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06/07/2018 | FRANCE | N°17NT01241

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 4ème chambre, 06 juillet 2018, 17NT01241


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Génie civil Bâtiment du Centre (GBC) a demandé au tribunal administratif d'Orléans d'arrêter à la somme de 765 332,53 euros le montant du décompte général et définitif du marché de travaux de construction d'un équipement pour la restauration scolaire et l'accueil périscolaire conclu le 16 novembre 2013 avec la commune de La-Ferté-Saint-Aubin et de condamner la commune à lui payer la somme de 227 514,67 euros correspondant au solde du marché.

Par un jugement n° 1602477 du 16 fé

vrier 2017, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté la demande de la société GBC.

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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Génie civil Bâtiment du Centre (GBC) a demandé au tribunal administratif d'Orléans d'arrêter à la somme de 765 332,53 euros le montant du décompte général et définitif du marché de travaux de construction d'un équipement pour la restauration scolaire et l'accueil périscolaire conclu le 16 novembre 2013 avec la commune de La-Ferté-Saint-Aubin et de condamner la commune à lui payer la somme de 227 514,67 euros correspondant au solde du marché.

Par un jugement n° 1602477 du 16 février 2017, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté la demande de la société GBC.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 14 avril 2017 et le 26 juillet 2017, la société GBC, représentée par MeA..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif d'Orléans du 16 février 2017 ;

2°) de condamner la commune de La-Ferté-Saint-Aubin à lui verser la somme de 258 742,10 euros TTC, assortie des intérêts moratoires à compter du 1er avril 2016 et de leur capitalisation au 1er avril 2017 et à chaque échéance annuelle ultérieure ;

3°) de mettre à la charge de la commune de La-Ferté-Saint-Aubin la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient que :

- le CCAG travaux est applicable au marché ;

- une mise en demeure d'établir le décompte vaut mémoire en réclamation ;

- en vertu de l'article 13.3.4 du CCAG travaux, le titulaire peut saisir le tribunal administratif en cas de carence du maître d'ouvrage dans l'établissement du décompte général, que la réception ait été prononcée avec ou sans réserve ;

- si le maître d'ouvrage ne chiffre pas dans le décompte général le montant des travaux nécessaires à la levée des réserves, il est réputé renoncer à obtenir la levée de ces réserves ;

- le délai de la garantie de parfait achèvement est arrivé à échéance le 27 avril 2016, de sorte que le titulaire est dégagé de ses obligations contractuelles ;

- les réserves prononcées par le maître d'ouvrage sont infondées ;

- elle a droit au paiement des travaux supplémentaires qu'elle a réalisés et ne peut supporter les frais liés à l'intervention d'autres entreprises ou les conséquences de ces évènements sur la durée du chantier.

Par un mémoire en défense, enregistré le 19 février 2018, la commune de La-Ferté-Saint-Aubin conclut au rejet de la requête et demande que la somme de 4 000 euros sot mise à la charge de la société GBC en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- l'action de la société GBC n'est pas recevable en raison du non respect de la procédure prévue par l'article 16 du CCAP du marché ;

- elle est bien fondée à surseoir à l'établissement du décompte général jusqu'à l'achèvement des travaux.

Par un ordonnance du 8 mars 2018, prise en application des articles R. 611-11-1 et R. 613-1 du code de justice administrative, la clôture de l'instruction a été fixée avec effet immédiat.

Un mémoire, présenté pour la société GBC, a été enregistré le 15 mai 2018.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code des marchés publics ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Rimeu,

- les conclusions de M. Bréchot, rapporteur public,

- et les observations de Me Michelin, avocat de la société GBC.

1. Considérant que, dans le cadre de la construction d'un équipement pour la restauration scolaire et l'accueil périscolaire, la commune de La-Ferté-Saint-Aubin (Loiret) a, par un marché signé le 23 octobre 2013, confié le lot n° 2 " Gros Œuvre " à la société Génie civil Bâtiment du Centre (GBC) ; que la réception des travaux a été prononcée, avec réserves, le 16 juin 2015 ; que les 11 et 16 février 2016, la société GBC a adressé à la commune de La-Ferté-Saint-Aubin et au maître d'oeuvre des travaux son projet de décompte final ; que par un courrier du 10 mars 2016, la commune a répondu à la société GBC qu'elle n'était pas d'accord avec les éléments demandés et qu'elle avait demandé au maître d'oeuvre d'établir une proposition rectificative ; que le 1er avril 2016, la société GBC a mis en demeure la commune de La-Ferté-Saint-Aubin de lui notifier le décompte général du marché puis, en l'absence de réponse, a saisi le 28 juillet 2016 le tribunal administratif d'Orléans d'une demande tendant à ce que le montant du décompte général et définitif du marché soit établi à la somme de 765 332,53 euros et que la commune de La-Ferté-Saint-Aubin soit condamnée à lui verser la somme de 258 742,10 euros au titre du solde du marché ; que par un jugement du 16 février 2017, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté cette demande ; que la société GBC relève appel de ce jugement ;

Sur le bien fondé du jugement :

2. Considérant, d'une part, qu'en vertu de l'article 2 du cahier des clauses administratives particulières (CCAP) du marché, consacré aux pièces contractuelles : " Le marché est constitué des documents contractuels énumérés ci-après, qui en cas de dispositions contradictoires, prévalent dans l'ordre d'importance décroissant suivant : 1. L'acte d'engagement 2. Le présent CCAP et ses éventuelles annexes (...) 8. Le CCAG Travaux dans ses articles visés au présent CCAP (...) " ;

3. Considérant que si la société GBC invoque les stipulations de l'article 13.3 du CCAG travaux approuvé par l'arrêté du 8 septembre 2009, aucune des stipulations du CCAP du marché ne vise cet article 13.3 ni ne reprend la procédure d'établissement du décompte général qu'il prévoit ; que par suite, en vertu de l'article 2 précité du CCAP, qui ne rend applicable au marché que les seuls articles du CCAG travaux qu'il vise, les stipulations de l'article 13.3 de ce CCAG ne sont pas applicables au marché litigieux ;

4. Considérant, d'autre part, qu'en vertu de l'article 6.3.1 du CCAP intitulé " Les opérations de réception " : " Il est fait application des dispositions de l'article 41 du CCAG Travaux, à l'exception de celles de l'article 41.1.3 dudit CCAG. " ; qu'aux termes de l'article 41.6 du CCAG travaux approuvé par l'arrêté du 8 septembre 2009 : " Lorsque la réception est assortie de réserves, le titulaire doit remédier aux imperfections et malfaçons correspondantes dans le délai fixé par le représentant du pouvoir adjudicateur ou, en l'absence d'un tel délai, trois mois avant l'expiration du délai de garantie défini à l'article 44.1. / Au cas où ces travaux ne seraient pas faits dans le délai prescrit, le maître de l'ouvrage peut les faire exécuter aux frais et risques du titulaire, après mise en demeure demeurée infructueuse." ; qu'en vertu de l'article 11.1 du CCAP du marché consacré à la " Garantie de parfait achèvement " : " Il est fait application de l'article 44 du CCAG Travaux. / Cette garantie est fixée à un an à compter de la date de réception des ouvrages. " ;

5. Considérant que si à l'expiration d'un délai d'un an à compter de la réception des ouvrages, le titulaire du marché est dégagé de ses obligations contractuelles, il en va différemment pour les réserves dont étaient assorties la réception qui n'auraient pas été levées ; qu'en l'espèce, il résulte du procès verbal de réception des travaux que toutes les réserves n'étaient pas levées le 16 juin 2015 et que la réception n'a été prononcée, avec effet au 27 avril 2015, date fixée pour l'achèvement des travaux, que sous réserve des travaux nécessaires à la levée des réserves restantes ; qu'il résulte du tableau récapitulant la suite donnée à chacune de ces réserves, établi le 6 avril 2016 par le maître d'oeuvre, qu'à cette date, la commune avait, ainsi que le permettent les stipulations précitées de l'article 44.1 du CCAG travaux, auquel renvoie le CCAP du marché, fait exécuter par d'autres sociétés certains travaux nécessaires, et qu'il ne restait plus que trois réserves non levées relatives chacune à des fissures ; qu'il suit de là, d'une part que la société GBC n'est pas fondée à soutenir que le délai de la garantie de parfait achèvement était expiré, le 27 avril 2016, pour la totalité de l'ouvrage ; que, d'autre part, contrairement à ce qu'a estimé le tribunal administratif d'Orléans, lorsque la société GBC a adressé le 1er avril 2016 au maître d'ouvrage une mise en demeure d'établir le décompte général des travaux, il ne restait pas " de très nombreuses réserves " mais seulement trois d'entre elles ; que la commune aurait pu, ainsi que le permet l'article 44.1 précité du CCAG travaux et ainsi qu'elle en a d'ailleurs usé pour d'autres reprises, faire réparer les trois fissures restantes par une autre société, le cas échéant aux frais et risques du titulaire après une mise en demeure restée infructueuse ; que, dans ces conditions, la commune de La-Ferté-Saint-Aubin ne pouvait plus, le 27 avril 2016, alors que le délai de la garantie de parfait achèvement expirait pour les parties réceptionnées de l'ouvrage n'ayant pas fait l'objet de réserves, surseoir à l'établissement du décompte général du marché en raison des trois seules réserves non levées ; que, par suite, la demande de première instance de la société GBC n'était pas prématurée ;

6. Considérant, enfin, qu'aux termes de l'article 16 du CCAP du marché : " Si un différend survient entre le Titulaire et le maître d'oeuvre, sous la forme de réserves faites à un ordre de service ou sous toute autre forme, ou entre le Titulaire et le représentant du pouvoir adjudicateur, le Titulaire rédige un mémoire en réclamation./Dans son mémoire en réclamation, le Titulaire expose les motifs de son différend, indique, le cas échéant, les montants de ses réclamations et fournit les justifications nécessaires correspondant à ces montants. Il transmet son mémoire au représentant du pouvoir adjudicateur et en adresse copie au maître d'oeuvre.(...) Après avis du maître d'oeuvre, le représentant du pouvoir adjudicateur notifie au Titulaire sa décision motivée dans un délai de quarante-cinq jours à compter de la date de réception du mémoire en réclamation./ L'absence de notification d'une décision dans ce délai équivaut à un rejet de la demande du Titulaire./Lorsque le représentant du pouvoir adjudicateur n'a pas donné suite ou n'a pas donné une suite favorable à une demande du Titulaire, le règlement définitif du différend relève des procédures fixées ci-après. " ;

7. Considérant qu'il résulte de l'instruction que la société GBC a accompagné le décompte final qu'elle a adressé les 11 et 16 février 2016 au maître d'ouvrage et au maître d'oeuvre du marché d'un document intitulé " Explications sur les demandes de rémunération complémentaire de GBC dans le cadre du projet de décompte final " précisant les sommes demandées et les motifs pour lesquels elle estime que ces sommes lui sont dues ; que ce document doit être regardé comme le mémoire en réclamation prévu par les stipulations précitées de l'article 16 du CCAP en cas de différend entre le titulaire et le maître d'oeuvre ou le maitre d'ouvrage ; que le maître d'ouvrage a d'ailleurs, dans son courrier du 10 mars 2016, indiqué son désaccord de principe et annoncé un projet rectifié établi par le maître d'oeuvre ; que cependant, aucune autre réponse n'a été apportée dans le délai de quarante-cinq jours prévue par les stipulations précitées, de sorte que le maître d'ouvrage doit être regardé comme ayant rejeté la demande de rémunération complémentaire de la société GBC ; qu'il suit de là que la commune de La-Ferté-Saint-Aubin n'est pas fondée à soutenir que la demande présentée par la société GBC devant le tribunal administratif d'Orléans n'était pas recevable faute d'avoir été précédée du mémoire en réclamation prévu par l'article 16 du CCAP du marché ;

8. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la société GBC est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué du 16 février 2017, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande tendant à l'établissement du décompte général du marché comme irrecevable ; qu'il suit de là que ce jugement doit être annulé ;

9. Considérant que, dans les circonstances de l'espèce il y a lieu de renvoyer l'affaire devant le tribunal administratif d'Orléans pour qu'il statue à nouveau sur la demande de la société GBC ;

Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative:

10. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que la société GBC, qui n'est pas la partie perdante, verse à la commune de La-Ferté-Saint-Aubin une somme au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

11. Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions présentées par la société GBC au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;

DECIDE :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif d'Orléans du 16 février 2017 est annulé.

Article 2 : L'affaire est renvoyée au tribunal administratif d'Orléans.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société Génie civil Bâtiment du Centre et à la commune de la-Ferté-Saint-Aubin.

Délibéré après l'audience du 19 juin 2018, à laquelle siégeaient :

- M. Lainé, président de chambre,

- Mme Tiger Winterhalter, présidente-assesseure,

- Mme Rimeu, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 6 juillet 2018.

Le rapporteur,

S. RIMEU

Le président,

L. LAINÉ

Le greffier,

V. DESBOUILLONS

La République mande et ordonne au préfet du Loiret en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 17NT01241


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Références :

Publications
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Composition du Tribunal
Président : M. LAINE
Rapporteur ?: Mme Sophie RIMEU
Rapporteur public ?: M. BRECHOT
Avocat(s) : CABINET CABANES NEVEU

Origine de la décision
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 4ème chambre
Date de la décision : 06/07/2018
Date de l'import : 07/08/2018

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 17NT01241
Numéro NOR : CETATEXT000037188851 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2018-07-06;17nt01241 ?
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