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29/11/2018 | FRANCE | N°17NT02236

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 1ère chambre, 29 novembre 2018, 17NT02236


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme B...ont demandé au tribunal administratif d'Orléans de prononcer la réduction, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre de l'année 2012 ainsi que le bénéfice du sursis de paiement.

Par un jugement no 1603877 du 23 mai 2017, le tribunal administratif d'Orléans a prononcé un non-lieu à statuer sur les conclusions de la requête relatives au sursis de paiement ainsi que sur cel

le relative à la réduction des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme B...ont demandé au tribunal administratif d'Orléans de prononcer la réduction, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre de l'année 2012 ainsi que le bénéfice du sursis de paiement.

Par un jugement no 1603877 du 23 mai 2017, le tribunal administratif d'Orléans a prononcé un non-lieu à statuer sur les conclusions de la requête relatives au sursis de paiement ainsi que sur celle relative à la réduction des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre de l'année 2012 à concurrence d'une somme totale de 6 308 euros (article 1er) et a rejeté le surplus de leur demande (article 2).

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire complémentaire, enregistrés les 21 juillet 2017 et 5 octobre 2018, M. et MmeB..., représentés par MeA..., demandent à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de prononcer cette réduction ;

3°) de condamner l'Etat au paiement d'intérêts moratoires en application de l'article

L. 208 du livre des procédures fiscales ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- le montant des charges déductibles de la SARL BS Moto est plus important que celui admis par l'administration dès lors qu'ils ont pris en charge le paiement de frais incombant à la société comme l'achat de marchandises et le paiement de loyers ;

- le montant des redressements est exagéré et cela apparaît dans la marge brute de l'année 2012 de la SARL BS Moto redressée à hauteur de 64,67 % alors que celle de l'exercice 2013 s'établit à 41,05 % et celle de l'exercice 2014 à 44,08 % ;

- les écritures comptables ont été enregistrées par le comptable, sans discernement, en compte courant d'associé de M. B...qui a été utilisé à tort comme un compte d'exploitant d'une entreprise individuelle et au 31 décembre 2012, il a été procédé à l'enregistrement d'un " abandon " ou plus précisément d'une " régularisation " d'une partie de la créance du compte courant d'associé de M. B...avec une clause de retour à meilleure fortune pour un montant de 45 000 euros. L'administration doit tenir compte de cet " abandon " pour le calcul du solde de ce compte ;

- il y a eu double imposition des sommes en litige en ce que M. et Mme B...sont également imposés à l'impôt sur le revenu dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers pour les sommes de 45 000 euros, 4 000 euros, 18 870 euros ainsi que pour le montant des charges non justifiées de la société ;

- les écritures en compte courant d'associé de M. B...ne correspondent pas à des sommes à verser à son associé dès lors que sa situation de trésorerie rendait " illusoire toute possibilité de disposer de toute somme pour les associés " et qu'il n'a été constaté aucun enrichissement de M. et Mme B...;

- ils se prévalent du paragraphe 9 de la documentation administrative 5 I-321 du 1er décembre 1997, des paragraphes 120 et 130 du BOI-RPPM-RCM-20-10-10 du 11 février 2014, du paragraphe 10 de la documentation administrative 5 B 214, enfin, des paragraphes 210 et 270 du BOI-IR-BASE-10-10-10-40 du 12 septembre 2012 ;

- le contexte du contrôle fiscal, y compris la situation délicate de la trésorerie de la SARL BS Moto, doit être pris en compte pour examiner l'intention des parties lors des écritures en compte courant et reconsidérer les redressements et pénalités infligés ;

- les pénalités pour manquement délibéré ne sont pas justifiées ; il y a " cumul " des pénalités entre celles infligées à la SARL BS Moto et celles infligées aux associés.

Par deux mémoires en défense, enregistrés le 28 décembre 2017 et le 11 octobre 2018, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que :

- les conclusions de la requête sont irrecevables en tant qu'elles excèdent la somme globale de 36 911 euros ;

- les moyens invoqués par M. et Mme B...ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Chollet,

-et les conclusions de M. Jouno, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. A la suite de la vérification de comptabilité de la société à responsabilité limitée (SARL) BS Moto, dont M. et Mme B...sont associés à 100 %, l'administration a notifié à M. et MmeB..., au titre de l'année 2012, des rehaussements dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers. M. et Mme B...relèvent appel du jugement du 23 mai 2017 par lequel le tribunal administratif d'Orléans, après prononcé un non-lieu sur les conclusions relatives au sursis au paiement et un non-lieu à statuer à hauteur d'une somme totale de 6 308 euros (article 1er), a rejeté le surplus de leur demande tendant à la réduction, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquels ils ont été assujettis au titre de l'année 2012 (article 2).

Sur les cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et les contributions sociales :

En ce qui concerne l'application de la loi fiscale :

2. Aux termes de l'article 109 du code général des impôts : " 1. Sont considérés comme revenus distribués : / (...) / 2° Toutes les sommes ou valeurs mises à la disposition des associés, actionnaires ou porteurs de parts et non prélevées sur les bénéfices. / (...) ". S'agissant des revenus distribués, il appartient en principe à l'administration, lorsque le contribuable a régulièrement contesté les rectifications, d'apporter la preuve de l'existence et du montant de ces distributions ainsi que de leur appréhension. Toutefois, les sommes inscrites au crédit d'un compte courant d'associé doivent, sauf preuve contraire apportée par l'associé titulaire du compte, être regardées comme mises à sa disposition dès cette inscription et ont le caractère de revenus imposables à l'impôt sur le revenu et aux contributions sociales dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers.

3. Lors de la vérification de comptabilité de la SARL BS Moto, le vérificateur a relevé qu'un compte courant d'associé ouvert sans aucune précision des nom et prénom de l'associé titulaire dans les écritures de la SARL BS Moto au 31 décembre 2012 présentait un solde créditeur de 104 578 euros. Lors du débat oral et contradictoire, la SARL BS Moto a indiqué que ce compte courant était celui de M.B..., associé de la société, et a justifié une partie des sommes inscrites au crédit de ce compte à hauteur de 17 936 euros. A l'issue de la procédure de contrôle, l'administration a considéré que la SARL BS Moto ne justifiait pas de l'origine des apports en compte courant pour un montant de 86 642 euros. Lors du contrôle sur pièces tirant les conséquences de la vérification de comptabilité de la SARL BS Moto, M. et Mme B...ont justifié de l'origine de la somme de 10 471 euros par réponse à la proposition de rectification du 16 mars 2015. Il reste en litige les sommes portées au crédit du compte courant de M. B...à hauteur de 53 301 euros, 18 870 euros et 4 000 euros qui ont été regardées comme ayant été mises à la disposition de M. B...au titre de l'année 2012 et imposées sur le fondement des dispositions du 2° du 1 de l'article 109 du code général des impôts.

Quant au montant des revenus considérés comme distribués :

4. En premier lieu, M. et Mme B...soutiennent que le montant des charges déductibles de la SARL BS Moto est plus important que celui qui a été admis par l'administration et produisent pour la première fois en appel un tableau de factures d'achats qui auraient été effectués par eux pour le compte de la SARL à hauteur de 31 527 euros, un tableau pour établir le montant des loyers qui auraient été payés par eux également en précisant que l'ensemble de ces dépenses n'auraient pas été comptabilisées, ainsi que les copies de leurs relevés bancaires personnels qui attesteraient du paiement correspondant. Ils produisent également, en ce qui concerne la société BIHR, fournisseur, les copies des factures d'avril et mai 2012 pour un montant total de 5 384 euros ainsi qu'une attestation de cette société du 20 avril 2016, postérieure aux opérations de contrôle, précisant que " les factures nommées ci-dessous ont été vendues à la société BS Moto ". Toutefois, l'ensemble de ces éléments, qui concerne uniquement les charges déductibles du résultat de la SARL BS Moto, est sans incidence sur le montant des sommes portées au crédit du compte courant de M.B....

5. En deuxième lieu, M. et Mme B...soutiennent que les écritures comptables ont été enregistrées sans discernement par le comptable au compte courant d'associé de M. B...qui a été utilisé à tort comme un compte d'exploitant d'une entreprise individuelle et qu'au 31 décembre 2012, il a été procédé à l'enregistrement d'un " abandon " d'une partie de la créance du compte courant d'associé de M. B...avec une clause de retour à meilleure fortune pour un montant de 45 000 euros. Les requérants demandent à ce qu'il soit tenu compte de cette " régularisation " et précisent que la somme de 45 000 euros a été enregistrée en produit de la SARL BS Moto au titre de l'exercice clos en 2012. Toutefois, l'abandon au profit de la société dans laquelle il détient un compte courant d'associé, par le titulaire de ce compte, d'une partie des sommes inscrites à son crédit est un acte de disposition quelle que soit la situation de trésorerie de l'entreprise. Par suite, c'est à bon droit que l'administration n'a pas tenu compte de cette écriture comptable pour évaluer le montant des revenus distribués.

6. En troisième lieu, M. et Mme B...ne peuvent pas utilement se prévaloir du contexte du contrôle fiscal de la SARL BS Moto et de l'intention des parties lors des écritures en compte courant pour contester le montant des redressements à l'impôt sur le revenu.

7. En quatrième lieu, si M. et Mme B...soutiennent que le montant des redressements est exagéré et que cela apparaît " dans la marge brute de l'année 2012 redressée à hauteur de 64,67 % alors que celle de l'exercice 2013 s'établit à 41,05 % et celle de l'exercice 2014 à 44,08 % ", ils n'assortissent pas, en tout état de cause, leur moyen de précisions suffisantes permettant d'en apprécier le bien-fondé.

8. Enfin, M. et Mme B...ne sont pas fondés à se prévaloir de la faute du comptable de la SARL BS Moto qui aurait, pendant la période de lancement de l'activité, listé les opérations d'achats et de ventes par un relevé de caisse journalier et mensuel et porté les sommes au compte courant des associés sans qu'ils en aient connaissance. Il leur appartient, s'ils s'y croient fondés, d'engager des poursuites judiciaires à l'encontre de l'expert-comptable.

Quant à l'appréhension des revenus réputés distribués :

9. M. et Mme B...soutiennent que la situation de trésorerie de la société BS Moto rendait " illusoire toute possibilité de disposer de toute somme pour les associés ". Toutefois, s'ils produisent à l'appui de leurs allégations un extrait du compte annuel de l'entreprise qui fait apparaitre un résultat d'exercice négatif pour les exercices clos en 2012 et 2013, il n'est pas sérieusement contesté que cette comptabilité a été regardée comme non probante par l'administration qui a notifié à la SARL BS Moto des rectifications pour dissimulation de recettes d'un montant de 44 877 euros. Dans ces conditions, M. et Mme B...doivent être regardés comme ayant eu la disposition en 2012 de la somme inscrite au crédit du compte courant d'associé de M.B.... Par suite, ils n'établissent pas avoir été dans l'impossibilité de retirer du compte courant ces sommes, sans qu'ils puissent utilement invoquer la circonstance que l'administration n'a constaté aucun enrichissement de leur part.

10. M. et Mme B...ne sont pas fondés à soutenir qu'il y a eu double imposition des sommes en litige en ce que la SARL BS Moto est également imposée à l'impôt sur les sociétés pour les sommes de 45 000 euros, 4 000 euros et 18 870 euros ainsi que pour le montant des charges non justifiées dès lors qu'il s'agit d'impositions distinctes et assignées à des personnes juridiques distinctes.

En ce qui concerne l'interprétation administrative de la loi fiscale :

11. M. et Mme B...ne sont pas fondés à se prévaloir, sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, du paragraphe 9 de la documentation administrative 5 I-321 du 1er décembre 1997 repris aux paragraphes 120 et 130 du BOI-RPPM-RCM-20-10-10 du 11 février 2014 dès lors qu'ils concernent l'application de l'article 125 du code général des impôts relatif au fait générateur de l'imposition des intérêts qui rémunèrent les créances, dépôts et cautionnements dont l'administration n'a pas fait usage. Ils ne sont pas non plus fondés à se prévaloir du paragraphe 10 de la documentation administrative 5 B 2 repris au paragraphe 210 du BOI-IR-BASE-10-10-10-40 du 12 septembre 2012 en ce que " si le reversement intervient au cours de l'année même de la perception du revenu, il convient de n'imposer que le montant réel des revenus disponibles " dès lors qu'ils ne justifient pas que la " régularisation " de 45 000 euros, qui a été effectuée sans précision quant à son imputation sur les dettes concernées, a un lien avec les rectifications portant sur les revenus distribués dont l'origine n'est au demeurant pas justifiée. Ils ne sont pas davantage fondés à se prévaloir du paragraphe 270 du BOI-IR-BASE-10-10-10-40 du 12 septembre 2012 qui concerne les remboursements d'avances, prêts ou acomptes consentis par les sociétés à leurs associés et taxés comme revenus distribués en vertu des dispositions du a de l'article 111 du code général des impôts dont l'administration n'a pas fait usage.

Sur les pénalités :

12. En premier lieu, le moyen tiré de ce que les pénalités pour manquement délibéré ne sont pas justifiées, que les requérants reprennent en appel sans apporter aucun élément de fait ou de droit nouveau, doit être écarté par adoption des motifs retenus à bon droit par les premiers juges.

13. En second lieu, la circonstance que l'administration ait également infligé à la SARL BS Moto des pénalités pour manquement délibéré est sans incidence sur les pénalités en litige.

Sur le bénéfice des intérêts moratoires :

14. Il n'existe aucun litige né et actuel entre le comptable public et M. et Mme B...concernant le versement d'intérêts moratoires. Dès lors, les conclusions tendant au versement par l'Etat d'intérêts moratoires en application de l'article L. 208 du livre des procédures fiscales ne peuvent qu'être rejetées.

15. Il résulte de tout ce qui précède et sans qu'il soit besoin d'examiner la fin de non recevoir opposée par le ministre que M. et Mme B...ne sont fondés à soutenir que c'est à tort que, par l'article 2 du jugement attaqué, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté le surplus de leur demande.

Sur les frais liés au litige :

16. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat la somme que M. et Mme B...demandent au titre des frais exposés en appel non compris dans les dépens.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. et Mme B...est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme B...et au ministre de l'action et des comptes publics.

Délibéré après l'audience du 15 novembre 2018, à laquelle siégeaient :

- M. Geffray, président,

- Mme Malingue, premier conseiller,

- Mme Chollet, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 29 novembre 2018.

Le rapporteur,

L. CholletLe président,

J. E Geffray

Le greffier,

C. Croiger

La République mande et ordonne au ministre de l'action et des comptes publics en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

No17NT02236


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 17NT02236
Date de la décision : 29/11/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. GEFFRAY
Rapporteur ?: Mme Laure CHOLLET
Rapporteur public ?: M. JOUNO
Avocat(s) : SELARL WALTER et GARANCE (TOURS)

Origine de la décision
Date de l'import : 11/12/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2018-11-29;17nt02236 ?
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