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24/09/2018 | FRANCE | N°17NT01398

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 5ème chambre, 24 septembre 2018, 17NT01398


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme B...C...ont demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler l'arrêté du 1er février 1999 par lequel le préfet du Morbihan a approuvé les modifications du tracé et des caractéristiques de la servitude de passage des piétons le long du littoral de la commune de Plouhinec.

Par un jugement n° 1402900 du 3 mars 2017, le tribunal administratif de Rennes a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 4 mai 2017 et le 11 d

écembre 2017, M. et Mme C..., représentée par MeE..., demandent à la cour :

1°) d'annuler ce j...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme B...C...ont demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler l'arrêté du 1er février 1999 par lequel le préfet du Morbihan a approuvé les modifications du tracé et des caractéristiques de la servitude de passage des piétons le long du littoral de la commune de Plouhinec.

Par un jugement n° 1402900 du 3 mars 2017, le tribunal administratif de Rennes a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 4 mai 2017 et le 11 décembre 2017, M. et Mme C..., représentée par MeE..., demandent à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Rennes du 3 mars 2017 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 1er février 1999 portant approbation des modifications du tracé et des caractéristiques de la servitude de passage des piétons le long du littoral, de la suspension de cette servitude et instituant une servitude de passage des piétons transversale sur rivage sur la commune de Plouhinec ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 4 000 euros en application de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- le jugement attaqué est irrégulier en raison d'un défaut de motivation,

- le dossier soumis à enquête publique était insuffisamment précis,

- l'enquête publique a été irrégulièrement menée faute d'une publicité suffisante,

- l'avis du commissaire enquêteur a été émis irrégulièrement,

- le conseil municipal de Plouhinec n'a pas été régulièrement consulté,

- l'approbation de la servitude ne pouvait intervenir qu'au moyen d'un décret en Conseil d'Etat,

- le signataire de cet arrêté était incompétent,

- l'article R.160-13 du code de l'urbanisme n'a pas été respecté,

- leur propriété était bien close de murs à la date du 1er janvier 1976, y compris au niveau du mur dit de soutènement,

- l'article L.160-6 du code de l'urbanisme a été méconnu dès lors qu'il était possible d'éviter leur propriété et d'assurer autrement le libre passage des piétons vers la mer,

- le préfet a commis une erreur d'appréciation,

- l'article 1er du premier protocole additionnel de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales a été méconnu,

- l'arrêté attaqué porte une atteinte disproportionnée au droit de propriété,

- l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales a été méconnu.

Par un mémoire en défense enregistré le 1er décembre 2017, le ministre de la transition écologique et solidaire et le ministre de la cohésion des territoires concluent au rejet de la requête en s'en rapportant au mémoire de première instance du préfet du Morbihan.

Les parties ont été informées que l'affaire était susceptible, à compter du 1er août 2018, de faire l'objet d'une clôture d'instruction à effet immédiat en application des dispositions de l'article R. 611-11-1 du code de justice administrative.

Par une ordonnance du 2 août 2018, la clôture d'instruction a été fixée au même jour en application de l'article R. 613-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'environnement ;

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Picquet,

- les conclusions de M. Sacher, rapporteur public,

- et les observations de MeA..., substituant MeE..., représentant M. et Mme C....

Considérant ce qui suit :

1. Par un arrêté du 27 janvier 1998, le préfet du Morbihan a prescrit l'ouverture d'une enquête publique relative, d'une part, aux modifications qu'il était envisagé d'apporter, sur le territoire de la commune de Plouhinec, à la servitude de passage des piétons le long du littoral, d'autre part, à la suspension de cette même servitude et, enfin, à l'institution d'une servitude de passage transversale. L'enquête publique s'est déroulée au cours de la période du 16 février au 7 mars 1998 à l'issue de laquelle le commissaire enquêteur a déposé, le 2 mai 1998, un avis favorable assorti de 9 recommandations. Le 1er février 1999, le préfet du Morbihan a adopté un arrêté portant approbation des différentes modifications, suspensions et institutions de servitudes longitudinales soumises à l'enquête publique. Cet arrêté a ainsi, outre l'institution d'une servitude transversale, institué une servitude de passage longitudinale s'agissant de la parcelle cadastrée 234 située au nord du hameau de Nestadio, au lieu-dit " Fandouillec ", appartenant à M. et MmeD..., épousant les limites de la propriété de ces derniers, d'une largeur d'un mètre, ayant pour assise le mur de soutènement séparant cette propriété du rivage de la ria d'Etel. M. et Mme C...relèvent régulièrement appel du jugement en date du 3 mars 2017 par lequel le tribunal administratif de Rennes, qu'ils avaient saisi, le 18 juin 2014, d'une demande d'annulation de l'arrêté du 1er février 1999, en tant qu'il avait approuvé les modifications du tracé et des caractéristiques de la servitude de passage des piétons le long du littoral et la suspension de cette servitude sur la commune de Plouhinec, arrêté dont ils indiquent, sans que cela soit contesté, qu'il leur a été notifié en juin 2014, a rejeté leur demande.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

2. L'article L. 160-6 du code de l'urbanisme, dans sa rédaction applicable à la date à laquelle le préfet du Morbihan a édicté son arrêté, disposait que : " Les propriétés privées riveraines du domaine public maritime sont grevées sur une bande de trois mètres de largeur d'une servitude destinée à assurer exclusivement le passage des piétons. / L'autorité administrative peut, par décision motivée prise après avis du ou des conseils municipaux intéressées et au vu du résultat d'une enquête publique effectuée comme en matière d'expropriation : / a) Modifier le tracé ou les caractéristiques de la servitude, afin, d'une part, d'assurer, compte tenu notamment de la présence d'obstacles de toute nature, la continuité du cheminement des piétons ou leur libre accès au rivage de la mer, d'autre part, de tenir compte des chemins ou règles locales préexistants ; le tracé modifié peut grever exceptionnellement des propriétés non riveraines du domaine public maritime ; / b) A titre exceptionnel, la suspendre. / Sauf dans le cas où l'institution de la servitude est le seul moyen d'assurer la continuité du cheminement des piétons ou leur libre accès au rivage de la mer, la servitude instituée aux alinéas 1 et 2 ci-dessus ne peut (...) grever des terrains attenants à des maisons d'habitation et clos de murs au 1er janvier 1976 ". Selon l'article R. 160-13 du code de l'urbanisme dans sa rédaction applicable au 1er février 1999 : " Si le tracé envisagé pour la servitude a pour effet soit de grever des terrains attenants à des maisons d'habitation qui, au 1er janvier 1976, étaient clos de murs en matériaux durables et adhérant au sol, (...) le dossier soumis à enquête doit comprendre, outre les pièces prévues à l'article R. 160-12, la justification du bien-fondé du tracé retenu, au regard des dispositions des articles L. 160-6 et R. 160-15 (...) ".

3. M. et Mme C...soutiennent que l'arrêté qu'ils critiquent a pour effet de grever le terrain d'assiette de leur propriété alors que celui-ci doit être considéré comme étant clos de murs en matériaux durables et adhérent au sol au sens des dispositions des articles L.160-6 et R.160-13 citées au point précédent.

4. Il appartient au juge de l'excès de pouvoir de former sa conviction sur les points en litige au vu des éléments versés au dossier par les parties. Si le juge peut écarter des allégations qu'il jugerait insuffisamment étayées, il ne saurait exiger de l'auteur du recours que ce dernier apporte la preuve des faits qu'il avance. Il revient donc au juge, le cas échéant, avant de se prononcer sur une requête assortie d'allégations sérieuses non démenties par les éléments produits par l'administration en défense, de mettre en oeuvre ses pouvoirs généraux d'instruction des requêtes et de prendre toutes mesures propres à lui procurer, par les voies de droit, les éléments de nature à lui permettre de former sa conviction, en particulier en exigeant de l'administration compétente la production de tout document susceptible de permettre de vérifier les allégations du demandeur.

5. D'une part, s'agissant du mur de clôture séparant la propriété des requérants de la voie publique, ces derniers soutiennent que le mur séparant leur propriété de la voie publique a été édifié antérieurement au 1er janvier 1976 et appuient leurs allégations par la production d'une attestation de 2015 d'un résident de Plouhinec âgé de quatre-vingt quatre ans indiquant que ce mur existait avant la deuxième guerre mondiale et d'un acte notarié de 1972 indiquant la présence d'un mur entre les parcelles 233 et 234. Ces allégations sont corroborées par les photos du mur en question figurant au dossier, dont certaines sont très anciennes, au vu desquelles il apparaît que ce mur en pierres apparentes est indéniablement de facture ancienne. Pour contredire les allégations des requérants, le préfet du Morbihan a seulement relevé que l'acte d'acquisition de leur propriété par les épouxC..., établi en 1973, ne faisait pas mention de ce mur. Ce fait, qui n'est pas assorti d'autres précisions en appel, est cependant insuffisant pour démentir les allégations suffisamment étayées des requérants selon lesquelles ce mur de clôture, dont il n'est pas contesté qu'il s'étend sur toute la limite de la propriété longeant la voie publique, a été édifié à une date antérieure au 1er janvier 1976.

6. D'autre part, s'agissant du mur de soutènement séparant la propriété des époux C...du rivage de la mer, il ressort des pièces du dossier, et n'est d'ailleurs pas contesté par les ministres, que le reste de la propriété des requérants est séparé du rivage de la ria d'Etel. Contrairement à ce qu'ont estimé les premiers juges, ce mur de soutènement, qui délimite précisément la propriété de M. et Mme C...doit, en dépit des ouvertures permettant d'accéder au rivage qu'il comporte, être qualifié de mur au sens des dispositions précitées des articles L.160-6 et R.160-13 du code de l'urbanisme, dès lors qu'il ressort des pièces du dossier, notamment des photographies produites, qu'il est réalisé en matériaux durables et qu'il adhère au sol. Il n'est pas contesté par les ministres que ce mur de soutènement, lui aussi en pierres apparentes, a été édifié à une période antérieure au 1er janvier 1976.

7. En conséquence, les requérants sont fondés à soutenir que, conformément aux dispositions de l'article R.160-13 du code de l'urbanisme rappelées au point 2, le dossier soumis à enquête devait comprendre la justification du bien-fondé du tracé retenu par le préfet du Morbihan en ce que ce tracé recoupe les limites de leur propriété. Il ressort de la lecture du dossier d'enquête publique que celui-ci ne comporte, notamment dans la note de présentation du projet, aucune justification de ce tracé. Par ailleurs, le préfet du Morbihan ne pouvait, pour pallier cette carence, se référer dans son mémoire de première instance aux échanges ayant eu lieu entre le commissaire enquêteur et le représentant des requérants, dès lors que ces échanges, à supposer qu'ils aient la portée que leur prête le préfet, ne peuvent constituer la justification exigée par l'article R.160-13 du code de l'urbanisme.

8. De même, les requérants sont fondés à soutenir que le tracé de la servitude de passage le long du littoral grevant leur propriété a été pris en méconnaissance de l'article L. 160-6 du code de l'urbanisme dès lors que ni le préfet ni les ministres, ne justifient, notamment en fixant précisément les limites du plus haut flot de la ria d'Etel, que la continuité du cheminement piétonnier le long du littoral impliquait nécessairement l'institution d'une servitude longitudinale sur l'ensemble des limites de cette propriété.

9. S'agissant de l'application de l'article L.600-4-1 du code de l'urbanisme, aucun des autres moyens de la requête de M. et Mme C...n'apparaît être de nature, en l'état du dossier, à entraîner l'annulation de l'arrêté du préfet du Morbihan du 1er février 1999.

10. Il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme C...sont fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a rejeté leur demande d'annulation de l'arrêté du préfet du Morbihan en tant que celui-ci a fixé le tracé de la servitude longitudinale de cheminement le long du littoral sur les limites de la parcelle 234 proches du rivage de la ria d'Etel.

Sur les frais liés au litige :

11. Il y a lieu, en application de l'article L.761-1 du code de justice administrative, de mettre à la charge de l'Etat le versement à M. et Mme C...d'une somme de 1 500 euros en application de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Rennes en date du 3 mars 2017 est annulé.

Article 2 : L'arrêté du 1er février 1999 du préfet du Morbihan fixant le tracé de la servitude de cheminement le long du littoral sur le territoire de la commune de Plouhinec est annulé en tant que ce tracé institue une servitude longitudinale de cheminement le long du littoral sur les limites de la parcelle 234 proches du rivage de la ria d'Etel appartenant à M. et MmeC....

Article 3 : Il est mis à la charge de l'Etat le versement à M. et Mme C...d'une somme de 1 500 euros en application de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme B...C..., et au ministre de la cohésion des territoires.

Copie sera adressée au préfet du Morbihan et à la commune de Plouhinec.

Délibéré après l'audience du 7 septembre 2018, à laquelle siégeaient :

- M. Dussuet, président de chambre,

- M. Degommier, président-assesseur,

- Mme Picquet, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 24 septembre 2018.

Le rapporteur,

P. PICQUETLe président,

J-P. DUSSUET

Le greffier,

C. GOY

La République mande et ordonne au ministre de la Cohésion des Territoires en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 17NT01398


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 17NT01398
Date de la décision : 24/09/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. DUSSUET
Rapporteur ?: Mme Pénélope PICQUET
Rapporteur public ?: M. SACHER
Avocat(s) : MORAGA ROJEL

Origine de la décision
Date de l'import : 02/10/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2018-09-24;17nt01398 ?
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