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29/06/2018 | FRANCE | N°17NT00974

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 1ère chambre, 29 juin 2018, 17NT00974


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société anonyme (SA) Clinique de l'Alliance a demandé au tribunal administratif d'Orléans de prononcer le remboursement des crédits de taxe sur la valeur ajoutée de 50 636 euros dont elle disposait à l'expiration de l'année 2013 et de 32 238 euros dont elle disposait à l'expiration de l'année 2014 ainsi que la réduction des cotisations de taxe sur les salaires à hauteur de 35 582 euros au titre de l'année 2013 et 39 189 euros au titre de l'année 2014.

Par un jugement n° 1504172 du 17 janvie

r 2017, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande.

Procédure devant ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société anonyme (SA) Clinique de l'Alliance a demandé au tribunal administratif d'Orléans de prononcer le remboursement des crédits de taxe sur la valeur ajoutée de 50 636 euros dont elle disposait à l'expiration de l'année 2013 et de 32 238 euros dont elle disposait à l'expiration de l'année 2014 ainsi que la réduction des cotisations de taxe sur les salaires à hauteur de 35 582 euros au titre de l'année 2013 et 39 189 euros au titre de l'année 2014.

Par un jugement n° 1504172 du 17 janvier 2017, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 23 mars 2017 et 2 février 2018, la SA Clinique de l'Alliance, représentée par la Selarl Onelaw, demande, dans le dernier état de ses écritures, à la cour :

1°) de réformer ce jugement ;

2°) de prononcer le remboursement de crédits de taxe sur la valeur ajoutée à hauteur de 50 636 euros au titre de l'année 2013 et 22 566 euros au titre de l'année 2014 et la réduction des cotisations de taxe sur les salaires à hauteur de 35 582 euros au titre de l'année 2013 et 39 189 euros au titre de l'année 2014 ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement est insuffisamment motivé quant au caractère matériellement et économiquement indissociable des opérations de prescription du médicament par un médecin libéral, de fourniture de ce médicament par la pharmacie à usage intérieur de l'établissement et de l'administration de ce médicament ;

- en estimant que l'opération de livraison des médicaments, s'intégrant dans une opération globale d'hospitalisation, doit être regardée comme étroitement liée à l'hospitalisation et relève du cas d'exonération de la taxe sur la valeur ajoutée prévu au b) du paragraphe 1 de l'article 132 de la directive du 28 novembre 2006, le tribunal administratif a méconnu la portée de la décision n° C-366/12 du 13 mars 2014 de la Cour de Justice de l'Union Européenne ;

- dès lors qu'il revient au juge national d'interpréter la législation de son pays à la lumière de l'interprétation donnée par la Cour de Justice de l'Union Européenne, il ne doit pas être tenu compte de la décision rendue le 24 septembre 2014 par le Bundesfinanzhof invoquée par l'administration fiscale qui ne s'impose pas au juge français et est sans lien avec le cas soumis à ce dernier ;

- les médecins libéraux, qui prescrivent les médicaments cystostatiques dans le cadre de traitement ambulatoire contre le cancer au sein d'un établissement de santé, sont indépendants sur le plan juridique et médical, de sorte que le régime de taxe sur la valeur ajoutée applicable aux livraisons de ces médicaments relève du c) du § 1 de l'article 132 de la directive 2006/112/CE du 28 novembre 2006 ;

- les prestations de soins assurées par des médecins indépendants exerçant au sein d'un établissement de santé français et les ventes de médicaments assurées par la pharmacie à usage intérieur de cet établissement constituent deux opérations matériellement et économiquement dissociables de sorte que les ventes de médicaments prescrits par des médecins indépendants doivent être soumises à la taxe sur la valeur ajoutée ;

- l'administration fiscale applique cette distinction entre la prestation de soins et la délivrance de médicaments dans le cas d'un médecin propharmacien, comme le prévoient les points 460 à 480 de l'instruction BOI-TVA-CHAMP-10-30-60-50 ;

- il convient de tirer les conséquences de l'assujettissement à la taxe sur la valeur ajoutée sur le rapport d'assujettissement à la taxe sur les salaires ;

- elle sollicite l'application de la tolérance administrative prévue par les paragraphes 300 et suivants du BOI-TPS-TS-20-30-20140122 du 22 janvier 2014 et la décision de rescrit

n° 201-31 (FP) qui permet de prendre en compte, pour le calcul du rapport d'assujettissement, le chiffre d'affaires réalisé l'année de versement des rémunérations.

Par deux mémoires, enregistrés les 5 octobre 2017 et 20 février 2018, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que :

- la demande pour bénéficier des modalités de calcul exposées dans le rescrit n° 201-31 du 11 mai 2010 est sans objet dès lors qu'il ne conteste pas l'application pour l'année 2013 du calcul de la taxe sur les salaires selon le rapport d'assujettissement définitif ;

- les autres moyens présentés ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la directive 2006/112/CE du 28 novembre 2006 ;

- la décision n° C-366/12 du 13 mars 2014 de la Cour de Justice de l'Union Européenne ;

- le code de la santé publique ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Malingue,

- les conclusions de M. Jouno, rapporteur public.

- et les observations de MeA..., représentant la SA Clinique de l'Alliance.

Considérant ce qui suit :

1. La société anonyme (SA) Clinique de l'Alliance, qui est un établissement hospitalier privé à but lucratif, a présenté le 1er juin 2015 deux réclamations en matière de taxe sur la valeur ajoutée et de taxe sur les salaires au titre des années 2013 et 2014 au motif que c'est à tort qu'elle a exonéré de taxe sur la valeur ajoutée les livraisons de médicaments cytostatiques dans le cadre de traitement ambulatoire contre le cancer. Estimant que la livraison de ces traitements bénéficiait de l'exonération prévue au b) du 1 de l'article 132 de la directive n°206/112/CE en tant qu'opération étroitement liée à l'hospitalisation temporaire du patient au sein de l'établissement, l'administration fiscale a, par décision du 13 novembre 2015, rejeté ces réclamations. La SA Clinique de l'Alliance a alors sollicité auprès du tribunal administratif d'Orléans le remboursement de crédits de taxe sur la valeur ajoutée dont elle estimait disposer à l'expiration des années 2013 et 2014 ainsi que la réduction des cotisations de taxe sur les salaires à hauteur de 35 582 euros au titre de l'année 2013 et 39 189 euros au titre de l'année. Elle relève appel du jugement du 17 janvier 2017 par lequel ce tribunal a rejeté sa demande.

Sur l'exonération de taxe sur la valeur ajoutée de la livraison de médicaments cytostatiques :

En ce qui concerne le terrain de la loi :

2. L'article 261 du code général des impôts, qui transpose, respectivement, les c) et b) du paragraphe 1 de l'article 132 de la directive 2006/112/CE, prévoit, en son point 4, que sont exonérés de la taxe sur la valeur ajoutée les soins dispensés aux personnes par les membres des professions médicales (1°) ainsi que les frais d'hospitalisation et de traitement dans les établissements de santé privés titulaires de l'autorisation mentionnée à l'article L. 6122-1 du code de la santé publique (1° bis).

3. L'article 132 de la directive 2006/112/CE, inclus dans le chapitre 2 intitulé exonérations en faveur de certaines activités d'intérêt général, qui reprend à l'identique les dispositions figurant à l'article 13 A paragraphe 1 b) et c) de la directive n° 77/388/CEE, dispose que : " 1. Les États membres exonèrent les opérations suivantes: (...) / b) l'hospitalisation et les soins médicaux ainsi que les opérations qui leur sont étroitement liées, assurés par des organismes de droit public ou, dans des conditions sociales comparables à celles qui valent pour ces derniers, par des établissements hospitaliers, des centres de soins médicaux et de diagnostic et d'autres établissements de même nature dûment reconnus; / c) les prestations de soins à la personne effectuées dans le cadre de l'exercice des professions médicales et paramédicales telles qu'elles sont définies par l'État membre concerné ; ".

4. Il résulte de la jurisprudence de la Cour de Justice de l'Union Européenne que les points b) et c) de l'article 132, paragraphe 1, de la directive 2006/112/CE, dont les champs d'application sont distincts, ont pour objet de réglementer la totalité des exonérations des prestations médicales au sens strict et que l'article 132, paragraphe 1, sous b), de cette directive vise des prestations accomplies dans le milieu hospitalier, alors que l'article 132, paragraphe 1, sous c), de cette directive vise des prestations médicales fournies en dehors d'un tel cadre, tant au domicile privé du prestataire qu'au domicile du patient ou en tout autre lieu.

5. L'article L. 6122-1 du code de la santé publique, qui se situe au chapitre II " Autorisations " du titre II du livre premier relatif aux établissements de santé, soumet à l'autorisation de l'agence régionale de santé la création, la conversion et le regroupement des activités de soins, au nombre desquelles figure, en vertu du 18° de l'article R. 6122-25 de ce même code, le traitement du cancer. Cette autorisation peut, en vertu de l'article R. 6123-87 de ce code, être accordée pour une ou plusieurs pratiques thérapeutiques, dont la chimiothérapie. En application de l'article R. 6123-88 du code de la santé publique, la délivrance de cette autorisation est soumise à plusieurs conditions, dont l'appartenance à un réseau de soins en cancérologie ainsi que la mise en place d'une organisation qui assure à chaque patient l'annonce du diagnostic et une proposition thérapeutique fondée sur une concertation pluridisciplinaire ainsi que la mise en oeuvre de traitements conformes à des référentiels de bonne pratique clinique.

6. Les livraisons de médicaments pour lesquels l'assujettissement à la taxe sur la valeur ajoutée est demandée par la SA Clinique de l'Alliance entrent dans le cadre du traitement ambulatoire contre le cancer par chimiothérapie. Ce traitement est assuré en milieu hospitalier. Il résulte des conditions d'autorisation et de fonctionnement des activités carcinologiques décrites au point 5 du présent arrêt, qui impliquent notamment une proposition thérapeutique fondée sur une concertation pluridisciplinaire, que ce traitement, prescrit par le médecin, préparé par le pharmacien de l'établissement et administré par le personnel soignant, est prodigué dans le cadre d'un parcours de soins par différents intervenants de l'établissement de santé, seul titulaire de l'autorisation. Si les médecins exercent au sein de la clinique sous un statut libéral, ils ne peuvent toutefois prescrire les médicaments cytostatiques en dehors de la prestation globale de soins assurée par l'établissement de santé. Dans ces conditions, les prestations de soins dont résulte la délivrance de médicaments cytostatiques, assurées par l'établissement de santé en milieu hospitalier ambulatoire et ne pouvant être prodiguées en dehors de ce cadre, entrent, en application de ce qui a été rappelé aux points 2 à 4 du présent arrêt, dans le champ d'application des dispositions du 1° bis de l'article 261 du code général des impôts, interprétées à la lumière du b) du paragraphe 1 de l'article 132 de la directive 2006/112/CE.

7. Par ailleurs, les champs d'application des points b) et c) de l'article 132, paragraphe 1, de la directive 2006/112/CE étant distincts et exclusifs, il résulte de ce qui a été dit au point précédent que la société requérante n'est pas fondée à soutenir que le traitement ambulatoire du cancer par chimiothérapie qu'elle prodigue relève du régime prévu au c) de l'article 132, paragraphe 1. Par conséquent, elle ne peut revendiquer l'application à son bénéfice de l'arrêt du 13 mars 2014 de la Cour de Justice de l'Union Européenne, Finanzamt Dortmund-West contre Klinikum Dortmunt Gmbh (C-366/12), en particulier son point 34, qui concerne les modalités d'application du régime prévu à cet article, repris par les dispositions du 1° du 4 de l'article 261 du code général des impôts.

8. Enfin, si la fourniture de médicaments cytostatiques par la pharmacie de l'établissement peut être distinguée de la prestation de soins délivrée par le médecin, elle s'inscrit dans une continuité thérapeutique et est indispensable au regard de la finalité thérapeutique du traitement ambulatoire contre le cancer. Dans ces conditions, présentant la nature d'une opération étroitement liée à l'hospitalisation, elle est exonérée de taxe sur la valeur ajoutée sur le fondement des dispositions du 1° bis de l'article 261 du code général des impôts, interprétées à la lumière du b) du paragraphe 1 de l'article 132 de la directive 2006/112/CE.

En ce qui concerne l'interprétation administrative de la loi :

9. La SA Clinique de l'Alliance n'est pas fondée, sur le fondement de l'interprétation administrative de la loi fiscale, à se prévaloir des points 460 à 480 de l'instruction administrative BOI-TVA-CHMAP-10-30-50-50, qui disposent que les ventes de médicaments ou autres produits réalisées par les médecins propharmaciens sont soumises à la taxe sur la valeur ajoutée, dans les prévisions desquelles elle ne rentre pas compte tenu de son activité.

10. Il résulte de tout ce qui précède que la SA Clinique de l'Alliance n'est pas fondée à solliciter le remboursement de crédits de taxe sur la valeur ajoutée au titre des livraisons de médicaments cytostatiques.

Sur la modification du rapport d'assujettissement à la taxe sur les salaires :

11. En vertu du 3 de l'article 51 de l'annexe III au code général des impôts, la taxe sur les salaires afférente aux rémunérations des personnels est établie en appliquant à ces rémunérations le rapport existant entre le chiffre d'affaires de la société qui n'a pas été passible de taxe sur la valeur ajoutée et le chiffre d'affaires total.

12. Les livraisons de médicaments cytostatiques étant exonérées de taxe sur la valeur ajoutée comme l'avait initialement déclaré la société requérante, il n'y a lieu de modifier ni le chiffre d'affaires qui n'a pas été passible de la taxe sur la valeur ajoutée dans le cadre du calcul du rapport d'assujettissement ni, par suite, les cotisations de taxe sur les salaires en résultant.

13. Il résulte de tout ce qui précède que la SA Clinique de l'Alliance n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, qui est suffisamment motivé, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande. Sa requête, y compris ses conclusions relatives aux frais liés au litige, est, par conséquent, rejetée.

DECIDE :

Article 1er : La requête de la SA Clinique de l'Alliance est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société anonyme Clinique de l'Alliance et au ministre de l'action et des comptes publics.

Délibéré après l'audience du 31 mai 2018, à laquelle siégeaient :

- Mme Phémolant, présidente de la cour,

- M. Geffray, président-assesseur,

- Mme Malingue, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 29 juin 2018.

Le rapporteur,

F. MalingueLe président,

B. Phémolant

Le greffier,

C. Croiger

La République mande et ordonne au ministre de l'action et des comptes publics en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N°17NT00974

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 17NT00974
Date de la décision : 29/06/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme la Pdte. PHEMOLANT
Rapporteur ?: Mme Fanny MALINGUE
Rapporteur public ?: M. JOUNO
Avocat(s) : SELARL ONELAW

Origine de la décision
Date de l'import : 10/07/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2018-06-29;17nt00974 ?
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