Vu, sous le n°16NT03703, la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société Supergel 28 a demandé au tribunal administratif d'Orléans de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires de contribution foncière des entreprises auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2012, 2013 et 2014.
Par un jugement n°1404297-1500797-1601069 du 20 septembre 2016, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté ses demandes.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 15 novembre 2016, 13 octobre 2017 et 12 octobre 2018, la société Supergel 28, représentée par MeA..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de faire droit à ses demandes ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- les premiers juges ont inversé les règles de dévolution de la preuve en estimant qu'il lui revenait, et non à l'administration fiscale, d'apporter la preuve que la cession intervenue le 22 juin 2005 portait sur un immeuble nu ;
- l'administration fiscale ne pouvait pas appliquer la valeur locative plancher prévue à l'article 1518 B du code général des impôts lors du rachat de l'immeuble au moment de la levée de l'option du contrat bail immobilier dans la mesure où l'opération de crédit-bail portait exclusivement sur des murs et qu'aucun matériel de production ou installation technique n'a été cédé ; l'acte notarié de cette cession ne fait état d'aucun autre bien tels qu'installation, agencement ou matériels nécessaires à l'exploitation de l'entrepôt ; l'isolation, la machinerie et l'ensemble du circuit de refroidissement ainsi que les installations électriques et téléphoniques, le matériel de stockage et le matériel nécessaires à l'exploitation appartiennent à la société Supergel 28 ;
- la sociétéB..., en tant que société immobilière pour le commerce et l'industrie, ne peut exercer une autre activité que la location d'immeubles nus par voie de location simple ou dans le cadre d'opérations de crédit-bail ainsi que le prévoient les dispositions de l'ordonnance n°67-837 du 28 septembre 1967, de sorte que l'article 1518 B du code général des impôts ne peut recevoir application.
Par un mémoire en défense, enregistré le 20 mars 2017, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que :
- le fait que le statut de société immobilière pour le commerce et l'industrie interdit la location de locaux équipés est sans incidence sur le fait que l'immeuble cédé est un immeuble équipé d'un minimum de moyens d'exploitation ;
- les moyens présentés ne sont pas fondés.
II. Vu, sous le n°18NT02740, la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société Supergel 28 a demandé au tribunal administratif d'Orléans de prononcer la décharge de la cotisation supplémentaire de taxe professionnelle mise à sa charge au titre de l'année 2009 et des suppléments de cotisation foncière des entreprises auxquels elle a été assujettie au titre des années 2010 à 2012.
Par un jugement n°1400331 du 22 mai 2014, le tribunal administratif d'Orléans a prononcé la décharge des rappels de taxe foncière et de contribution économique des entreprises auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2009 à 2012.
Par un arrêt n°14NT02224 du 16 juin 2016, la cour administrative d'appel de Nantes a fait droit au recours formé par le ministre des finances et des comptes publics contre ce jugement et remis à la charge de la société Supergel 28 la cotisation supplémentaire de taxe professionnelle due au titre de l'année 2009 et les suppléments de cotisation foncière des entreprises dus au titre des années 2010 et 2011.
Par une décision n°402451 du 18 juillet 2018, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux, saisi d'un pourvoi formé par la société Supergel 28, a annulé cet arrêt et a renvoyé l'affaire devant la cour pour y être jugée.
Procédure devant la cour :
Par un recours et un mémoire, enregistrés les 20 août 2014, 19 janvier 2015 et 13 août 2018, le ministre des finances et des comptes publics demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de remettre à la charge de la société Supergel 28 les suppléments de taxe professionnelle dus au titre de l'année 2009 et de cotisation foncière des entreprises dus au titre des années 2010 à 2011.
Il soutient que :
- le tribunal a statué ultra petita en prononçant la décharge totale des suppléments " de taxe foncière et de contribution économique des entreprises dus au titre des années 2009 à 2012 ", la taxe foncière n'étant pas en litige et les rappels de taxe professionnelle et de contribution économique des entreprises reposant sur plusieurs motifs ; en outre, aucun supplément de cotisation foncière des entreprises n'a été mis en recouvrement au titre de l'année 2012 ;
- étant doté des équipements nécessaires à la production et à la conservation du froid, l'immeuble cédé constitue un établissement et non un local nu ainsi que l'a jugé le tribunal, de sorte que les dispositions de l'article 1518 B du code général des impôts sont applicables.
Par des mémoires en défense, enregistrés les 23 septembre 2014 et 23 août 2018, la société Supergel 28, représentée par MeA..., demande à la cour :
1°) de rejeter le recours ;
2°) de rectifier l'erreur matérielle dont le jugement est entaché ;
3°) de prononcer la décharge de la cotisation supplémentaire de taxe professionnelle due au titre de l'année 2009 et des cotisations de contribution foncière des entreprises dues au titre des années 2010 à 2012 résultant de la rectification des bases locatives des biens passibles de taxe foncière ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ainsi que les dépens dont la somme de 13 euros au titre du droit de plaidoirie.
Elle soutient que :
- en prononçant la décharge des suppléments des rappels de taxe foncière au lieu des rappels de taxe professionnelle et de " contribution économique des entreprises " le tribunal n'a pas statué ultra petita mais a commis une simple erreur de plume ;
- les moyens invoqués ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces des dossiers.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Malingue,
- les conclusions de M. Jouno, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. La société Supergel 28, qui exerce une activité de négoce de produits surgelés, a acquis, le 22 juin 2005, un immeuble à usage industriel et commercial situé à Nogent-sur-Eure (Eure-et-Loir), dans lequel elle exploitait un entrepôt frigorifique, en levant l'option d'achat stipulée dans le contrat de crédit-bail immobilier qu'elle avait conclu le 22 décembre 1995. Estimant être en présence d'une cession d'établissement, au sens des dispositions de l'article 1518 B du code général des impôts, l'administration a rectifié la valeur locative de l'immeuble litigieux en retenant la valeur dite " plancher " prévue par ces dispositions.
2. La société Supergel 28 a sollicité auprès du tribunal administratif d'Orléans la décharge de la cotisation supplémentaire de taxe professionnelle mise à sa charge au titre de l'année 2009 et des suppléments de cotisation foncière des entreprises mis à sa charge au titre des années 2010 à 2012 du fait de l'application de cette valeur locative plancher. Par un jugement du 22 mai 2014, dont le ministre des finances et des comptes publics a relevé appel, ce tribunal a prononcé la décharge des suppléments " de taxe foncière et de contribution économique des entreprises relatifs aux années 2009 à 2012 ". Par un arrêt n°14NT02224, la cour a annulé ce jugement et remis à la charge de la société Supergel la cotisation supplémentaire de taxe professionnelle due au titre de l'année 2009 et les suppléments de cotisation foncière des entreprises dus au titre des années 2010 et 2011. Par une décision n°402451 du 18 juillet 2018, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux, saisi d'un pourvoi formé par la société Supergel 28, a annulé cet arrêt et a renvoyé l'affaire devant la cour pour y être jugée.
3. La société Supergel 28 a également sollicité auprès du tribunal administratif d'Orléans la décharge des cotisations supplémentaires de contribution foncière des entreprises auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2012, 2013 et 2014 du fait de l'application de cette valeur locative plancher. Elle relève appel du jugement du 20 septembre 2016 par lequel ce tribunal a rejeté ses demandes.
4. Les requêtes n°16NT03703 et n°18NT02740 concernent la situation d'un même contribuable et présentent à juger des questions semblables. Il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt.
5. Aux termes l'article 1518 B du code général des impôts : " A compter du 1er janvier 1980, la valeur locative des immobilisations corporelles acquises à la suite d'apports, de scissions, de fusions de sociétés ou de cessions d'établissements réalisés à partir du 1er janvier 1976 ne peut être inférieure aux deux tiers de la valeur locative retenue l'année précédant l'apport, la scission, la fusion ou la cession. (...) Pour les opérations mentionnées au premier alinéa réalisées à compter du 1er janvier 1992, la valeur locative des immobilisations corporelles ne peut être inférieure aux quatre cinquièmes de son montant avant l'opération. (...) ". Pour l'application de ces dispositions, un établissement doit être regardé comme ayant fait l'objet d'une cession lorsque le même redevable a acquis l'ensemble des éléments mobiliers et immobiliers qui étaient nécessaires à l'exercice autonome de l'activité par le cédant, en vue d'y exercer, avec ces moyens, sa propre activité.
6. Il résulte de l'instruction que l'immeuble que la société Supergel 28 a acquis le 22 juin 2005 a fait l'objet d'un permis de construire délivré à la société Sodef le 14 mai 1987, transféré à la société B...le 28 septembre suivant, pour l'édification d'un entrepôt frigorifique et des bureaux, dont les travaux ont été achevés le 15 avril 1988. Propriété de l'indivision B...etC..., il était loué, dans le cadre d'une convention de crédit-bail, à la société Sodef qui y exploitait son fonds de commerce de distribution de produits surgelés et alimentaires ainsi que sur un autre immeuble voisin dont elle était propriétaire, également situé sur la parcelle cadastrée section ZD lieu-dit " Les Vignes " à Nogent-sur-Eure. En 1995, à l'occasion de la liquidation judiciaire de la société Sodef, les actifs immobiliers de cette société, correspondant au terrain servant d'assise à l'entrepôt de froid positif cadastré section ZD et aux constructions élevées sur ce terrain, ont été repris par la société à responsabilité limitée (SARL) Vignigel tandis qu'ont été repris par la SARL Supergel 28 les éléments d'actif mobiliers, correspondant, aux termes de l'acte de vente du 22 décembre 1995, à des immobilisations incorporelles et à des immobilisations corporelles consistant en du matériel divers, du matériel industriel ainsi que des installations générales et du matériel de transport et de bureau. La SARL Vignigel a, par ailleurs, aux termes d'un acte du 22 décembre 1995, conclu avec les sociétés B...et C...un contrat de crédit-bail à compter du 7 février 1995 portant sur un " ensemble immobilier à usage industriel et commercial comprenant un entrepôt, une salle des machines, une salle d'étiquetage et de préparation, une salle de stockage, un quai de chargement, un sas, des bureaux et des locaux sociaux ", soit l'immeuble antérieurement loué à ces mêmes sociétés par la société Sodef, qu'elle a mis à disposition de la SARL Supergel 28 pour l'exploitation de son fonds de commerce de produits surgelés. Ce bien, décrit dans les mêmes termes par l'acte notarié de vente du 22 juin 2005, a été acquis, par suite de la levée d'option d'achat, pour un montant de 35 938,62 euros par la SA Supergel 28, issue de la fusion-absorption au 31 décembre 1999 entre la SARL Vignigel et la SARL Supergel 28 et de sa transformation en société anonyme en 2000, auprès de la société B...Pays de la Loire, à qui la société B...a apporté sa branche complète et autonome d'activité par traité d'apport partiel d'actif du 11 décembre 2001, et de la société C...devenue Natexis Bail.
7. Si la société Supergel 28 soutient que les équipements consistant notamment en l'isolation, la machinerie frigorifique, le circuit de refroidissement, le transformateur électrique, les installations électriques et téléphoniques, qui ont été installés par la société Sodef, lui ont été cédés à l'occasion de la cession du fonds de commerce et de matériel par la société sodef, il résulte de l'acte de cession du 22 décembre 1995 que celui-ci a porté sur du matériel (bascule de quai, balance Testut, perceuse sur pied, compresseur, établi et outillage divers) pour un montant de 17 000 francs, du matériel industriel (extincteurs, coffret commutateur chambre froide, équipement électrique chambre froide, delmo thermomètre enregistreur, touraine emballage, miko 800 cadre métallique et installations téléphoniques) pour un montant de 53 000 francs ainsi que des installations générales, du matériel de transport et de bureau, au nombre desquels ne figurent pas les équipements frigorifiques et électriques incorporés au bâti. Il n'est d'ailleurs pas établi que la société Supergel 28 les aurait portés à l'actif de son bilan, pour la période antérieure à la fusion-absorption du 31 décembre 1999.
8. Si la société Supergel 28 soutient que le matériel frigorifique et ses aménagements, acquis dans le cadre de l'offre de reprise de l'ensemble des actifs de la société sodef, étaient inscrits à l'actif du bilan de la SA Supergel aux 31 décembre 2000, 31 décembre 2001, 31 décembre 2003, 31 décembre 2004 ainsi qu'à l'actif du bilan de la SARL Vignigel aux 31 décembre 1995 et 31 décembre 1996 au compte 215400 " matériel industriel " pour un montant de 540 000 francs puis 82 322,47 euros, rien n'établit que ces écritures correspondent aux équipements frigorifiques de l'immeuble loué en crédit-bail aux sociétés B...-C... devenues B...Pays de la Loire- Natexis Bail dès lors que la SARL Vignigel n'a pas acquis d'actif immobilier auprès de la société Sodef autre que l'immeuble dont cette dernière était propriétaire et qui, ainsi qu'il est rappelé au point 6 du présent arrêt, était distinct de l'immeuble en cause, qu'elle n'a pas repris le contrat de crédit-bail conclu par cette société mais a conclu un nouveau contrat et qu'elle ne justifie pas du rachat du contrat de bail mobilier relatif à la centrale froid qu'elle évoque.
9. Les équipements frigorifiques et électriques correspondant à l'immeuble concerné par le crédit-bail ayant donné lieu à la levée d'option n'ayant été cédés en 1995 ni à la Sarl Vignigel ni à la Sarl Supergel 28, ils figuraient, à cette date au plus tard, compte tenu du terme du contrat de crédit-bail conclu avec la société Sodef, à supposer qu'ils aient été installés par elle, dans le patrimoine des bailleurs. Les circonstances que le statut juridique des sociétés immobilières pour le commerce et l'industrie leur interdise une autre activité que la location d'immeubles nus et que l'assurance n'ait été souscrite que pour le bâtiment sont sans incidence à cet égard. Dans ces conditions, alors même que ni le contrat de bail conclu le 22 décembre 1995 ni l'acte de vente du 22 juin 2005 ne comportent la description d'équipements frigorifiques, la société Supergel 28 a acquis ces équipements le 22 juin 2005 lorsqu'elle a levé l'option du crédit-bail. Par suite, dès lors qu'elle a acquis, à cette date, l'ensemble des éléments mobiliers et immobiliers qui étaient nécessaires à l'exercice autonome de l'activité par le cédant, en vue d'y exercer, avec ces moyens, sa propre activité, la vente du 22 juin 2005 doit être regardée comme une cession d'établissement au sens et pour l'application de l'article 1518 B du code général des impôts.
10. Il résulte de tout ce qui précède que, sans qu'il soit besoin de statuer ni sur la régularité du jugement du 22 mai 2014 ni sur la recevabilité des conclusions relatives à l'année 2012, le ministre est fondé à soutenir que c'est à tort que, par ce jugement, le tribunal administratif d'Orléans a fait droit aux conclusions aux fins de décharge d'imposition de la société Supergel 28. Il en résulte également que la société Supergel 28 n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par jugement du 20 septembre 2016, le tribunal administratif a rejeté sa demande.
11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, le versement de la somme que la société Supergel 28 demande au titre des frais liés au litige. Il en va de même, en l'absence de circonstance particulière, s'agissant de la demande présentée au titre de l'article R. 761-1 du code de justice administrative alors qu'au surplus, les droits de plaidoirie ne figurent pas au nombre des dépens énumérés par cet article.
DECIDE :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif d'Orléans du 22 mai 2014 est annulé.
Article 2 : La cotisation supplémentaire de taxe professionnelle due par la société Supergel 28 au titre de l'année 2009 et les suppléments de cotisation foncière des entreprises dus au titre des années 2010 et 2011 sont remis à sa charge.
Article 3 : Les conclusions incidentes présentées par la société Supergel 28 dans la requête n°18NT02740 et les conclusions de la requête n°16NT03703 sont rejetées.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'action et des comptes publics et à la société Supergel 28.
Délibéré après l'audience du 15 novembre 2018, à laquelle siégeaient :
- M. Geffray, président,
- Mme Malingue, premier conseiller.
- Mme Chollet, premier conseiller,
Lu en audience publique, le 29 novembre 2018.
Le rapporteur,
F. Malingue
Le président,
J.-E. Geffray
Le greffier,
C. Croiger
La République mande et ordonne au ministre de l'action et des comptes publics en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N°16NT03703-18NT02740
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