Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société Ferme Eolienne du Bois Bodin a demandé au tribunal administratif d'Orléans d'annuler les cinq arrêtés en date du 2 juillet 2018 par lesquels le préfet de la région Centre-Val de Loire a rejeté ses demandes de permis de construire pour l'édification de 5 éoliennes sur le territoire des communes de Vou et de la Chapelle Blanche Saint Martin (Indre et Loire).
Par un jugement n°1502942 du 31 janvier 2017, le tribunal administratif d'Orléans a annulé ces décisions du préfet de la région Centre-Val de Loire et a enjoint à l'Etat de procéder à un nouvel examen des demandes de permis de construire présentées par la société Ferme Eolienne du Bois Bodin.
Procédure devant la cour :
Par un recours et un mémoire ampliatif, enregistrés respectivement le 31 mars 2017 et le 27 avril 2017, le ministre du logement et de l'habitat durable demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif d'Orléans du 31 janvier 2017 ;
2°) de rejeter les demandes de la société Ferme Eolienne du Bois Bodin.
Le ministre soutient que :
- le jugement attaqué est insuffisamment motivé ;
- c'est à tort que les premiers juges ont estimé que le préfet avait commis une erreur d'appréciation en faisant application des dispositions de l'article R.111-21 du code de l'urbanisme dès lors qu'il est établi, sur la base des relevés effectués par ses services, que le projet litigieux serait de nature à nuire à la qualité et à l'intérêt des lieux.
- c'est également à tort que les premiers juges ont estimé que l'article L.124-2 du code de l'urbanisme n'avait pas été méconnu.
Un mémoire en défense, enregistrés le 28 juillet 2017, la société Ferme Eolienne du Bois Bodin, représentée par MeB..., conclut au rejet du recours et à ce que soit mis à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 4 000 euros en application de l'article L.761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir qu'aucun des moyens soulevés par le ministre n'est fondé.
Les parties ont été informées que l'affaire était susceptible, à compter du 1er août 2018, de faire l'objet d'une clôture d'instruction à effet immédiat en application des dispositions de l'article R. 611-11-1 du code de justice administrative.
Par une ordonnance du 2 août 2018, la clôture d'instruction a été fixée au même jour en application de l'article R. 613-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le jugement attaqué est régulier ;
- les moyens soulevés par le ministre ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'environnement ;
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Picquet,
- les conclusions de M. Sacher, rapporteur public,
- et les observations de MeA..., substituant MeB..., représentant la société Ferme éolienne de Bois Bodin.
Considérant ce qui suit :
1. La société Ferme Eolienne du Bois Bodin a déposé cinq demandes de permis de construire afin de permettre la réalisation, sur le territoire des communes de Vou et de La Chapelle-Blanche-Saint-Martin (Indre-et-Loire) d'un parc éolien comprenant cinq aérogénérateurs et deux postes électriques. Ces aérogénérateurs, d'une hauteur sommitale de 140 mètres, dont 84 mètres pour le mat et 56 mètres pour la longueur des pales, et d'une puissance individuelle de 3 mégawatts, devaient être implantés sur une ligne de crête à une altitude variant entre 119 et 125 mètres située à l'intersection des trois unités paysagères dénommées plateaux agricoles du Centre Touraine, Boutonnière de Ligueil et Gâtines du Sud et distante de la ville royale de Loches d'une quinzaine de kilomètres. Par cinq arrêtés en date du 2 juillet 2015 référencés 037 057 11 30004, 037 057 11 30005, 037 057 11 30006, 037 057 11 30007 et 037 057 11 30008 correspondant respectivement aux éoliennes E 04 et E 05 implantées sur le territoire de la commune de Vou, et aux éoliennes E01 à E03 implantées sur le territoire de la commune de La Chapelle-Blanche-Saint-Martin, le préfet de la région Centre-Val de Loire a rejeté les demandes de permis de construire. Par le présent recours, le ministre relève appel du jugement du 31 janvier 2017 par lequel le tribunal administratif d'Orléans, saisi par la société Ferme Eolienne du Bois Bodin d'une demande d'annulation de ces décisions, a fait droit à cette demande.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés. ".
3. Le jugement attaqué s'est fondé notamment, pour écarter le moyen tiré de la méconnaissance des articles L. 124-2 et R. 111-21 du code de l'urbanisme, sur la circonstance que le projet litigieux s'implantera dans le plateau agricole du centre Touraine, au croisement avec la Boutonnière du Ligueil, les Gâtines du Sud Touraine et la Vallée de la Vienne, et à une altitude comprise entre 119 et 125 mètres, le projet étant situé en ligne de crête et en bordure de plateau. Ce jugement, qui examine de manière suffisante le caractère du site d'implantation du projet éolien, est, dès lors, conforme aux dispositions précitées de l'article L. 9 du code de justice administrative.
Sur la légalité des arrêtés du 2 juillet 2018 :
4. Aux termes de l'article R. 111-21 du code de l'urbanisme dans sa rédaction applicable à la date à laquelle le préfet de la région Centre-Val de Loire a pris les arrêtés attaqués : " Le projet peut être refusé ou n'être accepté que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales si les constructions, par leur situation, leur architecture, leurs dimensions ou l'aspect extérieur des bâtiments ou ouvrages à édifier ou à modifier, sont de nature à porter atteinte au caractère ou à l'intérêt des lieux avoisinants, aux sites, aux paysages naturels ou urbains ainsi qu'à la conservation des perspectives monumentales ". Par ailleurs, aux termes de l'article L. 124-2 du même code applicable dans les mêmes conditions : " Les cartes communales respectent les principes énoncés aux articles L. 110 et L. 121-1(...) Elles délimitent les secteurs où les constructions sont autorisées et les secteurs où les constructions ne sont pas admises, à l'exception de l'adaptation, du changement de destination, de la réfection ou de l'extension des constructions existantes ou des constructions et installations nécessaires à des équipements collectifs dès lors (...) qu'elles ne portent pas atteinte à la sauvegarde des espaces naturels et des paysages (...) ".
5. Pour rejeter les demandes de permis de construire des éoliennes E01, E02 et E03 devant être implantées sur le territoire de la commune de La Chapelle-Blanche-Saint-Martin, le préfet de la région Centre-Val de Loire a constaté la présence, dans un rayon de quinze kilomètres autour du projet, de soixante-douze monuments historiques dont vingt classés en vertu de la loi du 31 décembre 1913 et de six sites protégés au titre de la loi du 2 mai 1930 puis a précisé que, contrairement aux indications résultant des photomontages figurant au volet paysager de l'étude d'impact jointe au dossier de demande de permis de construire, les éoliennes seraient visibles à une très grande distance, notamment depuis le sommet du donjon de Loches. Le préfet a motivé ses décisions de refus par l'impact visuel du parc éolien sur les sites et paysages naturels, les abords paysagers de nombreux monuments historiques, notamment depuis le haut du donjon de Loches et par l'atteinte extrêmement forte portée aux églises de Vou et de la Chapelle Blanche- Saint-Martin, au manoir de la Roche-de-Gennes et au château du Verger. Devant la cour, le ministre produit une étude assortie de photomontages réalisée par les services de la direction régionale des affaires culturelles de la région Centre-Val de Loire destinée à apporter la démonstration de cet impact et le caractère erroné des mentions figurant dans l'étude d'impact produite par la société pétitionnaire.
6. Toutefois, les relevés figurant dans cette étude ne peuvent être pris en compte notamment compte tenu du caractère manifestement surdimensionné des représentations des éoliennes reproduites dans les photomontages communiqués par le ministre, lequel caractère surdimensionné ressort en particulier de la comparaison entre la taille de l'hélicoptère figurant sur ces photomontages et la largeur des pales et du mat des éoliennes qui y sont représentées. Le ministre n'établit donc pas par les pièces qu'il produit que, contrairement à ce qu'avait estimé l'autorité environnementale, les photomontages figurant dans le volet paysager de l'étude d'impact ne constitueraient pas une représentation sincère des effets visuels du futur parc éolien.
7. Il ressort de la lecture de ce volet paysager de l'étude d'impact réalisé en 2013 que, s'agissant de la cinquantaine de monuments historiques et des six sites classés ou inscrits qui y sont recensés, les éoliennes seront en situation de covisibilité avec l'église paroissiale de Vou, monument inscrit à l'inventaire supplémentaire des monuments historiques, à 3,5 km de l'éolienne la plus proche, avec le manoir de la Roche de Gennes, monument inscrit situé dans la commune de Vou, et avec le château du Verger, à 2,9 km du projet. Néanmoins, cette covisibilité n'est pas de nature, compte tenu de la faible perception des éoliennes dans le paysage et du caractère non prépondérant ou même suffisamment marqué de leur présence, à porter une atteinte significative au caractère ou à l'intérêt des lieux avoisinants et aux sites et monuments précédemment mentionnés. En revanche, il ne ressort pas de cette étude ni des autres pièces du dossier que les éoliennes en cause seraient en situation de covisibilité, depuis le sommet du donjon de Loches, avec le site d'intérêt majeur que constitue cette cité médiévale. Par ailleurs, il ne ressort pas davantage de ces pièces que la présence des éoliennes serait de nature à porter atteinte au paysage naturel environnant constitué de terres agricoles et de secteurs boisés sans intérêt particulier, et qui, avait été, pour cette raison, recensé comme favorable au développement de l'éolien par le schéma régional éolien annexé au schéma régional climat air énergie de la région Centre approuvé par arrêté préfectoral du 28 juin 2012.
8. En conséquence de ce qui précède, le ministre n'est pas fondé à soutenir que ce serait à tort que les premiers juges ont considéré que le préfet de la région Centre-Val de Loire a commis une erreur d'appréciation en refusant les demandes de permis de construire les éoliennes E01, E02 et E03 au motif que le projet d'implantation de ces éoliennes méconnaitrait les dispositions de l'article R.111-21 du code de l'urbanisme citées au point 4.
9. S'agissant des éoliennes E04 et E05 devant être implantées sur le territoire de la commune de Vou, la délivrance des permis de construire sollicités était subordonnée au respect des conditions fixées par l'article L.124-2 du code de l'urbanisme mentionnées au point 4 du présent arrêt dès lors qu'était applicable dans cette collectivité une carte communale.
10. Pour rejeter les demandes de permis de construire les éoliennes en cause, le préfet de la région Centre-Val de Loire s'est fondé sur les mêmes motifs que ceux résumés au point 5, estimant qu'en l'occurrence ce projet avait un impact sur les sites et monuments répertoriés à proximité du site d'implantation du projet tel qu'il portait atteinte à la sauvegarde des paysages au sens de l'article L.124-2 du code de l'urbanisme.
11. Pour les mêmes motifs que ceux évoqués au point 7, la réalité de l'atteinte ainsi alléguée par le préfet dans son arrêté et par le ministre dans son recours n'est pas établie. Par suite, le ministre n'est pas fondé à soutenir que ce serait à tort que les premiers juges auraient estimé que cet article L.124-2 du code de l'urbanisme n'avait pas été méconnu.
12. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le ministre du logement et de l'habitat durable n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Orléans a annulé les cinq arrêtés en date du 2 juillet 2015 par lesquels le préfet de la région Centre-Val de Loire a rejeté les demandes de permis de construire présentées par la société Ferme Eolienne du Bois Bodin.
Sur les frais liés au litige :
13. Il y a lieu, en application des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative, de mettre à la charge de l'Etat le versement à la société Ferme Eolienne du Bois Bodin d'une somme de 1 500 euros au titre des frais liés au litige.
DÉCIDE :
Article 1er : Le recours du ministre du logement et de l'habitat durable est rejeté.
Article 2 : Il est mis à la charge de l'Etat le versement à la société Ferme Eolienne du Bois Bodin d'une somme de 1 500 euros en application de l'article L.761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de la Cohésion des Territoires et à la société Ferme Eolienne du Bois Bodin.
Copie sera adressée au préfet de la région Centre Val de Loire.
Délibéré après l'audience du 7 septembre 2018, à laquelle siégeaient :
- M. Dussuet, président de chambre,
- M. Degommier, président-assesseur,
- Mme Picquet, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 24 septembre 2018.
Le rapporteur,
P. PICQUETLe président,
J-P. DUSSUET
Le greffier,
C. GOY
La République mande et ordonne au ministre de la Cohésion des Territoires en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 17NT01054