la société Evancia (Babilou) n'est pas fondée à soutenir que le jugement attaqué serait à ce titre entaché d'irrégularité.

Sur le bien fondé du jugement attaqué relativement à la validité du marché :

En ce qui concerne le moyen retenu par le tribunal administratif pour prononcer la résiliation du marché :

4. Pour assurer le respect des principes de liberté d'accès à la commande publique, d'égalité de traitement des candidats et de transparence des procédures, l'information appropriée des candidats sur les critères d'attribution d'un marché public est nécessaire, dès l'engagement de la procédure d'attribution du marché, dans l'avis d'appel public à concurrence ou le cahier des charges tenu à la disposition des candidats. Dans le cas où le pouvoir adjudicateur souhaite retenir d'autres critères que celui du prix, il doit porter à la connaissance des candidats la pondération ou la hiérarchisation de ces critères. Il doit également porter à la connaissance des candidats la pondération ou la hiérarchisation des sous-critères dès lors que, eu égard à leur nature et à l'importance de cette pondération ou hiérarchisation, ils sont susceptibles d'exercer une influence sur la présentation des offres par les candidats ainsi que sur leur sélection et doivent en conséquence être eux-mêmes regardés comme des critères de sélection. Il n'est, en revanche, pas tenu d'informer les candidats de la méthode de notation pour la mise en oeuvre de chacun des critères de sélection des offres qu'il a librement définis. La méthode de notation est toutefois entachée d'irrégularité si, en méconnaissance des principes fondamentaux d'égalité de traitement des candidats et de transparence des procédures, elle est par elle-même de nature à priver de leur portée les critères de sélection ou à neutraliser leur pondération et, de ce fait, susceptible de conduire, pour la mise en oeuvre de chaque critère, à ce que la meilleure note ne soit pas attribuée à la meilleure offre, ou, au regard de l'ensemble des critères pondérés, à ce que l'offre économiquement la plus avantageuse ne soit pas choisie.

5. Il résulte de l'instruction que le règlement de consultation du marché conclu le 14 décembre 2015 entre le CCAS de Saint-Malo et la société La Maison Bleue énonce, dans son article 12, que les offres seront évaluées à partir de deux critères, respectivement pondérés à hauteur de 40 et de 60 points, constitués du " prix unitaire à la place " de crèche et de la valeur technique de l'offre. La valeur technique de l'offre était elle-même évaluée au regard de quatre sous-critères tirés, en premier lieu, de la qualité du projet d'établissement (dont moyens humains mis en oeuvre) pondérée à hauteur de 25 points, en deuxième lieu, de la situation géographique au sein du périmètre défini, des facilités d'accès et de la configuration des locaux et des espaces extérieurs, pondérées à hauteur de 20 points, en troisième lieu, de la diversité et de la qualité des moyens matériels, y compris ludo-éducatifs, dédiés à la réalisation de la prestation pondérées à hauteur de 10 points, et en quatrième lieu, des modalités de communication avec le CCAS, pondérées à hauteur de 5 points. Le rapport d'analyse des offres révèle en outre que, s'agissant du sous-critère relatif à la qualité du projet d'établissement, le pouvoir adjudicateur a distingué deux éléments d'appréciation, portant sur les moyens humains mis en oeuvre, pondérés à hauteur de 12,5 points, et sur le projet d'établissement lui-même, pondéré à hauteur de 12,5 points et, en ce qui concerne ce dernier point, le pouvoir adjudicateur a pris en compte deux éléments d'appréciation, concernant respectivement les conditions d'organisation de la structure (nombre de places totales, horaires d'ouvertures, fermetures annuelles...) et les projets complémentaires. Enfin, s'agissant des projets complémentaires, quatre éléments d'appréciation ont été pris en compte, à savoir l'externalisation de la restauration, les activités et autres manifestations en matière de goût, l'investissement " puériculture, soins et entretien ", et le budget alimentation annuel. Avant la phase de négociation mise en oeuvre par le CCAS de Saint-Malo, conformément aux stipulations de l'article 10.2 du règlement de consultation, la société Evancia (Babilou) avait obtenu la note de 93,50 sur 100, alors que la société La Maison Bleue avait obtenu celle de 85,63 sur 100. A l'issue de la phase de négociation, le marché a été attribué à la société La Maison Bleue, dont l'offre a obtenu la note finale de 94,50 sur 100, tandis que l'offre de la société Evancia (Babilou), classée deuxième, a obtenu la note de 93,50 sur 100.

6. Pour prononcer la résiliation du marché à compter du 1er juillet 2018, le tribunal administratif de Rennes a retenu que s'il était loisible au pouvoir adjudicateur, eu égard à l'objet du marché, de considérer que l'alimentation constituait un élément essentiel des conditions d'accueil des enfants, il ne pouvait apprécier la valeur de cette prestation au regard du seul montant du budget annuel qui y serait consacré, dépourvu à lui seul de pertinence.

7. Il résulte toutefois de l'instruction que, d'une part, le règlement de consultation du marché prévoyait, en son article 8.1.3 relatif aux modalités d'accueil des enfants, que les repas du midi et autres collations étaient " compris dans le prix de journée et fournis / préparés / servis par le titulaire ", et que ce dernier devait, pour l'élaboration des menus et repas, prendre en compte les besoins nutritionnels des enfants en prévoyant des menus et gouters variés, équilibrés et adaptés à chaque âge, diversifier les aliments afin de favoriser la découverte du goût, des couleurs et des textures, élaborer si besoin des régimes particuliers, et appliquer les recommandations du groupe d'étude des marchés et de restauration collective et nutritive (GERCM) relatives à la nutrition. D'autre part, le rapport d'analyse des offres, selon lequel la société La Maison Bleue et la société Evancia (Babilou) ont chacune proposé une organisation et des projets complémentaires sensiblement similaires, sauf en ce qui concerne le budget " alimentation " pour lequel la société La Maison Bleue a proposé un montant supérieur à celui proposé par la société Evancia (Babilou), révèle que le pouvoir adjudicateur, même s'il n'a constaté de différence significative entre les offres que sur ce dernier point, a procédé à l'évaluation des projets d'établissement en tenant compte d'autres éléments d'appréciation, notamment, pour ce qui concerne précisément l'alimentation des enfants, de l'externalisation de la restauration et des activités et autres manifestations envisagées en matière de goût, et non pas du seul budget consacré à l'alimentation. Dans ces conditions, le montant du budget " alimentation ", qui n'est pas, ainsi que l'ont relevé les premiers juges, sans lien avec l'objet du marché, et qui n'a constitué qu'un élément d'appréciation parmi d'autres de la qualité de l'alimentation proposée aux enfants, ne peut être regardé, dès lors qu'il se combinait avec d'autres éléments d'appréciation et même s'il ne suffisait pas à refléter la qualité diététique et gustative des repas fournis aux enfants, comme ayant été à lui seul dénué de pertinence.

8. Il résulte de ce qui précède que c'est à tort que le tribunal s'est fondé sur ce motif pour constater l'irrégularité de la procédure suivie et prononcer la résiliation du marché en litige. Il appartient toutefois à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par la société Evancia (Babilou).

En ce qui concerne les autres moyens :

S'agissant de la notation du critère de la valeur technique :

Quant à la notation du sous-critère 1 relatif à la qualité du projet d'établissement :

9. En premier lieu, d'une part, l'article 2.1 du règlement de la consultation prévoyait que les candidats présenteraient un mémoire technique comportant les documents nécessaires à l'appréciation de la valeur qualitative des offres, notamment le budget prévisionnel, les moyens matériels et humains affectés à l'exécution de la prestation et la qualification de l'encadrement. L'article 8.1.1 du même règlement précisait en outre que le projet d'établissement devait comprendre en particulier la composition et la présentation des compétences mobilisées et que le titulaire du marché s'engageait à mobiliser les moyens humains suffisants (quotas et qualifications d'encadrement). Ces éléments d'appréciation relatifs aux moyens humains mis en oeuvre, ainsi énoncés dans le dossier de consultation de manière suffisante pour permettre aux candidats de savoir quels étaient les éléments attendus par le CCAS de Saint-Malo, ne peuvent être regardés, contrairement à ce que soutient la société Evancia (Babilou), ni comme ayant constitué des sous-critères de sélection devant faire l'objet d'une appréciation particulière au sein de la valeur technique de l'offre, ni comme ayant laissé au pouvoir adjudicateur une liberté de choix discrétionnaire caractérisant une méconnaissance des principes d'égalité des candidats et de transparence des procédures. D'autre part, il résulte du rapport d'analyse des offres que, pour apprécier les moyens humains proposés par les candidats, le CCAS de Saint-Malo a non seulement tenu compte des effectifs envisagés en équivalent temps plein, mais aussi du niveau de qualification des personnels et de leur expérience, du nombre d'heures de formation qui leur seraient dispensées, des modalités de leur remplacement en cas d'absence ponctuelle, de la fréquence des interventions d'un médecin et d'un psychologue, et du budget représentant la masse salariale brute, pour estimer que la société La Maison Bleue proposait " plus d'heures de formations et d'interventions de spécialistes médicaux que ses concurrents ", offrait " un mode de remplacement " plus " efficace ", et " un budget de masse salariale supérieur à celui d'Evancia (Babilou) ", ce qui justifiait de lui accorder des points supplémentaires. Il ne résulte pas de l'instruction que ces éléments d'appréciation, notamment le budget de la masse salariale brute et les heures de formation, qui n'étaient pas dénués de pertinence, auraient fait l'objet d'une hiérarchisation ou d'une pondération susceptibles d'exercer une influence particulière sur la sélection des offres et auraient constitué de la sorte des critères de sélection dont les candidats auraient dû être informés préalablement au dépôt de leur offre. Enfin, il résulte du rapport d'analyse des offres que, contrairement à ce que soutient la société Evancia (Babilou), le CCAS de Saint-Malo a tenu compte de ce qu'elle avait proposé une personne supplémentaire à temps complet dans son projet. Par suite, les moyens tirés de ce que le pouvoir adjudicateur n'aurait pas pris en compte des éléments favorables à la société Evancia et aurait entaché d'une erreur manifeste d'appréciation son évaluation des moyens humains mis en oeuvre par les sociétés candidates, qui n'a pas été discrétionnaire, doivent être écartés.

10. En deuxième lieu, ainsi qu'il a été dit au point 7, le montant du budget consacré à l'alimentation des enfants accueillis en crèche ne peut être considéré, dès lors qu'il se combinait avec d'autres éléments d'appréciation relatifs à la qualité de l'alimentation proposée, comme ayant été à lui seul dénué de pertinence. En outre, il résulte du rapport d'analyse des offres que le pouvoir adjudicateur a évalué les projets d'établissement en tenant également compte des conditions d'organisation de la structure, au travers du nombre de places de crèche offertes, des horaires d'ouverture, des périodes de fermetures annuelles et des différentes sections d'âge, ainsi que des projets complémentaires, au travers des conditions de restauration, des activités et autres manifestations autour du goût, et de l'investissement en matière de " puériculture, soins et entretien ". Il ne résulte pas de l'instruction que la notation par le CCAS de Saint-Malo des projets d'établissements proposés respectivement par la société Evancia (Babilou) et la société La Maison Bleue, au regard de ces éléments, serait entachée de l'erreur manifeste d'appréciation alléguée.

Quant à la notation des sous-critères 2, 3 et 4 :

11. Il y a lieu d'écarter, par adoption des motifs retenus à bon droit par le tribunal administratif aux points 16 à 18 de son jugement, les moyens tirés des erreurs manifestes d'appréciation qui entacheraient la notation par le CCAS de Saint-Malo des sous-critères 2, 3 et 4.

S'agissant de la notation du critère du prix unitaire à la place :

12. Ainsi que le permettent les dispositions de l'article 28 du code des marchés publics, l'article 12 du règlement de la consultation, selon lequel le candidat proposant le prix le plus bas obtiendrait la meilleure note, soit 40 points, les autres obtenant une note issue de la formule " note = prix le plus bas x note maximale (40 points) / prix du candidat analysé ", prévoyait expressément la possibilité pour le pouvoir adjudicateur de négocier avec les candidats avant l'attribution du marché, y compris sur le prix. Il résulte à cet égard de l'instruction, notamment du rapport d'analyse des offres, que la société Evancia (Babilou) a obtenu la note maximale en proposant un prix unitaire par place de crèche de 6 300 euros, tandis que la société La Maison Bleue a proposé, avant la phase de négociation mise en oeuvre, le prix de 8 800 euros puis, à l'issue de la négociation, le prix de 7 000 euros. Contrairement à ce que soutient la société Evancia (Babilou), les prix proposés par la société La Maison Bleue justifiaient, par application de la formule susmentionnée, l'attribution d'une note de 28,63 points avant négociation puis de la note de 36 points après négociation. Par ailleurs, la société Evancia (Babilou) n'apporte aucune justification de son allégation selon laquelle la société La Maison Bleue aurait eu connaissance, au cours de la phase de négociation, du prix qu'il lui revenait de proposer pour obtenir le marché. Par suite, le moyen tiré de ce que le marché aurait à ce titre été attribué en méconnaissance du principe d'égalité de traitement entre les candidats ne peut qu'être écarté.

13. Il résulte de tout ce qui précède que les conclusions de la société Evancia (Babilou) à fin d'annulation ou de résiliation du marché doivent être rejetées.

Sur le bien fondé du jugement attaqué relativement à la demande indemnitaire de la société Evancia :

14. Lorsqu'un candidat à l'attribution d'un marché public demande la réparation du préjudice qu'il estime avoir subi du fait de l'irrégularité ayant, selon lui, affecté la procédure ayant conduit à son éviction, il appartient au juge, si cette irrégularité est établie, de vérifier d'abord si l'entreprise était dépourvue de toute chance de remporter le marché. Dans l'affirmative, l'entreprise n'a droit à aucune indemnité. Dans la négative, elle a droit en principe au remboursement des frais qu'elle a engagés pour présenter son offre. Dans le cas où l'entreprise avait des chances sérieuses d'emporter le marché, elle a droit à l'indemnisation de l'intégralité du manque à gagner qu'elle a subi.

15. Il résulte cependant de ce qui a été dit aux points 4 à 13 que la procédure d'attribution du marché conclu entre le centre communal d'action sociale (CCAS) de Saint-Malo et la société La Maison Bleue relatif à la réservation, pour une durée maximale de quatre ans, de vingt places en crèche destinées à l'accueil collectif d'enfants âgés de 10 semaines à 6 ans, n'est entachée d'aucune irrégularité. Par suite, la société Evancia (Babilou) n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué du 23 novembre 2017, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande tendant à la condamnation du CCAS de Saint-Malo à lui verser une indemnité en réparation du préjudice qui aurait résulté pour elle de la perte de chance de se voir attribuer le marché en cause.

Sur les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

16. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mises à la charge du CCAS de Saint-Malo et de la société La Maison Bleue, qui n'ont pas la qualité de parties perdantes dans les présentes instances, les sommes que demandent la société Evancia (Babilou) au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. En revanche, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la société Evancia (Babilou), sur ce même fondement, les sommes respectives de 1 500 euros à verser d'une part au CCAS de Saint-Malo et d'autre part à la société La Maison Bleue.

DÉCIDE :

Article 1er : L'article 1er du jugement du 23 novembre 2017 du tribunal administratif de Rennes est annulé.

Article 2 : La demande présentée par la société Evancia (Babilou) devant le tribunal administratif de Rennes à fin d'annulation ou de résiliation du marché, portant sur la réservation sur une durée de 4 ans maximum de 20 places en crèche destinées à l'accueil collectif d'enfants âgés de 10 semaines à 6 ans, et sa requête n° 18NT00237 devant la cour à fin d'indemnisation sont rejetées.

Article 3 : La société Evancia (Babilou) versera au centre communal d'action sociale (CCAS) de Saint-Malo d'une part, et à la société La Maison Bleue d'autre part, les sommes respectives de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Les conclusions présentées par la société Evancia (Babilou) sur le fondement des dispositions de l''article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié au centre communal d'action sociale (CCAS) de Saint-Malo, à la société La Maison Bleue et à la société Evancia (Babilou).

Délibéré après l'audience du 20 novembre 2018, à laquelle siégeaient :

- M. Lainé, président de chambre,

- Mme Tiger-Winterhalter, présidente assesseure,

- M. Besse, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 7 décembre 2018.

Le rapporteur,

P. BesseLe président,

L. Lainé

Le greffier,

M. C...

La République mande et ordonne au préfet d'Ille-et-Vilaine en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 17NT03800...


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 17NT03800
Date de la décision : 07/12/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. LAINE
Rapporteur ?: M. Pierre BESSE
Rapporteur public ?: M. BRECHOT
Avocat(s) : DRAIN

Origine de la décision
Date de l'import : 18/12/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2018-12-07;17nt03800 ?
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