La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

08/06/2018 | FRANCE | N°17NT00091

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 4ème chambre, 08 juin 2018, 17NT00091


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Brest Métropole a demandé au tribunal administratif de Rennes de condamner solidairement, ou l'un à défaut de l'autre, la société Artélia ville et transport venant aux droits de la société Sogreah consultants et le cabinet d'architectes Atelier de l'île à lui verser la somme de 2 424 133 euros hors taxe, assortie des intérêts et de leur capitalisation.

Par un jugement n° 1203076 du 10 novembre 2016, le tribunal administratif de Rennes a rejeté la demande de Brest Métropole.

Procédure

devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 9 janvier 2017 et le 27 fé...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Brest Métropole a demandé au tribunal administratif de Rennes de condamner solidairement, ou l'un à défaut de l'autre, la société Artélia ville et transport venant aux droits de la société Sogreah consultants et le cabinet d'architectes Atelier de l'île à lui verser la somme de 2 424 133 euros hors taxe, assortie des intérêts et de leur capitalisation.

Par un jugement n° 1203076 du 10 novembre 2016, le tribunal administratif de Rennes a rejeté la demande de Brest Métropole.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 9 janvier 2017 et le 27 février 2018, Brest Métropole, représentée par Me Mouriesse, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Rennes du 10 novembre 2016 ;

2°) de condamner solidairement, ou l'un à défaut de l'autre, la société Artelia Ville et Transport, venant aux droits de la société Sogreah Consultants, et le cabinet d'architecte Atelier de l'Ile à lui verser la somme de 2 795 159 euros TTC, assortie des intérêts à compter de la saisine du juge et de la capitalisation de ces intérêts ;

3°) d'enjoindre à ces deux sociétés, ou à l'une à défaut de l'autre, de lui verser cette somme dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 1 000 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de ces deux sociétés la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761- du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la réserve mentionnée sur le décompte général adressé à la maîtrise d'oeuvre fait obstacle à son caractère définitif pour ce qui concerne cette réserve ;

- les lacunes du dossier de consultation des entreprises (DCE) engagent la responsabilité de la maîtrise d'oeuvre ;

- en raison de cette faute, les travaux de raccordement au quai Malberg ont subi, d'une part, quatre mois de retard, ce qui lui a causé un préjudice de 689 684 euros, et d'autre part, un surcoût d'un montant de 654 280 euros HT ;

- la maîtrise d'oeuvre est également responsable des difficultés rencontrées dans la réalisation des files 2 à 6 de la digue sud, ce qui lui a causé un préjudice de 207 670,67 euros ;

- elle n'a pas pu obtenir les indemnités de retard auxquelles elle pouvait prétendre du fait des retards, ce qui représente un préjudice de 435 360 euros ;

- son préjudice doit être calculé en prenant en compte l'actualisation des prix, qui représente 504 045 euros TTC.

Par deux mémoires en défense, enregistrés le 31 mars 2017 et le 19 janvier 2018, la société Atelier de l'Ile conclut au rejet de la requête ; à titre subsidiaire, elle appelle en garantie la société Sogreah ; enfin, elle demande que la somme de 5 000 euros soit mise à la charge de Brest Métropole au titre de l'article L 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la réserve imprécise formulée par Brest Métropole ne remet pas en compte le caractère définitif du décompte ;

- Brest Métropole ne justifie pas d'une habilitation à agir relative à ce litige ;

- elle n'a commis aucune faute de nature à engager sa responsabilité.

Par un mémoire en défense, enregistré le 20 avril 2017, la société Artelia Ville et Transport conclut au rejet de la requête et demande que la somme de 5 000 euros soit mise à la charge de Brest Métropole au titre de l'article L 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la réserve à caractère général qui figure sur le décompte général du marché ne peut priver celui-ci de son caractère intangible et définitif ;

- elle n'a commis aucune faute de nature à engager sa responsabilité ;

- les manquements de Brest Métropole et sa recherche constante d'économies ont concouru aux surcoûts allégués par le groupement Quille-ETPO :

- les travaux de raccordement du quai Malbert étaient des travaux indispensables, dont la charge incombe donc au maître d'ouvrage.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code des marchés publics ;

- le décret n° 78-1306 du 26 décembre 1978 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Rimeu,

- les conclusions de M. Bréchot, rapporteur public,

- et les observations de Me Mouriesse, avocat de Brest Métropole, celles de Me Roger, avocat de la société Artélia et celles de Me Schallwig, avocat de la société Atelier de l'Ile.

1. Considérant que, pour l'aménagement d'un nouveau port de plaisance, Brest Métropole a conclu le 23 juillet 2003 avec la société d'économie mixte pour l'aménagement et l'équipement, aux droits de laquelle vient Brest Métropole Aménagement, une convention de maîtrise d'ouvrage déléguée ; que la maîtrise d'oeuvre des ouvrages extérieurs de protection, qui comprennent notamment une digue sud et une digue ouest, a été confiée le 10 juillet 2003 à un groupement solidaire composé des bureaux d'études techniques Sogreah Consultants et BEST, mandataire, repris par Sogreah Consultants, aux droits duquel vient désormais la société Artelia Ville et Transport et de la société Atelier de l'Ile, architecte et paysagiste ; que par un marché signé le 21 juillet 2006, le lot n° 1 " travaux de génie civil, terrestre et maritime, de démolitions er de mise à niveau des fonds " a été attribué à un groupement composé des sociétés Quille et ETPO ; que le 6 décembre 2006, Brest Métropole a conclu avec la société Sogreah Consultants, devenue Artelia Ville et Transport, un marché complémentaire de maîtrise d'oeuvre relatif aux études d'avant-projet et de projet liées à la variante proposée par le groupement d'entreprises Quille - ETPO, aux études hydrodynamiques et à la mise au point du dispositif de suivi des ouvrages ; que l'exécution des travaux du lot n° 1 a subi des retards, à l'origine de surcoûts, qui ont donné lieu à un protocole transactionnel conclu en mars 2010 entre Brest Métropole et le groupement d'entreprises Quille - ETPO ; que Brest Métropole relève appel du jugement du 10 novembre 2016 par lequel le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande tendant à la condamnation solidaire des sociétés Artelia Ville et Transport et Atelier de l'Ile à lui verser la somme de 2 785 159 euros TTC en réparation des préjudices subis du fait des retards dans l'exécution des travaux du lot n° 1 ;

Sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non recevoir soulevée par la société Atelier de l'Ile :

2. Considérant qu'il appartient au maître de l'ouvrage, lorsqu'il lui apparaît que la responsabilité de son cocontractant est susceptible d'être engagée à raison de fautes commises dans l'exécution du contrat, soit de surseoir à l'établissement du décompte jusqu'à ce que sa créance puisse y être intégrée, soit d'assortir le décompte de réserves précises ; qu'à défaut, le caractère définitif du décompte fait obstacle à ce qu'il puisse obtenir l'indemnisation de son préjudice éventuel, même si un litige portant sur la responsabilité des constructeurs est en cours devant le juge administratif ;

3. Considérant qu'il résulte de l'instruction que le décompte général relatif au marché de maîtrise d'oeuvre des ouvrages extérieurs de protection du port du Château à Brest a été adressé par le groupement de maîtrise d'oeuvre à Brest Métropole ; que ce décompte général a été signé par la personne responsable du marché le 19 octobre 2010 et a acquis un caractère définitif ; que ce décompte général et définitif était assorti d'une réserve ainsi rédigée : " sous réserve des indemnités susceptibles d'être accordées par suite d'un règlement amiable ou par voie judiciaire, en réparation du préjudice subi par la maîtrise d'ouvrage attesté par le rapport de l'expert désigné par le tribunal administratif de Rennes [Ord. n° 0704445-5 ; n° 0801873-5 ; n° 0805625-5] " ;

4. Considérant que cette réserve renvoie sans plus de précision aux opérations d'expertise, diligentées par les ordonnances n° 0704445-5, n° 0801873-5 et n° 0805625-5 du président du tribunal administratif des 4 décembre 2007, 15 mai 2008 et 3 février 2009, portant sur les conditions d'exécution de l'ensemble des travaux d'aménagement du port du Château de Brest, alors qu'à la date de signature du décompte, le 21 octobre 2010, Brest Métropole avait connaissance depuis dix-huit mois du premier rapport, rendu suite aux ordonnances des 4 décembre 2007 et 15 mai 2008, et avait signé plus de six mois auparavant, en mars 2010, un protocole transactionnel avec le groupement d'entreprises chargé d'exécuter les travaux objet de cette expertise ; qu'ainsi, dès lors que Brest Métropole avait connaissance de la créance qu'elle entendait détenir sur le groupement de maîtrise d'oeuvre et était donc en mesure d'assortir le décompte d'une réserve en ce sens ou de différer l'établissement dudit décompte, le renvoi général à d'éventuelles indemnités faisant suite à des opérations d'expertise n'est pas suffisamment précis et explicite pour revêtir le caractère d'un élément du décompte général et définitif résultant d'une obligation ayant une existence certaine ; qu'il suit de là que, le décompte général signé le 19 octobre 2010 présentant un caractère intangible et définitif, toute réclamation du maître d'ouvrage à l'encontre des sociétés membres du groupement de maîtrise d'oeuvre du fait des fautes commises par celles-ci dans l'exécution de leurs obligations contractuelles lui était interdite ;

5. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Brest Métropole n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué du 10 novembre 2016, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande de condamnation des sociétés Artelia Ville et Transport et Atelier de l'Ile comme irrecevable ;

Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

6. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit fait droit aux conclusions présentées à ce titre par Brest Métropole, partie perdante ;

7. Considérant qu'il y a lieu, en revanche, de mettre à la charge de Brest Métropole la somme de 750 euros au titre des frais exposés par la société Artelia Ville et Transport et non compris dans les dépens et la somme de 750 euros au titre des frais de même nature exposés par la société Atelier de l'Ile ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Brest Métropole est rejetée.

Article 2 : Brest Métropole versera à la société Artelia Ville et Transport la somme de 750 euros et à la société Atelier de Lille la somme de 750 euros, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Brest Métropole et aux sociétés Artelia Ville et Transport et Atelier de l'Ile.

Délibéré après l'audience du 22 mai 2018, à laquelle siégeaient :

- M. Lainé, président de chambre,

- Mme Tiger-Winterhalter, présidente-assesseure,

- Mme Rimeu, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 8 juin 2018.

Le rapporteur,

S. RimeuLe président,

L. Lainé

Le greffier,

V. Desbouillons

La République mande et ordonne au préfet du Finistère en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 17NT00091


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 17NT00091
Date de la décision : 08/06/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. LAINE
Rapporteur ?: Mme Sophie RIMEU
Rapporteur public ?: M. BRECHOT
Avocat(s) : BOISSONNET RUBI RAFFIN GIFFO

Origine de la décision
Date de l'import : 07/08/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2018-06-08;17nt00091 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award