La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

12/11/2018 | FRANCE | N°18NT01054

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 5ème chambre, 12 novembre 2018, 18NT01054


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A...C...a demandé au tribunal administratif de Caen d'annuler l'arrêté du 19 octobre 2017 par lequel le préfet du Calvados a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 1702002 du 8 février 2018, le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande d'annulation.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 8 mars 2018, M.C..., représe

nté par Me B..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Caen d...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A...C...a demandé au tribunal administratif de Caen d'annuler l'arrêté du 19 octobre 2017 par lequel le préfet du Calvados a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 1702002 du 8 février 2018, le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande d'annulation.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 8 mars 2018, M.C..., représenté par Me B..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Caen du 8 février 2018 et d'annuler l'arrêté préfectoral du 19 octobre 2017 ;

2°) d'enjoindre au préfet du Calvados de lui délivrer un titre de séjour ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 000 euros, à verser à MeB..., en application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la décision de refus de titre de séjour méconnait les dispositions de l'article L. 313-11 11° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la décision de refus de titre de séjour méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la décision l'obligeant à quitter le territoire français est illégale du fait de l'illégalité de la décision lui refusant un titre de séjour ;

- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle méconnaît l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant ;

- la décision refusant un délai de départ volontaire est illégale dès lors que ce délai ne lui permet pas d'organiser un départ vers l'Arménie ;

- elle est illégale du fait de l'illégalité de la décision de refus de titre de séjour et de la décision l'obligeant à quitter le territoire français ;

- la décision fixant le pays de renvoi est illégale du fait de l'illégalité des autres décisions.

Un mémoire, présenté pour M.C..., a été enregistré 15 octobre 2018 mais n'a pas été communiqué, ne faisant état d'aucun élément nouveau utile à la solution du litige.

Par un mémoire en défense enregistré le 26 juillet 2018, le préfet du Calvados conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que :

- les moyens de la requête ne sont pas fondés ;

- il renvoie à ses écritures de première instance qu'il reprend subsidiairement.

M. C... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 24 mai 2018.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant du 26 janvier 1990 ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991, modifiée, relative à l'aide juridique ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

A été entendu au cours de l'audience publique le rapport de Mme Picquet.

Considérant ce qui suit :

1. M. A...C..., ressortissant arménien, a déclaré être entré en France le 5 mai 2011. Il a déposé une demande d'asile qui a été rejetée par une décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides du 30 mars 2012 confirmée par la Cour nationale du droit d'asile le 28 mars 2013. Sa demande de réexamen a été rejetée par une décision de l'Office français de protection des réfugiés et des apatrides du 30 avril 2013 confirmée par la Cour nationale du droit d'asile le 20 décembre 2013. L'intéressé a sollicité, le 19 septembre 2012, un titre de séjour " étranger malade " qui lui a été accordé le 24 septembre 2012 et renouvelé deux fois, jusqu'au 16 juin 2015. Par un arrêté du 19 octobre 2017 le préfet du Calvados a refusé de lui renouveler ce titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. Le tribunal administratif de Caen, par un jugement du 8 février 2018, a rejeté le recours de M. C...à l'encontre de l'arrêté préfectoral du 19 octobre 2017. Ce dernier relève appel de ce jugement.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

En ce qui concerne la décision de refus de séjour :

2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans sa rédaction alors applicable : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit : (...) / 11° A l'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays dont il est originaire, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle appréciée par l'autorité administrative après avis du directeur général de l'agence régionale de santé, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative, après avis du médecin de l'agence régionale de santé de la région de résidence de l'intéressé (...). ".

1. Sous réserve des cas où la loi attribue la charge de la preuve à l'une des parties, il appartient au juge administratif, au vu des pièces du dossier, et compte tenu, le cas échéant, de l'abstention d'une des parties à produire les éléments qu'elle est seule en mesure d'apporter et qui ne sauraient être réclamés qu'à elle-même, d'apprécier si l'état de santé d'un étranger nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi. La partie qui justifie d'un avis du médecin de l'agence régionale de santé venant au soutien de ses dires doit être regardée comme apportant des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence ou l'absence d'un état de santé de nature à justifier la délivrance ou le refus d'un titre de séjour ; dans ce cas, il appartient à l'autre partie, dans le respect des règles relatives au secret médical, de produire tous éléments permettant d'apprécier l'état de santé de l'étranger et, le cas échéant, l'existence ou l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si l'état de santé d'un étranger justifie la délivrance d'un titre de séjour dans les conditions ci-dessus rappelées, se détermine au vu de ces échanges contradictoires. En cas de doute, il lui appartient de compléter ces échanges en ordonnant toute mesure d'instruction utile.

2. Il ressort des pièces du dossier que, le 3 juin 2015, le médecin inspecteur de la santé publique a indiqué dans son avis que l'état de santé de M. C...ne nécessitait pas une prise en charge médicale et que par conséquent, son défaut ne devrait pas entraîner des conséquences d'une particulière gravité ni l'empêcher de voyager vers son pays d'origine. Ni les documents produits par le requérant, de par leur imprécision, ni la circonstance qu'il a bénéficié précédemment de titres de séjour en raison de son état de santé ne suffisent à infirmer l'avis précité. Dès lors, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 313-11 11° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.

3. En second lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans sa rédaction applicable au jour de la décision contestée : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit : (...) 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 313-2 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République ; ". Aux termes de l'article R. 313-21 de ce code, " Pour l'application du 7º de l'article L. 313-11, l'étranger qui invoque la protection due à son droit au respect de la vie privée et familiale en France doit apporter toute justification permettant d'apprécier la réalité et la stabilité de ses liens personnels et familiaux effectifs en France au regard de ceux qu'il a conservés dans son pays d'origine. ".

4. Il ressort des pièces du dossier qu'à la date de l'arrêté contesté, si M. C...résidait en France depuis six ans, il n'est arrivé en France qu'à l'âge de vingt-sept ans. Il est constant que son épouse fait également l'objet d'une obligation de quitter le territoire français dont le recours a été rejeté par la cour par un arrêt du même jour. Il n'est ni établi ni même allégué que les enfants du couple, nés en 2009 et 2012 et scolarisés respectivement en classe de CE2 et grande section de maternelle, ne pourraient pas poursuivre leur scolarité et leurs activités extrascolaires dans le pays d'origine de leurs parents. De plus, si le frère et la mère de son épouse sont présents en France, il n'est pas établi que ces derniers disposeraient d'un titre de séjour et auraient ainsi vocation à rester sur le territoire français. Enfin, si le requérant a bénéficié de titres de séjour du 24 septembre 2012 au 16 juin 2015, il est constant qu'il a été écroué à la maison d'arrêt de Caen du 9 aout 2013 au 9 mars 2014 pour trois condamnations prononcées par les tribunaux correctionnels de Lisieux et de Caen en 2011 et 2012 pour des faits de vol et de vol en réunion, relativisant l'intégration dans la société française dont il se prévaut. Ainsi, alors même que sa femme travaille depuis novembre 2014 et est titulaire d'un contrat de travail à durée indéterminée depuis le 13 novembre 2015 et qu'il est lui-même titulaire d'une formation de coiffeur et, depuis la fin de l'année 2017, d'un contrat de travail à durée déterminée et que la tombe de son beau-père est en France, le requérant n'est pas fondé à soutenir que l'arrêté contesté aurait porté une atteinte disproportionnée à sa vie privée et familiale, en méconnaissance des dispositions du 7° de l'article L.313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Pour les mêmes motifs, le préfet n'a pas davantage commis d'erreur manifeste d'appréciation des conséquences qu'emporte cette décision sur sa vie personnelle.

En ce qui concerne la décision d'obligation de quitter le territoire français :

5. En premier lieu, il résulte de ce qui a été dit précédemment que

M. C...n'est pas fondé à exciper de l'illégalité de la décision lui refusant un titre de séjour. Par suite, le moyen doit être écarté.

6. En deuxième lieu, pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 4, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.

7. En troisième et dernier lieu, aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ". Il n'est ni établi ni même allégué que les enfants du couple, nés en 2009 et 2012 et scolarisés respectivement en classe de CE2 et grande section de maternelle ne pourraient pas poursuivre leur scolarité et leurs activités extrascolaires dans le pays d'origine de leurs parents. Leurs deux parents faisant l'objet d'une obligation de quitter le territoire français, rien ne fait obstacle à ce que la cellule familiale puisse se reconstituer dans leur pays d'origine, avec également leur oncle et leur grand-mère. Dès lors, et alors même que l'enfant Ashot n'est arrivé en France qu'à l'âge de deux ans et que l'enfant Ivetta est née en France, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3-1 précité doit être écarté.

En ce qui concerne la décision refusant un délai de départ volontaire supérieur à trente jours :

8. Il résulte de ce qui a été dit précédemment que M. C...n'est pas fondé à exciper de l'illégalité des décisions lui refusant un titre de séjour et l'obligeant à quitter le territoire français. Par suite, le moyen doit être écarté.

9. Aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " II. - Pour satisfaire à l'obligation qui lui a été faite de quitter le territoire français, l'étranger dispose d'un délai de trente jours à compter de sa notification pour rejoindre le pays dont il possède la nationalité ou tout autre pays non membre de l'Union européenne ou avec lequel ne s'applique pas l'acquis de Schengen où il est légalement admissible. (...) L'autorité administrative peut accorder, à titre exceptionnel, un délai de départ volontaire supérieur à trente jours s'il apparaît nécessaire de tenir compte de circonstances propres à chaque cas. / Le délai de départ volontaire accordé à l'étranger peut faire l'objet d'une prolongation par l'autorité administrative pour une durée appropriée s'il apparaît nécessaire de tenir compte de circonstances propres à chaque cas. (...) ". En se bornant à faire état de sa situation familiale et de ce qu'il ne possède plus aucune attache d'aucune sorte en Arménie, le requérant n'établit pas que la décision fixant le délai de départ volontaire à trente jours serait entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.

En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :

10. Il résulte de ce qui a été dit précédemment que M. C...n'est pas fondé à exciper de l'illégalité des décisions lui refusant un titre de séjour et l'obligeant à quitter le territoire français et par suite, ce moyen doit être écarté.

11. Il résulte de tout ce qui précède que M. C...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort, que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction, ainsi que celles tendant à l'application des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 doivent également être rejetées.

DÉCIDE : Article 1er : La requête de M. C...est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A...C...et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée, pour information, au préfet du Calvados.

Délibéré après l'audience du 19 octobre 2018, à laquelle siégeaient :

- M. Dussuet, président de chambre,

- M. Degommier, président assesseur,

- Mme Picquet, premier conseiller.

Lu en audience publique le 12 novembre 2018.

Le rapporteur,

P. PICQUET

Le président,

J-P. DUSSUET

Le greffier,

C. POPSE

La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N°18NT01054


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 18NT01054
Date de la décision : 12/11/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. DUSSUET
Rapporteur ?: Mme Pénélope PICQUET
Rapporteur public ?: M. SACHER
Avocat(s) : CABINET SARAH BALOUKA

Origine de la décision
Date de l'import : 27/11/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2018-11-12;18nt01054 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award