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26/11/2018 | FRANCE | N°18NT00251

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 5ème chambre, 26 novembre 2018, 18NT00251


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B...C...a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision du 29 janvier 2015 par laquelle le ministre de l'intérieur a ajourné à deux ans sa demande de réintégration dans la nationalité française.

Par un jugement n° 1503895 du 16 juin 2017, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande d'annulation.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés respectivement les 22 janvier et 27 mars 2018, M.C..., représenté par Me A..., de

mande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nantes du 16 juin 2017 ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B...C...a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision du 29 janvier 2015 par laquelle le ministre de l'intérieur a ajourné à deux ans sa demande de réintégration dans la nationalité française.

Par un jugement n° 1503895 du 16 juin 2017, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande d'annulation.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés respectivement les 22 janvier et 27 mars 2018, M.C..., représenté par Me A..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nantes du 16 juin 2017 ;

2°) d'enjoindre au ministre de l'intérieur de réexaminer sa demande dans un délai de deux mois à compter du prononcé de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil, qui renonce à percevoir la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle, d'une somme de 1 800 euros sur le fondement des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991.

Il soutient que la décision attaquée est insuffisamment motivée et entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.

Par des mémoires en défense enregistrés les 6 février et 11 avril 2018, le ministre de l'intérieur conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que :

- les moyens de la requête ne sont pas fondés ;

- il renvoie à ses écritures de première instance qu'il reprend subsidiairement.

M. C...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 22 novembre 2017.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code civil ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991, modifiée, relative à l'aide juridique ;

- le décret n° 93-1362 du 30 décembre 1993 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Picquet a été entendu au cours de l'audience publique

Considérant ce qui suit :

1. M. C...a présenté une demande de naturalisation en 2011. Cette demande a été ajournée à deux ans par le préfet du Rhône par une décision du 13 février 2012. Le ministre de l'intérieur, sur recours administratif préalable obligatoire de l'intéressé, a décidé, le 26 juin 2012, d'ajourner cette demande pour une durée de deux ans, à compter du 13 février 2012. A l'expiration de cet ajournement, M. C...a renouvelé sa demande de naturalisation. Il a reçu un avis favorable du préfet du Rhône qui a transmis sa demande au ministre de l'intérieur avec une proposition de naturalisation, conformément aux dispositions de l'article 46 du décret du 30 décembre 1993. Le ministre n'a pas suivi cette proposition et a décidé, le 17 décembre 2014, d'ajourner de nouveau la demande de M. C... pour une durée deux ans en application des dispositions de l'article 48 du décret du 30 décembre 1993. Par une décision du 29 janvier 2015, le ministre a rejeté le recours gracieux dirigé contre la décision du 17 décembre 2014. M. C... relève appel du jugement du 16 juin 2017 par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 29 janvier 2015 par laquelle le ministre de l'intérieur a rejeté son recours dirigé contre la décision du 17 décembre 2014 ajournant à deux ans sa demande de réintégration dans la nationalité française.

Sur l'étendue du litige :

2. Il est toujours loisible à la personne intéressée, sauf à ce que des dispositions spéciales en disposent autrement, de former à l'encontre d'une décision administrative un recours gracieux devant l'auteur de cet acte et de ne former un recours contentieux que lorsque le recours gracieux a été rejeté. L'exercice du recours gracieux n'ayant d'autre objet que d'inviter l'auteur de la décision à reconsidérer sa position, un recours contentieux consécutif au rejet d'un recours gracieux doit nécessairement être regardé comme étant dirigé, non pas tant contre le rejet du recours gracieux dont les vices propres ne peuvent être utilement contestés, que contre la décision initialement prise par l'autorité administrative. Il appartient, en conséquence, au juge administratif, s'il est saisi dans le délai de recours contentieux qui a recommencé de courir à compter de la notification du rejet du recours gracieux, de conclusions dirigées formellement contre le seul rejet du recours gracieux, d'interpréter les conclusions qui lui sont soumises comme étant aussi dirigées contre la décision administrative initiale.

3. Il résulte de ce qui précède que M. C...doit être regardé comme demandant l'annulation tant de la décision du 29 janvier 2015 que de celle du 17 décembre 2014.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

4. En premier lieu, la décision attaquée du 17 décembre 2014 mentionne qu'elle est fondée sur les dispositions de l'article 48 du décret du 30 décembre 1993 et sur la circonstance selon laquelle M. C...ne disposait ni d'activité professionnelle ni de revenus propres suffisant à son existence. Ainsi, cette décision comporte la mention des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement et est, dès lors, suffisamment motivée. Il en est de même, en tout état de cause, de la décision du 29 janvier 2015 qui mentionne également les dispositions de l'article 48 du décret du 30 décembre 1993 et la circonstance que l'emploi de l'intéressé ne lui procure pas de revenus suffisamment stables pour subvenir durablement à ses besoins.

5. En second lieu, aux termes de l'article 24-1 du code civil : " La réintégration par décret peut être obtenue à tout âge et sans condition de stage. Elle est soumise, pour le surplus, aux conditions et aux règles de la naturalisation. " et aux termes de l'article 48 du décret du 30 décembre 1993 susvisé : " Si le ministre chargé des naturalisations estime qu'il n'y a pas lieu d'accorder la naturalisation ou la réintégration sollicitée, il prononce le rejet de la demande. Il peut également en prononcer l'ajournement en imposant un délai ou des conditions. Ce délai une fois expiré ou ces conditions réalisées, il appartient à l'intéressé, s'il le juge opportun, de déposer une nouvelle demande ". En vertu de ces dispositions, il appartient au ministre de porter une appréciation sur l'intérêt d'accorder la nationalité française à l'étranger qui la sollicite ; dans le cadre de cet examen d'opportunité, il peut légalement prendre en compte le niveau et l'origine des ressources de l'intéressé en tant qu'élément de son insertion dans la société française.

6. Il ressort des pièces du dossier que si M.C..., qui est arrivé en France à la fin de l'année 2009, a travaillé, dès 2011, en qualité d'assistant d'éducation, d'" emploi vie scolaire " ou de surveillant, ces fonctions, exercées de manière intermittente, ne lui ont rapporté que de faibles revenus, de 1 582 euros en 2011 et de 5 319 euros en 2012. A la date de la décision attaquée, il est constant que l'intéressé n'était titulaire que d'un contrat d'accompagnement dans l'emploi, pour la période du 1er septembre 2014 au 31 août 2015, en qualité d'" emploi vie scolaire " pour une durée hebdomadaire de 20 heures. Si le requérant bénéficiait, depuis 2013, du statut de travailleur handicapé, l'intéressé n'établit pas ni même n'allègue avoir été dans l'incapacité d'occuper tout emploi à temps complet, son taux d'incapacité n'étant d'ailleurs pas précisé. Par ailleurs, M. C...ne saurait utilement se prévaloir de la circonstance que sa femme est titulaire de contrats à durée indéterminée en tant qu'assistante maternelle, ces derniers étant au demeurant postérieurs à la décision attaquée.

7. De plus, le requérant ne saurait utilement se prévaloir de la circulaire du ministre de l'intérieur du 16 octobre 2012, dépourvue de portée réglementaire.

8. Les circonstances que M. C...s'est vu octroyer le bénéfice de la protection subsidiaire, fait du bénévolat et est membre de la ligue des droits de l'Homme sont sans incidence sur la légalité des décisions contestées eu égard au motif qui les fonde.

9. Dans ces conditions, et alors même que le préfet du Rhône a émis une proposition favorable à la demande de naturalisation de M. C...et que ce dernier ne pouvait pas exercer son précédent métier d'agent déclarant en douanes en l'absence d'acquisition de la nationalité française, le ministre a pu, sans commettre d'erreur manifeste d'appréciation, ajourner à deux ans la demande de l'intéressé en se fondant sur le motif tiré de son absence d'autonomie matérielle pérenne.

10. Il résulte de tout ce qui précède que M. C...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort, que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction sous astreinte, ainsi que celles tendant à l'application des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 doivent également être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. C...est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B...C...et ministre de l'intérieur.

Délibéré après l'audience du 9 novembre 2018, à laquelle siégeaient :

- M. Dussuet, président de chambre,

- M. Degommier, président assesseur,

- Mme Picquet, premier conseiller.

Lu en audience publique le 26 novembre 2018.

Le rapporteur,

P. PICQUET

Le président,

J-P. DUSSUET

Le greffier,

C. GOY

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne,

et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N°18NT00251


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 18NT00251
Date de la décision : 26/11/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. DUSSUET
Rapporteur ?: Mme Pénélope PICQUET
Rapporteur public ?: M. SACHER
Avocat(s) : RENARD OLIVIER

Origine de la décision
Date de l'import : 11/12/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2018-11-26;18nt00251 ?
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