La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

21/09/2018 | FRANCE | N°17NT02342

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 4ème chambre, 21 septembre 2018, 17NT02342


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A...a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler les arrêtés du 23 mai 2017 par lesquels la préfète de la Loire-Atlantique a ordonné sa remise aux autorités italiennes et l'a assigné à résidence.

Par un jugement n° 1704602 du 31 mai 2017 le magistrat désigné du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 27 juillet 2017, M.A..., représenté par MeC..., demande à la cour :

1°) d'annule

r ce jugement du magistrat désigné du tribunal administratif de Nantes du 31 mai 2017 ;

2°) d'annuler les ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A...a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler les arrêtés du 23 mai 2017 par lesquels la préfète de la Loire-Atlantique a ordonné sa remise aux autorités italiennes et l'a assigné à résidence.

Par un jugement n° 1704602 du 31 mai 2017 le magistrat désigné du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 27 juillet 2017, M.A..., représenté par MeC..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du magistrat désigné du tribunal administratif de Nantes du 31 mai 2017 ;

2°) d'annuler les arrêtés de la préfète de la Loire Atlantique du 23 mai 2017 ;

3°) d'enjoindre à la préfète de la Loire Atlantique de transmettre sa demande d'asile à l'OFPRA ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat les dépens, ainsi que le versement à son conseil d'une somme de 1 500 euros en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

en ce qui concerne la décision de remise aux autorités italiennes :

- elle n'est pas suffisamment motivée ;

- elle méconnaît l'article 5 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2016 et l'article L. 111-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle est entachée d'erreur de droit car le préfet s'est estimé lié par les critères de détermination de l'Etat responsable ;

- la décision contestée n'a pas été précédée d'un examen rigoureux de sa situation et de situation générale de prise en charge des demandeurs d'asile en Italie en méconnaissance de l'article 17 et du 2 de l'article 3 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 ;

- la décision méconnaît le droit d'asile ;

en ce qui concerne la décision de placement en rétention :

- elle n'est pas suffisamment motivée ;

- elle est illégale en raison de l'illégalité de la décision portant réadmission vers l'Italie.

Par un courrier, enregistré le 4 janvier 2018, et un mémoire, enregistré le 27 août 2018, la préfète de la Loire-Atlantique précise que M. A...a été déclaré en fuite et conclut à la confirmation du jugement attaqué par les mêmes motifs que ceux invoqués dans ses écritures de première instance.

M. A...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 29 juin 2017.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil en date du 26 juin 2013 ;

- le règlement (UE) n° 603/2013 du Parlement européen et du Conseil en date du 26 juin 2013 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience.

A été entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Lainé, président de chambre.

Considérant ce qui suit :

1. M.A..., ressortissant nigérian, a déposé une demande d'asile en France le 24 avril 2017. La consultation du fichier Eurodac a révélé qu'il avait déposé une demande d'asile en Italie le 10 juin 2015 et la demande de reprise en charge formulée en conséquence par la préfète de la Loire-Atlantique auprès des autorités italiennes le 28 avril 2017 a été implicitement acceptée. Par deux arrêtés du 23 mai 2017, la préfète a décidé de remettre M. A...aux autorités italiennes et l'a assigné à résidence. M. A...relève appel du jugement du 31 mai 2017 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces deux décisions.

En ce qui concerne la décision de remise aux autorités italiennes :

2. En premier lieu, l'arrêté du 23 mai 2017 vise les articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, la convention de Genève et le protocole de New-York, le règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 et le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Il précise également que M. A...a sollicité l'asile auprès des autorités italiennes le 10 juin 2015, que l'Italie est donc responsable de sa demande d'asile en application des articles 3 et 7 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 et que la demande de reprise en charge était fondée sur le 1 de l'article 18 de ce même règlement. Par ailleurs, la préfète de la Loire Atlantique fait état de la situation personnelle et familiale de M. A...et précise qu'il n'établit pas être exposé à des peines ou traitements contraires à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en cas de retour en Italie et qu'il n'est pas porté une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale. Dans ces conditions, la décision contestée est suffisamment motivée en droit comme en fait.

3. En deuxième lieu, aux termes de l'article 5 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " 1. Afin de faciliter le processus de détermination de l'État membre responsable, l'État membre procédant à cette détermination mène un entretien individuel avec le demandeur. Cet entretien permet également de veiller à ce que le demandeur comprenne correctement les informations qui lui sont fournies conformément à l'article 4. (...) 4. L'entretien individuel est mené dans une langue que le demandeur comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'il la comprend et dans laquelle il est capable de communiquer. Si nécessaire, les États membres ont recours à un interprète capable d'assurer une bonne communication entre le demandeur et la personne qui mène l'entretien individuel. 5. L'entretien individuel a lieu dans des conditions garantissant dûment la confidentialité. Il est mené par une personne qualifiée en vertu du droit national. ( ...) ". Par ailleurs, l'article L. 111-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dispose que : " (...) En cas de nécessité, l'assistance de l'interprète peut se faire par l'intermédiaire de moyens de télécommunication. (...)Le nom et les coordonnées de l'interprète ainsi que le jour et la langue utilisée sont indiqués par écrit à l'étranger. ".

4. Il ressort des pièces du dossier que l'entretien réalisé le 24 avril 2017 a été assuré par un agent habilité de la préfecture qui doit, en l'absence de tout élément de preuve contraire, être regardé comme qualifié pour mener un tel entretien. Par ailleurs, aucune circonstance ne permet d'établir que cet entretien ne se serait pas déroulé dans des conditions en garantissant la confidentialité. M. A...était assisté d'un interprète en langue anglaise, qu'il ne conteste pas comprendre et parler, le nom de l'interprète et les coordonnés de la société ISM Interprétariat figurent sur le compte-rendu d'entretien. Au regard de ces éléments, les moyens tirés de la méconnaissance des dispositions précitées des articles 5 du règlement n° 604/2013 et L. 111-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doivent être écartés.

5. En troisième lieu, aux termes du 2 de l'article 3 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " (...) Lorsqu'il est impossible de transférer un demandeur vers l'Etat membre initialement désigné comme responsable parce qu'il y a de sérieuses raisons de croire qu'il existe dans cet Etat membre des défaillances systémiques dans la procédure d'asile et les conditions d'accueil des demandeurs, qui entrainent un risque de traitement inhumain ou dégradant au sens de l'article 4 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, l'Etat membre procédant à la détermination de l'Etat membre responsable poursuit l'examen des critères énoncés au chapitre III afin d'établir si un autre Etat membre peut être désigné comme responsable ". Aux termes de l'article 17 du même règlement : " 1. Par dérogation à l'article 3, paragraphe 1, chaque État membre peut décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement. / L'État membre qui décide d'examiner une demande de protection internationale en vertu du présent paragraphe devient l'État membre responsable et assume les obligations qui sont liées à cette responsabilité. (...) ".

6. D'une part, il ne ressort pas des pièces du dossier que la préfète se serait estimé en situation de compétence liée pour décider la remise de M. A...aux autorités italiennes. Le moyen tiré de l'erreur de droit doit ainsi être écarté. D'autre part, il n'est pas davantage établi que la préfète de la Loire-Atlantique n'aurait pas procédé à un examen complet et rigoureux de la situation de M. A...et des conséquences de sa réadmission en Italie au regard des garanties exigées par le respect du droit d'asile, en s'abstenant de tenir compte des difficultés de prise en charge des demandeurs d'asile dans ce pays confronté à un afflux massif de réfugiés. Enfin, il ne ressort pas non plus des pièces du dossier que la préfète aurait entaché sa décision de remise aux autorités italiennes d'une erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions précitées du paragraphe 1 de l'article 17 du règlement n° 604/2013.

7. En quatrième et dernier lieu, si l'intéressé fait état de la situation exceptionnelle dans laquelle se trouvent plusieurs Etats membres de l'Union européenne, notamment l'Italie, confrontés à un afflux sans précédent de réfugiés, il n'est toutefois pas établi, par les pièces qu'il produit, que cette circonstance exposerait sa demande d'asile à un risque sérieux de ne pas être traitée par les autorités italiennes dans des conditions conformes à l'ensemble des garanties exigées par le respect du droit d'asile. Il ne ressort pas davantage du dossier qu'il serait personnellement exposé à des risques de traitements inhumains ou dégradants en Italie, alors que ce pays est un Etat membre de l'Union européenne, partie tant à la convention de Genève du 28 juillet 1951 sur le statut des réfugiés, complétée par le protocole de New-York, qu'à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Dès lors, doit être écarté le moyen tiré de ce qu'en ne dérogeant pas aux critères de détermination de l'Etat responsable de l'examen de sa demande d'asile, la décision contestée aurait été prise en méconnaissance des dispositions des articles 3 et 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013.

En ce qui concerne la décision d'assignation à résidence :

8. En premier lieu, l'arrêté contesté vise les dispositions applicables du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et rappelle la situation administrative de l'intéressé et il indique que M. A...présente des garanties propres à prévenir le risque qu'il se soustraie à l'obligation de réadmission. Par suite, le moyen tiré d'une insuffisante motivation ne peut qu'être écarté.

9. En second lieu, il résulte des points 2 à 7 du présent arrêt que M. A...n'est pas fondé à se prévaloir de l'illégalité de la décision ordonnant sa remise aux autorités italiennes.

10. Il résulte de tout ce qui précède que M. A...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions de la préfète de la Loire Atlantique du 23 mai 2017. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et celles présentées au titre des dépens et des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. A...est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B...A...et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur.

Une copie en sera transmise pour information à la préfète de la Loire-Atlantique.

Délibéré après l'audience du 4 septembre 2018, à laquelle siégeaient :

- M. Lainé, président de chambre,

- Mme Tiger-Winterhalter, président-assesseur,

- Mme Allio-Rousseau, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 21 septembre 2018.

Le président de chambre, rapporteur,

L. LAINÉ

L'assesseur le plus ancien dans le grade le plus élevé,

N. TIGER-WINTERHALTER

Le greffier,

V. DESBOUILLONS

La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N°17NT023422


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 17NT02342
Date de la décision : 21/09/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. LAINE
Rapporteur ?: M. Laurent LAINE
Rapporteur public ?: M. BRECHOT
Avocat(s) : PRONOST

Origine de la décision
Date de l'import : 25/09/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2018-09-21;17nt02342 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award