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09/11/2018 | FRANCE | N°17NT00813

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 4ème chambre, 09 novembre 2018, 17NT00813


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Géomat a demandé au tribunal administratif de Nantes de condamner le département de la Loire-Atlantique à lui verser les sommes de 374 081,14 euros au titre des travaux supplémentaires indispensables à l'exécution du marché public relatif à l'opération de remembrement de la commune de Saint-Etienne de Montluc, 18 704,34 euros au titre du solde du marché, 19 233,24 euros au titre de la révision des prix, 113 761,49 euros au titre des frais bancaires exposés du fait des retards de paiement d

u département et 39 918,96 euros au titre des honoraires d'avocat.

Par un ju...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Géomat a demandé au tribunal administratif de Nantes de condamner le département de la Loire-Atlantique à lui verser les sommes de 374 081,14 euros au titre des travaux supplémentaires indispensables à l'exécution du marché public relatif à l'opération de remembrement de la commune de Saint-Etienne de Montluc, 18 704,34 euros au titre du solde du marché, 19 233,24 euros au titre de la révision des prix, 113 761,49 euros au titre des frais bancaires exposés du fait des retards de paiement du département et 39 918,96 euros au titre des honoraires d'avocat.

Par un jugement n° 1403879 du 2 janvier 2017, le tribunal administratif de Nantes a constaté qu'il n'y avait pas lieu de statuer à hauteur d'une somme de 513,92 euros HT payée en cours d'instance et a rejeté le surplus de cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 3 mars 2017 et le 9 mars 2018, la société Géomat, représentée par MeD..., demande à la cour dans le dernier état de ses écritures :

1°) avant dire droit, de désigner un expert afin de déterminer si les prestations réalisées au-delà des quantités prévues au marché étaient nécessaires à sa bonne réalisation, si les prestations réalisées et non prévues au marché étaient des prestations supplémentaires indispensables au regard des règles de l'art ;

2°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nantes du 2 janvier 2017 ;

3°) de condamner le département de la Loire-Atlantique au paiement de la somme de 562 699,17 euros HT, somme majorée des intérêts moratoires à compter du 4 novembre 2011, avec capitalisation de ces intérêts ;

4°) de mettre à la charge du département de la Loire-Atlantique une somme de 12 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement est insuffisamment motivé ;

- elle a le droit d'être indemnisée à hauteur des travaux supplémentaires correspondant à des prestations indispensables au bon déroulement des opérations de remembrement de la commune de Saint Etienne de Montluc, pour les quantités excédant le détail estimatif quantitatif du marché et pour des postes non définis par le bordereau des prix unitaires ;

- elle subit un préjudice total évalué à la somme de 562 699,17 euros HT, représentant la valeur des travaux supplémentaires indispensables, le solde du marché, la révision des prix, les frais bancaires et honoraires d'avocat engagés.

Par un mémoire en défense, enregistré le 6 novembre 2017, le département de la Loire-Atlantique, représenté par MeE..., conclut au rejet de la requête et demande en outre qu'une somme de 3 000 euros soit mise à la charge de la société Géomat en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient qu'aucun des moyens soulevés par la société Géomat n'est fondé.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code des marchés publics ;

- le code rural et de la pêche maritime ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Allio-Rousseau,

- les conclusions de M. Bréchot, rapporteur public,

- et les observations de MeA..., représentant la société Géomat, et de MeC..., représentant le département de la Loire-Atlantique.

Une note en délibéré présentée pour la société Géomat a été enregistrée le 22 octobre 2018.

Considérant ce qui suit :

1. La société Géomat a conclu, le 9 juillet 2003, avec le département de la Loire-Atlantique un marché à prix unitaire ayant pour objet le remembrement de la commune de Saint-Etienne de Montluc, pour un montant fixé à 1 227 563,60 euros TTC. Le 12 décembre 2011, le département de la Loire-Atlantique a rejeté le projet de décompte final transmis le 4 novembre 2011 par cette société, qui, outre le solde restant du marché fixé à la somme de 50 638,05 euros HT, comprenait une somme de 374 081,14 euros HT correspondant à des travaux exécutés en sus des prestations initialement prévues. Le 13 novembre 2012 la société Géomat a saisi le comité consultatif interrégional de règlement amiable des litiges relatifs aux marchés publics qui, par un avis du 1er octobre 2013, a proposé que le département verse à la société les sommes de 134 943,14 euros HT et 100 000 euros HT correspondant respectivement aux prestations excédant les quantités initialement prévues au marché et aux prestations correspondant à des postes non prévus au bordereau des prix unitaires. La société Géomat a adressé au département de la Loire-Atlantique le 5 mai 2014 une demande préalable d'indemnisation par laquelle elle sollicitait le paiement d'une somme globale de 501 328,93 euros HT au titre des travaux supplémentaires exécutés, du solde restant du marché, de la révision des prix, des frais bancaires et des honoraires d'avocat. Le département a rejeté cette demande. La société Géomat relève appel du jugement du 2 janvier 2017 par lequel le tribunal administratif de Nantes, après avoir constaté un non-lieu à statuer à hauteur de 513,92 euros, a rejeté le surplus de sa demande tendant à la condamnation du département de la Loire-Atlantique à lui verser les sommes de 374 081,14 euros HT au titre des travaux supplémentaires, 18 704 euros au titre du solde du marché, 19 233,34 euros HT au titre de la révision des prix et de 113 761,49 euros et 36 918,96 euros correspondant respectivement aux frais bancaires et aux honoraires d'avocat qu'elle estime avoir exposés par la faute du département.

Sur les conclusions tendant au paiement des travaux supplémentaires :

2. Aux termes de l'article 118 du code des marchés publics dans sa rédaction applicable au marché en cause : " Lorsque le montant des prestations exécutées atteint le montant prévu par le marché, la poursuite de l'exécution des prestations est subordonnée à la conclusion d'un avenant ou, si le marché le prévoit, à une décision de poursuivre prise par la personne responsable du marché. Les décisions de poursuivre respectent, comme les avenants, les conditions prévues à l'article 1 du présent code". Ces dispositions sont applicables aux marchés à prix unitaires comme celui conclu entre la requérante et le département de la Loire-Atlantique pour la réalisation des opérations de remembrement de la commune de Saint Etienne de Montluc. Elles subordonnent la réalisation de prestations dépassant le montant initial prévu à la conclusion d'un avenant.

3. En premier lieu, les prestations dont la société Géomat demande le paiement, dès lors que celles-ci dépassaient les quantités sur lesquelles les parties s'étaient accordées et n'étaient pas dans les prévisions contractuelles initiales, constituent ainsi des prestations supplémentaires dont le paiement ou l'indemnisation n'est pas acquis du simple fait de leur fourniture.

4. En deuxième lieu, les dispositions de l'article L. 121-16 du code rural en vigueur à la date de passation du marché, selon lesquelles les techniciens chargés de la préparation et de l'exécution des opérations d'aménagement foncier sont rémunérés en application de barèmes fixés conjointement par le ministre de l'agriculture et le ministre chargé du budget ne font pas obstacle à l'application des dispositions précitées du code des marchés publics et ne peuvent être utilement invoquées par la société requérante.

5. En troisième lieu, si le cocontractant de l'administration peut demander à être indemnisé, sur la base du contrat, des prestations supplémentaires réalisées sans ordre de service, dès lors que ces prestations ont été indispensables à l'exécution du contrat dans les règles de l'art, la présomption d'accord tacite à la réalisation de tels travaux sur laquelle repose cette indemnisation, qui déroge aux règles de passation des marchés publics, ne peut être admise lorsque la personne publique a préalablement fait connaître à son cocontractant son refus de les rémunérer. Or, il résulte de l'instruction que le département de la Loire-Atlantique a informé la société Géomat, par un courrier du 16 juillet 2008, du fait que les prestations supplémentaires fournies sans commande expresse de sa part et sans avenant ne seraient pas payées. Compte tenu de la volonté ainsi exprimée, la société Géomat, qui n'apporte pas la justification de ce que les prestations dont elle demande l'indemnisation auraient été réalisées avant le 16 juillet 2008, n'est pas fondée à demander à être indemnisée sur la base du contrat de la somme représentant les quantités excédant celles fixées par le détail quantitatif estimatif du marché, s'agissant des postes définis par le bordereau des prix unitaires.

6. En quatrième lieu, le projet de décompte définitif établi par la société Géomat inclut des postes non mentionnés au bordereau des prix unitaires consistant dans le sondage à la tarière des parcelles, l'invitation des propriétaires au classement des parcelles, la consultation des propriétaires et des exploitants, ainsi que 48 demi-journées de présence à l'enquête de classement et à l'avant projet, pour un montant total de 239 138 euros HT. A supposer même que ces prestations ont été réalisées à la demande de la sous-commission d'aménagement foncier, instance dépourvue de pouvoir décisionnaire quand bien même ses membres appartiendraient par ailleurs à la commission communale d'aménagement foncier, cette circonstance ne suffit pas à démontrer le caractère indispensable de ces prestations, dont certaines étaient en tout état de cause incluses dans la prestation de base de la société Géomat, à la bonne exécution de l'opération de remembrement. Par ailleurs, si la société Géomat fait valoir que " les travaux supplémentaires ont permis de procéder à un remembrement complet, conforme aux règles de l'art de la profession, alors que le strict respect des prescriptions du marché n'aurait en aucun cas permis la réalisation d'un remembrement complet et conforme", il résulte de l'instruction et notamment des pièces relatives au marché et de l'arrêté du 25 juin 2013 du préfet de la Loire-Atlantique que le remembrement des propriétés foncières a été ordonné sur une partie seulement du territoire de la commune de Saint Etienne de Montluc.

7. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de procéder à l'expertise sollicitée, que la société Géomat n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que par, le jugement attaqué, qui est suffisamment motivé, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions tendant à obtenir la révision des prix, le remboursement de ses frais d'avocat et bancaires, ainsi que le bénéfice des intérêts moratoires et la capitalisation des intérêts ne peuvent davantage être accueillies.

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

8. Ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge du département de la Loire-Atlantique, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme demandée par la société Géomat au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. En revanche, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application de ces dispositions et de mettre à la charge de la société Géomat le versement au département d'une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la société Géomat est rejetée.

Article 2 : La société Géomat versera au département de la Loire-Atlantique une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société Géomat et au département de la Loire-Atlantique.

Délibéré après l'audience du 16 octobre 2018, à laquelle siégeaient :

- M. Lainé, président de chambre,

- Mme Tiger-Winterhalter, présidente assesseure,

- Mme Allio-Rousseau, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 9 novembre 2018.

Le rapporteur,

M-P. Allio-RousseauLe président,

L. Lainé

Le greffier,

M. B...

La République mande et ordonne au préfet de la Loire-Atlantique en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 17NT00813


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 17NT00813
Date de la décision : 09/11/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. LAINE
Rapporteur ?: Mme Marie-Paule ALLIO-ROUSSEAU
Rapporteur public ?: M. BRECHOT
Avocat(s) : CABINET LEXCAP RENNES

Origine de la décision
Date de l'import : 25/12/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2018-11-09;17nt00813 ?
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