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05/10/2018 | FRANCE | N°18NT00454

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 4ème chambre, 05 octobre 2018, 18NT00454


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Le préfet d'Ille-et-Vilaine a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler la délibération du 17 mars 2017 par laquelle le conseil municipal de Bovel a refusé le déploiement des compteurs " Linky " sur le territoire de la commune, et la délibération du 23 juin 2017 par laquelle ce même conseil municipal a rejeté son recours gracieux.

Par un jugement n° 1703803 du 7 décembre 2017, le tribunal administratif de Rennes a annulé ces délibérations.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 5 février 2018, la commune de Bovel, représentée par MeC..., dem...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Le préfet d'Ille-et-Vilaine a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler la délibération du 17 mars 2017 par laquelle le conseil municipal de Bovel a refusé le déploiement des compteurs " Linky " sur le territoire de la commune, et la délibération du 23 juin 2017 par laquelle ce même conseil municipal a rejeté son recours gracieux.

Par un jugement n° 1703803 du 7 décembre 2017, le tribunal administratif de Rennes a annulé ces délibérations.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 5 février 2018, la commune de Bovel, représentée par MeC..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Rennes du 7 décembre 2017 ;

2°) de rejeter la demande présentée par le préfet d'Ille-et-Vilaine devant le tribunal administratif de Rennes ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement est irrégulier en raison de son insuffisante motivation ; le tribunal n'a pas répondu, ne serait-ce qu'implicitement, au moyen selon lequel l'interprétation qu'il donne de la combinaison des articles L. 322-4 du code de l'énergie et L. 2224-31 du code général des collectivités territoriales méconnaît l'article 17 de la déclaration des droits de l'Homme et du citoyen ;

- en application des dispositions de l'article L. 1321-1 du code général des collectivités territoriales, en cas de transfert de compétence d'une collectivité à une autre, les biens nécessaires à l'exercice de cette compétence sont mis à disposition de la collectivité bénéficiaire ; ils ne deviennent pas sa propriété dès lors qu'en application de l'article 1er du premier protocole à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 17 de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen, les personnes publiques ne peuvent pas être privées de leurs propriétés, sans nécessité publique légalement reconnue, ni juste et préalable indemnité ;

- l'article L. 322-4 du code de l'énergie n'institue pas un régime particulier de transfert de compétence aux termes duquel le syndicat départemental d'énergie d'Ille-et-Vilaine serait propriétaire ;

- les compteurs électriques qui font partie du réseau public d'électricité, et qui étaient installés sur la commune avant le transfert de la compétence en matière de distribution de réseau au syndicat départemental d'électricité du Finistère, font toujours partie du domaine public de la commune ; elle est donc la seule compétente pour décider la sortie de ces biens de son domaine public en constatant par une délibération leur désaffectation et en prononçant le déclassement.

Par un mémoire en intervention, enregistré le 23 mai 2018, la société Enedis, représentée par MeB..., conclut au rejet de requête.

Elle soutient que les moyens soulevés par la commune de Bovel ne sont pas fondés.

Par une ordonnance n°18NT00454 QPC du 27 août 2018, le président de la 4ème chambre de la cour a jugé qu'il n'y avait pas lieu de transmettre au Conseil d'État la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par la commune de Bovel tirée de l'inconstitutionnalité des dispositions de l'article L. 322-4 du code de l'énergie et du IV de l'article L. 2224-31 du code général des collectivités territoriales.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la déclaration des droits de l'homme et du citoyen;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'énergie ;

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Allio-Rousseau,

- les conclusions de M. Bréchot, rapporteur public,

- et les observations de MeB..., représentant la SA Enedis.

Considérant ce qui suit :

1. Par une délibération du 17 mars 2017, le conseil municipal de la commune de Bovel a refusé l'élimination sur son territoire des compteurs électriques existants et leur remplacement par les compteurs communiquants dits " Linky ". Par une délibération du 23 juin 2017, le conseil municipal a décidé de maintenir son opposition à ce déploiement et rejeté en conséquence le recours gracieux formé par le préfet d'Ille-et-Vilaine. La commune de Bovel relève appel du jugement du 7 décembre 2017 par lequel le tribunal administratif de Rennes a, suite au déféré du préfet, annulé ces deux délibérations.

Sur l'intervention de la société Enedis :

2. Les délibérations contestées concernent le déploiement des compteurs " Linky " sur le territoire de la commune de Bovel. Il résulte des dispositions des articles L. 111-52 et L. 341-4 du code de l'énergie que la société Enedis, gestionnaire national du réseau public d'électricité, est investie d'une mission de service public impliquant notamment le déploiement des nouveaux compteurs. Elle justifie ainsi d'un intérêt suffisant, eu égard à la nature et à l'objet du litige, pour intervenir à l'instance.

Sur la légalité des délibérations contestées :

3. En premier lieu, aux termes de l'article L. 322-4 du code de l'énergie : " Sous réserve des dispositions de l'article L. 324-1, les ouvrages des réseaux publics de distribution, y compris ceux qui, ayant appartenu à Electricité de France, ont fait l'objet d'un transfert au 1er janvier 2005, appartiennent aux collectivités territoriales ou à leurs groupements désignés au IV de l'article L. 2224-31 du code général des collectivités territoriales.(...) ". Par ailleurs, aux termes de l'article L. 2224-31 du code général des collectivités territoriales : " I. - (...) les collectivités territoriales ou leurs établissements publics de coopération, en tant qu'autorités concédantes de la distribution publique d'électricité (...), négocient et concluent les contrats de concession, et exercent le contrôle du bon accomplissement des missions de service public fixées, pour ce qui concerne les autorités concédantes, par les cahiers des charges de ces concessions. / Les autorités concédantes précitées assurent le contrôle des réseaux publics de distribution d'électricité (...) IV. - (...). / L'autorité organisatrice d'un réseau public de distribution, exploité en régie ou concédé, est la commune ou l'établissement public de coopération auquel elle a transféré cette compétence, ou le département s'il exerce cette compétence à la date de publication de la loi n° 2004-803 du 9 août 2004 relative au service public de l'électricité et du gaz et aux entreprises électriques et gazières. (...) ". Il résulte de ces dispositions combinées que la propriété des ouvrages publics de distribution d'électricité, dont font partie les compteurs communiquants Linky, est attachée à la qualité d'autorité organisatrice du réseau public de distribution d'électricité.

4. La commune de Bovel est membre du syndicat mixte départemental d'énergie d'Ille-et-Vilaine. Il est constant que ce syndicat a la qualité d'autorité organisatrice du service public de distribution d'électricité. Dans ces conditions, en application des dispositions combinées de l'article L. 322-4 du code de l'énergie et du IV de l'article L. 2224-31 du code général des collectivités territoriales, c'est le syndicat mixte départemental d'énergie d'Ille-et-Vilaine qui, depuis le transfert de la compétence antérieurement détenue par la commune de Bovel, est propriétaire des ouvrages affectés à ces réseaux et notamment des compteurs électriques installés sur le territoire de cette commune. Il en résulte que le conseil municipal de la commune de Bovel ne disposait pas, sur le fondement de ces textes, de la compétence pour s'opposer au déploiement des compteurs " Linky " sur son territoire.

5. En deuxième lieu, dès lors que la commune de Bovel n'est pas, par l'effet des dispositions de l'article L. 322-4 du code de l'énergie et du IV de l'article L. 2224-31 du code général des collectivités territoriales, propriétaire des compteurs électriques, qui, en tant que dispositifs de comptage, font partie du réseau public de distribution d'électricité, elle n'est pas fondée à se prévaloir des dispositions de l'article L. 1321-1 du code général des collectivités territoriales pour soutenir qu'elle a conservé la propriété des compteurs électriques depuis le transfert de la compétence en matière d'organisation des réseaux de distribution publique d'électricité au syndicat départemental d'énergie d'Ille-et-Vilaine. Il en résulte que le conseil municipal de Bovel n'avait pas davantage compétence pour subordonner, par ces mêmes délibérations, la désaffectation des compteurs d'électricité existants et leur remplacement par les dispositifs de comptage " Linky " à un accord préalable de la commune et à une décision de désaffectation prise par le conseil municipal.

6. En troisième lieu, il résulte des points 3 à 5 que le moyen fondé sur la circonstance que l'annulation des délibérations des 17 mars 2017 et 23 juin 2017 aurait pour conséquence de porter atteinte au droit de propriété de la commune, protégé par les dispositions de l'article 1er du premier protocole à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et celles de l'article 17 de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen, est inopérant puisque la commune de Bovel ne peut, à la date de ces délibérations, se prévaloir d'aucun droit de propriété sur les éléments du réseau public de distribution d'électricité.

7. Il résulte de tout ce qui précède que la commune de Bovel n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, lequel est suffisamment motivé, le tribunal administratif de Rennes a annulé les délibérations de son conseil municipal des 17 mars 2017 et 23 juin 2017.

Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

8. Ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, la somme que demande la commune de Bovel au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.

DÉCIDE :

Article 1er : L'intervention de la société Enedis est admise.

Article 2 : La requête de la commune de Bovel est rejetée.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Bovel, au préfet d'Ille-et-Vilaine et à la société Enedis.

Délibéré après l'audience du 18 septembre 2018, à laquelle siégeaient :

- M. Lainé, président de chambre,

- Mme Tiger-Winterhalter, présidente assesseure,

- Mme Allio-Rousseau, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 5 octobre 2018.

Le rapporteur,

M-P. Allio-RousseauLe président,

L. Lainé

Le greffier,

M. A...

La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 18NT00454


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 18NT00454
Date de la décision : 05/10/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

135-02-03-03-07 COLLECTIVITÉS TERRITORIALES. COMMUNE. ATTRIBUTIONS. SERVICES COMMUNAUX. GA ET ÉLECTRICITÉ. - RÉSEAU PUBLIC DE DISTRIBUTION D'ÉLECTRICITÉ- AUTORITÉ ORGANISATRICE DU RÉSEAU- COMMUNE AYANT TRANSFÉRÉ CETTE COMPÉTENCE À UN ÉTABLISSEMENT PUBLIC DE COOPÉRATION- PROPRIÉTÉ DES OUVRAGES PUBLICS DE DISTRIBUTION - COMPTEURS « LINKY ».

135-02-03-03-07 Aux termes de l'article L. 322-4 du code de l'énergie: «Sous réserve des dispositions de l'article L. 324-1, les ouvrages des réseaux publics de distribution, y compris ceux qui, ayant appartenu à Electricité de France, ont fait l'objet d'un transfert au 1er janvier 2005, appartiennent aux collectivités te1TÎtoriales ou à leurs groupements désignés au IV de l'article L. 2224-31 du code général des collectivités territoriales. (... ) ». Par ailleurs, aux termes de l'article L. 2224-31 du code général des collectivités territoriales:« 1.- (...)les collectivités territoriales ou leurs établissements publics de coopération, en tant qu'autorités concédantes de la distribution publique d'électricité ( ...), négocient et concluent les contrats de concession, et exercent le contrôle du bon accomplissement des missions de service public fixées, pour ce qui concerne les autorités concédantes, par les cahiers des charges de ces concessions. 1 Les autorités concédantes précitées assurent le contrôle des réseaux publics de distribution d'électricité (... ) IV. - ( ... ). 1 L'autorité organisatrice d'un réseau public de distribution, exploité en régie ou concédé, est la commune ou l'établissement public de coopération auquel elle a transféré cette compétence, ou le département s'il exerce cette compétence à la date de publication de la loi n° 2004-803 du 9 août 2004 relative au service public de l'électricité et du gaz et aux entreprises électriques et gazières. ( ...) ».,,,Il résulte de ces dispositions combinées que la propriété des ouvrages publics de distribution d'électricité est attachée à la qualité d'autorité organisatrice du réseau public de distribution d'électricité.,,,Un syndicat départemental d'énergie et d'équipement, auquel une commune a transféré sa compétence en matière d'électricité, a la qualité d'autorité organisatrice du service public de distribution d'électricité au sens des dispositions du IV de l'article L. 2224-31 du code général des collectivités territoriales,. Dans ces conditions, et en application des dispositions combinées de l'article L. 322-4 du code de l'énergie, il est propriétaire des ouvrages affectés à ces réseaux et notamment des compteurs électriques. En conséquence, ni le conseil municipal d'une commune membre ni son maire ne disposent, sur le fondement de ces textes, de la compétence pour s'opposer ou conditionner le déploiement des compteurs « Linky » sur le territoire de la commune.


Composition du Tribunal
Président : M. LAINE
Rapporteur ?: Mme Marie-Paule ALLIO-ROUSSEAU
Rapporteur public ?: M. BRECHOT
Avocat(s) : SELAS ADAMAS - AFFAIRES PUBLIQUES

Origine de la décision
Date de l'import : 19/02/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2018-10-05;18nt00454 ?
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