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01/10/2018 | FRANCE | N°17NT02999

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 2ème chambre, 01 octobre 2018, 17NT02999


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C...a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision du 18 septembre 2015 par laquelle le ministre de l'intérieur a ajourné à deux ans sa demande de naturalisation.

Par un jugement n° 1510145 du 20 septembre 2017, le tribunal administratif de Nantes a fait droit à sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une recours enregistré le 28 septembre 2017 et un mémoire du 15 février 2018, le ministre de l'intérieur demande à la cour d'annuler le jugement du 20 s

eptembre 2017.

Il soutient que :

- son recours en appel est recevable ;

- aucune erreur m...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C...a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision du 18 septembre 2015 par laquelle le ministre de l'intérieur a ajourné à deux ans sa demande de naturalisation.

Par un jugement n° 1510145 du 20 septembre 2017, le tribunal administratif de Nantes a fait droit à sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une recours enregistré le 28 septembre 2017 et un mémoire du 15 février 2018, le ministre de l'intérieur demande à la cour d'annuler le jugement du 20 septembre 2017.

Il soutient que :

- son recours en appel est recevable ;

- aucune erreur manifeste d'appréciation n'a été commise eu égard à la gravité des faits d'atteinte à l'intégrité physique d'une personne et à leur absence d'ancienneté ;

- les autres moyens soulevés par Mme C...doivent être écartés dès lors qu'aucune incompétence du signataire de la décision ne peut être relevée et que la décision est correctement motivée ;

- c'est à tort que Mme C...soutient que l'acte entrepris se réfère à une procédure inscrite au TAJ / STIC puisqu'il se fonde sur les renseignements donnés par le parquet du procureur de la République du tribunal de grande instance de Créteil indiquant que l'affaire a été classée sans suite après rappel à la loi.

Par des mémoires enregistrés les 11 janvier 2018 et 23 avril 2018, MmeC..., représentée par MeD..., conclut :

- à la confirmation du jugement du 20 septembre 2017 ;

- à l'annulation de la décision du ministre de l'intérieur du 18 septembre 2015 et de la décision du 18 mars 2015 du sous-préfet de l'Hay les Roses ;

- à ce qu'il soit enjoint à l'Etat de lui octroyer la nationalité française dans un délai d'un mois suivant la notification de l'arrêt à intervenir, ou subsidiairement de procéder au réexamen de sa demande, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

- à ce qu'il soit mis à la charge de l'Etat une somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article L 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient que :

- la requête d'appel est irrecevable faute de contenir une critique du jugement entrepris en méconnaissance de l'article R 411-1 du code de justice administrative ;

- ses conclusions sont dirigées contre la décision du ministre, la décision du sous-préfet n'étant invoquée qu'à la marge ;

- la décision litigieuse est illégale dès lors que la matérialité des faits est contestable, les faits étant mineurs, isolés et anciens de plus de huit ans ; il n'a pas été procédé à un examen circonstancié de sa situation et des faits reprochés ; son comportement est exemplaire et elle est parfaitement bien intégrée dans la société ;

- la circulaire du ministre de l'intérieur du 21 juin 2013 a été méconnue ;

- la décision n'est pas motivée ;

- un vice de procédure a été commis dès lors qu'il a été procédé à une consultation de données personnelles par des personnes non habilitées en violation de l'article R 40-29 du code de procédure pénale ; l'enquête administrative s'est fondée sur des mentions figurant sur le TAJ / STIC ;

- l'article 8 de la convention européenne des droits de l'homme a été violé.

Le 19 avril 2018, les parties ont été informées, en application de l'article R 611-7 du code de justice administrative de ce que l'arrêt à intervenir est susceptible d'être fondé sur l'irrecevabilité des conclusions dirigées contre la décision du sous-préfet, la décision du ministre de l'intérieur s'y étant substituée.

Vu les autres pièces du dossier

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales;

- le code civil ;

- le code de procédure pénale ;

- la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 ;

- le décret n° 93-1362 du 30 décembre 1993 ;

- le décret n° 2005-850 du 27 juillet 2005 ;

- le décret n° 2009-1671 du 28 décembre 2009.

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Brisson.

- les conclusions de M Derlange, rapporteur public,

- les observations de Mme G...représentant le ministre de l'intérieur.

Considérant ce qui suit :

1. MmeC..., ressortissante vietnamienne, a déposé une demande de naturalisation. A la suite du recours formé contre la décision préfectorale du 18 mars 2015 portant rejet de cette demande, le ministre de l'intérieur a, aux termes de sa décision du 18 septembre 2018, décidé d'ajourner à deux ans la demande. Le ministre de l'intérieur relève appel du jugement du 20 septembre 2017 par lequel le tribunal administratif d'Orléans a annulé la décision du 18 septembre 2015.

Sur la fin de non-recevoir opposée à la requête d'appel :

2. Aux termes de l'article R. 411-1 du code de justice administrative : " La juridiction est saisie par requête (...) Elle contient l'exposé des faits et moyens, ainsi que l'énoncé des conclusions soumises au juge " . Le ministre soutient que c'est à tort que le tribunal a jugé que le fait à l'origine de la procédure de rappel à la loi, relatif à une atteinte portée à l'intégrité physique d'une personne, présentait un caractère relativement ancien et isolé et qu'il avait ainsi commis une erreur manifeste d'appréciation . La requête d'appel, qui contient l'exposé des faits et moyens, est par suite recevable.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

3. Aux termes de l'article 21-15 du code civil : " (...) l'acquisition de la nationalité française par décision de l'autorité publique résulte d'une naturalisation accordée par décret à la demande de l'étranger ". Aux termes de l'article 48 du décret du 30 décembre 1993 susvisé : " (...) Si le ministre chargé des naturalisations estime qu'il n'y a pas lieu d'accorder la naturalisation ou la réintégration sollicitée, il prononce le rejet de la demande. Il peut également en prononcer l'ajournement en imposant un délai ou des conditions. Ce délai une fois expiré ou ces conditions réalisées, il appartient à l'intéressé, s'il le juge opportun, de déposer une nouvelle demande. ".

4. En vertu de ces dispositions, il appartient au ministre de porter une appréciation sur l'intérêt d'accorder la nationalité française à l'étranger qui la sollicite. Dans le cadre de cet examen, il peut légalement prendre en compte les renseignements défavorables recueillis sur le comportement du postulant.

5. Pour ajourner à deux ans la demande de naturalisation présentée par MmeC..., le ministre de l'intérieur s'est fondé sur la circonstance que l'intéressée a fait l'objet d'une procédure pour violences ayant entraîné une incapacité de travail n'excédant pas huit jours le 15 avril 2009 et qu'un rappel à la loi lui a été adressé, pour ce motif, le 8 septembre 2009.

6. Si Mme C...soutient que la procédure pénale la concernant a été classée sans suite par le procureur de la République, qu'elle est bien intégrée dans la société française, ces circonstances ne font pas obstacle à ce que le ministre prenne en considération ces faits qui n'étaient ni anciens, ni dépourvus de gravité, pour apprécier le comportement de l'intéressée. Dans le cadre du large pouvoir d'appréciation dont il dispose, le ministre a pu, sans commettre d'erreur manifeste d'appréciation, décider d'ajourner à deux ans la demande de naturalisation de MmeC.... Par suite, c'est à tort que les premiers juges ont annulé la décision contestée du ministre au motif qu'elle était entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.

7. Toutefois, il appartient à la cour administrative d'appel, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par Mme C...devant le tribunal administratif de Nantes et devant la cour.

8. En premier lieu, le directeur de l'accueil, de l'intégration et de la citoyenneté au ministère de l'intérieur, qui bénéficie d'une délégation du ministre en application de l'article 1er du décret du 27 juillet 2005 susvisé, a consenti à M. F...E..., attaché d'administration de l'Etat, une délégation de signature par une décision du 20 mai 2015, régulièrement publiée au Journal officiel de la République française le 24 mai suivant. Dès lors, le moyen tiré de l'incompétence du signataire de la décision contestée doit être écarté.

9. En deuxième lieu, la décision du ministre du 18 septembre 2015 comporte l'énoncé des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de cette décision, en méconnaissance des dispositions de l'article 49 du décret du 30 décembre 1993, doit être écarté.

10. En troisième lieu, aux termes de l'article 10 de la loi du 6 janvier 1978 : " Aucune décision de justice impliquant une appréciation sur le comportement d'une personne ne peut avoir pour fondement un traitement automatisé de données à caractère personnel destiné à évaluer certains aspects de sa personnalité. Aucune autre décision produisant des effets juridiques à l'égard d'une personne ne peut être prise sur le seul fondement d'un traitement automatisé de données destiné à définir le profil de l'intéressé ou à évaluer certains aspects de sa personnalité (...) ".

11. Il ressort des pièces du dossier que pour prendre sa décision le ministre s'est fondé sur les conclusions de l'enquête diligentée auprès du procureur de la République de Créteil lequel, le 23 février 2015, a porté à sa connaissance que la procédure pénale engagée à l'encontre de Mme C...a été classée sans suite le 8 septembre 2009 et qu'un rappel à la loi lui a été adressé. Dans ces conditions, la requérante n'est pas fondée à se prévaloir de la méconnaissance des dispositions précitées.

12. En dernier lieu, la décision par laquelle est ajournée une demande de naturalisation n'est pas, par nature, susceptible de porter atteinte au droit au respect de la vie privée et familiale. Ainsi, le moyen tiré de ce que la décision contestée aurait méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.

13. Il résulte de tout ce qui précède que le ministre de l'intérieur est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a annulé sa décision du 18 septembre 2015 ajournant à deux ans la demande de naturalisation de MmeC....

Sur les conclusions à fin d'injonction :

14. Le rejet des conclusions à fin d'annulation n'appelle aucune mesure d'exécution. Les conclusions présentées par Mme C...sur le fondement des articles L 911-1 et L 911-2 du code de justice administrative ne peuvent dès lors qu'être rejetées ;

Sur les frais liés au litige :

15. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que demande Mme C...au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Nantes du 20 septembre 2017 est annulé.

Article 2 : La demande présentée par Mme C...devant le tribunal administratif de Nantes est rejetée.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur et à Mme B... C...

Délibéré après l'audience du 11 septembre 2018 à laquelle siégeaient :

- M Perez, président de chambre,

- Mme Brisson, président-assesseur,

- MA...'hirondel, premier conseiller

Lu en audience publique, le 01er octobre 2018.

Le rapporteur,

C. BRISSON

Le président,

A. PÉREZ

Le greffier,

K BOURON

La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 17NT02999


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 17NT02999
Date de la décision : 01/10/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. PEREZ
Rapporteur ?: Mme Christiane BRISSON
Rapporteur public ?: M. DERLANGE
Avocat(s) : JOORY

Origine de la décision
Date de l'import : 09/10/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2018-10-01;17nt02999 ?
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