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18/06/2018 | FRANCE | N°17NT03718

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 1ère chambre, 18 juin 2018, 17NT03718


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Timac Agro a demandé au tribunal administratif de Rennes de prononcer la réduction des cotisations de cotisation foncière des entreprises auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2010 et 2011.

Par un jugement n°1203439 du 19 novembre 2014, le tribunal administratif de Rennes a fait droit à sa demande.

Par un arrêt n° 15NT00368 du 16 juin 2016, la cour administrative d'appel de Nantes a, sur appel du ministre des finances et des comptes publics, annulé ce jugement

et remis à la charge de la société Timac Agro ces cotisations à hauteur respectivement ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Timac Agro a demandé au tribunal administratif de Rennes de prononcer la réduction des cotisations de cotisation foncière des entreprises auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2010 et 2011.

Par un jugement n°1203439 du 19 novembre 2014, le tribunal administratif de Rennes a fait droit à sa demande.

Par un arrêt n° 15NT00368 du 16 juin 2016, la cour administrative d'appel de Nantes a, sur appel du ministre des finances et des comptes publics, annulé ce jugement et remis à la charge de la société Timac Agro ces cotisations à hauteur respectivement de 8 690 euros au titre de l'année 2010 et de 10 210 euros au titre de l'année 2011.

Par une décision n° 402440 du 4 décembre 2017, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux, saisi d'un pourvoi formé par la société Timac Agro, a annulé cet arrêt et a renvoyé l'affaire devant la cour pour y être jugée.

Procédure devant la cour :

Par un recours et des mémoires, enregistrés les 4 février 2015, 3 novembre 2015 et 25 janvier 2018, le ministre de l'action et des comptes publics demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 19 novembre 2014 ;

2°) de rétablir la société Timac Agro aux rôles des cotisations foncières des entreprises des années 2010 et 2011 à concurrence des dégrèvements prononcés en exécution du jugement, soit 8 690 euros au titre de l'année 2010 et 10 210 euros au titre de l'année 2011.

Il soutient que :

- les dispositions du 3° quater de l'article 1469 du code général des impôts, qui concernaient autant les équipements et biens mobiliers que les biens passibles de taxe foncière, s'appliquaient aux cessions de biens intervenues entre le 1er janvier 2004 et le 31 décembre 2009, quelle que soit l'année d'imposition considérée, et, notamment, aux fusions dès lors que les sociétés étaient préalablement placées sous contrôle commun ; l'abrogation des dispositions du 3° quater de l'article 1469 du code général des impôts à compter du 1er janvier 2010 n'impliquait pas de recalculer en 2010 le prix de revient des immobilisations cédées avant cette même année ;

- en application des dispositions combinées des articles 1499 et 324 AE de l'annexe III au code général des impôts, le prix de revient d'une immobilisation industrielle est définitivement déterminé à la date de son acquisition et ne peut être recalculé qu'en cas de transfert de propriété de l'immobilisation ; le passage de la taxe professionnelle à la cotisation foncière des entreprises en 2010 n'entraînant aucun transfert de propriété susceptible de modifier le prix de revient d'une immobilisation industrielle, il en résulte qu'en l'absence de réalisation d'une telle opération entre la date de cession soumise aux dispositions du 3° quater de l'article 1469 du code général des impôts et le 1er janvier 2010, le prix de revient d'un bien applicable en 2009 constitue obligatoirement le prix de revient de ce bien applicable en 2010 ; le contraire conduirait à remettre en cause les effets, pour l'avenir, de l'application légitime dans le passé d'une disposition légale ensuite abrogée ;

- la loi n° 2010-1657 du 29 décembre 2010 de finances pour 2011, en son article 108, a gelé la valeur locative des immobilisations corporelles servant de base à la cotisation foncière des entreprises en cas de cession entre entreprises liées ; ces dispositions sont applicables depuis le 1er janvier 2010 ; l'intention du législateur lors de l'instauration de la cotisation foncière des entreprises était de maintenir la valeur locative des biens cédés entre entreprises liées, qu'il s'agisse de biens mobiliers ou immobiliers, à 100 % de son montant avant la cession ; une autre interprétation conduirait à une baisse substantielle de la valeur locative imposable à la cotisation foncière des entreprises, ce qui serait contraire à l'objectif de préservation des ressources des collectivités territoriales.

Par des mémoires, enregistrés les 11 mai 2015, 24 février 2016 et 29 janvier 2018, la société Timac Agro, représentée par la société d'avocats CMS Francis Lefebvre avocats, demande à la cour de rejeter le recours et de mettre à la charge de l'Etat une somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que les moyens invoqués ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- la loi n° 2004-1485 du 30 décembre 2004 ;

- la loi n° 2009-1673 du 30 décembre 2009 ;

- la loi n° 2010-1657 du 29 décembre 2010 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Malingue,

- les conclusions de M. Jouno, rapporteur public,

- et les observations de MeA..., représentant la société Timac Agro.

Considérant ce qui suit :

1. Par un traité de fusion du 30 décembre 2005 prenant effet au 1er janvier 2005, la société Interfertil a absorbé la société Secma, ces deux sociétés étant alors contrôlées par la même société. En application des dispositions du 3° quater de l'article 1469 du code général des impôts, alors applicable, le prix de revient des immobilisations cédées par la société Secma, constituées d'un bâtiment et de terrains industriels, n'a pas été modifié pour le calcul de la taxe professionnelle due par la société issue de la fusion, la société par actions simplifiée (SAS) Agriva, désormais dénommée SAS Timac Agro. Cette société a en conséquence été assujettie à la cotisation foncière des entreprises au titre des années 2010 et 2011 pour des montants de 76 034 euros et de 74 103 euros. Se prévalant tant de l'abrogation, à compter du 1er janvier 2010, des dispositions du 3° quater de l'article 1469 du code général des impôts que des dispositions de l'article 1518 B du même code, la société Timac Agro a demandé une réduction de la cotisation foncière des entreprises due au titre de ces deux années. Par un jugement du 19 novembre 2014, le tribunal administratif de Rennes a fait droit à sa demande. Le ministre des finances et des comptes publics, ayant procédé le 5 décembre 2014 en exécution de ce jugement à un dégrèvement en droits de 8 690 euros au titre de l'année 2010 et de 10 210 euros au titre de l'année 2011, en relève appel et demande que la SAS Timac Agro soit rétablie aux rôles de la cotisation foncière des entreprises due au titre des années 2010 et 2011 à concurrence des dégrèvements prononcés. Par un arrêt n° 15NT00368 du 16 juin 2016, la cour a statué sur ce recours en annulant le jugement rendu par le tribunal administratif de Rennes et a remis les impositions en litige à la charge de la société Timac Agro. Cet arrêt a été annulé par une décision du 4 décembre 2017 du Conseil d'Etat, qui a renvoyé l'affaire devant la cour.

2. L'article 1467 du code général des impôts, dans sa rédaction applicable à compter du 1er janvier 2010 prévoit que : " La cotisation foncière des entreprises a pour base : 1 ° la valeur locative des biens passibles d'une taxe foncière situés en France (...) dont le redevable a disposé pour les besoins de son activité professionnelle pendant la période de référence définie aux articles 1467 A et 1478, à l'exception de ceux qui ont été détruits ou cédés au cours de la même période (....) La valeur locative des biens passibles d'une taxe foncière est calculée suivant les règles fixées pour l'établissement de cette taxe. Pour le calcul de l'impôt, la valeur locative des immobilisations industrielles définie à l'article 1499 est diminuée de 30 % (...) ". L'article 1499 du même code dispose que : " La valeur locative des immobilisations industrielles passibles de la taxe foncière sur les propriétés bâties est déterminée en appliquant au prix de revient de leurs différents éléments, revalorisé à l'aide des coefficients qui avaient été prévus pour la révision des bilans, des taux d'intérêt fixés par décret en Conseil d'Etat (...) ". L'article 324 AE de l'annexe III à ce code prévoit que : " Le prix de revient visé à l'article 1499 du code général des impôts s'entend de la valeur d'origine pour laquelle les immobilisations doivent être inscrites au bilan en conformité de l'article 38 quinquies. / Aucune rectification n'est apportée auxdites valeurs au titre des taxes sur le chiffre d'affaires (taxe sur la valeur ajoutée) supportées par l'entreprise. / La valeur d'origine à prendre en considération est le prix de revient intégral avant application des déductions exceptionnelles et des amortissements spéciaux autorisés en matière fiscale. Il en est de même pour les immobilisations partiellement réévaluées ou amorties en tout ou en partie. ".

3. L'article 1469 du code général des impôts, dans sa version issue de la loi du 30 décembre 2004 de finances rectificative pour 2004, prévoit que : " La valeur locative est déterminée comme suit : / (...) 3° quater. Le prix de revient d'un bien cédé n'est pas modifié lorsque ce bien est rattaché au même établissement avant et après la cession et lorsque, directement ou indirectement : / a. l'entreprise cessionnaire contrôle l'entreprise cédante ou est contrôlée par elle ; /b. ou ces deux entreprises sont contrôlées par la même entreprise (...) ". L'article 1518 B du même code dispose que : " A compter du 1er janvier 1980, la valeur locative des immobilisations corporelles acquises à la suite d'apports, de scissions, de fusions de sociétés ou de cessions d'établissements réalisés à partir du 1er janvier 1976 ne peut être inférieure aux deux tiers de la valeur locative retenue l'année précédant l'apport, la scission, la fusion ou la cession (...). Pour les opérations (...) réalisées à compter du 1er janvier 1992, la valeur locative des immobilisations corporelles ne peut être inférieure aux quatre cinquièmes de son montant avant l'opération (...) ".

4. Les dispositions du 3° quater de l'article 1469 du code général des impôts ont été abrogées à compter du 1er janvier 2010 par l'article 2 de la loi du 30 décembre 2009 de finances pour 2010, qui a supprimé la taxe professionnelle et a instauré la contribution économique territoriale. Cet article précise, au point 6.1.33, que : " Pour l'application de l'article 1518 B du code général des impôts en 2010, la valeur locative des immobilisations corporelles retenue l'année précédant l'une des opérations mentionnées à cet article s'entend de la valeur locative retenue pour le calcul de la taxe professionnelle des seuls biens passibles de taxe foncière, à l'exclusion des biens exonérés de taxe foncière sur les propriétés bâties en application des 11° et 12° de l'article 1382 du même code ". Elles ont toutefois été reprises à l'article 1518 B du code général des impôts, en application du O du I de l'article 108 de la loi du 29 décembre 2010 de finances pour 2011, qui dispose au 1, que " Par exception aux cinquième et sixième alinéas, pour les opérations réalisées à compter du 1er janvier 2011 et mentionnées au premier alinéa ou au sixième alinéa, la valeur locative des immobilisations corporelles ne peut être inférieure à : / 1° 100 % de son montant avant l'opération lorsque, directement ou indirectement, l'entreprise cessionnaire ou bénéficiaire de l'apport contrôle l'entreprise cédante, apportée ou scindée ou est contrôlée par elle, ou ces deux entreprises sont contrôlées par la même entreprise (...) " et, au 2, que : " Pour la détermination de la valeur locative servant de base à la cotisation foncière des entreprises, les dispositions de l'article 1518 B du code général des impôts telles qu'elles résultent du 1 s'appliquent à compter du 1er janvier 2010 et les dispositions de l'avant-dernier alinéa de cet article résultant du 1 s'appliquent aux immobilisations cédées à compter du 1er janvier 2010 ".

5. En premier lieu, les dispositions du 3° quater de l'article 1469 du code général des impôts, qui posaient la règle du maintien du prix de revient d'un bien cédé, pour les opérations de fusion d'entreprises liées, ont été abrogées à compter du 1er janvier 2010. Si l'avant-dernier alinéa de l'article 1518 B du code général des impôts, dans sa rédaction issue de la loi de finances pour 2011, reprend ces dispositions, il n'est pas applicable aux immobilisations cédées en 2005.

6. En deuxième lieu, si le point 6.1.33 de l'article 2 la loi de finances pour 2010 prévoit que, pour l'application, en 2010, de l'article 1518 B du code général des impôts, la valeur locative des immobilisations corporelles retenue l'année précédant l'une des opérations mentionnées à cet article s'entend de la valeur locative retenue pour le calcul de la taxe professionnelle des seuls biens passibles de la taxe foncière, à l'exclusion des biens exonérés de taxe foncière sur les propriétés bâties en application des 11° et 12° de l'article 1382 du même code, ces dispositions n'ont ni pour objet ni pour effet de permettre le maintien de l'application aux immobilisations cédées en 2005 des dispositions du 3° quater de l'article 1469 du même code, abrogées au point 6.1.34 du même article 2.

7. En troisième lieu, dès lors que la cotisation foncière des entreprises est un impôt régi par ses règles propres, distinct de la taxe professionnelle et en l'absence de toute disposition organisant une articulation avec les anciennes règles de détermination des bases imposables, le ministre n'est pas fondé à soutenir que le prix de revient des immobilisations acquises à la faveur des cessions opérées avant l'année 2010, calculé sous l'empire des dispositions relatives à la taxe professionnelle, était définitivement figé jusqu'au prochain transfert de propriété du bien.

8. Il résulte de tout ce qui précède que le ministre n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a prononcé la réduction des cotisations de cotisation foncière des entreprises auxquelles la société Timac Agro a été assujettie au titre des années 2010 et 2011.

9. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros à verser à la société Timac Agro sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DECIDE :

Article 1er : Le recours du ministre de l'action et des comptes publics est rejeté.

Article 2 : L'Etat versera à la société Timac Agro une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société Timac Agro et au ministre de l'action et des comptes publics.

Délibéré après l'audience du 31 mai 2018, à laquelle siégeaient :

- Mme Phémolant, présidente de la cour,

- M. Geffray, président-assesseur,

- Mme Malingue, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 18 juin 2018.

Le rapporteur,

F. MalingueLe président,

B. Phémolant

Le greffier,

C. Croiger

La République mande et ordonne au ministre de l'action et des comptes publics en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 17NT03718


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 17NT03718
Date de la décision : 18/06/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme la Pdte. PHEMOLANT
Rapporteur ?: Mme Fanny MALINGUE
Rapporteur public ?: M. JOUNO
Avocat(s) : CMS BUREAU FRANCIS LEFEBVRE ; CMS BUREAU FRANCIS LEFEBVRE ; CMS BUREAU FRANCIS LEFEBVRE

Origine de la décision
Date de l'import : 26/06/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2018-06-18;17nt03718 ?
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