La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

08/06/2018 | FRANCE | N°17NT01781

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 4ème chambre, 08 juin 2018, 17NT01781


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A...a demandé au tribunal administratif de Nantes l'annulation des arrêtés de la préfète de Maine-et-Loire du 15 mai 2017 décidant sa remise aux autorités italiennes et l'assigant à résidence.

Par un jugement n° 1704360 du 19 mai 2017, le magistrat désigné du tribunal administratif de Nantes a annulé ces arrêtés de la préfète de Maine-et-Loire du 15 mai 2017.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 12 juin 2017, le préfet de Maine-et-Loire demande à

la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Nantes du 19 mai 2017 ;

2°) de re...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A...a demandé au tribunal administratif de Nantes l'annulation des arrêtés de la préfète de Maine-et-Loire du 15 mai 2017 décidant sa remise aux autorités italiennes et l'assigant à résidence.

Par un jugement n° 1704360 du 19 mai 2017, le magistrat désigné du tribunal administratif de Nantes a annulé ces arrêtés de la préfète de Maine-et-Loire du 15 mai 2017.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 12 juin 2017, le préfet de Maine-et-Loire demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Nantes du 19 mai 2017 ;

2°) de rejeter les demandes présentées par M. A...devant le tribunal administratif de Nantes .

Il soutient que M. A...a signé les documents remis en français, langue officielle de la Guinée et qu'il a bénéficié, lors de l'entretien d'un interprète en langue Diakhanké, de sorte qu'il a bénéficié de l'ensemble des informations et garanties procédurales prévues par le règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013.

Par un mémoire en défense, enregistré le 14 juillet 2017, M.A..., représenté par MeC..., conclut au rejet de la requête et demande que la somme de 2 000 euros soit versée à son conseil en application des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- il ne maîtrise que le Diakhanké, de sorte qu'il n'a pas été informé par la remise de documents en Français ;

- la requête du préfet est, en ce qu'elle renvoie aux écritures de première instance, irrecevable ;

- il reprend ses moyens développés devant le tribunal, notamment s'agissant de la dégradation du système d'asile italien.

M. A...s'est vu accorder l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle du 20 juillet 2017.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;

- le règlement (UE) n° 603/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ; - le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée ;

- le décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991 modifié ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Rimeu, premier conseiller,

- et les conclusions de M. Bréchot, rapporteur public.

1. Considérant que le préfet de Maine-et-Loire relève appel du jugement du 19 mai 2017 par lequel le magistrat désigné du tribunal administratif de Nantes a annulé, à la demande de M.A..., les arrêtés du 15 mai 2017 décidant sa remise aux autorités italiennes et l'assignant à résidence ;

Sur les conclusions à fin d'annulation du jugement :

2. Considérant qu'aux termes de l'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " Droit à l'information 1. Dès qu'une demande de protection internationale est introduite au sens de l'article 20, paragraphe 2, dans un État membre, ses autorités compétentes informent le demandeur de 1'application du présent règlement, et notamment : a) des objectifs du présent règlement et des conséquences de la présentation d'une autre demande dans un État membre différent ainsi que des conséquences du passage d'un État membre à un autre pendant les phases au cours desquelles l'État membre responsable en vertu du présent règlement est déterminé et la demande de protection internationale est examinée ; b) des critères de détermination de l'État membre responsable, de la hiérarchie de ces critères au cours des différentes étapes de la procédure et de leur durée, y compris du fait qu'une demande de protection internationale introduite dans un État membre peut mener à la désignation de cet État membre comme responsable en vertu du présent règlement même si cette responsabilité n'est pas fondée sur ces critères ; c) de l'entretien individuel en vertu de 1'article 5 et de la possibilité de fournir des informations sur la présence de membres de la famille, de proches ou de tout autre parent dans les États membres, y compris des moyens par lesquels le demandeur peut fournir ces informations ; d) de la possibilité de contester une décision de transfert et, le cas échéant, de demander une suspension du transfert ; e) du fait que les autorités compétentes des États membres peuvent échanger des données le concernant aux seules fins d'exécuter leurs obligations découlant du présent règlement ; f) de 1'existence du droit d'accès aux données le concernant et du droit de demander que ces données soient rectifiées si elles sont inexactes ou supprimées si elles ont fait l'objet d'un traitement illicite, ainsi que des procédures à suivre pour exercer ces droits, y compris des coordonnées des autorités visées à l'article 35 et des autorités nationales chargées de la protection des données qui sont compétentes pour examiner les réclamations relatives à la protection des données à caractère personnel. / 2. Les informations visées au paragraphe 1 sont données par écrit, dans une langue que le demandeur comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'il la comprend. Les États membres utilisent la brochure commune rédigée à cet effet en vertu du paragraphe 3. / Si c'est nécessaire à la bonne compréhension du demandeur, les informations lui sont également communiquées oralement, par exemple lors de1'entretien individuel visé à l'article 5. / (...)" ; qu'il résulte de ces dispositions que le demandeur d'asile auquel l'administration entend faire application du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 doit se voir remettre, dès le moment où le préfet est informé de ce qu'il est susceptible d'entrer dans le champ d'application de ce règlement, et, en tout cas, avant la décision par laquelle l'autorité administrative décide de ne pas instruire la demande de l'intéressé au motif que la France n'est pas responsable de sa demande d'asile, une information complète sur ses droits, par écrit et dans une langue qu'il comprend ; que cette information doit comprendre l'ensemble des éléments prévus au paragraphe 1 de l'article 4 du règlement ; qu'eu égard à la natures desdites informations, leur délivrance complète par l'autorité administrative, notamment par la remise de la brochure prévue par les dispositions précitées, constitue pour le demandeur d'asile une garantie ;

3. Considérant que si les actes administratifs doivent être pris selon les formes et conformément aux procédures prévues par les lois et règlements, un vice affectant le déroulement d'une procédure administrative préalable n'est de nature à entacher d'illégalité la décision prise que s'il ressort des pièces du dossier qu'il a été susceptible d'exercer, en l'espèce, une influence sur le sens de la décision prise ou qu'il a privé l'intéressé d'une garantie ;

4. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. A...s'est vu remettre, le 14 mai 2017, le " guide du demandeur d'asile en France " et les brochures " j'ai demandé l'asile dans l'Union Européenne- quel pays sera responsable de l'analyse de ma demande ' " (brochure A) et " Je suis sous procédure Dublin- qu'est ce que cela signifie ' " (brochure B) en langue française ; que, toutefois, il ressort du compte rendu d'entretien qui s'est déroulé le 14 mai 2017 que M. A...a indiqué ne comprendre que le diakhanke ; que si le préfet fait valoir que le français est la langue officielle de la Guinée, l'intéressé a déclaré n'être jamais allé à l'école, de sorte que le préfet ne pouvait pas raisonnablement supposer que M. A...était en mesure de comprendre le français ; que M. A...n'a donc pas bénéficié, par écrit, dans une langue qu'il comprend, des informations mentionnées à l'article 4 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 ; que par suite les dispositions de cet article ont été méconnues ;

5. Considérant que si le compte rendu d'entretien indique que " L'intéressé certifie avoir reçu le guide du demandeur d'asile (brochures A et B) l'informant sur le règlement communautaire, certifie que ces informations lui ont été traduites par téléphone en langue diakhanke et bénéficier de l'ensemble des informations correspondant à sa situation de demandeur d'asile par lesquels l'administration entend faire application du règlement du 26 juin 2013 ", d'une part, le traducteur n'était pas présent aux côtés de M. A...lors de cet entretien, de sorte qu'il n'a pas pu s'assurer que la traduction des brochures, à supposer qu'elle puisse être exhaustive par téléphone, était bien comprise par M.A..., d'autre part, ce traducteur n'a pas attesté de ce que M. A...avait bien compris les informations issues du guide et des brochures qui lui ont été traduites, et enfin, M.A..., qui ainsi qu'il a été dit n'est pas allé à l'école et ne comprend pas le français, n'a signé ledit compte rendu, rédigé en français, que d'une croix ; que, dans ces conditions, il n'est pas établi que M. A...a bien bénéficié, par oral, à défaut de l'avoir par écrit, de toute l'information exigée par les dispositions précitées de l'article 4 et n'a ainsi pas été privé d'une garantie ; qu'il suit de là que le vice de procédure affectant la décision de remise contestée entache celle-ci d'illégalité ; que par suite, cette décision, ainsi que, par voie de conséquence, celle assignant M. A...à résidence, doivent être annulées ;

6. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le préfet de Maine-et-Loire n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné du tribunal administratif de Nantes a annulé ses décisions du 15 mai 2017 ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 :

7. Considérant que M. A...a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle ; que, par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 500 euros à Me C...dans les conditions fixées à l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et à l'article 108 du décret du 19 décembre 1991 ;

DECIDE :

Article 1er : La requête du préfet de Maine et Loire est rejetée.

Article 2 : Le versement de la somme de 1 500 euros à Me C...est mis à la charge de l'Etat dans les conditions fixées à l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et à l'article 108 du décret du 19 décembre 1991.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B...A...au ministre d'Etat ministre de l'intérieur et à MeC....

Une copie en sera adressée au préfet de Maine-et-Loire.

Délibéré après l'audience du 22 mai 2018, à laquelle siégeaient :

- M. Lainé, président de chambre,

- Mme Tiger-Winterhalter, présidente-assesseure,

- Mme Rimeu, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 8 juin 2018.

La rapporteur,

S. RIMEU

Le président,

L. LAINÉ

Le greffier,

V. DESBOUILLONS

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N°17NT017812


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 17NT01781
Date de la décision : 08/06/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. LAINE
Rapporteur ?: Mme Sophie RIMEU
Rapporteur public ?: M. BRECHOT
Avocat(s) : NERAUDAU

Origine de la décision
Date de l'import : 17/07/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2018-06-08;17nt01781 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award