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06/07/2018 | FRANCE | N°17NT00982

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 4ème chambre, 06 juillet 2018, 17NT00982


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L'Ecole centrale de Nantes a demandé au tribunal administratif de Nantes :

1°) à titre principal, de condamner la MAIF à lui verser la somme de 137 246 euros, majorée des intérêts compensatoires, au titre des préjudices matériels subis, la somme de 18 488 euros assortie des intérêts au titre des frais d'expertise et la somme de 23 808,24 euros, assortie des intérêts, au titre des frais d'avocat de la procédure d'expertise ;

2°) à titre subsidiaire, de condamner solidairement la socié

té armoricaine de transformation industrielle des métaux (SATIM), la société Bureau Veritas...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L'Ecole centrale de Nantes a demandé au tribunal administratif de Nantes :

1°) à titre principal, de condamner la MAIF à lui verser la somme de 137 246 euros, majorée des intérêts compensatoires, au titre des préjudices matériels subis, la somme de 18 488 euros assortie des intérêts au titre des frais d'expertise et la somme de 23 808,24 euros, assortie des intérêts, au titre des frais d'avocat de la procédure d'expertise ;

2°) à titre subsidiaire, de condamner solidairement la société armoricaine de transformation industrielle des métaux (SATIM), la société Bureau Veritas, la société d'architectes Rocheteau-Saillard (ARS), la société Technip France et la société Apave à lui verser ces mêmes sommes de 137 246 euros, 18 488 euros et 23 808,23 euros, assorties des intérêts ;

3°) de condamner solidairement la SATIM, la société Bureau Veritas, la société ARS, la société Technip France et la société Apave à lui verser la somme de 14 924 euros au titre du préjudice immatériel subi.

Par un jugement n° 1401376 du 15 février 2017 le tribunal administratif de Nantes a :

- condamné l'Ecole centrale de Nantes à rembourser la somme de 182 542,24 euros versée par la MAIF à titre de provision (article 1er) ;

- condamné solidairement la SATIM et les sociétés ARS, Technip France et Apave à verser à l'Ecole centrale de Nantes la somme de 179 542,24 euros, assortie des intérêts à compter du 18 février 2014 et de leur capitalisation au 18 février 2015 et à chaque échéance annuelle ultérieure (article 2) ;

- condamné les sociétés ARS et Technip France à garantir la SATIM à hauteur respectivement de 10% et 15% des condamnations prononcées à son encontre (article 3) ;

- condamné la SATIM et les sociétés Technip France et Apave à garantir la société ARS à hauteur respectivement de 70%, 15% et 5% des condamnations prononcées à son encontre (article 4).

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 30 mars 2017 et 19 février 2018, la société Apave nord ouest, représentée par MeA..., demande à la cour :

1°) de réformer le jugement du tribunal administratif de Nantes du 15 février 2017 en tant qu'il prononce des condamnations à son encontre ;

2°) de rejeter l'ensemble des conclusions dirigées à son encontre, ou à défaut limiter sa part de responsabilité à 1% ;

3°) de condamner l'Ecole centrale de Nantes aux dépens ;

4) de mettre à la charge de l'Ecole centrale de Nantes la somme de 20 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- les désordres n'engagent pas sa responsabilité décennale car elle n'a pas la qualité de constructeur ;

- elle n'a commis aucune faute, de sorte que sa responsabilité civile ne peut pas être engagée ;

- il n'existe aucun lien de causalité entre son intervention et les désordres ;

- les frais de remise en état du pont roulant auraient été moins élevés si l'ECN avait pris en compte ses alertes ;

- le préjudice immatériel n'est justifié ni dans son principe ni dans son montant ;

- elle n'est pas coauteur de fautes à l'origine du dommage, de sorte qu'elle ne peut être condamnée solidairement avec d'autres constructeurs.

Par un mémoire, enregistré le 13 avril 2017, la société SATIM conclut au rejet des demandes dirigées contre elle et demande la réformation du jugement du tribunal administratif de Nantes du 15 février 2017 en tant qu'il a prononcé des condamnations à son encontre ; à titre subsidiaire, elle demande la condamnation solidaire des sociétés ARS, Bureau Veritas et Technip à la garantir des condamnations prononcées à son encontre. Enfin, elle demande que la somme de 3 000 euros soit mise à la charge de l'Ecole centrale de Nantes ou de toute autre partie succombante au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- c'est à tort que le tribunal a écarté la garantie contractuelle de la MAIF ;

- le chemin roulant, objet des désordres, ne constitue pas un ouvrage susceptible d'entraîner la mise en jeu de la garantie décennale des constructeurs ;

- les désordres ne rendent pas l'ouvrage impropre à sa destination ;

- sa responsabilité ne peut excéder 60%.

Par deux mémoires, enregistrés le 21 juin 2017 et le 20 novembre 2017, la société Bureau Véritas Construction, venant aux droits de la société Bureau Véritas, conclut au rejet des conclusions dirigées contre elle et demande que les dépens, ainsi que la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, soient mis à la charge de la société SATIM.

Elle soutient que :

- eu égard à sa mission particulière et limitée de contrôleur technique, qui excluait les éléments d'équipement dissociables que sont les poutres de roulement, sa responsabilité ne peut être retenue, ni sur le fondement de la garantie décennale ni sur celui de la faute ;

- l'appel provoqué de l'Ecole centrale de Nantes est irrecevable.

Par deux mémoires, enregistrés le 18 juillet 2017 et le 29 novembre 2017, la société Technip France demande la réformation du jugement du tribunal administratif de Nantes du 15 février 2017 en tant qu'il a prononcé des condamnations à son encontre ; à titre subsidiaire, elle demande que sa part de responsabilité soit limitée à 5% ; enfin elle demande que la somme de 3000 euros soit mise à la charge de l'Ecole centrale de Nantes au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- les éléments d'équipement tels un pont roulant ne sont pas des ouvrages au sens des articles 1792 et suivants du code civil ;

- les désordres ne rendent pas l'ouvrage impropre à sa destination ;

- elle n'a commis aucune faute susceptible d'engager sa responsabilité.

Par deux mémoires, enregistrés le 4 octobre 2017 et le 21 février 2018, la MAIF conclut au rejet des conclusions dirigées contre elle et demande que la somme de 5 000 euros soit mise à la charge de l'Ecole centrale de Nantes en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement, en ce qu'il condamne l'Ecole centrale de Nantes à lui rembourser la somme de 182 452,24 euros, sera confirmé ;

- l'assurance dommages ouvrage n'a pas pour objet de pallier l'indemnisation des constructeurs fautifs ;

- l'Ecole centrale de Nantes n'a souscrit aucune assurance de bon fonctionnement auprès d'elle.

Par deux mémoires, enregistrés le 9 octobre 2017 et le 16 février 2018, la société d'Architectes Rocheteau Saillard (ARS) conclut au rejet des demandes présentées à son encontre et à la réformation du jugement du tribunal administratif de Nantes en tant qu'il a prononcé des condamnations à son encontre ; à titre subsidiaire, elle demande la condamnation solidaire de la MAIF et des sociétés Bureau Veritas, SATIM, Technip France et Apave à la garantir des condamnations prononcées à son encontre ; elle demande enfin que la somme de 3 000 euros soit mise à la charge solidaire des parties perdantes au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le groupement de maîtrise d'oeuvre n'était que conjoint et non solidaire ;

- elle n'avait pas de mission quant aux calculs des charges du pont et à leur vérification.

Par un mémoire, enregistré le 13 novembre 2017, l'Ecole centrale de Nantes conclut au rejet de la requête et des conclusions d'appel provoqué présentées par les autres défendeurs ; elle demande la réformation du jugement en ce qu'il a écarté la responsabilité décennale de la société Bureau Veritas et en ce qu'il a rejeté sa demande tendant à la condamnation solidaire des sociétés SATIM, Bureau Veritas, ARS, Technip France et Apave à lui verser la somme de 14 924 euros au titre du préjudice immatériel subi. Enfin, elle demande que la somme de 5 000 euros soit mise à la charge de ces mêmes sociétés au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- les dommages constatés rendent l'ouvrage impropre à sa destination ;

- le moyen tiré du caractère dissociable ou indissociable du pont roulant est inopérant ;

- les constructeurs, y compris le Bureau Veritas, doivent être solidairement condamnés au titre de leur responsabilité décennale ;

- son préjudice immatériel doit être indemnisé.

Par une ordonnance du 20 mars 2018, prise en application des articles R. 611-11-1 et R. 613-1 du code de justice administrative, la clôture de l'instruction a été fixée avec effet immédiat.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code des assurances ;

- le code des marchés publics ;

- le code civil ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Rimeu,

- les conclusions de M. Bréchot, rapporteur public,

- et les observations de Me Gonon, avocat de la société Apave Nord Ouest, celles de Me Vautier, avocat de l'Ecole centrale de Nantes, celles de Me Largy, avocat de la société d'Architectes Rocheteau-Saillard, celles de Me Szanto, avocat de la société Bureau Veritas, celles de Me Abbas, avocat de la société SATIM, celles de Me Jouault-Fiorini, avocat de la MAIF et celles de Me Gasnier, avocat de la société Technip France.

1. Considérant que, par un contrat signé le 3 novembre 1998, l'Ecole centrale de Nantes a confié à un groupement conjoint composé notamment de la société d'Architectes Rocheteau-Saillard (ARS), mandataire, et de la société Tech Atlan, bureau d'études techniques tous corps d'état, remplacée ensuite par la société Technip France, la maîtrise d'oeuvre des travaux d'extension de son bassin d'essai des carènes ; que par un contrat signé le 12 juin 1998, le contrôle technique de l'opération a été confié à la société Bureau Veritas, aux droits de laquelle vient désormais la société Bureau Veritas Construction ; que par un contrat signé le 17 janvier 2000, le lot n° 3 " Charpente métallique " a été confié à la société armoricaine de transformation industrielle des métaux (SATIM) et, par un contrat signé les 17 et 20 janvier 2000, le lot n° 9 " Pont roulant " a été confié à la société MC Levage ; que l'APAVE a réalisé le 20 décembre 2000 un contrôle du pont roulant avant sa mise en service ; que l'assureur dommages-ouvrage de l'opération était la MAIF ; que la réception des travaux a été prononcée avec effet au 27 avril 2001 ; qu'en raison de désordres affectant les poutres de roulement du pont, l'Ecole centrale de Nantes a présenté une déclaration de sinistre, le 22 mai 2009, auprès de la MAIF ; que celle-ci a refusé sa garantie au motif que les désordres n'étaient pas de nature décennale ; qu'à la demande de l'Ecole centrale de Nantes, le juge du référé du tribunal administratif de Nantes a ordonné un constat d'urgence puis une expertise, dont le rapport a été déposé au greffe de ce tribunal le 28 décembre 2012 ; que par une ordonnance du 22 juin 2015, le juge du référé de ce tribunal a condamné la MAIF à verser à l'Ecole centrale de Nantes une provision de 179 542,24 euros, assortie des intérêts à compter du 22 août 2013 et de leur capitalisation au 22 août 2014 et à chaque échéance annuelle ultérieure ; que par une ordonnance du 16 juin 2016, le juge du référé de la présente cour a rejeté l'appel formé par la MAIF contre cette ordonnance du 22 juin 2015 ; que par un jugement du 15 février 2017, le tribunal administratif de Nantes a, d'une part, condamné l'Ecole centrale de Nantes à rembourser la somme versée à titre de provision par la MAIF, d'autre part condamné solidairement la SATIM et les sociétés ARS, Technip France et Apave à verser à l'Ecole centrale de Nantes la somme de 179 542,24 euros, assortie des intérêts à compter du 18 février 2014 et de leur capitalisation au 18 février 2015 et à chaque échéance annuelle ultérieure, et enfin condamné les sociétés ARS et Technip France à garantir la SATIM à hauteur respective de 10% et 15 % des condamnations prononcées à son encontre et les sociétés SATIM, Technip France et Apave à garantir la société ARS à hauteur respective de 70%, 15% et 5% des condamnations prononcées à son encontre ; que la société Apave relève appel de ce jugement en tant qu'il a prononcé des condamnations à son encontre ; que par la voie de l'appel provoqué et incident, l'Ecole centrale de Nantes demande que la société Bureau Veritas soit condamnée solidairement avec les autres constructeurs sur le fondement de la garantie décennale et que les sociétés SATIM, Bureau Veritas, ARS, Technip France et Apave soient solidairement condamnées à lui verser la somme de 14 924 euros au titre de son préjudice immatériel ; que par la voie de l'appel provoqué et " incident ", les sociétés ARS, Technip France et SATIM demandent la réformation du jugement attaqué en tant qu'il a prononcé des condamnations à leur encontre ;

Sur l'appel principal :

Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête :

2. Considérant qu'un prestataire ne peut être regardé comme un constructeur tenu à la responsabilité décennale que s'il est lié au maître d'ouvrage par un contrat de louage d'ouvrage portant sur la conception ou la réalisation de l'ouvrage affecté de désordres ;

3. Considérant qu'il résulte de l'instruction que la société APAVE a réalisé pour l'Ecole centrale de Nantes, le 20 décembre 2000, le contrôle de conformité du pont roulant exigé avant la mise en service de ce type d'ouvrage par un arrêté du 9 juin 1993 puis a ensuite procédé à la vérification périodique annuelle de l'ouvrage, en vertu d'un contrat qui a pris fin en 2007 ; qu'ainsi, l'APAVE n'a participé ni à la conception ni à la réalisation de l'ouvrage mais s'est borné à effectuer un contrôle réglementaire sur l'ouvrage achevé, afin de permettre la mise en service de celui-ci ; que l'APAVE ne peut donc pas être regardée comme un constructeur au sens des principes qui régissent la garantie décennale ;

4. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que l'APAVE est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué du 15 février 2017, le tribunal administratif de Nantes l'a condamnée, d'une part solidairement avec les sociétés SATIM, ARS et Technip France à verser à l'Ecole centrale de Nantes la somme de 179 542,24 euros, d'autre part à garantir la société ARS à hauteur de 5 % des condamnations prononcées contre celle-ci au titre de la garantie décennale des constructeurs ;

Sur les conclusions des sociétés ARS, SATIM et Technip France tendant à être exonérées de leur responsabilité décennale et celles de l'Ecole centrale de Nantes tendant à l'engagement de la responsabilité décennale de la société Bureau Véritas:

En ce qui concerne la nature des conclusions de la société SATIM et son moyen tiré de ce que seule la MAIF pouvait être condamnée :

5. Considérant, en premier lieu, que les conclusions d'appel présentées par un intimé doivent être regardées comme constitutives d'un appel principal si elles sont présentées dans le délai d'appel ou, sauf lorsqu'il s'agit d'un appel provoqué, comme constitutives d'un appel incident lorsqu'elles sont présentées hors délai ; qu'en l'espèce, le mémoire de la société SATIM dirigé contre le jugement du tribunal administratif de Nantes du 15 février 2017, enregistré le 13 avril 2017 avant l'expiration du délai d'appel de deux mois prévu par l'article R. 811-2 du code de justice administrative, doit ainsi être regardé comme un appel principal alors même que ses conclusions sont qualifiées par l'intéressée d'appel incident ;

6. Considérant, en second lieu, qu'aux termes de l'article L. 242-1 du code des assurances : " Toute personne physique ou morale qui, agissant en qualité de propriétaire de l'ouvrage, de vendeur ou de mandataire du propriétaire de l'ouvrage, fait réaliser des travaux de construction, doit souscrire avant l'ouverture du chantier, pour son compte ou pour celui des propriétaires successifs, une assurance garantissant, en dehors de toute recherche des responsabilités, le paiement de la totalité des travaux de réparation des dommages de la nature de ceux dont sont responsables les constructeurs au sens de l'article 1792-1, les fabricants et importateurs ou le contrôleur technique sur le fondement de l'article 1792 du code civil. / Toutefois, l'obligation prévue au premier alinéa ci-dessus ne s'applique ni aux personnes morales de droit public (...) lorsque ces personnes font réaliser pour leur compte des travaux de construction pour un usage autre que l'habitation. / L'assureur a un délai maximal de soixante jours, courant à compter de la réception de la déclaration du sinistre, pour notifier à l'assuré sa décision quant au principe de la mise en jeu des garanties prévues au contrat. / Lorsqu'il accepte la mise en jeu des garanties prévues au contrat, l'assureur présente, dans un délai maximal de quatre-vingt-dix jours, courant à compter de la réception de la déclaration du sinistre, une offre d'indemnité, revêtant le cas échéant un caractère provisionnel et destinée au paiement des travaux de réparation des dommages. En cas d'acceptation, par l'assuré, de l'offre qui lui a été faite, le règlement de l'indemnité par l'assureur intervient dans un délai de quinze jours / (...) " ; que la société SATIM soutient que le tribunal administratif a rejeté à tort les conclusions présentées à titre principal contre la MAIF, assureur dommages ouvrage de l'Ecole centrale de Nantes, et qu'il ne pouvait prononcer la condamnation solidaire des constructeurs puisque celle-ci ne lui était demandée qu'à titre subsidiaire ;

7. Considérant que les dispositions précitées au point 6 instituent une procédure spécifique de préfinancement des travaux de réparation des désordres couverts par la garantie décennale avant toute recherche de responsabilité ; que, toutefois, l'Ecole centrale de Nantes, en l'absence de toute précision sur les clauses du contrat avec la MAIF qu'elle entendait voir mises en oeuvre, n'a pas établi qu'alors même qu'elle n'était pas tenue de souscrire une assurance des dommages à l'ouvrage en vertu des dispositions précitées de l'article L. 242-1 du code des assurances, les parties à ce contrat auraient entendu se placer sous le régime défini par ces dispositions et par les textes pris pour leur application, en particulier l'article A. 243-1 du même code définissant les clauses-types d'un tel contrat ; que, dans ces conditions, la société SATIM n'est pas fondée à soutenir qu'elle ne pouvait être condamnée sur le fondement de la responsabilité décennale des constructeurs au motif que l'Ecole maître d'ouvrage avait sollicité à titre principal la condamnation de la MAIF en vertu du contrat d'assurance ;

En ce qui concerne la fin de non recevoir soulevée par la société Bureau Véritas :

8. Considérant que le présent arrêt, qui fait droit à l'appel principal de la société APAVE et exonère celle-ci de sa responsabilité décennale, aggrave la situation de l'Ecole centrale de Nantes, laquelle ne peut plus récupérer les sommes dues auprès des quatre sociétés solidairement condamnées en première instance mais seulement auprès de trois d'entre elles ; qu'il suit de là que les conclusions d'appel provoqué de l'Ecole centrale de Nantes tendant à la condamnation de la société Bureau Véritas sur le fondement de la garantie décennale des constructeurs sont recevables ;

En ce qui concerne la responsabilité décennale :

9. Considérant qu'il résulte des principes qui régissent la garantie décennale des constructeurs que des désordres apparus dans le délai d'épreuve de dix ans, de nature à compromettre la solidité de l'ouvrage ou à le rendre impropre à sa destination dans un délai prévisible, engagent leur responsabilité même s'ils ne se sont pas révélés dans toute leur étendue avant l'expiration du délai de dix ans ; que cette responsabilité décennale peut être recherchée pour des éléments d'équipement, qu'ils soient dissociables ou indissociables de l'ouvrage, dès lors qu'ils rendent l'ouvrage impropre à sa destination ;

10. Considérant, d'une part, qu'il résulte de l'instruction que les travaux ont consisté à étendre le bassin d'essai des carènes et à équiper le bassin à houle d'un pont roulant ; que les désordres sont dus à un sous-dimensionnement du chemin de roulement de celui-ci, qui a engendré, au fur et à mesure de son utilisation, des déformations plastiques empêchant le fonctionnement du pont roulant et donc l'utilisation du bassin à houle pour tester les prototypes ; que ce sous-dimensionnement crée également un défaut de résistance de la poutre du chemin de roulement au déversement susceptible d'être dangereuse pour les intervenants ; que dans ces conditions, ces désordres sont de nature à rendre l'ouvrage impropre sa destination ;

11. Considérant, d'autre part, qu'il résulte de l'instruction que le sous-dimensionnement des poutres du chemin de roulement est dû au non-respect des hypothèses de calcul lors de la conception de l'ouvrage par la SATIM, chargée du lot charpentes métalliques ; que la note de calcul de cette société, par sa brièveté et la modélisation qu'elle propose, permettait à tout lecteur averti, sans même refaire les calculs, de déceler un défaut ; que cette note a été transmise aux sociétés ARS et Technip France, maîtres d'oeuvre, et à la société Bureau Véritas, contrôleur technique ; que si cette dernière soutient qu'elle n'était chargée que d'une mission " L " solidité des ouvrages, laquelle ne couvre que les éléments d'équipements indissociables, le pont roulant, élément essentiel des travaux d'extension du bassin d'essai des carènes, sans lequel le bassin à houle ne peut plus être utilisé pour tester des prototypes alors que c'est sa seule fonction, constituait un élément indissociable de l'ouvrage, objet des travaux couverts par la convention de contrôle technique signée le 12 juin 1998 ; qu'il suit de là que les désordres sont imputables à la société SATIM, à l'origine de la note de calcul erronée, ainsi qu'aux sociétés ARS, Technip France et Bureau Véritas, chargées de la direction, de la surveillance et du contrôle des travaux, qui dans le cadre de leurs fonctions respectives n'ont pas alerté le maître d'ouvrage sur une erreur facilement décelable par elles ;

12. Considérant qu'il résulte de ce qui précède, d'une part que les sociétés ARS, Technip France et SATIM ne sont pas fondées à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué du 15 février 2017, le tribunal administratif de Nantes a retenu leur responsabilité décennale, et d'autre part, que l'Ecole centrale de Nantes est fondée à soutenir que c'est à tort que ce même jugement a exclu la société Bureau Véritas de la responsabilité décennale des constructeurs ;

Sur les conclusions de l'Ecole centrale de Nantes tendant à la condamnation des constructeurs à lui verser la somme de 14 924 euros au titre de son " préjudice immatériel " :

13. Considérant qu'il résulte de l'instruction que les travaux de réparation du pont roulant ont nécessité la fermeture du bassin à houle pendant treize jours ; que si cette fermeture est à l'origine d'une réorganisation des plannings d'intervention, ce qui a pu générer un surcroît de travail pour les services de l'Ecole centrale de Nantes, celle-ci ne demande pas à être indemnisée de ce surcroît de travail mais de la perte d'exploitation que représente, théoriquement, au regard du chiffre d'affaire annuel et du chiffre d'affaire dégagé par chaque marché, une fermeture de son bassin à houle ; que cependant, dès lors qu'elle a réorganisé ses plannings d'intervention et ne soutient pas avoir dû refuser des marchés ou payer des indemnités à ses cocontractants en raison d'un retard dans l'exécution de ces marchés, lesquels ne comportent pas seulement une phase d'essai pratique mais également une phase de conception, réalisable nonobstant la fermeture du bassin, elle n'établit pas avoir subi une perte d'exploitation effective ;

14. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que l'Ecole centrale de Nantes n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué du 15 février 2017, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à la condamnations des sociétés SATIM, ARS, Technip France, Bureau Véritas et APAVE à lui verser la somme de 14 924 euros en réparation de son préjudice immatériel ;

Sur les dépens :

15. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que les dépens, liquidés et taxés à la somme de 18 488 euros par une ordonnance du 28 janvier 2013 doivent être mis à la charge solidaire définitive des sociétés SATIM, ARS, Technip France et Bureau Véritas ;

Sur les appels en garantie formés par les sociétés ARS, SATIM et Technip France :

16. Considérant qu'il résulte de l'instruction que si les désordres résultent principalement d'un défaut de conception dû à une erreur de la note de calcul élaborée par la société SATIM, les sociétés ARS, Technip et Bureau Véritas ont failli dans leurs missions respectives de direction, de surveillance, de contrôle et de conseil, qui auraient dû les conduire à relever les défaillances, facilement visibles par un professionnel, de cette note de calcul ; que par suite, il y a lieu de retenir une part de responsabilité de 70% à la charge de la société SATIM et une part de responsabilité de 10% chacune à la charge des sociétés ARS, Technip France et Bureau Véritas ;

17. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la société SATIM est fondée à demander la condamnation des sociétés ARS, Technip France et Bureau Véritas à la garantir à hauteur respective de 10% chacune des condamnations prononcées à son encontre et que la société ARS est fondée à demander la condamnation des sociétés SATIM, Technip France et Bureau Véritas à la garantir à hauteur respective de 70%, 10% et 10% des condamnations prononcées à son encontre ;

Sur les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

18. Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions présentées par les parties au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;

DECIDE :

Article 1er : Les sociétés ARS, SATIM, Technip France et Bureau Véritas sont solidairement condamnées à verser à l'Ecole centrale de Nantes la somme de 179 542,24 euros, assortie des intérêts à compter du 18 février 2014, et de leur capitalisation au 18 février 2015 et à chaque échéance annuelle ultérieure, en réparation des désordres affectant le pont roulant du bassin à houle.

Article 2 : Les sociétés ARS, Bureau Veritas et Technip France sont condamnées à garantir la société SATIM chacune à hauteur de 10 % des condamnations prononcées contre celle-ci.

Article 3 : Les sociétés SATIM, Technip France et Bureau Veritas sont condamnées à garantir la société ARS à hauteur respectivement de 70 %, 10 % et 10 % des condamnations prononcées contre celle-ci.

Article 4 : Le jugement du tribunal administratif de Nantes du 15 février 2017 est réformé en ce qu'il a de contraire aux articles 1er à 3 du présent arrêt.

Article 5 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à l'Ecole centrale de Nantes, à la MAIF, à la société Armoricaine de Transformation Industrielle des Métaux, à la société d'Architectes Rocheteau-Saillard, à la société Technip France, à la société Bureau Véritas, à la société APAVE et à la société Ceris Ingenierie.

Délibéré après l'audience du 19 juin 2018, à laquelle siégeaient :

- M. Lainé, président de chambre,

- Mme Tiger Winterhalter, présidente-assesseure,

- Mme Rimeu, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 6 juillet 2018.

Le rapporteur,

S. RIMEU

Le président,

L. LAINÉ

Le greffier,

V. DESBOUILLONS

La République mande et ordonne au préfet de la Loire-Atlantique en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 17NT00982


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 17NT00982
Date de la décision : 06/07/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. LAINE
Rapporteur ?: Mme Sophie RIMEU
Rapporteur public ?: M. BRECHOT
Avocat(s) : SELARL CORNET VINCENT SEGUREL

Origine de la décision
Date de l'import : 07/08/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2018-07-06;17nt00982 ?
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