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08/06/2018 | FRANCE | N°16NT03084

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 4ème chambre, 08 juin 2018, 16NT03084


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Groupe ADN a demandé au tribunal administratif de Caen, d'une part, d'annuler la décision du maire de la commune de Bayeux du 5 juin 2014 rejetant ses réclamations financières et, d'autre part, de condamner in solidum la commune de Bayeux, la société Millet-Chilou et associés, M. F...D...et Mme G...B..., ainsi que la société Sofresid Engineering à lui verser la somme de 192 823,04 euros HT au titre du préjudice subi du fait de l'allongement de la durée d'exécution des travaux qu'elle a ré

alisés dans le cadre de l'exécution du lot n° 1 " Agencement et mobiliers musé...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Groupe ADN a demandé au tribunal administratif de Caen, d'une part, d'annuler la décision du maire de la commune de Bayeux du 5 juin 2014 rejetant ses réclamations financières et, d'autre part, de condamner in solidum la commune de Bayeux, la société Millet-Chilou et associés, M. F...D...et Mme G...B..., ainsi que la société Sofresid Engineering à lui verser la somme de 192 823,04 euros HT au titre du préjudice subi du fait de l'allongement de la durée d'exécution des travaux qu'elle a réalisés dans le cadre de l'exécution du lot n° 1 " Agencement et mobiliers muséographiques " du marché public de travaux de réalisation des espaces muséographiques du musée Baron Gérard de Bayeux.

Par un jugement n° 1402392 du 29 juin 2016, le tribunal administratif de Caen a rejeté cette demande de la société Groupe ADN.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 7 septembre 2016, la société Ateliers Saint-Roch, venant aux droits de la société Groupe ADN, représentée par MeC..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 29 juin 2016 du tribunal administratif de Caen ;

2°) de condamner solidairement la commune de Bayeux, la société Millet-Chilou et associés, M. F...D...et Mme G...B..., et la société Sofresid Engineering à lui verser la somme de 192 823,04 euros HT au titre du préjudice subi du fait de l'allongement de la durée d'exécution des travaux qu'elle a réalisés dans le cadre de l'exécution du lot n° 1 " Agencement et mobiliers muséographiques " du marché public de travaux de réalisation des espaces muséographiques du musée Baron Gérard de Bayeux ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Bayeux, la société Millet-Chilou et associés, M. F...D...et Mme G...B..., et la société Sofresid Engineering le versement de la somme de 6 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement attaqué est irrégulier en ce que d'une part ont été méconnues les dispositions de l'article R. 711-3 du code de justice administrative, le rapporteur public ayant mis en ligne le sens de ses conclusions moins de 24 heures avant l'audience, et d'autre part a été méconnu l'article L. 9 du code de justice administrative, le jugement étant insuffisamment motivé ;

- la commune de Bayeux, maître d'ouvrage, a manqué à l'exercice de ses pouvoirs de contrôle et de direction du marché ; le 23 février 2012, la société Sofresid Engineering n'avait été investie d'aucune mission d'OPC par le maître d'ouvrage pour les travaux de muséographie ;

- la société A...a commis des manquements en ce qu'elle a fourni avec retard les visas et les plans ; elle a également manqué de diligence dans la vérification de la conformité des travaux aux plans d'exécution, en particulier en ce qui concerne la pose des vitrines ; elle n'a pas communiqué à la société Groupe ADN de plan afin de lui permettre de vérifier la concordance des mesures prises sur place ; la société A...n'aurait pas dû valider les plans EXE compte tenu du retard des travaux de bâtiment ;

- la société Millet-Chilou et associés a commis une faute en transmettant avec retard les plans récapitulatifs des surcharges des dalles et planchers par l'entreprise titulaire du lot n° 2 bâtiments, ainsi que le plan ateliers et en omettant de mettre à jour les plans DOE pour tenir compte des modifications de travaux demandées ;

- la société Sofresid, en charge de la mission OPC, d'une part a failli à sa mission d'ordonnancement dans la mesure où les plannings n'ont cessé d'être recalés et, d'autre part, a failli à sa mission de coordination dès lors que la société Groupe ADN n'a pu intervenir sur un chantier terminé, ce qui était pourtant prévu afin de lui permettre de travailler correctement ;

- la société Groupe ADN n'a commis aucune faute ; il ne peut lui être reproché d'avoir retiré ses équipes durant le mois d'octobre 2012, dès lors que durant cette période, ses équipes ne pouvaient intervenir ; aucun retard dans la fourniture des plannings d'intervention ne peut lui être imputé ; les retards dans la livraison et la pose des vitrines ne lui sont pas imputables dès lors qu'elle n'a pas pu prendre les mesures sur site, les travaux " bâtiments " n'étant pas suffisamment avancés ; son retard est consécutif au retard de la maîtrise d'oeuvre dans la validation des plans d'exécution ; elle n'a commis aucune faute dans le cadre de la réalisation des peintures de cimaises de la salle 1830 ; c'est sous la pression de la société Sofresid que la société Groupe ADN a consenti à peindre les cimaises sans que la salle soit terminée ; les fissures dues aux variations hygrométriques ont nécessité une nouvelle intervention pour un coût supplémentaire de 3 199,50 euros exclusivement imputable à l'attitude irresponsable de l'OPC ;

- les préjudices dont se prévaut la société Groupe ADN consistant en des surcoûts générés par l'allongement de la durée du marché résultent de l'accumulation des différents retards dont sont conjointement et solidairement responsables le maitre d'ouvrage, la maîtrise d'oeuvre et l'OPC.

- le préjudice subi par la société Groupe ADN réside dans les temps supplémentaires passés sur le chantier, imposant la mobilisation de moyens humains et techniques supplémentaires.

Par un mémoire en défense, enregistré le 8 décembre 2016, M. D... et Mme B... concluent au rejet de la requête et à ce que soit mis à la charge de la société Atelier Saint-Roch le paiement de la somme de 6 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- le jugement attaqué n'est entaché d'aucune des irrégularités invoquées ;

- ils n'ont commis aucune faute, dès lors que la mission pilotage du chantier ne relevait pas de la responsabilité du maître d'oeuvre, mais de celle du maître d'ouvrage et de l'OPC, la société Sofresid Engineering ; ils ont été diligents dans le suivi du marché, dès lors qu'ils se sont très tôt investis dans le chantier et inquiétés des retards, ils n'ont commis aucune faute dans la surveillance de la conformité des travaux aux plans d'exécution ; il ne leur appartenait pas de vérifier la validité des cotes prises par la société Groupe ADN, qui n'a jamais alerté la maîtrise d'ouvrage quant à l'existence d'un problème grave ; la responsabilité de la transmission de cotes erronées au sous-traitant incombe à la société Groupe ADN ;

- à titre subsidiaire, le montant des sommes dues en réparation des préjudices subis doit être minoré afin de prendre en compte les fautes commises par la société ADN.

Par un mémoire en défense, enregistré le 4 janvier 2017, la société Millet-Chilou et associés, représentée par la SELARL Cabinet Griffiths, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de la société Ateliers Saint-Roch venant aux droits de la société Groupe ADN le versement de la somme de 6 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient qu'elle ne peut être tenue responsable d'aucune faute.

Par un mémoire en défense, enregistré le 25 janvier 2017, la société Sofresid Engineering, représentée par MeH..., conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de la société Ateliers Saint-Roch la somme de 6 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement attaqué n'est entaché d'aucune des irrégularités invoquées ;

- elle n'a commis aucune faute ;

- la requérante ne justifie d'aucun préjudice ; elle est intervenue moyennant un prix forfaitaire, sans référence à une quantité de travail.

Par un mémoire en défense, enregistré le 30 janvier 2017, la commune de Bayeux, représentée par MeE..., conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de la société Ateliers Saint-Roch la somme de 6 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- elle n'a commis aucun manquement à ses obligations ;

- contrairement à ce que soutient la requérante, la mission OPC a été confiée à la société Sofresid Engineering pour toute la durée des travaux ; les défaillances dans la direction des travaux, le pilotage, l'ordonnancement et la synthèse ne peuvent être imputées au maître d'ouvrage ;

- à titre subsidiaire, les préjudices invoqués par la requérante ne sont pas établis ; aucun préjudice allégué n'est en lien avec la faute alléguée à l'encontre de la maîtrise d'ouvrage. ;

- le quantum des surcoûts allégués n'est pas établi.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code civil ;

- le code des marchés publics ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Tiger-Winterhalter, présidente-assesseure ;

- les conclusions de M. Bréchot, rapporteur public ;

- et les observations de Me E...représentant la commune de Bayeux.

1. Dans le cadre du marché public de travaux de réalisation des espaces muséographiques du musée Baron Gérard de Bayeux, la société Groupe ADN s'est vue attribuer le lot n° 1 " Agencement et mobiliers muséographiques " pour un prix forfaitaire de

1 098 453,11 euros HT et une durée globale d'exécution de cinquante six semaines. Le poste " vitrines " de ce lot a été confié à la société Clicknetherfield, dans le cadre d'un contrat de sous-traitance. La mission de maîtrise d'oeuvre a été attribuée à un groupement conjoint d'entreprises composé notamment du cabinet d'architectes, Millet-Chilou et associés, mandataire solidaire du groupement, et de M. D...et MmeB..., intervenants en qualité d'architectes scénographes. La mission " ordonnancement - pilotage - coordination " (OPC) a été confiée à la société Sofresid Engineering. Par un ordre de service n°1 du 31 octobre 2011, le maître d'ouvrage a ordonné le démarrage des travaux à compter du 3 novembre 2011, la fin des travaux étant initialement prévue pour le 29 novembre 2012. Toutefois, le délai global d'exécution de cinquante six semaines n'ayant pu être respecté, la commune de Bayeux a pris un ordre de service le 28 novembre 2012 pour prolonger le délai d'exécution de trois mois et demi, soit jusqu'au 15 mars 2013. Les travaux ont effectivement été réceptionnés à cette date. La société Groupe ADN a alors adressé à la commune de Bayeux un projet de décompte final dans lequel elle a sollicité le paiement de la somme de 9 355,09 euros au titre des travaux supplémentaires qu'elle a réalisés, ainsi que le paiement de la somme de 192 823,04 euros au titre des préjudices qu'elle estimait avoir subis du fait de l'allongement de la durée du marché. Le 26 mars 2014, le maître d'ouvrage a notifié à la société Groupe ADN le décompte général, lui accordant le paiement des travaux supplémentaires mais lui refusant le paiement de la somme de

192 823,04 euros. La société Groupe ADN a alors refusé de signer le décompte général et a adressé un mémoire en réclamation au maître d'ouvrage, tendant au versement de la somme de 192 823,04 euros en réparation du préjudice subi du fait de l'allongement de la durée d'exécution des travaux de 3,5 mois et de la résorption par elle de 5 mois de retard de chantier en 3,5 mois. Cette demande a été rejetée le 5 juin 2014 par le maire de la commune de Bayeux. La société Groupe ADN a alors saisi le tribunal administratif de Caen d'une demande tendant à l'annulation de la décision du maire de la commune de Bayeux du 5 juin 2014 et à la condamnation solidaire de la commune de Bayeux, de la société Millet-Chilou et associés, de M. F...D...et Mme G...B...(A...) et de la société Sofresid Engineering à lui verser la somme de 192 823,04 euros HT au titre du préjudice subi du fait de l'allongement de la durée d'exécution des travaux. Par un jugement du 29 juin 2016, dont la société Ateliers Saint-Roch, venant aux droits de la société Groupe ADN, relève appel, le tribunal administratif de Caen a rejeté cette demande.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. En premier lieu, selon le premier alinéa de l'article R. 711-3 du code de justice administrative : " Si le jugement de l'affaire doit intervenir après le prononcé de conclusions du rapporteur public, les parties ou leurs mandataires sont mis en mesure de connaître, avant la tenue de l'audience, le sens de ces conclusions sur l'affaire qui les concerne.". La communication aux parties du sens des conclusions a pour objet de mettre les parties en mesure d'apprécier l'opportunité d'assister à l'audience publique, de préparer, le cas échéant, les observations orales qu'elles peuvent y présenter, après les conclusions du rapporteur public, à l'appui de leur argumentation écrite et d'envisager, si elles l'estiment utile, la production, après la séance publique, d'une note en délibéré. En conséquence, les parties ou leurs mandataires doivent être mis en mesure de connaître, dans un délai raisonnable avant l'audience, l'ensemble des éléments du dispositif de la décision que le rapporteur public compte proposer à la formation de jugement d'adopter, à l'exception de la réponse aux conclusions qui revêtent un caractère accessoire. Cette exigence s'impose à peine d'irrégularité de la décision rendue sur les conclusions du rapporteur public.

3. En l'espèce, la société Groupe ADN, aux droits de laquelle vient la société Ateliers Saint-Roch, a été mise en mesure de prendre connaissance du sens des conclusions du rapporteur public par la mise en ligne sur l'application " Sagace " de ces informations le 8 janvier 2016 à 10 h 15. Il ne ressort pas des pièces du dossier que ce délai n'aurait pas été suffisant pour lui permettre d'apprécier l'opportunité d'assister ou de se faire représenter à l'audience publique qui s'est tenue le lendemain à 9 heures 30, d'y présenter des observations orales à l'appui de son argumentation écrite et, le cas échéant, de produire une note en délibéré, la circonstance qu'une grève nationale des transports ferroviaires et aériens rendait les déplacements difficiles étant à cet égard sans incidence.

4. En second lieu selon l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés ". Le jugement attaqué, après avoir écarté toute responsabilité du maître d'ouvrage, détaille les fautes respectives de la maîtrise d'oeuvre, de la société chargée de la mission " ordonnancement - pilotage - coordination " et de la société requérante elle-même, puis, en son point 13, retient que la seule circonstance que le volume horaire de main d'oeuvre initialement estimé par la société Groupe ADN lors de la présentation de son offre ait été dépassé n'est pas de nature à établir un préjudice imputable au retard dans la réalisation globale des travaux et que les coûts supplémentaires de logistiques allégués n'étaient pas davantage établis par la seule augmentation du délai global d'exécution du marché. Enfin, le jugement mentionne que si les périodes prévisibles de présence sur le chantier de la société Groupe ADN ont été modifiées, il ne résulte pas de l'instruction que ce seul décalage aurait entrainé les surcoûts que fait valoir la société requérante. Dans ces conditions, le jugement statue de façon suffisamment motivée sur l'absence de lien de causalité entre les surcoûts dont se prévaut la requérante et les fautes commises par la maîtrise d'oeuvre et le titulaire de la mission OPC.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

En ce qui concerne l'existence d'une faute contractuelle du maître d'ouvrage :

5. Les difficultés rencontrées dans l'exécution d'un marché à forfait ne peuvent ouvrir droit à indemnité au profit de l'entreprise titulaire du marché que dans la mesure où celle-ci justifie soit que ces difficultés trouvent leur origine dans des sujétions imprévues ayant eu pour effet de bouleverser l'économie du contrat, soit qu'elles sont imputables à une faute de la personne publique commise notamment dans l'exercice de ses pouvoirs de contrôle et de direction du marché, dans l'estimation de ses besoins, dans la conception même du marché ou dans sa mise en oeuvre, en particulier dans le cas où plusieurs cocontractants participent à la réalisation de travaux publics.

6. La commune de Bayeux, maître d'ouvrage, a confié la mission " ordonnancement - pilotage - coordination " (OPC) à la société Sofresid Engineering. Il résulte de l'instruction, notamment des stipulations des articles B et B2 du cahier des clauses techniques particulières (CCTP) relatif à la mission OPC et de la note méthodologique jointe à l'offre de la société Sofresid Engineering, que cette mission incluait la partie muséographie. Le contenu exact de la mission OPC ainsi que la répartition des tâches avec la maîtrise d'oeuvre ont été précisées aux articles B et B2 du CCTP tandis que les délais requis pour l'établissement des calendriers prévus au programme de la mission ont été fixés par l'article 4 du cahier des clauses administratives particulières (CCAP). Ainsi, contrairement à ce que soutient la société Ateliers Saint-Roch, la mission et le périmètre d'intervention de l'OPC étaient précisément définis dès le début du chantier, l'avenant du 20 mars 2012 ayant pour seul objet de prolonger la mission OPC, compte tenu des retards survenus en cours de chantier. Ainsi la requérante, qui se borne à prétendre que la commune maître d'ouvrage aurait tardé à désigner un coordinateur du chantier notamment pour sa partie muséographie, n'est pas fondée à reprocher à celle-ci une faute dans l'exercice de ses pouvoirs de contrôle et de direction du marché. Par conséquent, aucune faute du maître d'ouvrage susceptible d'engager sa responsabilité contractuelle n'est établie.

En ce qui concerne la responsabilité quasi-délictuelle de la maîtrise d'oeuvre et du titulaire de la mission OPC à l'égard de la société requérante :

7. Dans le cadre d'une action tendant à l'indemnisation des préjudices qu'il soutient avoir subis dans le cadre de l'exécution d'un marché relatif à des travaux publics, le titulaire du marché peut rechercher, outre la responsabilité contractuelle du maître d'ouvrage, la responsabilité quasi-délictuelle des autres participants à cette même opération avec lesquels il n'est lié par aucun contrat de droit privé, en se prévalant notamment des manquements commis par ces derniers à leurs obligations à l'égard du maître d'ouvrage, à condition d'établir que ces manquements sont directement à l'origine des préjudices dont il demande réparation.

8. En premier lieu, et ainsi qu'il a été dit au point 1, la mission de maîtrise d'oeuvre a été attribuée à un groupement conjoint d'entreprises dont la société cabinet d'architectes, Millet-Chilou et associés était mandataire solidaire. Il résulte de l'instruction, notamment de divers comptes rendus de chantier, que la société Millet-Chilou et associés a transmis avec retard les plans ateliers ainsi que les plans récapitulatifs des surcharges des dalles et planchers de l'entreprise chargée du lot n° 2 bâtiments et a par conséquent failli dans l'exercice de sa mission de maîtrise d'oeuvre.

9. En deuxième lieu, selon l'article 4.1 du cahier des clauses techniques particulières : " Avant de commencer un travail, l'entreprise devra s'assurer sur place de la possibilité de suivre les cotes ou indications des plans. En cas de doute, il devra prévenir le maître d'oeuvre. De même, lorsque les ouvrages sont le complément d'un travail fait par un autre corps d'état et que ces ouvrages ne sont pas conformes aux indications prévues, il devra en aviser le maître d'oeuvre, faute de quoi, il restera responsable des erreurs dans l'ouvrage exécuté ". Or, il ne résulte pas de l'instruction que la société Groupe ADN, à qui il incombait de relever les cotes pour l'installation des équipements muséographiques, ait signalé à la société Le Conte-B... les difficultés auxquelles elle affirme avoir été confrontée pour réaliser les cotes sur site dans le cadre d'un chantier en cours, alors que notamment les garde-corps n'avaient pas encore été posés. Ainsi, la société requérante n'est pas fondée à reprocher à la société Le Conte-B... d'avoir validé les plans d'exécution (EXE), sans que les travaux de bâtiment soient achevés, sur la base des cotes fournies par la société Groupe ADN. Il s'ensuit que la responsabilité quasi-délictuelle de la société Le Conte-B... à l'égard de la société Groupe ADN aux droits de laquelle est venue la société Ateliers Saint-Roch ne saurait être engagée.

10. En troisième lieu, il résulte de l'instruction que la société Sofresid Engineering a tardé à mettre à jour les plannings recalés, tenant compte des retards survenus dans le déroulement du chantier et a ainsi été défaillante dans la réalisation de sa mission d'ordonnancement, de pilotage et de coordination des travaux.

En ce qui concerne la faute de la société Groupe ADN :

11. Il résulte de l'instruction que la société Groupe ADN a elle-même commis une faute en décidant de retirer ses équipes du chantier au mois d'octobre 2012 et en suspendant l'exécution de sa propre prestation pendant un mois, alors qu'il ne résulte aucunement de l'instruction que tous les espaces étaient occupés à ce moment là par d'autres entreprises et que l'intervention de la société Groupe ADN en aurait été empêchée. Par ailleurs, cette société a tardé à produire son planning d'exécution et ne l'a fait qu'après une mise en demeure en ce sens. En revanche il ne peut lui être reproché de retard dans la livraison et la pose des vitrines, ces retards étant eux-mêmes consécutifs au retard pris par les autres intervenants sur le chantier. Il ne saurait par ailleurs lui être fait grief d'avoir réalisé les peintures des cimaises de la salle 1830 en mars 2013, cette intervention ayant été rendue nécessaire du fait des craquelures apparues dans la peinture initialement réalisée fin 2012 à la demande expresse de la société Sofresid Engineering alors que la requérante avait mis en garde cette dernière sur les risques liés à une intervention dans une salle non chauffée.

En ce qui concerne le préjudice :

12. La société Ateliers Saint-Roch fait valoir que compte-tenu de l'allongement de la durée du chantier et des difficultés rencontrées en cours d'exécution elle a dû consacrer 13 866 heures de travail pour réaliser la mission qui lui était confiée, alors que son offre prévoyait 8 755 heures de travail, et a ainsi accompli en sus de ce qui était initialement prévu 706 heures d'études, 3 256 heures de fabrication et 1 149 heures de montage supplémentaires, auxquelles s'ajoutent des coûts supplémentaires de transports, de suivi du chantier et de suivi administratif et commercial. Toutefois, si la société requérante verse au dossier un état précis des frais qu'elle a engagés pour la réalisation de son marché, les éléments produits ne permettent pas d'établir que les frais supplémentaires engagés seraient la conséquence des fautes quasi-délictuelles commises par les sociétés Millet-Chilou et Sofresid Engineering, alors par ailleurs que la société Groupe ADN a elle-même contribué, du fait de ses défaillances relevées au point 11, à l'allongement de la durée du chantier, dont elle a d'ailleurs été absente durant le mois d'octobre 2012. Dans ces conditions, l'existence d'un lien de causalité entre les frais supplémentaires dont la société requérante sollicite l'indemnisation et les fautes commises par les sociétés Millet-Chilou et Sofresid Engineering n'est pas établie.

13. Il résulte de tout ce qui précède que la société Ateliers Saint-Roch n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande.

Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

14. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme quelconque soit versée à la société Ateliers Saint-Roch au titre de ces dispositions. En revanche, il y a lieu de mettre à la charge de cette société, partie perdante en la présente instance, le versement à la société Millet-Chilou et associés, à la commune de Bayeux, à la société Sofresid Engineering et à M. D... et Mme B..., de la somme de 1 000 euros chacun au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de la société Ateliers Saint-Roch est rejetée.

Article 2 : La société Ateliers Saint-Roch versera respectivement à la société Millet-Chilou et associés, à la commune de Bayeux, à la société Sofresid Engineering et à M. D... et Mme B..., la somme de 1 000 euros chacun au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société Ateliers Saint-Roch, à la commune de Bayeux, à la société Millet-Chilou et associés, à M. F... D..., à Mme G... B...et à la société Sofresid Engineering.

Délibéré après l'audience du 22 mai 2018, à laquelle siégeaient :

- M. Lainé, président de chambre,

- Mme Tiger-Winterhalter, présidente assesseure,

- Mme Rimeu, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 8 juin 2018.

La rapporteure,

N. TIGER-WINTERHALTERLe président,

L. LAINÉ

La greffière,

V. DESBOUILLONS

La République mande et ordonne au préfet du Calvados en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N°16NT03084 2

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 16NT03084
Date de la décision : 08/06/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. LAINE
Rapporteur ?: Mme Nathalie TIGER-WINTERHALTER
Rapporteur public ?: M. BRECHOT
Avocat(s) : CABINET COULOMBIE GRAS CRETIN BECQUEVORT ROSIER SOLAND

Origine de la décision
Date de l'import : 19/06/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2018-06-08;16nt03084 ?
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