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01/10/2018 | FRANCE | N°17NT02858

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 2ème chambre, 01 octobre 2018, 17NT02858


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société civile du domaine, la société civile du manoir et Mme E...ont demandé au tribunal administratif de Caen d'annuler la délibération du 4 juillet 2015 par laquelle le conseil municipal de Champeaux a approuvé le plan local d'urbanisme ainsi que la décision par laquelle le maire de cette commune a implicitement rejeté un recours gracieux formé contre cette délibération.

Par un jugement n° 1502518 du 18 juillet 2017, le tribunal administratif de Caen a rejeté leur demande.

Procé

dure devant la cour :

Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés le 17 septem...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société civile du domaine, la société civile du manoir et Mme E...ont demandé au tribunal administratif de Caen d'annuler la délibération du 4 juillet 2015 par laquelle le conseil municipal de Champeaux a approuvé le plan local d'urbanisme ainsi que la décision par laquelle le maire de cette commune a implicitement rejeté un recours gracieux formé contre cette délibération.

Par un jugement n° 1502518 du 18 juillet 2017, le tribunal administratif de Caen a rejeté leur demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés le 17 septembre 2017 et le 27 février 2018, la société civile du domaine et la société civile du manoir, représentées par la SCP Souron, demandent à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Caen du 18 juillet 2017 ;

2°) d'annuler la délibération et la décision contestées ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Champeaux une somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elles soutiennent que :

- les conseillers municipaux n'ont disposé, ni avant la séance du 4 juillet 2015 ni au cours de cette séance, du plan de zonage du plan local d'urbanisme dans sa version correspondant au plan local d'urbanisme qui a été approuvé ; ils n'ont pas été précisément informés des modifications apportées par rapport au projet de plan local d'urbanisme qui avait été soumis à enquête publique ;

- les observations qu'elles ont formulées au cours de l'enquête publique auprès du commissaire enquêteur ainsi que leurs correspondances n'ayant pas été annexées au registre d'enquête, elles n'ont, par conséquent, pas pu être consultées au siège de l'enquête publique en méconnaissance de l'article R. 123-13 du code de l'environnement ; le cahier des recommandations architecturales n'a pas été annexé au registre ;

- l'avis du commissaire enquêteur est insuffisamment motivé ;

- l'article R. 123-2 du code de l'urbanisme a été méconnu dès lors que le rapport de présentation est lacunaire s'agissant de l'analyse de l'état initial de l'environnement relatif aux paysages, à l'urbanisation et à l'architecture du secteur concerné par la zone 2AU et ne comporte aucune motivation quant au choix de leurs parcelles pour la zone d'urbanisation future ; le règlement n'expose pas non plus ces choix ;

- le classement des parcelles n° 27, 28, 29, 30 et 31 en zone 2AU est entaché d'erreur manifeste d'appréciation, notamment au regard des articles L. 123-1-5 et L. 130-1 du code de l'urbanisme ; ce classement n'est cohérent ni avec les objectifs énoncés dans le rapport de présentation ni avec ceux exposés dans le projet d'aménagement et de développement durables ;

- il méconnaît les dispositions du I de l'article L. 146-1 du code de l'urbanisme ;

- la création d'un emplacement réservé sur la parcelle n° 26 est entachée d'erreur manifeste d'appréciation.

Par un mémoire en défense, enregistré le 8 janvier 2018, la commune de Champeaux, représentée par MeB..., conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge des sociétés requérantes d'une somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que :

- la requête ne répond pas aux exigences de motivation qui découlent de l'article R. 411-1 du code de justice administrative et est, par suite, irrecevable ;

- les sociétés requérantes ne sont pas recevables à demander l'annulation de la décision du maire rejetant le recours gracieux formé contre la délibération du 4 juillet 2015 dès lors qu'elles ne sont pas l'auteur de ce recours ;

- le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 2121-12 du code général des collectivités territoriales est inopérant ;

- les autres moyens invoqués par les requérantes ne sont pas fondés.

Vu :

- les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de l'environnement ;

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Bougrine,

- les conclusions de M. Derlange, rapporteur public,

- et les observations de MeC..., substituant MeD..., représentant la société civile du manoir et la société civile du domaine et de MeA..., substituant MeB..., représentant la commune de Champeaux.

Considérant ce qui suit :

1. Le plan local d'urbanisme de Champeaux (Manche), approuvé par une délibération du conseil municipal de cette commune du 4 juillet 2015, a classé les parcelles cadastrées n° 27, 28, 29, 30, et 31, appartenant à la société civile du domaine, en zone 2AU et a créé, sur la parcelle cadastrée n° 26, appartenant à la société civile du manoir, un emplacement réservé en vue d'y réaliser une aire de stationnement. La société civile du domaine et la société civile du manoir relèvent appel du jugement du 18 juillet 2017 par lequel le tribunal administratif de Caen a rejeté leur demande tendant à l'annulation de la délibération du 4 juillet 2015 et de la décision du maire de la commune rejetant implicitement le recours gracieux formé le 3 septembre 2015.

Sur les conclusions aux fins d'annulation :

En ce qui concerne la légalité externe du plan local d'urbanisme :

2. En premier lieu, d'une part, en vertu des articles L. 2121-10 et L. 2121-11 du code général des collectivités territoriales, le conseil municipal est convoqué par le maire et les convocations sont adressées, s'agissant des communes de moins de 3 500 habitants, trois jours francs au moins avant celui de la réunion. D'autre part, aux termes de l'article L. 2121-13 de ce code : " Tout membre du conseil municipal a le droit, dans le cadre de sa fonction, d'être informé des affaires de la commune qui font l'objet d'une délibération. ".

3. Il résulte des dispositions précitées que les membres du conseil municipal tiennent de leur qualité de membres de cette assemblée appelés à délibérer sur les affaires de la commune, le droit d'être informés de tout ce qui touche à ces affaires dans des conditions leur permettant de remplir normalement leur mandat et qu'à l'occasion d'une délibération du conseil municipal, les membres de ce dernier doivent pouvoir consulter les pièces et documents nécessaires à leur information sur l'affaire faisant l'objet de cette délibération. Il s'ensuit que s'ils doivent disposer des projets de délibération et des documents préparatoires qui les accompagnent au début des séances au cours desquelles ces projets doivent être soumis au vote du conseil municipal, aucune disposition ni aucun principe n'impose au maire de communiquer aux conseillers municipaux, en l'absence d'une demande de leur part, le plan local d'urbanisme préalablement à la séance au cours de laquelle son approbation est soumise au vote.

4. Alors que la commune verse aux débats la convocation des conseillers municipaux à la séance du 4 juillet 2015, laquelle mentionne expressément comme point inscrit à l'ordre du jour l'approbation du plan local d'urbanisme, il ne ressort pas des pièces du dossier ni même n'est allégué qu'un membre du conseil municipal aurait vainement demandé à prendre connaissance de l'entier dossier. Les requérantes ne peuvent ainsi utilement se prévaloir des circonstances, dont la réalité est au demeurant contestée, que les conseillers municipaux n'auraient pas disposé, avant la réunion du conseil municipal, de la dernière version du plan de zonage ni qu'ils n'auraient pas été informés des modifications apportées au projet de plan local d'urbanisme. Par ailleurs, au soutien de leurs allégations selon lesquelles le plan de zonage figurant dans le plan local d'urbanisme approuvé diffère de celui mis à la disposition des conseillers lors de la séance du 4 juillet 2015, les sociétés requérantes se bornent à produire le témoignage d'un tiers, présentant toutefois un lien de parenté avec un de leurs associés, ayant assisté à la séance du conseil municipal du 17 septembre 2015 au cours de laquelle un conseiller municipal aurait déclaré n'avoir jamais eu connaissance du classement des parcelles cadastrées n° 27, 28, 29, 30, et 31 en zone 2AU. Toutefois, la commune produit un courrier émis par ce conseiller municipal dans lequel celui-ci, après avoir précisé qu'il n'avait pas sollicité la communication de documents avant le vote du 4 juillet 2015, indique à propos de la séance du 17 septembre 2015 : " J'y ai exprimé mon regret que l'on attaque le PLU et les coûts probables d'une telle démarche pour la mairie. (NB Il est évident sur ce point je ne peux ni ne veux mentir, j'ai bien dit au conseil municipal que 2 AU ne voulait rien dire : " oubli " ou " pas vu le plan avec 2 AU " '', les deux versions sont possibles, sincèrement je suis incapable de trancher, j'avais regardé juste avant le conseil le vieux CD ROM qui n'avait pas ces mentions 1 AU 2 AU ". La teneur de ces deux témoignages ne permet pas de regarder comme établie la discordance entre le plan de zonage soumis à l'examen des conseillers municipaux au cours de la séance du 4 juillet 2015 et celui ayant été approuvé. Dès lors, le moyen tiré de la méconnaissance des articles L. 2121-13 et L. 2121-13-1 du code général des collectivités territoriales doit être écarté.

5. En deuxième lieu, aux termes de l'article R. 123-19 du code de l'urbanisme, dans sa rédaction applicable au présent litige : " Le projet de plan local d'urbanisme est soumis à l'enquête publique par le président de l'établissement public de coopération intercommunale compétent ou par le maire dans les formes prévues par le chapitre III du titre II du livre Ier du code de l'environnement (...) ". Aux termes de l'article R. 123-13 du code de l'environnement : " Pendant la durée de l'enquête, le public peut consigner ses observations, propositions et contre-propositions sur le registre d'enquête, établi sur feuillets non mobiles, coté et paraphé par le commissaire enquêteur (...), tenu à leur disposition dans chaque lieu où est déposé un dossier. / Les observations, propositions et contre-propositions peuvent également être adressées par correspondance au commissaire enquêteur (...) au siège de l'enquête (...). Elles sont tenues à la disposition du public au siège de l'enquête dans les meilleurs délais. / En outre, les observations écrites et orales du public sont également reçues par le commissaire enquêteur (...), aux lieux, jours et heures qui auront été fixés et annoncés (...). / Les observations du public sont consultables et communicables aux frais de la personne qui en fait la demande pendant toute la durée de l'enquête. ".

6. Il ressort des pièces du dossier et notamment du document établi par le commissaire enquêteur à l'attention du maire, du préfet et du président du tribunal administratif l'ayant désigné, qu'un registre d'enquête publique a été tenu et que celui-ci contient les observations formulées par deux des associés des sociétés requérantes lors de la permanence tenue le 15 novembre 2014. Ce document comporte également les lettres, numérotées 2, 4, 5, 6 et 7, adressées au commissaire enquêteur par les intéressés. Il ne ressort d'aucun des éléments du dossier que le registre et les correspondances mentionnés ci-dessus n'auraient pas été mis à la disposition du public pendant la durée de l'enquête. Le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions précitées de l'article R. 123-13 du code de l'environnement, lesquelles n'ont ni pour objet ni pour effet d'imposer au commissaire enquêteur d'annexer au registre les observations adressées par voie de correspondance ainsi que le cahier des recommandations architecturales, doit, dès lors, être écarté.

7. Pour le surplus, les requérantes réitèrent en appel les moyens soulevés en première instance et tirés de l'insuffisance de motivation de l'avis du commissaire enquêteur et de l'insuffisance de motivation du rapport de présentation. Il y a lieu de les écarter par adoption des motifs retenus à bon droit par les premiers juges.

En ce qui concerne la légalité interne du plan local d'urbanisme :

S'agissant du classement en zone 2 AU des parcelles cadastrées n° 27, 28, 29, 30, et 31 :

8. En premier lieu, aux termes de l'article L. 111-1-1, alors en vigueur, du code de l'urbanisme dans sa rédaction applicable au présent litige : " I - Les schémas de cohérence territoriale (...) sont compatibles, s'il y a lieu, avec : / 1° les dispositions particulières aux zones de montagne et au littoral prévues aux articles L. 145-1 à L. 146-9 (...) / IV - Les plans locaux d'urbanisme (...) doivent être compatibles avec les schémas de cohérence territoriale (...) / IV - En l'absence de schéma de cohérence territoriale, les plans locaux d'urbanisme (...) doivent être compatibles, s'il y a lieu, avec les documents et objectifs mentionnés au I du présent article et prendre en compte les documents mentionnés au II du présent article. (...) ". Lorsque le territoire d'une commune, soumise aux dispositions particulières au littoral, est couvert par un schéma de cohérence territoriale mettant en oeuvre ces dispositions, celui-ci fait obstacle à une application directe au plan local d'urbanisme des dispositions législatives particulières au littoral, la compatibilité du plan local d'urbanisme devant être appréciée au regard des seules orientations du schéma de cohérence territoriale. Toutefois, ce principe ne fait pas obstacle, le cas échéant, à la possibilité pour tout intéressé de faire prévaloir par le moyen de l'exception d'illégalité, les dispositions législatives particulières au littoral sur les orientations générales du schéma de cohérence territoriale.

9. Il ressort des pièces du dossier que le territoire de la commune de Champeaux est couvert par le schéma de cohérence territoriale du Pays de la Baie du Mont Saint-Michel. Ce document prévoit les modalités d'application dans son périmètre des dispositions législatives particulières au littoral, notamment en identifiant les espaces proches du rivage ou encore les " villages " et " agglomérations " ainsi que cela ressort du document graphique, intitulé " Application spatiale de la loi littoral ", extrait du schéma de cohérence territoriale et reproduit dans le rapport de présentation du plan local d'urbanisme contesté. Par suite, les requérantes, qui n'invoquent pas, par voie d'exception, l'illégalité dont serait entaché le schéma de cohérence territoriale ne peuvent utilement soutenir que le classement contesté méconnaît les dispositions du I de l'article L. 146-4, alors en vigueur, du code de l'urbanisme.

10. En deuxième lieu, si le rapport de présentation et le projet d'aménagement et de développement durables du plan local d'urbanisme litigieux énoncent un objectif de préservation des espaces naturels et agricoles, ils définissent également, parmi les grandes orientations d'aménagement, la satisfaction des besoins en logements des habitants actuels et futurs de la commune ainsi que la préservation et le renforcement du bourg de Champeaux. En outre, sur la superficie de 428 hectares que représente le territoire de la commune, 238 sont intégrés en zone agricole et 84 en zone naturelle tandis que la zone 2AU couvre un espace, à faible enjeu agricole et d'ailleurs classé en zone constructible par le précédent plan d'occupation des sols, de 4 000 mètres carrés. Par ailleurs, alors même qu'il porte sur la partie ouest d'un vaste verger valorisant le gîte rural qui lui est contigu à l'est et offrant un éventuel espace de développement de cette exploitation par l'implantation d'installations légères, le zonage litigieux n'est pas contradictoire avec l'objectif de renforcement de l'accueil et de l'activité touristiques de la commune. Il s'ensuit que l'ouverture à l'urbanisation future du " secteur de la mairie " ne présente pas de contradiction avec les objectifs retenus par le projet d'aménagement et de développement durables et justifiés dans le rapport de présentation.

11. En troisième lieu, il ressort des pièces du dossier que le talus situé au sud des parcelles cadastrées n° 23, 28 et 29 ainsi que les arbres implantés sur la parcelle n° 21 ont été classés en espaces boisés sur le fondement de l'article L. 130-1 du code de l'urbanisme. Toutefois, contrairement à ce que soutiennent les requérantes, l'urbanisation future des parcelles cadastrées n° 27, 28, 29, 30, et 31 n'est pas, en elle-même, de nature à compromettre la conservation et la protection du talus. En outre, ces parcelles sont séparées de la parcelle n° 21 par la partie est du verger, classée en zone non constructible. Dans ces conditions, le classement en zone 2AU des parcelles cadastrées n° 27, 28, 29, 30, et 31 et le classement en espaces boisés d'une maigre portion de trois de ces parcelles, en bordure sud, et de la parcelle n° 21 ne sont pas contradictoires.

12. En quatrième lieu, aux termes du premier alinéa de l'article R. 123-6, alors en vigueur, du code de l'urbanisme : " Les zones à urbaniser sont dites " zones AU ". Peuvent être classés en zone à urbaniser les secteurs à caractère naturel de la commune destinés à être ouverts à l'urbanisation. ". Aux termes du III de l'article L. 123-1-5, alors en vigueur, du code de l'urbanisme, dans sa version applicable au litige : " Le règlement peut, en matière de caractéristiques architecturale, urbaine et écologique : / (...) / 2° Identifier et localiser les éléments de paysage et délimiter les quartiers, îlots, immeubles, espaces publics, monuments, sites et secteurs à protéger, à mettre en valeur ou à requalifier pour des motifs d'ordre culturel, historique, architectural ou écologique, notamment pour la préservation, le maintien ou la remise en état des continuités écologiques et définir, le cas échéant, les prescriptions de nature à assurer leur préservation. Lorsqu'il s'agit d'espaces boisés, ces prescriptions sont celles prévues à l'article L. 130-1 ; / (...) ".

13. Il appartient aux auteurs d'un plan local d'urbanisme de déterminer le parti d'aménagement à retenir pour le territoire concerné par le plan en tenant compte de la situation existante et des perspectives d'avenir et de définir, en conséquence, le zonage et les possibilités de construction. Leur appréciation sur ces différents points ne peut être censurée par le juge administratif qu'au cas où elle serait entachée d'une erreur manifeste ou fondée sur des faits matériellement inexacts.

14. D'une part, il ressort des pièces du dossier que la population de la commune de Champeaux connaît globalement une progression depuis 1999 et se caractérise par un vieillissement. Les auteurs du plan local d'urbanisme, qui ont souhaité favoriser la mixité sociale et générationnelle au sein de la commune et répondre aux besoins générés par l'augmentation de sa population, ont estimé la capacité d'accueil de la commune à 50 habitants sur la durée du plan, soit un rythme de cinq nouveaux habitants par an. Compte tenu des objectifs de préservation des espaces naturels et agricoles et de renforcement du bourg, les zones à urbaniser par comblement de " dents creuses " et celles ouvertes à l'urbanisation ont été concentrées, pour les premières, au sein du bourg, en densification du tissu bâti et, pour les secondes, en continuité du bourg, au sud et à l'est de celui-ci, dans des secteurs à faibles enjeux agricoles. Eu égard au caractère modéré de la croissance démographique et à son ralentissement, l'ouverture à l'urbanisation a été, ainsi que le syndicat mixte du schéma de cohérence territoriale l'a suggéré dans son avis sur le projet de plan local d'urbanisme, organisée en deux phases, donnant lieu à la création d'une zone 1AU et d'une zone 2AU. Les parcelles cadastrées n° 27, 28, 29, 30, et 31, appartenant à la société civile du domaine, sont incluses dans le " secteur de la mairie ", d'une surface de près de 4 000 mètres carrés, faisant l'objet du classement en zone 2AU contesté. Il ressort des pièces du dossier, notamment du rapport de présentation du plan litigieux, que ce secteur, à proximité immédiate de la mairie, de l'église et du terrain de sport, ne constitue pas un espace proche du rivage ni ne présente de sensibilité en termes de risques naturels. Le rapport indique également qu'il ne présente pas d'intérêt particulier au regard de la faune et de la flore. Si les requérantes font valoir que le zonage a pour effet de scinder un verger en deux zones, les auteurs du plan local d'urbanisme ne sont liés, pour déterminer les affectations futures des différents secteurs, ni par les modalités existantes d'utilisation des sols, dont ils peuvent prévoir la modification, dans l'intérêt de l'urbanisme, ni par les limites d'unités foncières. Par ailleurs, la société civile du domaine et la société civile du manoir ne sauraient utilement soutenir que d'autres parcelles auraient pu être consacrées à l'urbanisation future de la commune dès lors qu'il n'appartient pas au juge, dans le cadre de son contrôle de l'erreur manifeste d'appréciation, d'apprécier la pertinence du choix de l'administration entre deux partis d'urbanisme lorsqu'elle pouvait légalement retenir l'un comme l'autre.

15. D'autre part, si les parcelles incluses en zone 2AU, plantées d'arbres fruitiers, se situent à proximité d'espaces boisés classés et en covisibilité avec le manoir, dont un pignon daterait du XIIème siècle, ainsi que de l'église et son presbytère, lesquels bâtiments ne bénéficient au demeurant d'aucune protection particulière, et sont comprises dans le périmètre d'édifices identifiés comme sites archéologiques, ces circonstances ne permettent pas, en l'espèce, de regarder les auteurs du plan local d'urbanisme comme ayant, en s'abstenant de les classer en secteur à protéger sur le fondement de l'article L. 123-1-5 du code de l'urbanisme, commis une erreur manifeste d'appréciation.

16. Il suit de là que le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation doit être écarté.

S'agissant de la création d'un emplacement réservé sur la parcelle cadastrée n° 26 :

17. Le plan local d'urbanisme en litige prévoit la création, le long de la route départementale, sur la parcelle ZB n° 26 appartenant à la société civile du manoir, d'un emplacement réservé destiné à l'aménagement d'une aire de stationnement. L'instauration de cet emplacement est motivée par la volonté de la commune, d'une part, de regrouper la population dans et autour du bourg et, d'autre part, dans le cadre de l'objectif de maintien et de développement de l'activité économique, de préserver le tissu commercial du bourg. Il ressort, par ailleurs, de l'avis émis par le syndicat mixte du schéma de cohérence territoriale sur le projet de plan local d'urbanisme que le centre-bourg pâtit d'un manque important de places de stationnement. La société civile du domaine et la société civile du manoir ne peuvent utilement faire valoir qu'une aire de stationnement pourrait être aménagée dans la cour et le parking de l'ancienne école dès lors qu'il n'appartient pas au juge administratif d'apprécier l'opportunité du choix de la localisation d'un emplacement réservé par rapport à d'autres localisations possibles. Ainsi, alors même que la parcelle concernée est intégrée dans le verger contigu au gîte rural du manoir exploité par les associés des sociétés requérantes, la création de l'emplacement réservé contesté n'est pas entachée d'erreur manifeste d'appréciation.

18. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les fins de non-recevoir opposées par la commune de Champeaux, que la société civile du domaine et la société civile du manoir ne sont pas fondées à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Caen a rejeté leur demande.

Sur les frais liés au litige :

19. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit mis à la charge de la commune de Champeaux, laquelle n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que demandent la société civile du domaine et la société civile du manoir au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Il y a lieu, en revanche, de mettre à la charge de chacune des sociétés requérantes le versement à la commune de la somme de 1 200 euros au titre des frais de même nature exposés par elle.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de la société civile du domaine et de la société civile du manoir est rejetée.

Article 2 : La société civile du domaine et la société civile du manoir verseront chacune la somme de 1 200 euros à la commune de Champeaux sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société civile du domaine, la société civile du manoir et la commune de Champeaux.

Délibéré après l'audience du 11 septembre 2018, à laquelle siégeaient :

M. Pérez, président de chambre,

Mme Brisson, président assesseur,

Mme Bougrine, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 01er octobre 2018.

Le rapporteur,

K. BOUGRINE

Le président,

A. PEREZLe greffier,

K. BOURON

La République mande et ordonne au ministre de la cohésion des territoires en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 17NT02858


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 17NT02858
Date de la décision : 01/10/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. PEREZ
Rapporteur ?: Mme Karima BOUGRINE
Rapporteur public ?: M. DERLANGE
Avocat(s) : LEXCAP RENNES LAHALLE - ROUHAUD et ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 09/10/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2018-10-01;17nt02858 ?
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