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24/09/2018 | FRANCE | N°17NT03676

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 5ème chambre, 24 septembre 2018, 17NT03676


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme D...E...a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler les décisions du 29 septembre 2016 et du 5 janvier 2017 par lesquelles la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté ses recours formés contre les décisions des autorités consulaires françaises en poste à Douala (Cameroun) rejetant ses demandes de visa de court séjour.

Par un jugement nos 1606920 et 1610387 du 14 novembre 2017, le tribunal administratif de Nantes a joint les deux demand

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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme D...E...a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler les décisions du 29 septembre 2016 et du 5 janvier 2017 par lesquelles la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté ses recours formés contre les décisions des autorités consulaires françaises en poste à Douala (Cameroun) rejetant ses demandes de visa de court séjour.

Par un jugement nos 1606920 et 1610387 du 14 novembre 2017, le tribunal administratif de Nantes a joint les deux demandes de l'intéressée, a annulé ces décisions de la commission de recours et a enjoint au ministre de l'intérieur de lui délivrer un visa de court séjour dans un délai de deux mois.

Procédure devant la cour :

Par un recours enregistré le 7 décembre 2017 complété par un mémoire enregistré le 21 décembre 2017, le ministre d'Etat, ministre de l'intérieur demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nantes du 14 novembre 2017 ;

2°) de rejeter les demandes présentées par Mme E...devant le tribunal administratif de Nantes.

Le ministre soutient que :

- le tribunal a dénaturé les pièces produites et a commis une double erreur d'appréciation quant aux intérêts matériels au Cameroun de l'intéressée et concernant son identité qui n'est pas établie ;

- Mme E...et son gendre, qui s'est engagé à l'héberger, ne justifient pas de ressources suffisantes pour financer son séjour et son retour au Cameroun ;

- compte tenu du large pouvoir d'appréciation dont l'administration dispose, aucune erreur manifeste d'appréciation du risque de détournement de l'objet du visa n'a été commise ;

- le tribunal aurait dû se contenter d'enjoindre à l'administration de réexaminer la situation de l'intéressée ;

- Mme E...démontre, par le référé-liberté qu'elle a déposé devant le tribunal administratif, qu'elle a bien l'intention de demeurer en France.

Par des mémoires en défense, enregistrés le 26 janvier et le 3 mai 2018, MmeF..., représentée par MeC..., conclut, à titre principal à ce que soit prononcé le désistement d'office du ministre de l'intérieur, à titre subsidiaire au rejet du recours du ministre et à ce qu'il soit mis à la charge de l'Etat le versement de la somme de 4 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les moyens soulevés par le ministre ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le règlement (CE) n° 810/2009 du 13 juillet 2009 du Parlement européen et du Conseil ;

- le règlement (UE) n°2016/399 du Parlement européen et du Conseil du 9 mars 2016 concernant un code de l'Union relatif au régime de franchissement des frontières par les personnes (code frontières Schengen) ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Picquet ;

- et les observations de MeC..., représentant MmeF....

Considérant ce qui suit :

1. Le ministre de l'intérieur relève appel du jugement du 14 novembre 2017 par lequel le tribunal administratif de Nantes a, à la demande de MmeE..., annulé les décisions du 29 septembre 2016 et du 5 janvier 2017 par lesquelles la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté les recours qu'elle a formés contre les décisions des autorités consulaires françaises en poste à Douala rejetant ses demandes de visa de court séjour en France pour visite familiale et lui a enjoint de délivrer le visa sollicité.

Sur les conclusions à fin de désistement d'office :

2. Mme E...ne saurait utilement se prévaloir, à l'appui de ses conclusions en désistement d'office, de l'inexécution du jugement attaqué, dès lors qu'une telle situation ne figure pas parmi les cas de désistement d'office prévus par les dispositions du code de justice administrative et ne relève pas, contrairement à ce qu'elle soutient, d'un nouveau principe général du droit.

Sur le recours du ministre :

3. En premier lieu, aux termes de l'article 6 du règlement (UE) n°2016/399 du Parlement européen et du Conseil du 9 mars 2016 : " 1. Pour un séjour prévu sur le territoire des Etats membres, d'une durée n'excédant pas 90 jours sur toute période de 180 jours (...), les conditions d'entrée pour les ressortissants de pays tiers sont les suivantes : (...) / c) justifier l'objet et les conditions du séjour envisagé, et disposer de moyens de subsistance suffisants, tant pour la durée du séjour envisagé que pour le retour dans leur pays d'origine ou le transit vers un pays tiers dans lequel leur admission est garantie, ou être en mesure d'acquérir légalement ces moyens (...) ". Il résulte de ces dispositions que l'obtention d'un visa de court séjour est subordonnée à la condition que le demandeur justifie à la fois de sa capacité à retourner dans son pays d'origine et de moyens de subsistance suffisants pendant son séjour. Il appartient au demandeur de visa dont les ressources personnelles ne lui assurent pas ces moyens d'apporter la preuve de ce que les ressources de la personne qui l'héberge et qui s'est engagée à prendre en charge ses frais de séjour au cas où il n'y pourvoirait pas sont suffisantes pour ce faire. Cette preuve peut résulter de la production d'une attestation d'accueil validée par l'autorité compétente et comportant l'engagement de l'hébergeant de prendre en charge les frais de séjour du demandeur, sauf pour l'administration à produire des éléments de nature à démontrer que l'hébergeant se trouverait dans l'incapacité d'assumer effectivement l'engagement qu'il a ainsi souscrit.

4. Il ressort des pièces du dossier que Mme E...a produit, d'une part, au soutien de ses demandes successives de visa, une attestation de retrait de devises d'un montant de 1 000 euros pour la première et de 2 000 euros pour la seconde, ainsi qu'un relevé de son compte bancaire faisant état, le 20 juillet 2016, d'un solde créditeur de 1 625 415 francs CFA, soit environ 2 042 euros, et, le 8 novembre 2016, d'un solde créditeur de 3 750 263 francs CFA, soit environ 5 717 euros et, d'autre part, qu'elle a justifié percevoir des revenus tirés de la location d'un local commercial et d'au moins deux appartements pour un montant mensuel de 200 000 euros francs CFA, soit environ 300 euros. Le ministre de l'intérieur fait valoir en appel comme en première instance que les contrats de bail dont elle se prévaut seraient sujets à caution dès lors qu'ils font tous état d'une date de signature postérieure aux périodes de location. Il ressort toutefois des pièces du dossier que son gendre, M.A..., s'est engagé, par une attestation d'accueil, qui a été validée par l'autorité compétente, à prendre en charge ses frais de séjour au cas où elle n'y pourvoirait pas. Contrairement à ce que soutient le ministre, il n'est pas établi que ce dernier se trouvait dans l'incapacité d'assumer effectivement l'engagement qu'il a ainsi souscrit, dès lors qu'il ressort également des pièces du dossier que M. A...et son épouse Mme B...E..., dont les revenus déclarés en 2014 s'élevaient à 21 532 euros, disposaient des capacités financières et d'hébergement suffisantes pour la durée du séjour de MmeE..., alors même qu'ils assument l'entretien de leurs deux jeunes enfants. Par suite, la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a commis une erreur d'appréciation en se fondant sur ce premier motif.

5. En second lieu, le ministre se borne à soutenir sans plus de précision que le risque de détournement de l'objet du visa à des fins migratoires est avéré. Il ressort toutefois des pièces du dossier, que MmeE..., célibataire et âgée de 52 ans au moment de sa demande, a toujours vécu au Cameroun, où elle justifie d'intérêts matériels, et qu'elle a souhaité rendre visite à sa fille, Carine Ngo Bougha épouseA..., et ses petits-enfants qu'elle n'a jamais rencontrés. Ces seules circonstances, comme d'ailleurs le fait qu'elle ait déposé une requête en référé auprès du tribunal administratif de Nantes, ne sont pas de nature à établir qu'elle ait un projet d'installation durable en France. En outre, l'absence de lien de filiation ou les doutes sur l'identité de Mme E...dont le ministre se prévaut ne sont pas davantage établis par la seule discordance concernant la date de naissance de cette dernière telle qu'elle figure sur deux actes de naissance de sa fille, alors que les déclarations de Mme E...sont également corroborées par la production de son passeport, d'un jugement civil du tribunal de première instance de Bafia du 17 avril 2015 portant reconstitution d'acte de naissance de Carine Ngo Bougha et de l'acte de naissance lui-même dressé suite à ce jugement. Dans ces conditions, la commission de recours a entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation en estimant établi un risque de détournement de l'objet du visa sollicité par l'intimée.

6. Il résulte de tout de ce qui précède que le ministre de l'intérieur n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a annulé les décisions du 29 septembre 2016 et du 5 janvier 2017 de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

7. L'annulation des refus de visa par la commission de recours contre les refus de visa d'entrée en France opposés à la demande de Mme E...impliquait, eu égard aux motifs qui la fondait, la délivrance du visa sollicité, sous réserve d'une modification dans les circonstances de droit ou de fait. Ainsi, le ministre qui ne fait d'ailleurs valoir aucune évolution de ces circonstances, n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que les premiers juges lui ont enjoint de délivrer à l'intéressée un visa de court séjour dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement.

Sur les frais de l'instance :

8. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat, partie perdante, une somme de 1 000 euros au titre des frais liés au litige au bénéfice de MmeE..., en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête du ministre d'Etat, ministre de l'intérieur, est rejetée.

Article 2 : Il est mis à la charge de l'Etat le versement à Mme E...d'une somme de 1 000 euros au titre des frais liés au litige.

Article 3 : Le surplus des conclusions de Mme E...est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme D...E...et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur.

Délibéré après l'audience du 7 septembre 2018, à laquelle siégeaient :

- M. Dussuet, président de chambre,

- M. Degommier, président-assesseur,

- Mme Picquet, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 24 septembre 2018.

Le rapporteur,

P. PICQUETLe président,

J-P. DUSSUET

Le greffier,

C. GOY

La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'Intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 17NT03676


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 17NT03676
Date de la décision : 24/09/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. DUSSUET
Rapporteur ?: Mme Pénélope PICQUET
Rapporteur public ?: M. SACHER
Avocat(s) : PLATEAUX

Origine de la décision
Date de l'import : 02/10/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2018-09-24;17nt03676 ?
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