Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A...a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler la décision par laquelle le préfet du Morbihan a implicitement rejeté son recours hiérarchique à l'encontre d'une décision du sous-préfet de Lorient du 19 février 2016 relative à l'organisation de la procession religieuse des Rameaux en mars 2016 sur l'île de Houat.
Par un jugement n° 1602529 du 29 juin 2017, le tribunal administratif de Rennes a rejeté la demande de M.A....
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés le 1er septembre 2017 et le 12 avril 2018, M. A..., représenté par Me Collet, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Rennes du 29 juin 2017 ;
2°) d'annuler la décision du sous-préfet de Lorient du 19 février 2016, ainsi que la décision implicite du préfet du Morbihan rejetant son recours hiérarchique ;
3°) d'annuler la décision de refus d'interdire la procession du maire de l'île de Houat ;
4°) d'enjoindre au maire de l'île de Houat d'édicter des mesures de nature à interdire toute nouvelle procession des Rameaux ne se déroulant pas dans la nef ou sur le parvis du bâtiment cultuel ;
5°) de mettre à la charge de la commune de l'île de Houat et de l'Etat la somme de 3000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- sa demande de première instance n'était pas tardive ;
- la décision du 19 février fait grief et il a un intérêt lui donnant qualité pour agir contre elle ;
- le jugement, qui retient un vice d'incompétence et rejette sa demande, est entaché de contradiction ;
- la procession des rameaux sur l'île de Houat n'est pas conforme aux usages locaux ;
- elle crée des risques d'atteinte à l'ordre public, qui nécessitent l'édiction de mesures de police ;
- elle viole l'article 9 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme ;
- elle viole l'article 28 de la loi du 9 décembre 1905 de séparation des Eglises et de l'Etat ;
- la décision du 19 février 2016 du sous-préfet de Lorient est entachée d'incompétence ;
- elle viole l'article L. 211-1 du code de la sécurité intérieure.
Par un mémoire en défense et un mémoire complémentaire, enregistrés le 9 novembre 2017 et le 20 avril 2018, la commune de l'île de Houat conclut au rejet de la requête et demande que la somme de 3 000 euros soit mise à la charge de M. A...en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la demande de première instance de M. A...était irrecevable en raison de sa tardiveté, de l'absence de décision faisant grief et du défaut d'intérêt pour agir ;
- les moyens soulevés ne sont pas fondés.
Par un mémoire en défense, enregistré le 20 mars 2018, le ministre d'Etat, ministre de l'intérieur conclut au rejet de la requête.
Il soutient que :
- la demande de première instance de M. A...n'était pas recevable car la lettre du sous-préfet de Lorient du 19 février 2016 n'est pas une décision faisant grief, non plus, par voie de conséquence, que le rejet implicite par le préfet du Morbihan du recours hiérarchique ;
- les moyens soulevés ne sont pas fondés.
Par ordonnance du 14 mai 2018, prise en application des articles R. 611-11-1 et R. 613-1 du code de justice administrative, la clôture d'instruction a été fixée avec effet immédiat.
Un mémoire, présenté pour M.A..., a été enregistré le 15 mai 2018.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales ;
- le code de la sécurité intérieure ;
- le code général des collectivités territoriales ;
- la loi du 9 décembre 1905 concernant la séparation des Eglises et de l'Etat ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Rimeu,
- les conclusions de M. Bréchot, rapporteur public
- et les observations de Me Collet, avocat de M.A..., et celles de Me Le Dantec, avocat de la commune de l'Ile-de-Houat.
1. Considérant que, par un courriel du 18 janvier 2016, M. A...a demandé à la sous-préfecture de Lorient qu'un rendez-vous soit organisé avec le bureau de l'association des libres penseurs du Morbihan à propos de l'organisation sur l'île de Houat, le dimanche 20 mars 2016, d'une procession religieuse à l'occasion de la fête dite des Rameaux ; que par un courrier du 19 février 2016, le sous-préfet de Lorient a répondu à cette demande, ainsi qu'aux protestations émises par M. A...contre cette procession dans des correspondances adressées au Défenseur des Droits ; que le 29 février 2016, M. A...a formé auprès du préfet du Morbihan un recours hiérarchique contre ce courrier du sous-préfet de Lorient du 19 février 2016 ; que le préfet n'a pas apporté de réponse explicite à cette demande, de sorte que M. A...a demandé au tribunal administratif d'annuler son rejet implicite ; que, par un jugement du 29 juin 2017, le tribunal administratif de Rennes a regardé la demande de M. A...comme dirigée contre le refus du maire de l'île d'Houat d'interdire la procession religieuse en cause et l'a rejetée ; que M. A...relève appel de ce jugement ;
Sur la recevabilité de la demande de première instance en tant qu'elle est dirigée contre le courrier du 19 février 2016 et le rejet implicite du recours hiérarchique formé contre lui :
2. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que le courrier du sous-préfet de Lorient du 19 février 2016 se borne à répondre à la demande de rendez-vous formée par M. A...dans son courriel du 18 janvier 2016 et à lui rappeler, au vu des correspondances adressées au Défenseur des Droits, avec copie au sous-préfet, à propos de la procession religieuse organisée sur l'île de Houat lors du dimanche dit " des Rameaux ", l'état du droit applicable aux manifestations sur la voie publique selon qu'elles sont ou non conformes aux usages locaux ; que si le sous-préfet de Lorient précise dans ce courrier que les circonstances dans lesquelles s'est déroulée cette procession en 2015 ne lui semblent pas constitutives d'un trouble pour l'ordre public d'une particulière gravité, et donne ainsi son avis sur l'organisation d'une telle manifestation, il ne se prononce pas sur le bien fondé d'une interdiction de cette procession en 2016 ; qu'il suit de là que ce courrier, dépourvu de toute portée juridique, ne constitue pas un acte faisant grief susceptible de faire l'objet d'un recours pour excès de pouvoir ; que, par suite, le ministre de l'intérieur est fondé à soutenir que la demande de première instance de M.A..., en tant qu'elle est dirigée contre ce courrier du 19 février 2016 et contre le rejet implicite du recours hiérarchique formé contre lui auprès du préfet du Morbihan, est irrecevable ;
Sur la légalité de la décision du maire de l'île d'Houat :
3. Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article L. 211-1 du code de la sécurité intérieure : " Sont soumis à l'obligation d'une déclaration préalable tous cortèges, défilés et rassemblements de personnes, et, d'une façon générale, toutes manifestations sur la voie publique. / Toutefois, sont dispensées de cette déclaration les sorties sur la voie publique conformes aux usages locaux. (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 211-2 du même code : " La déclaration est faite à la mairie de la commune ou aux mairies des différentes communes sur le territoire desquelles la manifestation doit avoir lieu, trois jours francs au moins et quinze jours francs au plus avant la date de la manifestation (...) " ;
4. Considérant, d'autre part, que le premier alinéa de l'article 27 de la loi du 9 décembre 1905 concernant la séparation des Eglises et de l'Etat dispose que " Les cérémonies, processions et autres manifestations extérieures d'un culte, sont réglées en conformité de l'article L. 2212-2 du code général des collectivités territoriales. " ; qu'aux termes de l'article L. 2212-1 du code général des collectivités territoriales : " Le maire est chargé (...) de la police municipale (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 2212-2 du même code : " La police municipale a pour objet d'assurer le bon ordre, la sûreté, la sécurité et la salubrité publiques. Elle comprend notamment : (...) 3° Le maintien du bon ordre dans les endroits où il se fait de grands rassemblements d'hommes, tels que les foires, marchés, réjouissances et cérémonies publiques, spectacles, jeux, cafés, églises et autres lieux publics ; (...) " ; que le refus opposé par un maire à une demande tendant à ce qu'il fasse usage des pouvoirs de police que lui confèrent en la matière les dispositions précitées n'est illégal que dans le cas où, en raison d'une menace particulièrement sérieuse pour l'ordre public, cette autorité, en n'ordonnant pas les mesures nécessaires pour faire cesser cette menace, méconnaîtrait ses obligations légales ;
5. Considérant, en premier lieu, que le moyen tiré de la violation de l'article L. 211-1 du code de la sécurité intérieure, qui se borne à prévoir une obligation de déclaration préalable des manifestations sur la voie publique, sauf lorsqu'elles sont conformes aux usages locaux, est inopérant pour contester la décision du maire de l'île d'Houat refusant d'interdire la procession litigieuse ;
6. Considérant, en deuxième lieu, qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que le déroulement d'une procession religieuse sur l'île d'Houat le 20 mars 2016 était de nature à créer une situation particulièrement dangereuse pour l'ordre public ; que par suite, le maire n'était pas tenu de faire usage de ses pouvoirs de police pour l'interdire ;
7. Considérant, en troisième lieu, que le refus par le maire de l'île de Houat d'interdire la procession litigieuse, qui laisse à toute personne la liberté de penser, de croire et d'exprimer ses convictions, religieuses ou autres, ne porte pas atteinte à l'article 9 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
8. Considérant, enfin, qu'aux termes de l'article 28 de la loi du 9 décembre 1905 : " Il est interdit, à l'avenir, d'élever ou d'apposer aucun signe ou emblème religieux sur les monuments publics ou en quelque emplacement public que ce soit, à l'exception des édifices servant au culte, des terrains de sépulture dans les cimetières, des monuments funéraires, ainsi que des musées ou expositions. " ;
9. Considérant que si M. A...invoque l'article 28 de la loi du 9 décembre 1905, ce ne sont pas les dispositions de cet article mais celles de l'article 27 de la même loi qui sont applicables aux processions religieuses ; qu'ainsi qu'il a été dit au point 6 ci-dessus, le maire de l'île de Houat n'était pas tenu de faire usage des pouvoirs de police qu'il tient des article L. 2212-1 et L. 2212-2 du code général des collectivités territoriales pour interdire la procession religieuse prévue le dimanche 20 mars 2016 ; qu'il suit de là que le moyen tiré de la violation de la loi de séparation des Eglises et de l'Etat du 9 décembre 1905 doit être écarté ;
10. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. A...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande ;
Sur les conclusions à fin d'injonction :
11. Considérant que le présent arrêt, qui rejette les conclusions à fin d'annulation présentées par M.A..., n'implique aucune mesure d'exécution ; qu'il suit de là que ses conclusions à fin d'injonction doivent être rejetées ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
12. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune de l'île de Houat et de l'Etat, qui ne sont pas dans la présente instance les parties perdantes, la somme que M. A...demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;
13. Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de mettre à la charge de M. A...la somme que la commune de l'île de Houat demande sur le fondement des mêmes dispositions ;
DECIDE
Article 1er : La requête de M. A...est rejetée.
Article 2 : Les conclusions présentées par la commune de l'île de Houat sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B...A..., à la commune de l'île de Houat et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet du Morbihan et au sous-préfet de Lorient.
Délibéré après l'audience du 22 mai 2018, à laquelle siégeaient :
- M. Lainé, président de chambre,
- Mme Tiger-Winterhalter, présidente-assesseure,
- Mme Rimeu, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 8 juin 2018.
La rapporteure,
S. RIMEULe président,
L. LAINÉ
La greffière,
V. DESBOUILLONS
La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 17NT02695