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15/06/2018 | FRANCE | N°17NT01465

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 2ème chambre, 15 juin 2018, 17NT01465


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B...D...a demandé au tribunal administratif d'Orléans d'annuler la décision du 13 septembre 2016 par laquelle le préfet d'Indre-et-Loire a rejeté sa demande de regroupement familial au profit de son épouse et de ses enfants camerounais ainsi que la décision du 11 janvier 2017 rejetant son recours gracieux.

Par un jugement n° 1700370 du 23 mars 2017, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 11 mai 2017, M

.D..., représenté par Me C..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal adm...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B...D...a demandé au tribunal administratif d'Orléans d'annuler la décision du 13 septembre 2016 par laquelle le préfet d'Indre-et-Loire a rejeté sa demande de regroupement familial au profit de son épouse et de ses enfants camerounais ainsi que la décision du 11 janvier 2017 rejetant son recours gracieux.

Par un jugement n° 1700370 du 23 mars 2017, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 11 mai 2017, M.D..., représenté par Me C..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif d'Orléans du 23 mars 2017 ;

2°) d'annuler les décisions contestées ;

3°) d'enjoindre au préfet de lui délivrer l'autorisation de regroupement familial sollicitée, dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 50 euros par jour de retard ou, à défaut, de réexaminer sa demande et de lui délivrer dans l'attente l'autorisation de regroupement familial, dans les mêmes conditions de délai et d'astreinte ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- c'est à tort que le tribunal a jugé que le préfet aurait pris la même décision, motivée par l'absence de ressources stables et suffisantes, s'il ne s'était pas fondé sur le fait matériellement inexact que la réalité de son emploi au sein de la société Transimex Cameroun n'était pas établie alors que cet emploi génère l'essentiel de ses ressources ;

- la circonstance que les loyers qu'il perçoit ne sont pas versés sur un compte bancaire ne fait pas obstacle à ce qu'ils soient pris en compte pour l'évaluation de ses ressources ;

- en examinant le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du seul point de vue des membres de sa famille, le tribunal a omis de répondre au moyen tiré de l'atteinte disproportionnée portée à son propre droit au respect de sa vie privée et familiale ;

- le préfet a commis une erreur de droit en se croyant à tort en situation de compétence liée ;

- la décision contestée est entachée d'inexactitude matérielle des faits et d'une erreur manifeste d'appréciation en ce qui concerne son niveau de ressources ainsi que leur caractère stable et suffisant ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant signée à New-York le 26 janvier 1990.

Par un mémoire en défense, enregistré le 1er février 2018, le préfet d'Indre-et-Loire conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que les moyens invoqués ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant signée à New-York le 26 janvier 1990 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Bougrine,

- et les observations de MeC..., représentant M.D....

1. Considérant que M.D..., ressortissant camerounais né le 27 mai 1982, titulaire d'une carte de résident valable jusqu'au 13 décembre 2024, a formé, le 28 mai 2015, une demande de regroupement familial au profit de son épouse et de ses enfants mineurs camerounais ; qu'il relève appel du jugement du 23 mars 2017 par lequel le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 13 septembre 2016 par laquelle le préfet d'Indre-et-Loire a refusé de lui accorder le bénéfice du regroupement familial ainsi que la décision du 11 janvier 2017 rejetant son recours gracieux ;

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Considérant que pour écarter le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, les premiers juges se sont fondés, d'une part, sur la situation personnelle de M.D..., en relevant que celui-ci avait, après avoir épousé en juillet 2011 la mère de ses enfants nés en 2006 et 2009, quitté le Cameroun en septembre 2011 pour rejoindre sa fille française née le 15 août 2007 d'une union avec une ressortissante française et, d'autre part, sur la situation des membres de sa famille restés au Cameroun ; qu'ainsi, contrairement à ce que soutient le requérant, le tribunal n'a pas omis de répondre au moyen qui était soulevé devant lui ;

Sur les conclusions à fin d'annulation :

3. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L.411-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Le ressortissant étranger qui séjourne régulièrement en France depuis au moins dix-huit mois, sous couvert d'un des titres d'une durée de validité d'au moins un an prévus par le présent code ou par des conventions internationales, peut demander à bénéficier de son droit à être rejoint, au titre du regroupement familial, par son conjoint, si ce dernier est âgé d'au moins dix-huit ans, et les enfants du couple mineurs de dix-huit ans. " ; qu'aux termes de l'article L.411-5 du même code, dans sa rédaction applicable à la date de la décision contestée : " Le regroupement familial ne peut être refusé que pour l'un des motifs suivants : 1° Le demandeur ne justifie pas de ressources stables et suffisantes pour subvenir aux besoins de sa famille. Sont prises en compte toutes les ressources du demandeur et de son conjoint indépendamment des prestations familiales et des allocations prévues à l'article L.262-1 du code de l'action sociale et des familles, à l'article L.815-1 du code de la sécurité sociale et aux articles L.351-9, L.351-10 et L.351-10-1 du code du travail. Les ressources doivent atteindre un montant qui tient compte de la taille de la famille du demandeur. Le décret en Conseil d'Etat prévu à l'article L.441-1 fixe ce montant qui doit être au moins égal au salaire minimum de croissance mensuel et au plus égal à ce salaire majoré d'un cinquième. Ces dispositions ne sont pas applicables lorsque la personne qui demande le regroupement familial est titulaire de l'allocation aux adultes handicapés mentionnée à l'article L.821-1 du code de la sécurité sociale ou de l'allocation supplémentaire mentionnée à l'article L.815-24 du même code ; 2° Le demandeur ne dispose pas ou ne disposera pas à la date d'arrivée de la famille en France d'un logement considéré comme normal pour une famille comparable vivant dans la même région géographique ; 3° Le demandeur ne se conforme pas aux principes essentiels qui, conformément aux lois de la République, régissent la vie familiale en France, pays d'accueil. " ; qu'enfin, aux termes de l'article R. 411-4 du même code : " Pour l'application du 1° de l'article L. 411-5, les ressources du demandeur et de son conjoint qui alimenteront de façon stable le budget de la famille sont appréciées sur une période de douze mois par référence à la moyenne mensuelle du salaire minimum de croissance au cours de cette période. Ces ressources sont considérées comme suffisantes lorsqu'elles atteignent un montant équivalent à : - cette moyenne pour une famille de deux ou trois personnes ; - cette moyenne majorée d'un dixième pour une famille de quatre ou cinq personnes ; - cette moyenne majorée d'un cinquième pour une famille de six personnes ou plus. " ;

4. Considérant que pour rejeter la demande de regroupement familial présentée par M. D..., le préfet d'Indre-et-Loire s'est fondé, dans sa décision du 13 septembre 2016, sur le caractère inadapté de son logement et sur l'absence de ressources stables et suffisantes, ces dernières s'élevant, au cours des douze mois précédant la demande, à un montant net mensuel de 1 213,15 euros, inférieur au montant de 1 357,36 euros qui résulte des dispositions précitées ; que sur recours gracieux de l'intéressé, le préfet a confirmé sa décision le 11 janvier 2017 au motif que si la condition relative au logement était remplie, il ne justifiait pas de ressources suffisantes ;

5. Considérant que, ainsi que l'a jugé le tribunal, c'est à tort que le préfet a estimé que n'était pas établie l'existence de la société Transimex Cameroun ; que M. D...est ainsi fondé à se prévaloir des salaires versés par cette société, lesquels s'élevaient en moyenne à 1 170 euros de revenu net mensuel au cours de la période de référence ; qu'en revanche, en produisant le relevé de situation établi par l'organisme chargé de la protection sociale des travailleurs indépendants dont il ressort qu'il a réalisé, dans le cadre d'une activité exercée en tant qu'auto-entrepreneur, un chiffre d'affaires de 2 330 euros au titre de l'année 2015 et de 1 510 euros au titre du premier semestre 2016, le requérant ne justifie pas du montant du revenu qu'il a pu en retirer ni n'établit la stabilité de cette source de revenus ; qu'en se bornant à produire un bail de location et une attestation de locataire, sans apporter le moindre élément de nature à justifier des paiements, il ne démontre pas davantage la réalité, le montant et la pérennité des revenus fonciers qu'il soutient percevoir du fait de la location d'un terrain lui appartenant situé au Cameroun ; qu'à cet égard, il ressort des pièces du dossier que si le préfet s'est fondé sur l'absence de preuve du versement de ces loyers, laquelle pouvait être rapportée notamment par l'inscription de sommes au crédit d'un compte bancaire, il n'a pas entendu admettre ce seul mode de preuve ; que, dans ces conditions, le préfet a pu, sans commettre ni erreur de droit ni erreur d'appréciation, estimer que M. D...ne justifie pas de ressources stables et suffisantes au regard du montant prévu par les dispositions précitées de l'article R. 411-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

6. Considérant, en deuxième lieu, qu'il résulte de l'instruction et notamment de la motivation de la décision litigieuse du 13 septembre 2016, que, même sans contester l'existence de la société qui emploie M.D..., le préfet se serait fondé sur l'absence de ressources stables et suffisantes du requérant pour rejeter sa demande de regroupement familial ;

7. Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1°) Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; / (...) " ; qu'aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " 1. Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale. (...) " ;

8. Considérant que le préfet fait valoir sans être contredit que M. D...a quitté le Cameroun en septembre 2011, après avoir épousé deux mois auparavant la mère de ses deux enfants nés en 2006 et 2009 ; que le requérant, qui a indiqué dans son recours gracieux ne voir sa fille de nationalité française " que très épisodiquement ", ne fait état d'aucune circonstance faisant obstacle à ce que sa vie privée et familiale s'établisse au Cameroun ni ne soutient être dans l'impossibilité de rendre visite à son épouse et ses enfants camerounais ; que deux enfants sont d'ailleurs nés au Cameroun en 2013 et 2016 ; qu'il n'est pas allégué que l'épouse et les enfants du requérant seraient dépourvus d'attaches familiales au Cameroun ; que, dans ces conditions et compte tenu de la faculté pour M. D...de faire état d'une amélioration de sa situation au soutien d'une nouvelle demande de regroupement familial au bénéfice de son épouse et de ses enfants, les décisions contestées n'ont ni porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elles ont été prises ni méconnu l'intérêt supérieur de ses enfants ; que les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de celles de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant doivent, par suite, être écartés ;

9. Considérant, en dernier lieu, que M. D...réitère en appel le moyen soulevé en première instance et tiré de ce que le préfet se serait à tort cru en situation de compétence liée ; qu'il y a lieu de l'écarter par adoption des motifs retenus à bon droit par les premiers juges ;

10. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. D...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande ; que, par voie de conséquence, doivent être rejetées les conclusions du requérant aux fins d'injonction et d'astreinte ainsi que celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. D...est rejetée.

Article : Le présent arrêt sera notifié à M. B...D...et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur.

Une copie sera adressée au préfet d'Indre-et-Loire.

Délibéré après l'audience du 29 mai 2018, à laquelle siégeaient :

M. Pérez, président de chambre,

M.A...'hirondel, premier conseiller,

Mme Bougrine, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 15 juin 2018.

Le rapporteur,

K. BOUGRINE

Le président,

A. PEREZLe greffier,

K. BOURON

La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 17NT01465


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 17NT01465
Date de la décision : 15/06/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. PEREZ
Rapporteur ?: Mme Karima BOUGRINE
Rapporteur public ?: M. DERLANGE
Avocat(s) : SCP OMNIA LEGIS

Origine de la décision
Date de l'import : 26/06/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2018-06-15;17nt01465 ?
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