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09/11/2018 | FRANCE | N°17NT03440

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 4ème chambre, 09 novembre 2018, 17NT03440


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A...a demandé au tribunal administratif de Nantes l'annulation des arrêtés du 7 septembre 2017 par lesquels le préfet de la Vendée, d'une part, a prononcé sa remise aux autorités belges, d'autre part, l'a assigné à résidence.

Par un jugement 1708285 du 21 septembre 2017, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 20 novembre 2017, M.A..., représenté par MeC..., de

mande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nantes du 21 septembre 20...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A...a demandé au tribunal administratif de Nantes l'annulation des arrêtés du 7 septembre 2017 par lesquels le préfet de la Vendée, d'une part, a prononcé sa remise aux autorités belges, d'autre part, l'a assigné à résidence.

Par un jugement 1708285 du 21 septembre 2017, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 20 novembre 2017, M.A..., représenté par MeC..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nantes du 21 septembre 2017 ;

2°) d'annuler les arrêtés du 7 septembre 2017 du préfet de la Vendée ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Vendée de transmettre sa demande d'asile à l'OFPRA et de lui délivrer une attestation de demande d'asile ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 800 euros en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

en ce qui concerne la décision de réadmission en Belgique :

- la décision est insuffisamment motivée ;

- les dispositions de l'article 4 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 ont été méconnues ;

- les dispositions de l'article 29 du règlement n° 603/2013 du 26 juin 2013 ont été méconnues ;

- les dispositions de l'article 5 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 ont été méconnues ;

- le préfet de la Vendée n'a pas procédé à un examen particulier de sa situation et s'est estimé lié par le critère de détermination de l'Etat membre responsable de sa demande d'asile ;

- les dispositions de l'article 17-1 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 ont été méconnues ;

- les dispositions des articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ont été méconnues ;

en ce qui concerne la décision d'assignation à résidence :

- elle est illégale du fait de l'illégalité de la décision portant réadmission en Belgique.

Par un mémoire en défense, enregistré le 28 décembre 2017, le préfet de la Vendée conclut au rejet de la requête.

Il soutient qu'aucun des moyens soulevés par M. A...n'est fondé.

M. A...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision en date du 19 octobre 2017.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil en date du 26 juin 2013 ;

- le règlement (UE) n° 603/2013 du Parlement européen et du Conseil en date du 26 juin 2013 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Allio-Rousseau a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. D... A..., ressortissant afghan né le 1er janvier 1994, est entré irrégulièrement sur le territoire français le 12 mai 2017 et y a sollicité l'asile le 19 mai 2017. La consultation du fichier Eurodac a révélé que ses empreintes digitales avaient été enregistrées en Belgique le 18 novembre 2015 pour le dépôt d'une demande d'asile. Par deux arrêtés du 7 septembre 2017, le préfet de la Vendée a ordonné sa remise aux autorités belges, qui ont accepté expressément sa reprise en charge le 22 mai 2017, et son assignation à résidence. M. A... relève appel du jugement du 21 septembre 2017 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces deux décisions.

Sur l'arrêté de transfert aux autorités belges :

2. En premier lieu, l'arrêté décidant la remise de M. A... aux autorités belges comporte les motifs de droit et de fait qui le fondent. Ainsi, le moyen tiré du défaut de motivation de cette décision doit être écarté.

3. En deuxième lieu, aux termes de l'article 4 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " 1. Dès qu'une demande de protection internationale est introduite au sens de l'article 20, paragraphe 2, dans un État membre, ses autorités compétentes informent le demandeur de l'application du présent règlement, (...) 2. Les informations visées au paragraphe 1 sont données par écrit, dans une langue que le demandeur comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'il la comprend (...)". Aux termes de l'article 5 du même règlement : " Afin de faciliter le processus de détermination de l'Etat membre responsable, l'Etat membre procédant à cette détermination mène un entretien individuel avec le demandeur. Cet entretien permet également de veiller à ce que le demandeur comprenne correctement les informations qui lui sont fournies conformément à l'article 4 (...) L'entretien individuel est mené dans une langue que le demandeur comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'il la comprend et dans laquelle il est capable de communiquer. Si nécessaire, les États membres ont recours à un interprète capable d'assurer une bonne communication entre le demandeur et la personne qui mène 1'entretien individuel (...) ". Il résulte de ces dispositions que le demandeur d'asile auquel l'administration entend faire application du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 doit se voir remettre, dès le moment où le préfet est informé de ce qu'il est susceptible d'entrer dans le champ d'application de ce règlement, et, en tout cas, avant la décision par laquelle l'autorité administrative décide de refuser de lui délivrer une attestation de demande d'asile au motif que la France n'est pas responsable de sa demande d'asile, une information complète sur ses droits, par écrit et dans une langue qu'il comprend. Cette information doit comprendre l'ensemble des éléments prévus au paragraphe 1 de l'article 4 du règlement. Eu égard à la natures desdites informations, la remise par l'autorité administrative de la brochure prévue par les dispositions précitées constitue pour le demandeur d'asile une garantie.

4. Il ressort des pièces du dossier et notamment du résumé de l'entretien individuel, qui s'est déroulé par l'intermédiaire d'un interprète assermenté en dari, langue comprise par le requérant, que celui-ci atteste avoir reçu, le 19 mai 2017, le guide du demandeur d'asile et l'information sur les règlements communautaires. La brochure d'information sur le règlement Dublin contenant une information générale sur la demande d'asile et le relevé d'empreintes, rédigée par la Commission (guide A) et la brochure d'information pour les demandeurs d'asile dans le cadre de la procédure Dublin (guide B) ont été remises à l'intéressé. Par ailleurs, l'absence d'indication de l'identité de l'agent ayant conduit l'entretien individuel dont il a bénéficié n'a pas privé M. A... de la garantie tenant au bénéfice d'un entretien individuel et de la possibilité de faire valoir toutes observations utiles, comme il ressort d'ailleurs des termes du compte-rendu réalisé à l'issue de cet entretien mené le 19 mai 2017. Par ailleurs, aucun élément du dossier n'établit que cet entretien n'aurait pas été mené par une personne qualifiée en vertu du droit national et dans des conditions qui n'en auraient pas garanti la confidentialité. Par suite, les moyens tirés de la méconnaissance des articles 4 et 5 du règlement (UE) n° 604/2013 doit être écarté.

5. En troisième lieu, à la différence de l'obligation d'information instituée par le règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013, l'obligation d'information prévue par les dispositions de l'article 29, paragraphe 1, du règlement (UE) n° 603/2013 du 26 juin 2013 a uniquement pour objet et pour effet de permettre d'assurer la protection effective des données personnelles des demandeurs d'asile concernés, laquelle est garantie par l'ensemble des Etats membres relevant du régime européen d'asile commun. La méconnaissance de cette obligation d'information dans une langue comprise par l'intéressé ne peut donc être utilement invoquée à l'encontre des décisions par lesquelles l'Etat français remet un demandeur d'asile aux autorités compétentes pour examiner sa demande.

6. En quatrième lieu, aux termes de l'article 3 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 susvisé : " 1. Les Etats membres examinent toute demande de protection internationale présentée par un ressortissant de pays tiers ou par un apatride sur le territoire de l'un quelconque d'entre eux (...). La demande est examinée par un seul État membre, qui est celui que les critères énoncés au chapitre III désignent comme responsable. / 2. (...) / Lorsqu'il est impossible de transférer un demandeur vers l'Etat membre initialement désigné comme responsable parce qu'il y a de sérieuses raisons de croire qu'il existe dans cet Etat membre des défaillances systémiques dans la procédure d'asile et les conditions d'accueil des demandeurs, qui entraînent un risque de traitement inhumain ou dégradant au sens de l'article 4 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, l'Etat membre procédant à la détermination de l'Etat membre responsable poursuit l'examen des critères énoncés au chapitre III afin d'établir si un autre Etat membre peut être désigné comme responsable (...) ". L'application de ces critères peut toutefois être écartée en vertu de l'article 17 du même règlement, aux termes duquel : " 1. Par dérogation à l'article 3, paragraphe 1, chaque État membre peut décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement. / L'État membre qui décide d'examiner une demande de protection internationale en vertu du présent paragraphe devient l'État membre responsable et assume les obligations qui sont liées à cette responsabilité. (...) ". Il résulte de ces dispositions que si le règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 pose en principe dans le 1 de son article 3 qu'une demande d'asile est examinée par un seul Etat membre et que cet Etat est déterminé par application des critères fixés par son chapitre III, dans l'ordre énoncé par ce chapitre, l'application des critères d'examen des demandes d'asile est toutefois écartée en cas de mise en oeuvre de la clause dérogatoire énoncée au 1 de l'article 17 du règlement, qui procède d'une décision prise unilatéralement par un Etat membre.

7. D'une part, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet de la Vendée n'aurait pas procédé à un examen complet et rigoureux de la situation de M. A... et des conséquences de sa réadmission en Belgique au regard notamment des garanties exigées par le respect du droit d'asile. Il ne ressort pas davantage du dossier que le préfet se serait abstenu d'examiner la possibilité de mettre en oeuvre la clause de souveraineté prévue à l'article 17 du règlement susvisé et se serait estimé en situation de compétence liée pour prononcer la réadmission de M. A...vers le Belgique. Dans ces conditions, le requérant n'est pas fondé à soutenir que l'arrêté qu'il conteste serait entaché d'un défaut d'examen sérieux et d'une erreur de droit.

8. D'autre part, il n'est pas établi que la demande d'asile de M. A...serait exposée à un risque sérieux de ne pas être traitée par les autorités belges dans des conditions conformes à l'ensemble des garanties exigées par le respect du droit d'asile. À cet égard, si M. A...soutient que sa demande d'asile a été rejetée en Belgique, ce qui l'expose à un retour forcé en Afghanistan, il ne justifie pas qu'il aurait fait l'objet en Belgique d'une décision définitive d'éloignement dont l'exécution serait inévitable en cas de transfert dans ce pays. Il ne ressort pas davantage des pièces du dossier qu'il serait personnellement exposé à des risques de traitements inhumains ou dégradants en Belgique, alors que ce pays est un Etat membre de l'Union européenne, partie tant à la convention de Genève du 28 juillet 1951 sur le statut des réfugiés, complétée par le protocole de New-York, qu'à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Dès lors, doit être écarté le moyen tiré de ce qu'en ne dérogeant pas aux critères de détermination de l'Etat responsable de sa demande d'asile, la décision contestée aurait été prise en méconnaissance des dispositions des articles 3 et 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013, de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 4 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne.

9. En cinquième lieu, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, que M. A...reprend en appel sans plus de précision ou de justification, doit être écarté par les mêmes motifs que ceux retenus à bon droit par le premier juge.

Sur l'arrêté d'assignation à résidence :

10. Il résulte des points 2 à 9 du présent arrêt que M. A... n'est pas fondé à se prévaloir de l'illégalité de la décision ordonnant sa remise aux autorités belges.

11. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions du préfet de la Vendée du 7 septembre 2017. Ses conclusions à fin d'annulation ainsi que, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et d'application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ne peuvent qu'être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. A...est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A...et au ministre de l'intérieur.

Une copie en sera transmise pour information au préfet de la Vendée.

Délibéré après l'audience du 16 octobre 2018, à laquelle siégeaient :

- M. Lainé, président de chambre,

- Mme Tiger-Winterhalter, présidente assesseure,

- Mme Allio-Rousseau, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 9 novembre 2018.

Le rapporteur,

M-P. Allio-RousseauLe président,

L. Lainé

Le greffier,

M. B... La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 17NT03440


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 17NT03440
Date de la décision : 09/11/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. LAINE
Rapporteur ?: Mme Marie-Paule ALLIO-ROUSSEAU
Rapporteur public ?: M. BRECHOT
Avocat(s) : RENARD OLIVIER

Origine de la décision
Date de l'import : 25/12/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2018-11-09;17nt03440 ?
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