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19/10/2018 | FRANCE | N°17NT03067

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 4ème chambre, 19 octobre 2018, 17NT03067


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... a demandé au tribunal administratif de Nantes l'annulation des arrêtés du 22 août 2017 par lesquels le préfet de la Mayenne, d'une part, a prononcé sa remise aux autorités italiennes, d'autre part, l'a assigné à résidence.

Par un jugement 1707910 du 8 septembre 2017, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 5 octobre 2017, M. C..., représenté par MeA..., de

mande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nantes du 8 septembre 201...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... a demandé au tribunal administratif de Nantes l'annulation des arrêtés du 22 août 2017 par lesquels le préfet de la Mayenne, d'une part, a prononcé sa remise aux autorités italiennes, d'autre part, l'a assigné à résidence.

Par un jugement 1707910 du 8 septembre 2017, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 5 octobre 2017, M. C..., représenté par MeA..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nantes du 8 septembre 2017 ;

2°) d'annuler les arrêtés du 22 août 2017 du préfet de la Mayenne ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 200 euros en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- le jugement est irrégulier dès lors qu'il est entaché d'une omission à statuer sur le moyen tiré du défaut de motivation de la décision portant remise aux autorités italiennes ;

- le premier juge a entaché son jugement d'une erreur manifeste d'appréciation en estimant qu'un relevé d'empreintes devait être effectué sur le fondement des dispositions de l'article 9 du règlement n° 603/2013 alors qu'il n'était pas demandeur d'asile ;

en ce qui concerne la décision de réadmission en Italie :

- un relevé d'empreintes ne pouvait être effectué le 7 juin 2017 sur le fondement des dispositions du B de l'article 17-1 du règlement n° 603/2013 au motif qu'il aurait indiqué qu'il refusait un retour aidé dans son pays d'origine ; il a d'ailleurs effectué une demande d'asile le 9 aout 2017 ;

- les dispositions de l'article 29 du règlement n° 603/2013 et de l'article 4 du règlement 604/2013 ont été méconnues ; il n'a pas reçu lors de son passage au centre d'examen de situation administrative une information complète dans une langue qu'il comprend, en l'absence d'un interprète ;

- la décision est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

en ce qui concerne la décision d'assignation à résidence :

- elle est illégale du fait de l'illégalité de la décision portant réadmission en Italie.

Par un mémoire en défense, enregistré le 10 novembre 2017, le préfet de la Mayenne conclut au rejet de la requête.

Il soutient qu'aucun des moyens soulevés par M. C... n'est fondé.

M. C... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision en date du 16 janvier 2018.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- le règlement (UE) n° 603/2013 du Parlement européen et du Conseil en date du 26 juin 2013 ;

- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil en date du 26 juin 2013 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Allio-Rousseau a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. B... C..., ressortissant somalien né le 1er janvier 1991, a déclaré être entré irrégulièrement sur le territoire français le 23 mai 2017. Il s'est présenté au centre d'examen de situation administrative de la préfecture de police à Paris le 7 juin 2017. Il est apparu que ses empreintes digitales avaient été enregistrées en Italie où l'intéressé avait demandé l'asile le 28 novembre 2016. Saisies d'une demande de reprise en charge en application du b de l'article 18-1 du règlement (UE) n° 604/2013, les autorités italiennes ont accepté son transfert par un accord implicite du 26 juillet 2017. M. C... s'est ensuite présenté en préfecture de la Loire-Atlantique le 9 août 2017 pour y demander l'asile. Par deux arrêtés du 22 août 2017, le préfet de la Mayenne a décidé sa remise aux autorités italiennes et son assignation à résidence. M. C... relève appel du jugement du 8 septembre 2017 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces deux décisions.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Ainsi que le fait valoir M. C..., le magistrat désigné du tribunal administratif de Nantes n'a pas répondu au moyen, qui n'était pas inopérant, tiré de ce que l'arrêté contesté du 22 août 2017 par lequel le préfet de la Mayenne a décidé sa réadmission en Italie était insuffisamment motivé. Le jugement doit, en raison de cette omission, être annulé, en tant qu'il a rejeté les conclusions dirigées contre cet arrêté.

3. Il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur les conclusions de la demande présentée par M. C... devant le tribunal administratif de Nantes dirigées contre l'arrêté portant réadmission vers l'Italie et de statuer, par l'effet dévolutif de l'appel, sur les conclusions présentées par l'intéressé contre l'arrêté portant assignation à résidence.

Sur la légalité des arrêtés du 22 août 2017 :

En ce qui concerne l'arrêté de transfert aux autorités italiennes :

4. En premier lieu, l'arrêté décidant la remise de M. C... aux autorités italiennes comporte les motifs de droit et de fait qui le fondent. Ainsi, le moyen tiré du défaut de motivation de cette décision doit être écarté.

5. En deuxième lieu, selon l'article 17 du règlement n° 603/2013 : " 1. En vue de vérifier si un ressortissant de pays tiers ou un apatride séjournant illégalement sur son territoire n'a pas auparavant introduit une demande de protection internationale dans un autre État membre, un État membre peut transmettre au système central les données dactyloscopiques relatives aux empreintes digitales qu'il peut avoir relevées sur un tel ressortissant de pays tiers ou apatride, âgé de 14 ans au moins, ainsi que le numéro de référence attribué par cet État membre. En règle générale, il y a lieu de vérifier si un ressortissant de pays tiers ou un apatride n'a pas auparavant introduit une demande de protection internationale dans un autre État membre lorsque: (...) b. le ressortissant de pays tiers ou l'apatride ne demande pas de protection internationale mais s'oppose à son renvoi dans son pays d'origine en faisant valoir qu'il s'y trouverait en danger(...) ".

6. Dans son arrêté du 22 août 2017, le préfet de la Mayenne a mentionné que M. C...s'est présenté volontairement au centre d'examen de situation administrative de la préfecture de police à Paris le 7 juin 2017, où il a été établi qu'il ne disposait pas d'un droit au séjour en France et n'y avait pas déposé une demande d'asile mais qu'il s'opposait à un retour aidé dans son pays d'origine. M. C...en déduit que le préfet de la Mayenne ne pouvait se fonder sur le relevé d'empreintes effectué sur la base des dispositions de l'article 17-1-b) du règlement n° 603/2013 dès lors qu'il n'est pas établi qu'il s'est opposé à son renvoi dans son pays d'origine lors de cet entretien réalisé à la préfecture de police à Paris. D'une part, s'il ne ressort effectivement pas des pièces du dossier que M. C... a souhaité demander une protection internationale en France dès le 7 juin 2017, il a fait part à l'occasion de cet entretien de ce qu'il était entré en Italie le 25 octobre 2016 et y avait séjourné trois mois, avant de se rendre en Allemagne où il avait séjourné quatre mois. Dans ces conditions, et alors même que le préfet de la Mayenne ne justifie pas de ce que M. C...s'opposait alors à son renvoi dans son pays d'origine, il était loisible aux autorités françaises de transmettre au système central les données dactyloscopiques relatives à ses empreintes digitales en vue de vérifier si M. C...n'avait pas auparavant introduit une demande de protection internationale dans un autre État membre. D'autre part, M. C...a exprimé une demande de protection internationale lors de l'entretien qui s'est tenu dans les services de la préfecture de la Loire-Atlantique le 8 août 2017. Ainsi, le moyen tiré de ce que le préfet ne pouvait se fonder sur les dispositions de l'article 17-1-b) du règlement n° 603/2013 pour relever ses empreintes digitales doit être écarté.

7. En troisième lieu, selon l'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " 1. Dès qu'une demande de protection internationale est introduite au sens de l'article 20, paragraphe 2, dans un État membre, ses autorités compétentes informent le demandeur de l'application du présent règlement,(...) 2. Les informations visées au paragraphe 1 sont données par écrit, dans une langue que le demandeur comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'il la comprend.(...). ".

8. Il ressort des pièces du dossier que M. C... s'est vu remettre dès le 7 juin 2017, lors de l'entretien individuel organisé à la préfecture de police de Paris, une brochure d'information pour les demandeurs d'asile dans le cadre de la procédure " Dublin " rédigée par la Commission (guide B) et une brochure d'information sur le règlement Dublin contenant une information générale sur la demande d'asile et le relevé d'empreintes, rédigée par la Commission (guide A). Cette information lui a été délivrée avec l'aide d'un traducteur en langue somali, langue que M. C... a déclaré comprendre. Il a en outre bénéficié de ces informations et de l'assistance d'un interprète au guichet unique de la préfecture de la Loire-Atlantique, lors de l'entretien individuel organisé pour le dépôt effectif de sa demande d'asile, et a reçu à cette occasion le guide du demandeur d'asile. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 4 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 doit être écarté.

9. En quatrième lieu, à la différence de l'obligation d'information instituée par le règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013, qui prévoit un document d'information sur les droits et obligations des demandeurs d'asile, dont la remise doit intervenir au début de la procédure d'examen des demandes d'asile pour permettre aux intéressés de présenter utilement leur demande aux autorités compétentes, l'obligation d'information prévue par les dispositions de l'article 29, paragraphe 1, du règlement (UE) n° 603/2013 du 26 juin 2013 a uniquement pour objet et pour effet de permettre d'assurer la protection effective des données personnelles des demandeurs d'asile concernés, laquelle est garantie par l'ensemble des Etats membres relevant du régime européen d'asile commun. Ce droit d'information des demandeurs d'asile contribue, au même titre que le droit de communication, le droit de rectification et le droit d'effacement de ces données, à cette protection. La méconnaissance de cette obligation d'information dans une langue comprise par l'intéressé ne peut être utilement invoquée à l'encontre des décisions par lesquelles l'Etat français remet un demandeur d'asile aux autorités compétentes pour examiner sa demande.

10. En cinquième lieu, en se bornant à soutenir qu'il ne s'est pas opposé lors de l'entretien organisé en préfecture de police le 7 juin 2017 à un retour aidé dans son pays d'origine et qu'il a toujours eu l'intention de demander l'asile en France, M. C... n'établit pas que le préfet de la Mayenne a entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation en prescrivant sa remise aux autorités italiennes.

En ce qui concerne l'arrêté d'assignation à résidence :

11. Il résulte des points 4 à 9 du présent arrêt que M. C... n'est pas fondé à se prévaloir de l'illégalité de la décision ordonnant sa remise aux autorités italiennes.

12. Il résulte de tout ce qui précède que M. C... n'est fondé ni à demander l'annulation de l'arrêté portant réadmission vers l'Italie, ni à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné du tribunal administratif de Nantes a rejeté ses conclusions dirigées contre l'arrêté du même jour l'assignant à résidence.

Sur le surplus des conclusions :

13. Doivent être rejetées par voie de conséquence les conclusions présentées par M. C... tendant au bénéfice des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Nantes du 8 septembre 2017 est annulé en tant qu'il statue sur l'arrêté du préfet de la Mayenne portant remise aux autorités italiennes.

Article 2 : La demande présentée par M. C... devant le tribunal administratif de Nantes contre l'arrêté du préfet de la Mayenne du 22 août 2017 portant remise aux autorités italiennes et le surplus des conclusions de sa requête devant la cour sont rejetés.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... C...et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur.

Une copie en sera transmise pour information au préfet de la Mayenne.

Délibéré après l'audience du 2 octobre 2018, à laquelle siégeaient :

- M. Lainé, président de chambre,

- Mme Tiger-Winterhalter, présidente assesseure,

- Mme Allio-Rousseau, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 19 octobre 2018.

Le rapporteur,

M-P. Allio-RousseauLe président,

L. Lainé

Le greffier,

V. Desbouillons

La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

3

N° 17NT03067


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 17NT03067
Date de la décision : 19/10/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. LAINE
Rapporteur ?: Mme Marie-Paule ALLIO-ROUSSEAU
Rapporteur public ?: M. BRECHOT
Avocat(s) : CABINET GOUEDO

Origine de la décision
Date de l'import : 30/10/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2018-10-19;17nt03067 ?
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