Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme E...I..., M. F...A...et Mme C...J..., ainsi que la Sci Boata Dents ont demandé au tribunal administratif de Caen d'annuler les décisions des 28 avril 2014, 14 avril 2015 et 20 octobre 2015 accordant respectivement à la SCI Exelsia un permis de construire tacite pour 40 logements après démolition des constructions existantes aux n° 11 et 13 avenue de Paris à Caen ainsi que deux permis de construire modificatifs.
Par un jugement n° 1402153, 1402157, 1501519, 1501921, 1600747 et 1600838 du 20 octobre 2016, le tribunal administratif de Caen a annulé ces trois décisions.
Procédure devant la cour :
Par une requête et des mémoires enregistrés les 30 novembre 2016, 3 avril 2017 et 13 décembre 2017 et 14 février 2018, la Sci Exelsia, représentée par Me G..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Caen du 20 octobre 2016 ;
2°) de rejeter les demandes présentées devant le tribunal administratif de Caen par Mme E...I..., M. F...A..., Mme C...J...ainsi que par la Sci Boata Dents ;
3°) de mettre à la charge de Mme C...J..., M. F...A..., la Sci Boata Dents et de Mme E...I..., le versement de la somme de 3 500 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le jugement ne vise pas expressément les dispositions sur lesquelles il s'est appuyé pour prononcer l'annulation des décisions contestées ;
- les requérants n'ont invoqué aucun intérêt pour agir et n'en ont justifié par aucune pièce ;
- les permis de construire modificatifs n'ont pas été pris en compte par les premiers juges ;
- pour apprécier le respect des dispositions de l'article 10.2 du règlement du plan local d'urbanisme applicable à la zone UBa4 le tribunal administratif a combiné à tort la règle relative aux sous-sols dont au plus 1/3 de la hauteur mesurée du plancher au plafond émerge au-dessus du niveau du sol après travaux et celle relative aux terrains en pente et a en outre scindé le projet en plusieurs parties alors que ni la partie du projet de construction en sous-sol donnant sur l'avenue de Paris, ni celle donnant sur l'arrière du bâtiment projeté, ne constitue un niveau selon les définitions du glossaire du plan local d'urbanisme ;
- le tribunal administratif a estimé à tort que le sous-sol donnant sur l'arrière était entièrement hors du sol alors qu'il est enterré ;
- en estimant qu'il n'était pas établi que la pente du terrain naturel avant les travaux ait rendu nécessaire la construction d'un sous-sol totalement découvert sur la partie arrière du bâtiment, le tribunal administratif a ajouté une condition non prévue par le plan local d'urbanisme ;
- en dissociant plusieurs parties du bâtiment le tribunal administratif a dénaturé les dispositions du plan local d'urbanisme pour les terrains en pente dans la mesure où le nombre de niveau se mesure à compter du niveau de la voie au droit de la construction lorsqu'elle est implantée à l'alignement ; le nombre de niveau devait être apprécié à hauteur de la voie publique uniquement et le tribunal administratif ne pouvait se fonder sur l'arrière du bâtiment pour considérer que les dispositions de l'article UB 10 étaient méconnues.
Par des mémoires, enregistrés les 22 février 2017, 28 avril 2017, 18 janvier 2018 et 20 février 2018, la commune de Caen, représentée par MeK..., conclut à l'annulation du jugement attaqué et à ce que la somme de 2 000 euros soit mise à la charge des demandeurs de première instance au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- les demandeurs de première instance n'ont pas démontré en quoi le projet leur occasionnerait un préjudice ;
- alors qu'il a estimé que moins d'1/3 de la hauteur du sous-sol donnant sur l'avenue de Paris émergeait au-dessus du niveau du sol après travaux le tribunal administratif aurait dû en tirer la conséquence que le sous-sol ne pouvait être considéré comme un niveau de construction ;
- la dissociation du projet en plusieurs parties par les premiers juges n'est pas justifiée dès lors que les plans en coupe issus du dossier de permis de construire modificatif n° 3 démontrent qu'à l'arrière du projet le sous-sol se situe pour plus des 2/3 sous le niveau du sol après travaux ;
- le sous-sol du projet constitue un tout indissociable situé pour moins d'1/3 au dessus du sous-sol après travaux ;
- les juges de première instance ont commis une erreur de droit en faisant intervenir les dispositions relatives aux terrains en pente ;
- les juges de première instance ont également commis une erreur de fait dans la mesure où le terrain présente bien une déclivité est-ouest et nord-sud de près de 2 m expliquant la hauteur du sous-sol semi enterré.
Par des mémoires en défense, enregistrés les 28 février 2017, 25 avril 2017 et 19 février 2018, la SCI Boata Dents et Mme E...I..., représentées par MeD..., concluent au rejet de la requête et à ce que la somme de 2 500 euros soit mise à la charge de la société Exelsia au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elles soutiennent que les moyens soulevés par la société Exelsia ne sont pas fondés.
Par un mémoire en défense, enregistré le 1er mars 2017, Mme C...J...et M. F...A..., représentés par MeB..., concluent au rejet de la requête et à ce que la somme de 2 500 euros soit mise à la charge de la société Exelsia et de la commune de Caen au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que les moyens soulevés par la société Exelsia ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Gélard,
- les conclusions de M. Derlange, rapporteur public,
- les observations de MeH..., substituant MeG..., représentant la SCI Exelsia, et les observations de MeD..., représentant la SCI Boata Dents et MmeI....
1. Considérant que le 17 décembre 2013, la Sci Exelsia a déposé un dossier de permis de construire valant autorisation de démolir sur la parcelle cadastrée section ML n° 20 située 11-13 avenue de Paris à Caen, pour la construction de 40 logements locatifs sociaux ; que ce dossier, qui a été complété les 15 et 28 janvier 2014, a fait l'objet d'un permis de construire tacite qui est intervenu le 28 avril 2014 ; que MmeJ..., M.A..., Mme E...I...et la Sci Boata Dents, qui sont propriétaires de parcelles contigües, ont présenté des recours gracieux contre cette décision, avant de saisir le tribunal administratif de Caen ; que le 18 juillet 2014, la Sci Exelsia a sollicité un permis de construire modificatif, qui lui a été accordé le 25 septembre 2014 avant d'être retiré à sa demande le 6 février 2015 ; que le permis de construire modificatif n° 2, sollicité le 27 janvier 2015 par la société Exelsia, et qui a été accordé par le maire de Caen le 14 avril 2015, a été contesté par les mêmes riverains ; que le 20 octobre 2015, la Sci Exelsia a obtenu un permis de construire modificatif n°3 ; que les consorts J...et autres ont saisi le tribunal administratif de Caen d'un recours en excès de pouvoir contre cette nouvelle décision ; que par un jugement n° 1402153, 1402157, 1501519, 1501921, 1600747 et 1600838 du 20 octobre 2016, joignant l'ensemble de ces instances, le tribunal administratif de Caen a annulé les décisions des 28 avril 2014, 14 avril 2015 et 20 octobre 2015 au motif que le projet ne respectait pas les dispositions de l'article UB 10.2 du règlement du plan local d'urbanisme ; que la Sci Exelsia relève appel de ce jugement ; que la commune de Caen conclut également à l'annulation du jugement du tribunal administratif de Caen ;
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Considérant, d'une part, que l'article R. 741-2 du code de justice administrative dispose que la décision rendue par une juridiction administrative " (...) contient (...) les visas des dispositions législatives ou réglementaires dont elle fait application " ; que si les visas du jugement attaqué font mention sans davantage de précision du code de l'urbanisme et du code de justice administrative, les motifs de ce jugement reproduisent le contenu des dispositions dont il est fait application et notamment de celles de l'article UB 10.2 du règlement du plan local d'urbanisme sur la base desquelles le tribunal administratif a prononcé l'annulation des décisions litigieuses ; que le jugement attaqué satisfait ainsi aux dispositions précitées de l'article R. 741-2 du code de justice administrative ;
3. Considérant, d'autre part, qu'après avoir constaté l'illégalité de la décision du 28 avril 2014, le tribunal administratif de Caen a précisé que les permis de construire modificatifs délivrés les 14 avril 2015 et 20 octobre 2015 n'avaient pas modifié le nombre de niveaux du projet en litige ; qu'il en a déduit que l'illégalité affectant la décision initiale n'avait pas été régularisée et que ces 3 décisions devaient être annulées ; que dans ces conditions, la société Exelsia n'est pas fondée à soutenir que les premiers juges auraient omis de prendre en compte ces permis de construire modificatifs ;
Sur l'intérêt à agir des demandeurs de première instance :
4. Considérant qu'aux termes de l'article L.600-1-2 du code de l'urbanisme : " Une personne autre que l'Etat, les collectivités territoriales ou leurs groupements ou une association n'est recevable à former un recours pour excès de pouvoir contre un permis de construire, de démolir ou d'aménager que si la construction, l'aménagement ou les travaux sont de nature à affecter directement les conditions d'occupation, d'utilisation ou de jouissance du bien qu'elle détient ou occupe régulièrement ou pour lequel elle bénéficie d'une promesse de vente, de bail, ou d'un contrat préliminaire mentionné à l'article L. 261-15 du code de la construction et de l'habitation. " ;
5. Considérant qu'il résulte de ces dispositions qu'il appartient, en particulier, à tout requérant qui saisit le juge administratif d'un recours pour excès de pouvoir tendant à l'annulation d'un permis de construire, de démolir ou d'aménager, de préciser l'atteinte qu'il invoque pour justifier d'un intérêt lui donnant qualité pour agir, en faisant état de tous éléments suffisamment précis et étayés de nature à établir que cette atteinte est susceptible d'affecter directement les conditions d'occupation, d'utilisation ou de jouissance de son bien ; qu'il appartient au défendeur, s'il entend contester l'intérêt à agir du requérant, d'apporter tous éléments de nature à établir que les atteintes alléguées sont dépourvues de réalité ; qu'il appartient ensuite au juge de l'excès de pouvoir de former sa conviction sur la recevabilité de la requête au vu des éléments ainsi versés au dossier par les parties, en écartant le cas échéant les allégations qu'il jugerait insuffisamment étayées mais sans pour autant exiger de l'auteur du recours qu'il apporte la preuve du caractère certain des atteintes qu'il invoque au soutien de la recevabilité de celui-ci ; qu'eu égard à sa situation particulière, le voisin immédiat justifie, en principe, d'un intérêt à agir lorsqu'il fait état devant le juge, qui statue au vu de l'ensemble des pièces du dossier, d'éléments relatifs à la nature, à l'importance ou à la localisation du projet de construction ;
6. Considérant que MmeJ..., M.A..., Mme E...I...et la Sci Boata Dents justifient de leur qualité de voisins immédiats de la parcelle d'assiette du projet ; qu'ils ont invoqué dans leurs demandes de première instance, les conséquences du projet sur leur condition de vie en terme d'ensoleillement, de vues directes sur leur propriété ainsi qu'en ce qui concerne les possibilités de stationnement dans la rue qui seront réduites si le projet est réalisé ; que par suite, la société requérante n'est pas fondée à soutenir qu'ils ne justifieraient pas d'un intérêt suffisant à agir contre les permis de construire litigieux ;
Sur la légalité des décisions contestées :
7. Considérant que selon la définition générale du glossaire applicable à l'ensemble des zones du plan local d'urbanisme : " Dans une construction, un niveau est un volume entre plancher et plafond. Ne sont pas comptés comme niveaux : les sous-sols qui sont les niveaux inférieurs des constructions situés au-dessous du niveau du sol après travaux ou dont au plus 1/3 de la hauteur, mesurée du plancher au plafond, émerge au dessus du niveau du sol après travaux. (cf définition du paragraphe 2 ci-dessus). Pour les constructions édifiées sur des terrains en pente, les niveaux en sous-sol partiellement enterrés dans le rattrapage de la pente, ne sont pas comptabilisés comme niveaux (...)" ; qu'aux termes de l'article 10.2 du règlement du plan local d'urbanisme de la commune de Caen applicable au secteur UBa et à ses sous-secteurs : " la hauteur maximale des constructions est différente pour chaque sous-secteur selon les normes fixées dans le tableau ci-après : (...) Sous-secteur UBa4 : hauteur maximale 17 m, nombre de niveaux R+4 " ;
8. Considérant que le projet litigieux, qui se situe en zone UBa4 du plan local d'urbanisme approuvé le 13 décembre 2013 et modifié le 29 juin 2015, comprend un sous-sol, un rez-de-chaussée, 3 étages et un niveau d'attique ; qu'il ressort des pièces du dossier que le sous-sol n'est pas entièrement enterré ; qu'il ressort par ailleurs de la notice de présentation du permis de construire, établie le 4 décembre 2013, que " le terrain présente un faible dénivelé entre le niveau de l'avenue de Paris et l'arrière de la parcelle " ; que le plan de coupe du terrain et de la construction mentionne une cote TN de référence à 27,32 avenue de Paris et une cote TN de 27,41 à l'arrière du bâtiment ; que par suite, et alors même que la parcelle d'assiette du projet présente elle-même une déclivité est-ouest et nord-sud, le projet ne peut être regardé comme constituant une construction édifiée sur un terrain en pente au sens de la définition rappelée ci-dessus de la notion de niveau ;
9. Considérant que le point 6 du glossaire en son paragraphe n°2 prévoit que pour " La hauteur maximale des constructions exprimée en mètres : - le point bas de la mesure s'effectue : (...) - au niveau de la voie, au droit de la construction, dès lors que cette dernière est implantée à l'alignement(...) " ; que ces dispositions concernent toutefois la hauteur des bâtiments et non les modalités de calcul des niveaux mentionnés à l'article 10.2 du règlement du plan local d'urbanisme, lequel tend à limiter la hauteur " maximale " des constructions et qui doit s'entendre, comme définissant une règle applicable en chaque point de la construction ; qu'il n'est pas contesté que le bâtiment projeté respecte la hauteur maximale de 17 m prévue à l'article 10.2 ; que par suite, la société Excelsia ne peut se prévaloir de la circonstance que le bâtiment serait construit à l'alignement pour sa façade située avenue de Paris pour soutenir que le respect des dispositions de l'article 10.2 du règlement du plan local d'urbanisme devait s'apprécier uniquement à cet endroit sans tenir compte de la configuration arrière de l'immeuble ;
10. Considérant qu'il ressort du plan de coupe du terrain et de la construction qu'à l'arrière du bâtiment, le sous-sol de la construction projetée se situe entièrement au dessus du niveau du sol après travaux, dans le prolongement des places de stationnement extérieures ; que dans ces conditions, contrairement à ce que soutient la société requérante, le sous-sol litigieux constitue un niveau au sens du glossaire du plan local d'urbanisme à prendre en compte pour le calcul du nombre de niveaux autorisés par l'article 10.2 du règlement du plan local d'urbanisme ; que le projet qui comprend un sous-sol, un rez-de-chaussée, 3 étages, un niveau d'attique, doit dès lors être regardé comme excédant le nombre de niveaux autorisés dans le sous-secteur UBa4, à savoir R + 4 ; que les permis de construire modificatifs, ainsi qu'en atteste notamment le plan de coupe PCM3, n'ont pas remédié à cette illégalité ; que par suite, c'est à juste titre que les premiers juges ont estimé que le projet litigieux était contraire aux dispositions précitées de l'article 10.2 du règlement du plan local d'urbanisme ;
11. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède, que la Sci Exelsia n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif a annulé les décisions des 28 avril 2014, 14 avril 2015 et 20 octobre 2015 ; que pour les mêmes motifs, et sans qu'il soit besoin de statuer sur leur recevabilité, les conclusions présentées par la commune de Caen doivent être rejetées ;
Sur les frais liés au litige :
12. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de Mme C...J..., M. F...A..., la Sci Boata Dents et de Mme E...I..., qui ne sont pas, dans la présente instance, les parties perdantes, le versement à la Sci Exelsia, ni, en tout état de cause, à la commune de Caen, des sommes qu'elles demandent au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ; que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de la Sci Exelsia et de la commune de Caen, le versement à Mme C...J..., M. F...A..., la Sci Boata Dents et à Mme E...I..., d'une somme globale de 1 500 euros chacune sur le même fondement ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de la Sci Exelsia ainsi que les conclusions de la commune de Caen sont rejetées.
Article 2 : La Sci Exelsia et la commune de Caen verseront chacune à Mme C...J..., M. F... A..., la Sci Boata Dents et à Mme E...I...une somme globale de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la Sci Exelsia, à MmeC... J..., à M.F... A..., à la Sci Boata Dents, à Mme E... I...et à la commune de Caen.
Délibéré après l'audience du 29 mai 2018, à laquelle siégeaient :
- M. Pérez, président de chambre,
- M. Degommier, président-assesseur,
- Mme Gélard, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 15 juin 2018.
Le rapporteur,
V. GELARDLe président,
A. PEREZ
Le greffier,
K. BOURON
La République mande et ordonne au ministre de la cohésion des territoires en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 16NT03847