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19/10/2018 | FRANCE | N°17NT03609

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 4ème chambre, 19 octobre 2018, 17NT03609


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La Commune de Nonant-Le-Pin a demandé au tribunal administratif de Caen d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 29 février 2016 par lequel le maire de Mortrée a interdit la circulation en transit des véhicules affectés au transport de marchandises de plus de 7,5 tonnes sur la portion de la route départementale 958 dans l'agglomération de Mortrée.

Par un jugement n° 1601833 du 5 octobre 2017, le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par

une requête, enregistrée le 1er décembre 2017, et un mémoire, enregistré le 3 septembre 2018, ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La Commune de Nonant-Le-Pin a demandé au tribunal administratif de Caen d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 29 février 2016 par lequel le maire de Mortrée a interdit la circulation en transit des véhicules affectés au transport de marchandises de plus de 7,5 tonnes sur la portion de la route départementale 958 dans l'agglomération de Mortrée.

Par un jugement n° 1601833 du 5 octobre 2017, le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 1er décembre 2017, et un mémoire, enregistré le 3 septembre 2018, la Commune de Nonant-Le-Pin, représentée par la SCP d'avocats Creance-Ferretti-Hurel, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Caen du 5 octobre 2017 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 29 février 2016 du maire de Mortrée ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Mortrée le versement à son profit d'une somme de 3 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- l'arrêté attaqué est intervenue au terme d'une procédure irrégulière faute pour le maire d'avoir recueilli au préalable l'avis du département de l'Orne ;

- l'arrêté est insuffisamment motivé ;

- l'arrêté méconnaît l'article L. 110-3 du code de la route sur les routes à grande circulation ;

- l'arrêté est entaché d'une erreur dans l'appréciation des conséquences, pour la commune de Nonant-le-Pin et les autres communes situées sur l'itinéraire de substitution, de l'interdiction de transiter par Mortrée.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 22 mars 2018 et 20 août 2018, la commune de Mortrée, représentée par MeA..., conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de la commune de Nonant-le-Pin une somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative

Elle soutient que :

- à titre principal, la requête de première instance est irrecevable, en raison de son caractère tardif et de ce que la commune de Nonant-le-Pin ne justifie pas d'un intérêt lui donnant qualité pour agir ;

- à titre subsidiaire, aucun des moyens soulevés par la Commune de Nonant-Le-Pin n'est fondé.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la route ;

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Besse, rapporteur ;

- les conclusions de M. Bréchot, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. Par un arrêté du 29 février 2016, le maire de la commune de Mortrée (Orne) a interdit la circulation de transit des véhicules affectés au transport de marchandises de plus de 7,5 tonnes sur la portion de la route départementale 958 située dans l'agglomération de Mortrée. La commune de Nonant-le-Pin relève appel du jugement du 5 octobre 2017 par lequel le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur le bien fondé du jugement attaqué :

2. Aux termes de l'article L. 411-1 du code de la route, dans sa rédaction en vigueur à la date de l'arrêté en litige : " Les règles relatives aux pouvoirs de police de la circulation routière dévolus au maire dans la commune (...) sont fixées par les articles L. 2213-1 à L. 2213-6 (...) ". Par ailleurs, l'article L. 2213-1 du code général des collectivités territoriales dispose que : " Le maire exerce la police de la circulation sur les routes nationales, les routes départementales et les voies de communication à l'intérieur des agglomérations, sous réserve des pouvoirs dévolus au représentant de l'Etat dans le département sur les routes à grande circulation. / Les conditions dans lesquelles le maire exerce la police de la circulation sur les routes à grande circulation sont fixées par décret en Conseil d'Etat. / Par dérogation aux dispositions des deux alinéas précédents et à celles des articles L. 2213-2 et L. 2213-3, des décrets peuvent transférer, dans les attributions du représentant de l'Etat dans le département, la police de la circulation sur certaines sections des routes à grande circulation ", et l'article L. 2213-4 de ce même code que : " Le maire peut, par arrêté motivé, interdire l'accès de certaines voies ou de certaines portions de voies ou de certains secteurs de la commune aux véhicules dont la circulation sur ces voies ou dans ces secteurs est de nature à compromettre soit la tranquillité publique, soit la qualité de l'air, soit la protection des espèces animales ou végétales, soit la protection des espaces naturels, des paysages ou des sites ou leur mise en valeur à des fins esthétiques, écologiques, agricoles, forestières ou touristiques (...) ". Enfin, l'article L. 3221-4 du même code dispose : " Le président du conseil départemental gère le domaine du département. A ce titre, il exerce les pouvoirs de police afférents à cette gestion, notamment en ce qui concerne la circulation sur ce domaine, sous réserve des attributions dévolues aux maires par le présent code et au représentant de l'Etat dans le département ainsi que du pouvoir de substitution du représentant de l'Etat dans le département prévu à l'article L. 3221-5 ". Il résulte de la combinaison de ces dispositions que, sauf le cas de section de route à grande circulation pour laquelle un décret a transféré cette compétence au représentant de l'Etat dans le département, il appartient au maire d'exercer, à l'intérieur de l'agglomération communale, la police de la circulation sur les portions de routes nationales et départementales, y compris celles classées, par décret, comme route à grande circulation.

3. En l'espèce, et en premier lieu, l'arrêté du 29 février 2016 du maire de Mortrée a pour objet d'interdire, sauf dérogations qu'il prévoit expressément en son article 2, la circulation de transit, dans les deux sens de circulation, des véhicules affectés au transport de marchandises de plus de 7,5 tonnes, sur la portion de la route départementale 958, classée route à grande circulation, située dans la partie agglomérée du territoire communal, dont il n'est pas établi ni même allégué qu'un décret aurait transféré au préfet de l'Orne la compétence pour y exercer la police de la circulation. En outre, il ne résulte d'aucun texte législatif ou règlementaire que le maire de Mortrée, qui était compétent pour édicter la mesure d'interdiction de circulation en litige, aurait été tenu de consulter au préalable, pour avis, le président du conseil départemental de l'Orne. Le moyen tiré de l'absence d'une telle consultation préalable doit donc être écarté.

4. En deuxième lieu, l'arrêté du 29 février 2016, d'une part, vise le code général des collectivités territoriales, le code de la route, notamment ses articles L. 110-3, L. 411-1, R. 411-1 et R 411-2, ainsi que le décret n° 2009-615 du 03 juin 2009 modifié, fixant la liste des routes à grande circulation dont fait partie la route départementale 958 entre Sées et Nécy, et d'autre part, fait état de l'importance du trafic de poids lourds au départ et à destination de l'agglomération de Caen et du terminal ferry de Ouistreham, empruntant la route départementale 958 et transitant par l'agglomération de Mortrée, des nuisances sonores et des vibrations générées par ce trafic de transit qui affecte la sécurité des riverains dans le centre bourg de Mortrée, de la nécessité d'améliorer la sécurité et la tranquillité publique tout le long de la traversée de l'agglomération, de l'existence d'itinéraires de substitution, ainsi que d'un projet d'aménagement à caractère urbain dans le centre bourg dont il convient de garantir la pérennité. Ainsi cet arrêté, qui comporte la mention des considérations de droit et de fait qui lui servent de fondement, satisfait aux exigences de motivation résultant de l'article L. 2213-4 précité du code général des collectivités territoriales.

5. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 110-3 du code de la route : " Les routes à grande circulation, quelle que soit leur appartenance domaniale, sont les routes qui permettent d'assurer la continuité des itinéraires principaux et, notamment, le délestage du trafic, la circulation des transports exceptionnels, des convois et des transports militaires et la desserte économique du territoire, et justifient, à ce titre, des règles particulières en matière de police de la circulation. La liste des routes à grande circulation est fixée par décret, après avis des collectivités et des groupements propriétaires des voies ". Il ressort des pièces du dossier que, si la route départementale 958, classée route à grande circulation, a notamment, à ce titre, vocation à permettre d'assurer le délestage du trafic de l'autoroute A 88 qui relie, avec une portion de l'autoroute A 28, les villes de Caen et Alençon, l'arrêté du maire de Mortrée prévoit expressément que, par dérogation à l'interdiction de circulation qu'il édicte, sont autorisés à emprunter la route départementale 958 dans l'agglomération communale les transports exceptionnels et les transports d'une hauteur supérieure à 4,75 m, les véhicules affectés aux transports de marchandises de plus de 7,5 tonnes utilisés pour faire face à une situation d'urgence ou de crise, ainsi que les véhicules affectés aux transports de marchandises de plus de 7,5 tonnes dont le siège d'entreprise ou le point de livraison se situent sur les communes avoisinantes. Ce même arrêté prévoit en outre, en son article 5, la levée temporaire de l'interdiction " lorsque les conditions d'exploitation de l'A88 ou des routes départementales avoisinantes requerront la mise en place d'une déviation passant par la route départementale 958 à Mortrée ". Dans ces conditions, contrairement à ce que soutient la commune de Nonant-le-Pin, l'arrêté contesté, en ce qu'il interdit la circulation dans les limites précitées, aux seuls poids-lourds de plus de 7,5 tonnes, n'est de nature à faire obstacle ni à la vocation d'itinéraire de délestage de l'autoroute A 88 qui s'attache à la route départementale 958, ni à la desserte économique du territoire. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance par le maire de Mortrée des dispositions de l'article L. 110-3 du code de la route doit être écarté.

6. En quatrième et dernier lieu, les relevés de comptages des véhicules sur les territoires des communes de Chailloue et Urou, produits par la commune de Nonant-Le-Pin, ne distinguent pas le nombre de poids-lourds de plus de 7,5 tonnes traversant les communes concernées et, parmi ces derniers, ceux qui auraient été contraints de traverser ces communes en raison de l'impossibilité de transiter par la portion de route départementale 958 interdite, de ceux dont le siège d'entreprise ou le point de livraison se situent sur les communes en cause. Dès lors ces documents, comme les attestations établies par des riverains de la route départementale qui traverse Nonant-Le-Pin, ne permettent pas de démontrer la réalité et la mesure de l'augmentation du trafic des poids-lourds de plus de 7,5 tonnes sur les communes concernées. Il ressort au demeurant des pièces du dossier que, pour pallier l'interdiction de transit portant sur la portion de la route départementale 958 située dans l'agglomération de Mortrée, les véhicules concernés par cette interdiction ont la possibilité d'emprunter, pour relier les communes d'Argentan et Sées, des itinéraires alternatifs, notamment l'autoroute A 88 ou les routes départementales 238 et 240, sans devoir nécessairement emprunter, comme le prétend la commune de Nonant-Le-Pin, les routes départementales 438 et 926 qui traversent son agglomération. Enfin, et en tout hypothèse, la commune ne justifie ni de la réalité de l'accroissement des nuisances sonores, de la pollution et des détériorations causées aux ouvrages publics, aux trottoirs et à la voirie, ni, même à le supposer démontré, l'existence d'un lien entre cet accroissement et la mise en oeuvre de la mesure d'interdiction de circulation contestée. Dans ces conditions, la commune de Nonant-Le-Pin n'est pas fondée à soutenir que l'arrêté du maire de Mortrée procèderait d'une erreur dans l'appréciation des conséquences de l'interdiction de circulation qu'il édicte.

7. Il résulte de tout ce qui précède que, sans qu'il soit besoin d'examiner les fins de non recevoir opposées à la demande de première instance, la commune de Nonant-Le-Pin n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 29 février 2016 par lequel le maire de Mortrée a interdit la circulation de transit des véhicules affectés au transport de marchandises de plus de 7,5 tonnes sur la portion de la route départementale 958 située dans l'agglomération communale.

Sur les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

8. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune de Mortrée, qui n'a pas la qualité de partie perdante dans la présente instance, la somme que demande la commune de Nonant-Le-Pin au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. En revanche, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la commune de Nonant-Le-Pin, sur ce même fondement, une somme de 1 500 euros à verser à la commune de Mortrée.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la commune de Nonant-Le-Pin est rejetée.

Article 2 : La commune de Nonant-Le-Pin versera à la commune de Mortrée la somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la Commune de Nonant-Le-Pin et à la commune de Mortrée.

Une copie en sera en outre adressée au préfet de l'Orne.

Délibéré après l'audience du 2 octobre 2018, à laquelle siégeaient :

- M. Lainé, président de chambre,

- Mme Tiger-Winterhalter, présidente assesseure,

- M. Besse, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 19 octobre 2018.

Le rapporteur,

P. BesseLe président,

L. Lainé

Le greffier,

V. Desbouillons

La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 17NT03609


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 17NT03609
Date de la décision : 19/10/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. LAINE
Rapporteur ?: M. Pierre BESSE
Rapporteur public ?: M. BRECHOT
Avocat(s) : LABRUSSE

Origine de la décision
Date de l'import : 30/10/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2018-10-19;17nt03609 ?
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