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16/06/2016 | FRANCE | N°15NT00368

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 1ère chambre, 16 juin 2016, 15NT00368


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société par actions simplifiée (SAS) Timac Agro a demandé au tribunal administratif de Rennes de prononcer la réduction de la cotisation foncière des entreprises à laquelle elle a été assujettie au titre des années 2010 et 2011.

Par un jugement n° 1203439 du 19 novembre 2014, le tribunal administratif de Rennes a fait droit à sa demande.

Procédure devant la cour :

Par un recours et un mémoire, enregistrés le 4 février 2015 et le 3 novembre 2015, le ministre des finances et d

es comptes publics demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de R...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société par actions simplifiée (SAS) Timac Agro a demandé au tribunal administratif de Rennes de prononcer la réduction de la cotisation foncière des entreprises à laquelle elle a été assujettie au titre des années 2010 et 2011.

Par un jugement n° 1203439 du 19 novembre 2014, le tribunal administratif de Rennes a fait droit à sa demande.

Procédure devant la cour :

Par un recours et un mémoire, enregistrés le 4 février 2015 et le 3 novembre 2015, le ministre des finances et des comptes publics demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Rennes du 19 novembre 2014 ;

2°) de rétablir la SAS Timac Agro aux rôles de la cotisation foncière des entreprises des années 2010 et 2011 à concurrence des dégrèvements prononcés en exécution du jugement, soit 8 690 euros au titre de 1'année 2010 et 10 210 euros au titre de l'année 2011.

Il soutient que :

- en application des dispositions combinées des articles 1499 et 324 AE de l'annexe III au code général des impôts, le prix de revient d'une immobilisation industrielle est définitivement déterminé à la date de son acquisition et ne peut être recalculé qu'en cas de transfert de propriété de l'immobilisation ;

- l'abrogation des dispositions du 3° quater de l'article 1469 du code général des impôts à compter du 1er janvier 2010 n'impliquait pas de recalculer en 2010 le prix de revient des immobilisations cédées avant cette même année ;

- le passage de la taxe professionnelle à la cotisation foncière des entreprises en 2010 n'entraînant aucun transfert de propriété susceptible de modifier le prix de revient d'une immobilisation industrielle, il en résulte qu'en l'absence de réalisation d'une telle opération entre la date de cession soumise aux dispositions du 3° quater de l'article 1469 du code général des impôts et le 1er janvier 2010, le prix de revient d'un bien applicable en 2009 constitue obligatoirement le prix de revient de ce bien applicable en 2010 ;

- une autre interprétation conduirait à une baisse substantielle de la valeur locative imposable à la cotisation foncière des entreprises, ce qui serait contraire à l'objectif de préservation des ressources des collectivités territoriales ;

- les dispositions du 3° quater de l'article 1469 du code général des impôts s'appliquaient autant aux équipements et biens mobiliers qu'aux biens passibles de taxe foncière ;

- la loi n° 2010-1657 du 29 décembre 2010 de finances pour 2011, en son article 108, a gelé la valeur locative des immobilisations corporelles servant de base à la cotisation foncière des entreprises en cas de cession entre entreprises liées ; ces dispositions sont applicables depuis le 1er janvier 2010 ; l'intention du législateur lors de l'instauration de la cotisation foncière des entreprises était bien de maintenir la valeur locative des biens cédés entre entreprises liées, qu'il s'agît de biens mobiliers ou immobiliers, à 100 % de son montant avant la cession ;

- l'administration a calculé la valeur locative de chaque bien cédé à partir de son prix de revient d'origine en appliquant conformément à l'article 1499 du code général des impôts, les taux d'intérêt fixés par décret, les taux d'abattement en fonction de la date d'entrée du bien dans le bilan de l'entreprise cédante et, conformément à l'article 1518 bis du code général des impôts, les coefficients forfaitaires de revalorisation prévus suivant la date d'entrée des biens dans le patrimoine de 1'entreprise cédante.

Par des mémoires en défense, enregistrés le 11 mai 2015 et le 24 février 2016, la SAS Timac Agro, représentée par Mes Chatel et Rapin, conclut à ce que le recours soit rejeté et qu'une somme de 10 000 euros soit mise à la charge de l'Etat en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient qu'aucun des moyens soulevés par le ministre des finances et des comptes publics n'est fondé.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- la loi n° 2009-1673 du 30 décembre 2009 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Allio-Rousseau,

- les conclusions de Mlle Wunderlich, rapporteur public,

- et les observations de Me Chatel, avocat de la SAS Timac Agro.

1. Considérant que, par un traité de fusion du 30 décembre 2005 prenant effet au 1er janvier 2005, la société Interfertil a absorbé la société Secma ; que ces deux sociétés étaient contrôlées, à la date de la fusion, par la même société ; qu'en application des dispositions du 3° quater de l'article 1469 du code général des impôts alors applicable, le prix de revient des immobilisations cédées par la société Secma, constituées d'un bâtiment et de terrains industriels, n'a pas été modifié pour le calcul de la taxe professionnelle due par la société issue de la fusion, la société par actions simplifiée (SAS) Agriva, aujourd'hui dénommée la SAS Timac Agro ; que cette société a été assujettie à la cotisation foncière des entreprises au titre des années 2010 et 2011 pour les montants respectifs de 76 034 euros et de 74 103 euros ; que se prévalant tant de l'abrogation à compter du 1er janvier 2010 des dispositions du 3° quater de l'article 1469 du code général des impôts que de l'application des dispositions de l'article 1518 B du même code, la SAS Timac Agro a demandé une réduction de la cotisation foncière des entreprises due au titre de ces deux années ; que, par un jugement du 19 novembre 2014, le tribunal administratif de Rennes a fait droit à sa demande ; que le ministre des finances et des comptes publics, ayant procédé le 5 décembre 2014 en exécution de ce jugement à un dégrèvement en droits de 8 690 euros au titre de l'année 2010 et de 10 210 euros au titre de l'année 2011, en relève appel et demande que la SAS Timac Agro soit rétablie aux rôles de la cotisation foncière des entreprises due au titre des années 2010 et 2011 à concurrence des dégrèvements prononcés ;

Sur le bien-fondé des impositions :

2. Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article 1467 du code général des impôts dans sa rédaction applicable à compter du 1er janvier 2010 : " La cotisation foncière des entreprises a pour base : 1 ° la valeur locative des biens passibles d'une taxe foncière situés en France (...) dont le redevable a disposé pour les besoins de son activité professionnelle pendant la période de référence définie aux articles 1467 A et 1478, à l'exception de ceux qui ont été détruits ou cédés au cours de la même période ( ... ) La valeur locative des biens passibles d'une taxe foncière est calculée suivant les règles fixées pour l'établissement de cette taxe. Pour le calcul de l'impôt, la valeur locative des immobilisations industrielles définie à l'article 1499 est diminuée de 30 % (... )" ; qu'aux termes de l'article 1499 du même code : " La valeur locative des immobilisations industrielles passibles de la taxe foncière sur les propriétés bâties est déterminée en appliquant au prix de revient de leurs différents éléments, revalorisé à l'aide des coefficients qui avaient été prévus pour la révision des bilans, des taux d'intérêt fixés par décret en Conseil d'Etat. (...) Un décret en Conseil d'Etat fixe les taux d'abattement applicables à la valeur locative des constructions et installations afin de tenir compte de la date de leur entrée dans l'actif de l'entreprise. (...) " ; qu'aux termes des premier et cinquième alinéas de l'article 1518 B de ce code, applicable à compter du 1er janvier 2010 en matière de cotisation foncière des entreprises et de taxe foncière : " A compter du 1er janvier 1980, la valeur locative des immobilisations corporelles acquises à la suite d'apports, de scissions, de fusions de sociétés ou de cessions d'établissements réalisés à partir du 1er janvier 1976 ne peut être inférieure aux deux tiers de la valeur locative retenue l'année précédant l'apport, la scission, la fusion ou la cession. (...) Pour les opérations mentionnées au premier alinéa réalisées à compter du 1er janvier 1992, la valeur locative des immobilisations corporelles ne peut être inférieure aux quatre cinquièmes de son montant avant l'opération. (...) " ; que l'article 2 de la loi n° 2009-1673 du 30 décembre 2009 , qui a supprimé la taxe professionnelle à compter du 1er janvier 2010 et lui a substitué une contribution économique territoriale composée d'une cotisation foncière des entreprises et d'une cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises, prévoit en son point 6.1.33 que : " pour l'application de l'article 1518 B du code général des impôts en 2010, la valeur locative des immobilisations corporelles retenue l'année précédant l'une des opérations mentionnées à cet article s'entend de la valeur locative retenue pour le calcul de la taxe professionnelle des seuls biens passibles de taxe foncière, à l'exclusion des biens exonérés de taxe foncière sur les propriétés bâties en application des 11° et 12° de l'article 1382 du même code. " ; qu'il résulte de l'ensemble de ces dispositions qu'en matière de cotisation foncière des entreprises, la valeur locative des immobilisations industrielles passibles de la taxe foncière retenue pour l'application de l'article 1518 B du code général des impôts, reçues par voie de fusion réalisée avant le 1er janvier 2010, est celle déterminée selon les règles applicables en matière de taxe professionnelle ;

3. Considérant, d'autre part, qu'aux termes du 3° quater de l'article 1469 du même code, dans sa rédaction applicable en matière de taxe professionnelle : " Le prix de revient d'un bien cédé n'est pas modifié lorsque ce bien est rattaché au même établissement avant et après la cession et lorsque, directement ou indirectement : a. l'entreprise cessionnaire contrôle l'entreprise cédante ou est contrôlée par elle ; b. ou ces deux entreprises sont contrôlées par la même entreprise " ; que, pour l'établissement de la taxe professionnelle, la valeur locative des biens passibles de la taxe foncière était déterminée suivant les règles fixées pour l'établissement de cette taxe, qui figuraient, s'agissant des immobilisations industrielles, à l'article 1499 du code général des impôts rédigé dans les mêmes termes que ceux cités au point précédent ; que le dernier alinéa de l'article 1518 B du code général des impôts, dans sa version issue de l'article 33 de la loi du 21 décembre 2006 de finances pour 2007, précisait que, sans préjudice des dispositions du 3° quater de l'article 1469, les dispositions de l'article 1518 B du code général des impôts s'appliquaient distinctement aux trois catégories d'immobilisations que sont les terrains, les constructions, et les équipements et biens mobiliers ; qu'ainsi, en application de ces dispositions, le prix de revient d'une immobilisation industrielle passible de la taxe foncière n'était pas modifié pour le calcul de la taxe professionnelle en cas de fusion lorsque ce bien était rattaché au même établissement industriel avant et après la fusion et que les entreprises cessionnaire et cédante étaient liées ;

4. Considérant que les immobilisations corporelles passibles de la taxe foncière ont été acquises par la société requérante en exécution d'un traité de fusion-absorption du 30 décembre 2005 prenant effet au 1er janvier 2005 et qu'à cette date, ainsi qu'il est mentionné au point 1, les parties à la fusion étaient contrôlées par une même société ; que le prix de revient des biens reçus à la suite de la fusion a été déterminé en matière de taxe professionnelle en application des dispositions du 3° quater de l'article 1469 du code général des impôts, lesquelles faisaient obstacle à l'application de la valeur locative minimale prévue à l'article 1518 B du même code ; que, dès lors, la valeur locative de ces immobilisations industrielles retenue pour le calcul de la cotisation foncière des entreprises due au titre des années 2010 et 2011 devait être déterminée selon les mêmes modalités ;

5. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que c'est à tort que, pour prononcer la réduction de la cotisation foncière des entreprises due par la SAS Timac Agro, les premiers juges ont estimé que, compte tenu de l'abrogation au 1er janvier 2010 des dispositions du 3° quater de l'article 1469 du code général des impôts, la valeur locative des immobilisations corporelles acquises à la suite de la fusion-absorption opérée en 2005 entre cette société, alors dénommée Interfertil, et la société Secma, devait être déterminée au titre des années 2010 et 2011 en application des dispositions du 5ème alinéa de 1'article 1518 B du code général des impôts qui prévoient que cette valeur ne peut être inférieure aux quatre cinquièmes de son montant avant l'opération de fusion ;

6. Considérant, toutefois, qu'il appartient à la cour, saisie par l'effet dévolutif de l'appel, de statuer sur les moyens invoqués par la SAS Timac Agro devant le tribunal administratif ;

7. Considérant, en premier lieu, qu'il résulte de ce qui a été dit au point 4 que l'administration n'a pas fait application, au titre des années 2010 et 2011, des dispositions du 3° quater de l'article 1469 du code général des impôts abrogé depuis le 1er janvier 2010 ; que, par suite, la société requérante n'est pas fondée à soutenir que l'administration, en refusant de diminuer pour le calcul de la cotisation foncière des entreprises le prix de revient des immobilisations reçues en 2005 par voie de fusion, aurait méconnu le principe d'annualité de l'impôt ;

8. Considérant, en second lieu, que la SAS Timac Agro ne peut se prévaloir des dégrèvements partiels, qui n'étaient pas motivés, de taxe foncière sur les propriétés bâties accordés le 29 juin 2012 pour les mêmes biens et au titre des mêmes années ;

9. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le ministre des finances et des comptes publics est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, les premiers juges ont fait droit à la demande de la SAS Timac Agro de réduction de la cotisation foncière des entreprises dues au titre des années 2010 et 2011 ; qu'il y a lieu de remettre à la charge de la SAS Timac Agro les sommes de 8 690 euros au titre de l'année 2010 et de 10 210 euros au titre de l'année 2011 ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

10. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme demandée par la SAS Timac Agro au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Rennes en date du 19 novembre 2014 est annulé.

Article 2 : La cotisation foncière des entreprises due par la SAS Timac Agro au titre des années 2010 et 2011 est remise à sa charge à hauteur de 8 690 euros et 10 210 euros.

Article 3 : La demande présentée par la SAS Timac Agro devant le tribunal administratif de Rennes et ses conclusions au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la SAS Timac Agro et au ministre des finances et des comptes publics.

Délibéré après l'audience du 1er juin 2016, à laquelle siégeaient :

- M. Bataille, président de chambre,

- Mme Aubert, président-assesseur,

- Mme Allio-Rousseau, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 16 juin 2016.

Le rapporteur,

M-P. Allio-Rousseau Le président,

F. Bataille

Le greffier,

C. Croiger

La République mande et ordonne au ministre des finances et des comptes publics en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 15NT00368


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 15NT00368
Date de la décision : 16/06/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-03-04-04 Contributions et taxes. Impositions locales ainsi que taxes assimilées et redevances. Taxe professionnelle. Assiette.


Composition du Tribunal
Président : M. BATAILLE
Rapporteur ?: Mme Marie-Paule ALLIO-ROUSSEAU
Rapporteur public ?: Mme WUNDERLICH
Avocat(s) : CMS BUREAU FRANCIS LEFEBVRE

Origine de la décision
Date de l'import : 12/11/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2016-06-16;15nt00368 ?
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