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15/06/2018 | FRANCE | N°16NT04095

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 2ème chambre, 15 juin 2018, 16NT04095


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A...a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision du 17 septembre 2014 par laquelle le préfet de la Vendée a rejeté sa demande tendant à l'indemnisation des préjudices qu'il a subis du fait de l'inconstructibilité du terrain qu'il possède sur le territoire de la commune de l'Aiguillon-sur- Mer, suite à l'approbation, par arrêté préfectoral du 18 juillet 2012, du plan de prévention des risques d'inondation (PPRI) concernant cette commune, et de condamner l'Etat à lui vers

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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A...a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision du 17 septembre 2014 par laquelle le préfet de la Vendée a rejeté sa demande tendant à l'indemnisation des préjudices qu'il a subis du fait de l'inconstructibilité du terrain qu'il possède sur le territoire de la commune de l'Aiguillon-sur- Mer, suite à l'approbation, par arrêté préfectoral du 18 juillet 2012, du plan de prévention des risques d'inondation (PPRI) concernant cette commune, et de condamner l'Etat à lui verser une indemnité de 185 000 euros, augmentée des intérêts au taux légal à compter du 18 août 2014.

Par un jugement n° 1409485 du 3 novembre 2016, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 22 décembre 2016 et le 10 avril 2018, M. A..., représenté par MeC..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 3 novembre 2016 ;

2°) d'annuler la décision du 17 septembre 2014 du préfet de la Vendée ;

3°) de condamner l'Etat à lui verser une indemnité de 185 000 euros, avec les intérêts au taux légal à compter du 18 août 2014 ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat, outre les dépens, une somme de 2500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- il a fait l'acquisition, en 2004, de plusieurs parcelles situées sur le territoire de la commune de l'Aiguillon sur mer, au lieu-dit " les Glaireaux " ; ces parcelles sont devenues inconstructibles depuis l'approbation du plan de prévention des risques d'inondation de la commune, par arrêté du 18 juillet 2012 ;

- les dispositions de l'article L. 105-1 du code de l'urbanisme ne lui étaient pas opposables ;

- les dispositions de l'article L. 562-1 du code de l'environnement, relatives aux plans de prévention des risques naturels prévisibles, n'excluent pas tout droit à indemnisation du fait de l'inconstructibilité de terrains édictée par ces plans, lorsque le propriétaire supporte une charge spéciale et exorbitante hors de proportion avec l'objectif d'intérêt général poursuivi ;

- il ne conteste pas la légalité du plan de prévention des risques d'inondation ; ce plan lui fait cependant supporter une charge exorbitante justifiant l'octroi d'une indemnisation ; il est privé de son droit à construire, qui constitue un bien au sens de l'article 1er du protocole n° 1 à la convention européenne des droits de l'homme ; son terrain était auparavant situé dans un secteur urbanisé et classé en zone UCa du plan local d'urbanisme

- son préjudice apparaît anormal et spécial ; la privation du droit à construire sur son terrain aboutit à une dépossession et méconnaît par suite le droit de propriété garanti par les articles 2 et 17 de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen.

Par un mémoire en défense, enregistré le 7 février 2018, le ministre d'Etat, ministre de la transition écologique et solidaire conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par M. A...ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la Constitution, et notamment son Préambule ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et le protocole additionnel n°1 à cette convention ;

- le code de l'environnement ;

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Degommier,

- les conclusions de M. Derlange, rapporteur public,

- et les observations de MeC..., représentant M.A....

Considérant ce qui suit :

1. M. A... interjette appel du jugement du 3 novembre 2016 par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à la condamnation de l'Etat à lui verser une indemnité de 185 000 euros, augmentée des intérêts au taux légal à compter du 18 août 2014, en réparation du préjudice qu'il estime avoir subi en raison de l'inconstructibilité du terrain dont il est propriétaire à l'Aiguillon-sur-mer, à la suite de l'approbation, par arrêté du 18 juillet 2012, du plan de prévention des risques d'inondation applicable sur le territoire de cette commune.

Sur la responsabilité de l'Etat :

2. M. A...recherche la responsabilité sans faute de l'Etat à raison de l'instauration, par le plan de prévention des risques naturels arrêté par le préfet de la Vendée le 18 juillet 2012, des servitudes qui ont rendu son terrain inconstructible.

3. En premier lieu, aux termes de l'article L. 562-1 du code de l'environnement : " I.-L'Etat élabore et met en application des plans de prévention des risques naturels prévisibles tels que les inondations, les mouvements de terrain, les avalanches, les incendies de forêt, les séismes, les éruptions volcaniques, les tempêtes ou les cyclones. II.-Ces plans ont pour objet, en tant que de besoin : 1° De délimiter les zones exposées aux risques, en tenant compte de la nature et de l'intensité du risque encouru, d'y interdire tout type de construction, d'ouvrage, d'aménagement ou d'exploitation agricole, forestière, artisanale, commerciale ou industrielle, notamment afin de ne pas aggraver le risque pour les vies humaines ou, dans le cas où des constructions, ouvrages, aménagements ou exploitations agricoles, forestières, artisanales, commerciales ou industrielles, pourraient y être autorisés, prescrire les conditions dans lesquelles ils doivent être réalisés, utilisés ou exploités ; 2° De délimiter les zones qui ne sont pas directement exposées aux risques mais où des constructions, des ouvrages, des aménagements ou des exploitations agricoles, forestières, artisanales, commerciales ou industrielles pourraient aggraver des risques ou en provoquer de nouveaux et y prévoir des mesures d'interdiction ou des prescriptions telles que prévues au 1° ; 3° De définir les mesures de prévention, de protection et de sauvegarde qui doivent être prises, dans les zones mentionnées au 1° et au 2°, par les collectivités publiques dans le cadre de leurs compétences, ainsi que celles qui peuvent incomber aux particuliers (...) ".

4. Le plan de prévention des risques d'inondation (PPRI) applicable sur le territoire de l'Aiguillon-sur-mer a été arrêté par le préfet de la Vendée le 18 juillet 2012 en application des dispositions des articles L. 562-1 et suivants du code de l'environnement. Il résulte de ces dispositions que le législateur a entendu faire supporter par le propriétaire concerné l'intégralité du préjudice résultant de l'inconstructibilité de son terrain nu résultant des risques naturels le menaçant, sauf dans le cas où ce propriétaire supporterait une charge spéciale et exorbitante hors de proportion avec l'objectif d'intérêt général poursuivi.

5. Il résulte de l'instruction et n'est pas sérieusement contesté que les terrains dont M. A...est propriétaire depuis leur acquisition en 2004, situés sur le territoire de la commune de L'Aiguillon sur Mer au lieu-dit Les Glaireaux, cadastrés AL n° 255, 479 à 483 et auparavant classés en zone urbaine du plan d'occupation des sols, ne supportent aucune construction. Ils se caractérisent par un niveau d'aléa inondation fort à très fort, avec des hauteurs d'eau supérieures à 1 m, ce qui a conduit à leur classement, dans le plan de prévention des risques d'inondation, en zone rouge, dans laquelle les constructions nouvelles de toute nature et les implantations nouvelles d'hôtellerie de plein air sont strictement interdites, afin, selon la notice de présentation du plan, d'éviter tout nouvel apport de population résidente et de ne pas augmenter de manière substantielle les biens et activités vulnérables. Il ressort en outre des plans produits, en particulier du lieu-dit " les Glaireaux " que de nombreux terrains non bâtis de ce secteur ont été classés en zone rouge du PPRI, à l'instar de ceux de M.A.... Dans ces conditions, au regard de l'objectif de sécurité des habitants auquel répondent les dispositions du plan en litige et compte tenu de l'étendue géographique des périmètres de protection instaurés, alors même que M. A...s'est endetté pour acquérir ces terrains, les servitudes les affectant ne peuvent être regardées comme faisant supporter à M. A...une charge spéciale et exorbitante, hors de proportion avec l'objectif d'intérêt général poursuivi et ainsi, de nature à ouvrir droit à indemnisation à raison de la rupture du principe d'égalité.

6. En deuxième lieu, aux termes de l'article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : "Toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens. Nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d'utilité publique et dans les conditions prévues par la loi et les principes généraux du droit international. Les dispositions précédentes ne portent pas atteinte au droit que possèdent les Etats de mettre en vigueur les lois qu'ils jugent nécessaires pour réglementer l'usage des biens conformément à l'intérêt général ou pour assurer le paiement des impôts ou d'autres contributions ou des amendes.". Si ces stipulations ont pour objet d'assurer un juste équilibre entre l'intérêt général et les impératifs de sauvegarde du droit de propriété, elles laissent au législateur une marge d'appréciation étendue, en particulier pour préserver la sécurité des personnes et des biens, tant pour choisir les modalités de mise en oeuvre d'une telle politique que pour juger si leurs conséquences se trouvent légitimées, dans l'intérêt général, par le souci d'atteindre les objectifs poursuivis par la loi ; les dispositions précitées de l'article L.562-1 du code de l'environnement, qui fondent les conditions d'instauration d'un plan de prévention des risques, s'inscrivent dans ces objectifs.

7. L'instauration du plan de prévention des risques d'inondation approuvé par arrêté préfectoral du 18 juillet 2012 n'emporte aucune privation du droit de propriété de M. A...sur ses terrains. Si elle le prive du droit d'y construire, il est constant que l'intéressé, s'il s'est endetté pour acquérir ces parcelles, n'était titulaire d'aucun certificat d'urbanisme en cours de validité, ni d'aucune autorisation d'urbanisme sur ces terrains. Le requérant se borne à indiquer qu'il n'a pas entrepris de construction " dans l'attente de son installation en Vendée " et n'allègue même pas que le classement de ses terrains en zone rouge aurait compromis la réalisation d'un projet d'installation effectif et suffisamment avancé. Dès lors, et au regard de l'objectif de sécurité des habitants poursuivi par le plan de prévention des risques d'inondation, M. A...n'est pas fondé à invoquer la méconnaissance des stipulations précitées.

8. Enfin, pour les mêmes motifs que ceux indiqués au point n°7, M. A...n'est pas fondé à invoquer la violation de son droit de propriété garanti par les articles 2 et 17 de la Déclaration des droits de l'Homme et du Citoyen de 1789.

9. Il résulte de ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Sur les frais liés au litige :

10. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que M. A...demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A...et au ministre d'Etat, ministre de la transition écologique et solidaire.

Une copie sera adressée au préfet de la Vendée.

Délibéré après l'audience du 29 mai 2018, à laquelle siégeaient :

- M. Perez, président de chambre,

- M. Degommier, président assesseur,

- Mme Gélard, premier conseiller.

Lu en audience publique le 15 juin 2018.

Le rapporteur,

S. DEGOMMIER

Le greffier,

K. BOURON

Le président de chambre,

A. PEREZ

La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de la transition écologique et solidaire, en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 16NT04095


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 16NT04095
Date de la décision : 15/06/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. PEREZ
Rapporteur ?: M. Sébastien DEGOMMIER
Rapporteur public ?: M. DERLANGE
Avocat(s) : DE BAYNAST

Origine de la décision
Date de l'import : 26/06/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2018-06-15;16nt04095 ?
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